
A ma gauche, l’Angleterre féminine championne d’Europe 2022 et qui vient de gagner ses 14 derniers matches. A ma droite, les États-Unis féminins, doubles champions du monde 2015 et 2019 et qui sont sur une série de 13 victoires de suite avec 52 buts marqués pour seulement deux encaissés. Cette rencontre de prestige se déroule à Wembley le 7 octobre 2022 et accueille 76 893 spectateurs.
Les deux équipes entrent sur le terrain sous les vivats de la foule. Elles se réunissent tout d’abord pour une photo commune sous une bannière où il est écrit « Protect the Players » ; ceci afin de lutter contre les abus sexuels dont certaines joueuses de la ligue NWSL américaine ont été victimes. Cette bannière, ainsi que les brassards portés par les joueuses des deux équipes, sont de couleur bleu sarcelle (teal en anglais).
Jetons un coup d’oeil sur la composition de l’équipe anglaise concoctée par la coach Sarina Wiegman, qui sera sûrement élue entraîneuse de l’année et qui a donc remporté l’Euro 2022 avec l’Angleterre (cinq ans après avoir conquis ce titre avec les Pays-Bas) : Earps, Bronze, Bright, Greenwood, Daly, Walsh, Stanway, Kirby, Kelly, Hemp et Mead. C’est donc la même équipe que lors de la finale de l’Euro féminin 2022 à deux exceptions. La capitaine Williamson a dû déclarer forfait et a été remplacée par Greenwood (le brassard revient alors à Milly Bright). La sympathique Ellen White a pris sa retraite et sa remplaçante naturelle, Alessia Russo (excellente à l’Euro), est également blessée. Wiegman a donc décidé de titulariser Chloe Kelly en attaquante gauche et de faire glisser Lauren Hemp au centre de l’attaque.
Quant à l’équipe des États-Unis, le successeur de la grandiose Jill Ellis (double championne du monde, comme Vittorio Pozzo avec l’équipe d’Italie masculine 1934 et 1938), Vlatko Andonosvki, ne semble pas encore avoir trouvé son onze type. Ceci est dû au fait qu’il doit maintenant choisir entre celles qui sont couvertes de titres, mais qui ont seulement obtenu une troisième place aux JO de l’année dernière, et une génération très prometteuse. Pour ce match contre l’Angleterre, il choisit la composition de départ suivante : Naeher, Huerta, Girma, Cook, Fox, Sullivan, Lavelle, Horan, Rodman, Smith et Rapinoe. La gardienne Naeher est donc expérimentée, au contraire de toute la défense. Le milieu de terrain a deux joueuses (Lavelle et Horan) qui assurent la transition entre les deux générations auxquelles s’ajoutent Sullivan qui est la plus défensive des trois. L’attaque est inédite car c’est la première fois que Trinity Rodman (la fille du basketteur Dennis Rodman) est titularisée et Megan Rapinoe est maintenant plutôt considérée comme une remplaçante avec un rôle de grande sœur des autres joueuses. Il manque surtout la Lyonnaise Macario ainsi qu’Alex Morgan, qui est blessée mais qui n’a pas pu s’empêcher de rappeler avant le match la célébration de son but contre l’Angleterre en coupe du monde 2019, en faisant semblant de déguster du thé. Vlatko Andonosvki a donc décidé de placer la nouvelle merveille de l’équipe des USA, Sophia Smith, au poste d’avant-centre alors qu’elle joue généralement sur les ailes. Seulement trois joueuses des USA (Naeher, Lavelle et Horan) contre cinq de l’Angleterre (Bronze, Bright, Daly, Walsh et Mead) ont participé à la demi-finale de la coupe du monde 2019 gagnée 2-1 par les USA.
Plusieurs questions se posent. Que va faire Sophia Smith, première joueuse née dans les années 2000 à porter le maillot des USA, contre Milly Bright qui est au football féminin ce que Desailly était au football masculin : un roc difficilement franchissable ? Beau duel en perspective également entre le Ballon d’Or 2019 (Megan Rapinoe) et sa dauphine (Lucy Bronze). Quel duo va prévaloir au milieu : celui des USA avec Rose Lavelle (troisième meilleure joueuse de la coupe du monde 2019) et la capitaine du jour Lindsey Horan dont la musculature et condition physique font penser au joueur allemand des années 80, Hans-Peter Briegel ? Ou plutôt celui des Lionnes avec Georgia Stanway (qui comme Owen Hargreaves jadis joua au Bayern et en équipe d’Angleterre) et surtout la géniale Keira Walsh qui a du Pirlo dans les jambes et la tête ?
Le match commence très fort. Sophia Smith s’enfuit à gauche dès la première minute mais son tir est arrêté par la gardienne Earps qui est là pour mettre de l’ordre. L’Anglaise Mead, meilleure joueuse et buteuse du dernier Euro, réplique dès la quatrième minute par un tir qui passe à côté. Pas de temps mort dans ce début de rencontre avec Mead qui s’échappe ensuite à la neuvième minute sur la droite avant de centrer. Tacle raté de Cook qui ralentit la balle que n’a plus qu’à pousser Hemp pour le premier but anglais. Il va être intéressant de voir la réaction des USA car c’est la première fois qu’ils sont menés au score depuis 21 rencontres. Mais ce sont les Anglaises qui ont la maîtrise du jeu avec une Walsh royale au milieu. Pour compliquer la tâche, l’Américaine Emily Fox doit sortir rapidement après avoir reçu le bras de Stanway dans la figure et est remplacée par Hailie Mace qui connaît sa sixième sélection seulement. Cependant, Horan récupère à la 27e minute un ballon dans les pieds de Stanway et lance Sophia Smith qui se retourne très vite et marque d’un beau tir croisé. 1-1. Beaucoup d’attaques de part et d’autre ensuite et jusqu’à la 30e minute quand Lucy Bronze s’écroule dans la surface américaine. Le jeu continue pendant environ deux minutes avec une belle combinaison Lavelle-Smith puis soudain l’arbitre allemande, Riem Hussein, arrête le match pour aller voir la VAR. Lucy Bronze avait en fait reçu un pied dans la figure de la rentrante Mace. Penalty ! La gardienne Naeher va-t-elle refaire le coup de la demi-finale de la coupe du monde 2019 en arrêtant le penalty anglais ? Que nenni. Stanway le tire très bien à gauche de la gardienne américaine qui était partie sur la droite. L’Angleterre reprend l’avantage. Trois minutes plus tard, Sophia Smith, qui est très remuante, fixe Bright sur la droite, centre pour Rapinoe qui effleure la balle d’une talonnade subtile pour décaler Rodman. Contrôle de cette dernière et but. Magnifique ! Quelle rencontre ! Stupeur des États-Unis quelques minutes plus tard. L’arbitre arrête encore le match et annule ce but américain pour un hors-jeu de Sophia Smith qui doit se jouer dans le meilleur des cas non pas aux centimètres mais aux micromètres. Le score revient donc à 2-1 pour l’Angleterre et en restera là jusqu’à la fin malgré plusieurs occasions (11 tirs du côté anglais contre 10 pour les Américaines) et un penalty d’abord accordé aux USA à la 80e minute puis encore annulé par la VAR. L’arbitre avait en effet pensé que Laura Hemp avait touché de la main un tir de Rose Lavelle dans sa surface alors que le ballon avait heurté son derrière / « bottom ».

Parlons plutôt des remplacements qui ont eu lieu en deuxième mi-temps. Du côté anglais, Ella Toone a pris la place d’une Kirby globalement décevante à la 62e minute, alors que Lauren James a connu sa deuxième sélection en fin de rencontre en remplaçant Kelly (qui avait célébré son but en finale de l’Euro en enlevant son maillot) sous les applaudissements de la foule. Lauren James est la sœur de Reece James qui joue également en équipe d’Angleterre et à Chelsea mais chez les hommes. À la 62e minute, Crystal Dunn (probablement la meilleure arrière gauche du monde) a rejoué pour la première fois avec les USA depuis sa grossesse et son accouchement, en entrant à la place de Huerta, Sam Coffey a essayé de réveiller l’équipe quand elle a remplacé Sullivan, et trois changements sont arrivés à la 83e minute : la très technique Ashley Sanchez a pris la place de Rodman tandis que la capitaine habituelle, Becky Sauerbrunn, a honoré sa 209e sélection en remplaçant Girma et a tout de suite fait regretter, par ses tacles et récupérations, le fait qu’elle n’ait pas débuté le match. Quant à la dernière remplaçante, elle a 17 ans et a pris la place de son idole âgée maintenant de 37 ans, Rapinoe. Elle s’appelle Alyssa Thompson et a alors connu sa toute première sélection. Cette joueuse est encore au lycée et n’est pas professionnelle. Elle a marqué 48 buts en 18 rencontres avec son lycée l’année dernière et joue maintenant dans une ligue de moins de 19 ans où elle est la seule fille ! L’université prestigieuse de Stanford a déjà accepté Thompson dans son programme pour l’année prochaine (programme dont sortent des championnes du monde comme Julie Foudy, Kelley O’Hara, Christen Press et Tierna Davidson).
Et avec tout cela, qui a été élue la meilleure joueuse du match ? Mon chouchou bien sûr, Sophia Smith, bien que Keira Walsh ait encore fait une prestation exemplaire comme lors de la finale de l’Euro où elle avait été élue MVP. De façon surprenante, ni Sophia Smith et ni Keira Walsh ne figurent dans la liste des 20 nominées pour le Ballon d’Or féminin de cette année.
Merci mesdames et mesdemoiselles pour une nouvelle belle soirée, ce fut un plaisir de vous regarder jouer. Vivement la coupe du monde 2023 aux pays des kangourous et des kiwis !

Merci Sindelar. Y a-t-il eu remise d’un trophée, à l’image de l’épisodique et aléatoire Coupe intercontinentale des nations entre le Champion d’Europe et le Champion d’Amsud ?
Bonjour Verano. Il n’y a pas eu de remise de trophée car c’était seulement un match amical. Cela serait sympa de faire le genre de trophée dont tu parles. Je me rappelle de France-Uruguay en 1985 avec José Touré qui avait mis un but.
Gracias. Oui, c’était la première fois que je voyais jouer Francescoli.
Suis un philistin absolu en football féminin, alors je me posais une question proche de celle de Verano : les Etats-Unis sont-ils aussi champions de la CONCACAF ? Y a-t-il, chez les femmes, l’équivalent de la Gold Cup ?
Et les Sud-Américaines, que valent-elles ? Je crois me souvenirs que les Brésiliennes étaient assez fortes dans les années 2000. Mais l’Argentine ? L’Uruguay ? La Colombie ? Ça vaut quoi ?
Très bonne question. Les États-Unis ont aussi gagné la coupe concacaf cette année en battant le Canada (champion olympique et qui avait éliminé les USA en demi-finale des JO l’année dernière) en finale 1-0 (but d’Alex Morgan sur penalty). Cela fait la 9ieme concacaf gagnée par les USA sur 10 éditions. Cette année, Haïti avait une superbe joueuse (Dumournay qui joue à Reims) et ma Sophia a fait cela contre la Jamaïque:
https://m.youtube.com/watch?v=1sqEvQUv0c4
Il y a eu aussi la Copa America cette année. Le Brésil (de loin la meilleure équipe sud-américaine) a battu la Colombie en finale. Argentine en demi-finale si je me rappelle bien. Le Chili a la particularité d’avoir Endler qui est probablement la meilleure gardienne du monde.
(Je crois que Sindelar a 6 heures de décalage avec nous. Là, il doit être en train de dormir. Faudra pas attendre des réponses avant cet après-midi… Hihihi !)
Il y a en effet l’océan Atlantique qui nous sépare ..
Merci! Trinity Rodman et son pere ont l’air d’avoir une relation proche, non? Denis vient il souvent aux matchs?
Et sinon, quand on voit les noms des clubs des joueuses, on se doute que ça va etre tres difficile pour les Soyeux, Fc Fleury de se maintenir dans l’elite.
C’est dommage, ça faisait un peu la spécificité du foot féminin. A Toulouse, les filles ont été championnes 4 fois sous les couleurs du TOAC. Devenu Tefece désormais. Un peu par opportunisme, faut l’admettre.
Au niveau, on va se retrouver comme chez les mecs. Des Chelsea Barca. Et fini les Umea Potsdam.
Apres, pour les filles jouer sous la tunique d’un club fameux doit etre gratifiant.
* au niveau européen
Tout-à-fait. Il est marrant de constater que Soyaux a été champion de France en 1984 alors que le PSG a du attendre 2021 pour cela. Yzeure a aussi été en finale de coupe de France cette année (2022) mais on va en effet vers la création de grosses équipes en Europe. Juvisy a été absorbée par le Paris FC et le Barça, déjà champion d’Europe en 2021, a depuis embauché Lucy Bronze et Keira Walsh (qui ont été les deux meilleures anglaises lors de ce match Angleterre-USA). A propos de ce sujet, le vrai pionnier du développement du football féminin en France est Louis Nicollin avec Montpellier. Au début des années 2000, Aulas lui a piqué six joueuses toutes internationales. Nicollin a été dégoûté et Lyon est devenue la grande équipe qu’elle est encore. Je ne sais malheureusement pas la relation entre Rodman père et fille.
Merci!
Comme certains de mes collègues ici je connais peu le foot féminin.
Très curieux de suivre ça!
Avec plaisir. Cela peut être passionnant avec des découvertes de nouvelles joueuses à quasiment chaque match.
Elle promet cette CDM 2023 !
Ca va faire du bien d’avoir un peu de concurrence pour les « arrogantes » américaines.
Encore plus que tu ne le penses car les USA ont également perdu hier soir contre l’Espagne. C’est la première fois depuis 2017 que l’USWNT perd deux matchs de suite et la première fois depuis 2001 (plus de 20 ans donc) que ces deux défaites de suite le soient avec plus d’un but marqué contre les USA lors de ces deux matchs. La commentatrice Ally Wagner (double championne Olympique avec les USA) pense que l’Angleterre est la meilleure équipe du monde actuelle. Mais il y a du beau monde qui peut la gagner aussi en plus des anglaises et américaines: Allemagne, Suède, Canada, Australie (qui jouera chez elle et qui a le diamant Sam Kerr). Il faudra aussi voir ce que feront la France dont le potentiel est énorme depuis plus de 15 ans, le Brésil, les Pays-Bas, l’Espagne et le Japon. En ce qui concerne le mot arrogance je le remplacerais plutôt par confiance en soi. C’est ce qui manque à l’équipe de France et qui a permis aux USA de renverser des rencontres comme USA-Brésil de la CM 2011 (qui est au football féminin ce que France-Brésil 86 est au football masculin).
Je me tâte à proposer un article au site. Étant donné que je suis plutôt passionné par les équipe nationales et les compétitions de pays (coupe du monde, Euro, Copa America etc…), ce serait plutôt un article sur ces sujets-là. Y a-t-il une ligne directrice particulière ? Ou des choses que je devrais savoir avant de me lancer ?
Alors, on est ouvert sur les sujets. En sachant que l’on a pas tant que ça de sujets d’actualité. Mais oui, lance toi!
Merci de vos retours les gars !
Vas-y, lance-toi !
Je ne crois pas qu’il y ait quelque chose de particulier à savoir, ni de ligne éditoriale contraignante (on veut juste éviter les bêtises et/ou les controverses stériles…).
Et Kia a raison : on fait surtout des trucs de vieux. Alors si tu fais quelque chose de plus actuel, c’est bravo !
Y’a aucune « ligne directrice particulière »
Sens toi libre d’écrire sur ce que tu veux ! L’idée principale autour de ce site, c’est justement que chacun, rédacteur régulier comme occasionnel, puisse écrire sur le sujet qui lui plait, aussi varié soit-il.
@Pig Benis
Je me joins au cortège, fonce!
N’oublie pas que tu peux mettre des images. On te fera des propositions en relecture que tu pourras accepter ou non.
J’ai trouvé l’équipe de pinte2foot vraiment sympa et en plus elle t’aide beaucoup pour les articles (relectures, corrections, mais également upload de photos). J’en profite pour remercier tout ce petit monde. Je me régale avec ce site (chaque jour il y a un article intéressant et les questions et réponses sont également instructives). J’encourage pleins de personnes à écrire sur ce site et à faire partager leur passion. Suivez mon regard vers berti.fox aussi…
« Pig Benis »… « Je me tâte »… Tu dois pouvoir faire du clic avec un tel pseudo et une telle entame 😉
L’article est tellement bien écrit que ça donne envie au novice absolu en foot féminin que je suis de s’y mettre. Keep up camarade!
C’est gentil, merci. On attend maintenant la suite sur le football algérien. Un article sur Belloumi?
Ça viendra forcément un jour camarade mais pour l’instant, je vais plutôt me consacrer à des sujets moins connus que le légendaire Lakhdar!
Merci pour ce bel article !
Merci pour les corrections!
Manifeste amateur de foot féminin, Sindelar? Ce n’est pas moi qui te serai désagréable ni contraire en la matière : je n’y connais rien!
J’ai cependant ri au passage concernant ladite Lindsey Horan, équivalent féminin du Panzer Brieghel, lol..et donc j’ai vérifié..et il y a un truc, c’est vrai (les courses sont assez similaires, notamment), mais ce n’est pas non plus le bahut que je redoutais.
J’aime bien Lindsey Horan. Elle a gagné la Ligue des champions avec Lyon et la Concacaf avec les USA. Rouage essentiel des USA mais même pas nommée au Ballon d’or féminin 2022. Je suis tombé sur le charme du foot féminin en 1999 quand la coupe du monde était aux USA et Miam Hamm en était la vedette et un milieu de terrain qui était royal: Lilly, Akers et Foudy. Elles auraient du jouer à Anderlecht 🙂