1978 : l’année où les dieux du football sont tombés sur la tête

En 1980, Jamie Uys réalisait un film botswanais et sud-africain intitulé Les dieux sont tombés sur la tête.

Ce titre incite à se demander s’il y eut effectivement une année où les dieux du football sont tombés sur la tête. J’avance l‘hypothèse que cela a été le cas en 1978.

Tout d’abord, le champion de France 1978 a été Monaco alors qu’il remontait tout juste de seconde division, ce qui est un exploit qui n’a jamais été reproduit depuis. De plus, le troisième de cette saison en D1 était Strasbourg, qui venait lui aussi d’accéder en première division et qui sera ensuite champion de France pour la seule fois de son histoire lors de la saison suivante en 1978-1979 (impliquant donc que toute son année 1978 a été très bonne en championnat). Il est aussi intriguant de constater que le meilleur buteur du championnat français 1977-1978 est un joueur du PSG pour la toute première fois, en l‘occurrence Carlos Bianchi avec 37 buts. Un autre club parisien, le Paris FC, se distingue également en accédant pour la dernière fois de son histoire en D1 pour la saison 1978-1979, après avoir fini deuxième du groupe B de D2 puis éliminé Besançon en barrages lors de la saison 1977-1978 (la saison 1978-1979 est également jusqu’à présent la dernière saison jouée par le PFC en première division nationale car il fut relégué en D2 à la fin de cette saison). La deuxième partie de l’année 1978 voit également Gueugnon briller de mille feux à tel point que ce club de Saône-et-Loire remporte le groupe A de D2 lors de la saison 1978-1979 et gagne donc sur le terrain le droit de jouer en D1 pour la toute première fois de son histoire. De façon extraordinaire, Gueugnon ne sera pas autorisé de jouer en première division car ses dirigeants refuseront de passer pro. Je vous ai bien dit que l’année 1978 a accouché de faits étranges ! L’équipe de France n’est pas en reste car elle gagne 1-0 contre le Brésil en match amical le 1er avril 1978, ce qui constitue une bonne blague car il semblerait que c’est la toute première victoire des Bleus contre les Auriverdes.

Les dieux du football sont également tombés sur la tête en Angleterre, étant donné que le champion 1977-1978, le Nottingham Forest de Brian Clough, venait lui aussi tout juste d’accéder à la premier division cette saison-là. L’Italie n’est pas en reste avec le petit club de Vicenza, tout juste promu de Serie B, qui finit deuxième de la Serie A 1977-1978 derrière la Juve et qui voit son avant-centre, Paolo Rossi, remporter le titre du meilleur buteur avec 24 buts. La Bundesliga 1977-1978 décide, quant à elle, de sacrer le club de Cologne, ce qui constitue son dernier titre de champion d’Allemagne jusqu’à présent. Cette compétition va même voir les noms Müller-Müller s’afficher pour le concours du meilleur buteur, puisque Dieter Müller de Cologne et Gerd Müller du Bayern marqueront tous les deux 24 buts. Müller-Müller au pays de Baden-Baden, est-ce bien raisonnable- raisonnable ? En ce qui concerne l’Espagne, celui qui fut élu meilleur joueur étranger du championnat en 1978 n’était pas le triple ballon d’or Cruyff du Barça ou El Matador Kempes de Valence mais plutôt le Portugais Joao Alves qui participait à la Liga avec le petit club de Salamanque. La folie gagna également la Tchécoslovaquie en 1978, en sacrant champion le club du FC Zbrojovka Brno pour la première et dernière fois de son histoire.

En ce qui concerne les coupes d’Europe 1977-1978, il me semble que la Belgique voit pour la dernière fois deux de ses clubs disputer des finales : Anderlecht gagne magistralement la C2 tandis que Bruges tombe en finale de C1 contre Liverpool, qui remporte alors sa deuxième Coupe d’Europe des Clubs Champions consécutive après celle de 1976-1977. Un fait assez rare se produit ensuite en septembre 1978 avec deux clubs anglais qui s’affrontent en C1 : Liverpool, en tant que tenant du titre, et Nottingham en tant que champion d’Angleterre (seuls les champions nationaux et le tenant du titre pouvaient jouer la coupe d’Europe des clubs champions à l’époque). Liverpool est éliminé, ce qui brise les séries de trois victoires consécutives en Coupe d’Europe des Clubs Champions commencées avec l’Ajax en 1971, 1972 et 1973 puis poursuivies par le Bayern en 1974, 1975 et 1976. Le grand Dynamo Kiev du Ballon d’Or 1975,  Blokhine, et du maître Lobanovskyi sera lui aussi éliminé en Novembre 1978, mais par le petit club suédois de Malmö, qui affrontera ensuite Nottingham Forest pour une finale inédite de la C1 1978-1979. Cependant, la plus grosse surprise de l’année 1978 est l’extraordinaire parcours européen de Bastia en C3 : élimination du Sporting Portugal, Newcastle et le Torino en 1977, puis de Carl Zeiss Iena et les Grasshoppers en 1978 pour atteindre la finale contre le PSV Eindhoven. Et là, les dieux du football ont encore frappé car un déluge s’est abattu sur le stade de Furiani le jour du match aller, avec l’arbitre qui autorise quand même le déroulement de la partie sur un terrain impraticable !  Ce match se finit par un 0-0 et le PSV gagnera ensuite le retour 3-0 pour s’adjuger cette coupe UEFA.

Et la coupe Intercontinentale qui voit le champion d’Europe affronter le vainqueur de la Copa Libertadores ? Vous n’allez pas me croire mais 1978 est la seule année avec 1975 où cette compétition n’a pas eu lieu, car Liverpool a refusé d’y participer !

1978 est aussi l’année d’une Coupe du monde. Les dieux du football ont encore frappé à cette occasion. Par exemple, l’arbitre Clive Thomas siffle la fin du match Brésil-Suède entre le moment où Nelinho titre un corner pour le Brésil et où Zico marque de la tête sur ce corner. Le but est refusé ! Cette Coupe du monde 1978 verra aussi Bernard Lacombe marquer contre l’Italie après 30 secondes, ce qui sera le but le plus rapide des coupes du monde à l’époque, ainsi que l’équipe de France jouer avec des maillots de pêcheurs argentins contre la Hongrie. Le miracle de Córdoba se produit également pendant cette Coupe du monde, qui voit l’Autriche battre l’Allemagne pour la toute première fois depuis 47 ans.

Quid du Ballon d’Or en 1978 ? Tenez-vous bien : c’est la seule fois de l’histoire de ce trophée qu’il revient à un joueur qui n’a pas disputé la Coupe du monde l’année d’une Coupe du monde. En effet, l’Anglais Kevin Keegan le remporte alors que l’Angleterre n’était pas qualifiée pour la coupe du monde 1978 (à noter que Benzema a gagné le Ballon d’Or 2022 avant que la Coupe du monde 2022 n’ait lieu, au contraire de tous les autres vainqueurs du ballon d’or l’année d’une coupe du monde). Les dieux du football sont vraiment tombés sur la tête en 1978 !

21 réflexions sur « 1978 : l’année où les dieux du football sont tombés sur la tête »

  1. Et Lens qui finit 18e de D1 en 1977-1978 et est donc relégué en D2, après avoir terminé deuxième de D1 la saison d’avant et d’avoir mis un 6-0 à la Lazio en coupe d’Europe en Novembre 1977 ? Et le pape Jean-Paul I qui meurt après seulement 33 jours de règne en Septembre 1978 ? On ne peut pas compter sur toi pour rappeler toutes les choses importantes. Pour la peine pas de +1.

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  2. Merci Sindelar, article très sympa à lire.
    A propos du boycott de la Coupe Intercontinentale 1978 par Liverpool, quelques éléments complémentaires. Après la scandaleuse édition de 1969 et l’agression des joueurs de Milan à la Bombonera par les joueurs d’Estudiantes, les Européens rechignent à aller jouer en Amsud. En 1971, l’Ajax se désiste au profit du Pana, finaliste de la C1. Les Néerlandais gagnent l’épreuve en 1972 mais l’aller en Argentine les incite à renoncer à l’édition 1973 (la Juve les remplace pour une finale sur un match exceptionnellement). En 1975, le Bayern prétexte un problème de calendrier pour ne pas se rendre en Argentine et Leeds ne le remplace pas, le titre n’est pas attribué. En 1977, M’Gladbach remplace Liverpool. Mais en 1978, en l’absence des Scouses, Boca, vainqueur de Libertadores, refuse de jouer contre le FC Bruges et le titre reste donc vacant. En 1979, Nottingham se défile et Malmö s’y colle.
    A partir de 1980, le format change : finale sur un match sur terrain neutre, à Tokyo, et les Européens reviennent systématiquement jouer l’épreuve.

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  3. À la décharge de Boca, ils avait fait la leçon à Gladbach l’année précédente (2-2 à Buenos Aires, 3-0 à Karlsruhe) et pouvaient légitimement exiger de jouer contre le vrai champion d’Europe, histoire de prouver qui était le patron. Je n’aurais pas misé à coup sûr sur les Reds sur ce match, malgré leur niveau exceptionnel ces années-là.

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    1. Tu as raison de le rappeler. 1978 est vraiment bizarre car cela doit être la seule année où un Autrichien est monté sur le podium du ballon d’or (Krankl, deuxième en 1978). Vraiment une année surprenante 🙂 Plus sérieusement, ce Krankl était vraiment quelque chose.

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      1. Krankl, le joueur qui s’est permis de refuser le Milan AC tout de même. Sacré attaquant en effet.

        Le bonhomme a ses défauts (n’a pas vraiment été un grand entraîneur, par exemple), mais comme un Prohaska, c’est plutôt une personnalité sympathique.

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      2. Polster.
        Krankl ne voulait plus d’expérience à l’etranger apres sa fin d’expérience compliquée au Barça?

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      3. Par la suite, il a dit que cette décision avait été une erreur. Il avait à peine 28 ans.

        Je ne connais pas exactement ses motivations à l’époque. Peut-être a t-il céder à une certaine facilité. Le joueur autrichien de la seconde République ne s’exporte pas toujours très bien. Il aime son petit confort.

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      4. Bon, le Milan du début des 80es, c’est pas folichon, je comprends qu’il ait refusé.

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  4. Merci pour l’article qui est super sympa.
    Par contre, chez nos voisins belges, il n’y a pas le FC Malines qui ira en finale de Coupe des Coupes ou d’UEFA quelques années plus tard?
    Nottingham Forest: le club qui a remporté plus de C1 que de championnat de D1 en Angleterre, est aussi celui qui voit un de ses joueurs issu des (ex-)colonies sélectionné en équipe d’Angleterre.
    Le FC Gueugnon: le club que je haïssais parce que c’était un concurrent du FC Rouen mais les diables rouges les battront en barrage pour leur avant-dernière montée en D1 (2 poules en D2 qui n’étaient plus géographiques je crois?).
    L’épopée de Bastia qui jouera son dernier match de championnat à Diochon, la météo ayant posé des problèmes (ce n’était pas 74 mais c’était presque aussi humide sur une plus longue période) sur le calendrier.
    Quant à Lens, le 6:0 après prolongation à l’époque contre un club italien (et Bastia qui bat deux fois Torino), quel exploit! C’était à la TV.

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    1. Malines a carrément gagné la C2 en 1988 contre l’Ajax à la Meinau. Le 6-0 de Lens, c’était contre la Lazio, un souvenir grandiose. Quant au 3-2 de Bastia contre le Torino au Stadio Comunale, avec la neige à peine déblayée derrière les buts et les immortels gants rouges de Merry Krimau, il mériterait un article entier.

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      1. Surtout que c’était le Torino champion en 76 et second en 77 après un mano à mano étouffant avec la Juve. Toujours eu beaucoup d’affection pour ce Toro, celui de Pulici et Graziani.

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  5. Je ne sais pas si c’était vraiment une année « la tête à l’envers ».. ou plutôt la manifestation (depuis lors consommée) de la fin d’une époque?

    C’est que, si l’on s’attarde sur des clubs promus faisant dans la foulée des miracles : ben ç’avait été relativement banal, au fond (rien qu’en Angleterre, au cours de la génération précédant 78 : Tottenham, Ipswich, Leeds..). La densité résiduelle d’alors n’avait rien à voir avec la concentration mortifère qui a cours depuis déjà plusieurs décennies, écarts structurels ténus.. Une bonne gestion, une bonne dynamique………..et des coups superbes (aujourd’hui rendus inenvisageables) n’avaient rien de bien extravagant.

    Des Anglais de grande classe évoluant en D2 anglaise : c’était possible encore!

    Des internationaux de premier rang évoluant en D3 (Vereyhen en Belgique, par exemple) : idem!

    Je crois décidément que c’est l’aridité du présent footballistique qui rend son passé si affolant.

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    1. De mon point de vue, honnêtement, le fait que des grands talents évoluent dans les divisions inférieures est un gâchis. La situation actuelle n’est bien évidemment pas parfaite : les talents se concentrent en majorité dans quelques ligues nationales de haut niveau. On en parlait il y a une semaine ou deux dans un article proposant un nouveau format pour la Ligue 1 : je pense que la Super Ligue européenne (inévitable) améliorera la situation. Des grandes villes aujourd’hui confinées à de petites ligues nationales (Vienne, Prague, Varsovie, Budapest, Bruxelles, Glasgow, Athènes… Zürich ?) auront leurs équipes, la répartition des capitaux vers tous ces nouveaux « gros » clubs (plus peut-être une limite d’effectif à 35 ou 40 pros à la manière de la NFL, ce qui ne serait pas une mauvaise idée) brassera aussi les talents… Quant aux épopées des « petits », si l’UEFA a le bon sens d’adjoindre à la Super Ligue une Europa Cup largement ouverte, on en aura toujours… un niveau au-dessus : les héros seront, par exemple, l’Eintracht Francfort ou l’Atalanta Bergame. Au final, la qualité du spectacle devrait s’améliorer.

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      1. Je suis, moi aussi, plutôt pour cette SuperLeague. Mais juste pour mettre un terme à l’actuelle mascarade qui ne dit pas son nom.

        Par contre, des effectifs de 35-40 joueurs pros? C’est ma foi l’un de ces moult détails qui ont mené à la misère actuelle, cette concentration/hyper-concurrence de talents au sein d’une grosse poignée d’institutions, héritée de la culture d’entreprise.. Ce qu’à certains égards firent jadis le Milan en laissant moisir de semaine en semaine, mid-90’s, 2 voire 3 étrangers de grande classe en tribunes.. ou Anderlecht et sa bonne vingtaine d’internationaux, même époque.. Quel gâchis, que de talents rongés sur le banc.

        Ce n’est évidemment pas allé en s’améliorant : dizaines de joueurs de qualité mais surnuméraires, placés rien que par des United, Chelsea..rien que dans des clubs satellisés tels Antwerp (United y plaça plus de 100 joueurs..quand j’en cessai le décompte!), Alkmaar (2 finalistes de CE, l’air de rien).. Talents cramés par centaines, car partis trop tôt dans des effectifs gargantuesques..

        J’ignore si c’est juridiquement possible (politiquement, je crains que ce ne soit impossible et, surtout, non-désiré dans l’espace européen), mais je crois que réduire les effectifs pros à une grosse vingtaine de joueurs professionnels (ce qui est déjà beaucoup par rapport à un passé pas si lointain!) serait déjà un pas dans la bonne direction – du reste, quelle structure bien administrée requiert 4 fois plus de professionnels (pour l’heure une cinquantaine à Man United?) là où il n’y a au fond que 11 postes à la fois et deux prestations hebdomadaires à pourvoir?

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  6. Oh purée
    J’avais un an en 78, donc bon, rien à dire

    Mais les « Dieux sont tombés sur la tête », avec la bouteille de Coca qui tombe d’un avion et bouleverse une tribu Bushmen …
    Avec des gags sûrement pas très fins
    Mais je me rappelle que, petit, j’ai ri à saoûl

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