Le Yin et le Yang du football : première partie

Napoléon choisissait ses généraux non pas en fonction de leurs compétences mais plutôt s’ils avaient de la chance ou non. Quels footballeurs auraient été dignes de la philosophie de cet empereur et quels autres joueurs auraient horrifié Bonaparte par leur malchance ?

Aujourd’hui, parlons de certains qui ont eu la baraka.

Les joueurs avec la Baraka :

Pour commencer cette section, la chanson suivante s’impose :

On peut naturellement penser à Jean Tigana parmi les joueurs chanceux car il n’avait jamais perdu une finale de coupe, aussi bien en jeunes que chez les adultes. On ne peut donc que regretter le choix de Raymond Goethals de ne pas l’avoir aligné avec l’OM contre l’Etoile rouge de Belgrade lors de la finale de C1 1990-1991. Cependant, l’ancien postier qu’était Jeannot Tigana ne peut pas être considéré comme ayant été toujours chanceux, étant donné qu’il a joué et perdu aux tirs au but la fameuse demi-finale de la Coupe du monde 1982 avec la France contre la RFA.

On peut alors proposer le Roumain Miodrag Belodedici comme un joueur qui attirait la chance, vu qu’il a gagné deux Coupes d’Europe des clubs champions aux tirs au but : celle de 1985-1986 avec le Steaua Bucarest contre le Barça disputée à Séville en Espagne, ainsi que celle précitée contre l’OM avec l’Etoile rouge de Belgrade à Bari en Italie en 1991. Il a également à son palmarès la supercoupe européenne de 1986 car son « petit » club de Steaua avait battu 1-0 le grand Dynamo Kiev de Rats, Zavarov, Belanov (Ballon d’Or 1986) et Blokhine (Ballon d’Or 1975) et qui était dirigé par le maître Lobanosvkyi. On note également que Belodedici a remporté la coupe Intercontinentale 1991 avec l’Etoile rouge en gagnant 3-0 contre le club chilien de Colo-Colo alors que l’équipe yougoslave a joué la deuxième mi-temps à 10 contre 11 suite à l’ expulsion de Savicevic à la 42e minute. La chance qui entourait Belodedici a également profité à l’équipe espagnole du Real Valladolid qu’il avait rejointe en 1994, après avoir porté le maillot de Valence entre 1992 et 1994. En effet, lors de la saison 1994-1995, Valladolid finit 19e sur 20 en Liga, ce qui aurait dû lui valoir une relégation en deuxième division. Toutefois, l’année suivante a vu la Liga passer de 20 à 22 clubs, ce qui a eu pour effet de maintenir le Real Valladolid en première division.  Belodedici n’a pourtant pas toujours été chanceux : après une suspension de plusieurs années due à sa défection de la Roumanie vers la Yougoslavie en 1988,  il participe à la Coupe du monde 1994 avec l’équipe roumaine, qui atteint les quarts-de-finale contre la Suède. La Roumanie perd ce match aux tirs au but après que le temps réglementaire se soit terminé par un 2-2, avec Belodedici qui rate le dernier tir au but roumain.

Alors qui est le grand chanceux du football ? Et pourquoi pas l’Est-Allemand Rainer Ernst ? Ce dernier a tout d’abord gagné 10 titres de champion de RDA de suite avec le Dynamo Berlin entre 1979 et 1988, accompagnés de deux coupes nationales en 1988 et 1989, même s’il est plus que probable que la Stasi favorisait ce club à l’époque. Le bon Rainer est ensuite transféré à Kaiserslautern lors de la saison 1990-1991. Et que se passe-t-il ? Ce club de l’Allemagne de l’Ouest remporte sa toute premier Bundesliga au nez et à la barbe du puissant Bayern Munich. Ernst prend ensuite la direction de la France pour la saison 1991-1992 et plus précisément de Bordeaux, alors en deuxième division. Et là, ce n ‘est plus un Mars et ça repart mais plutôt un Ernst et ça repart, car les Girondins remportent leur groupe B puis humilient Valenciennes (vainqueur du groupe A) par des victoires 4-0 et 3-2 pour s’emparer du titre de champion de D2. La première division s’ouvre de nouveau à eux. Mais cela sera sans Rainer Ernst qui rejoint Cannes pour la saison 1992-1993. Et là, une nouvelle ascension en première division après que Cannes termine deuxième du groupe A et élimine coup sur coup Rouen et Rennes (alors tous les deux en D2) puis Valenciennes (qui avait terminé 18e de D1 lors d’une saison rendue célèbre par un certain VA-OM). Étant donné la chance qu’apportait Rainer Ernst à son entourage, on est en droit de s’imaginer plusieurs choses. Tout d’abord, n’aurait-il pas croisé un certain joueur prénommé Zinedine, généralement appelé Yazid par ses amis de La Castellane, et qui avait fait le chemin inverse Bordeaux-Cannes lors de l’intersaison 1991-1992 ? Si oui, est-ce qu’Ernest aurait collé deux bisous sur le crâne de Zidane afin qu’il marque deux buts de la tête en finale d’une Coupe du monde ? Deuxièmement, juste avant de partir de Cannes pour Zurich à l’été 1993, notre ami Rainer aurait-il aussi fait la connaissance d’un certain Patrick qui arrivait tout juste de Tours, qui est maintenant l’entraîneur de Crystal Palace et qui lui aurait dit « Alors, on n ‘attend pas Patrick ? » Si c’est le cas, Ernst aurait-il déposé un bisou sur un pied de Vieira pour garantir une passe décisive pour Emmanuel Petit lors de cette même finale de Coupe du monde ? Avec Rainer Ernst, c’est comme lors d’anciennes publicités pour la carte Kiwi :  tout est possible… Une autre preuve est que ce bon Rainer avait été le seul buteur du France-RDA joué au parc des princes en 1987 dans le cadre de la qualification pour l’Euro 1988. Qui d’autres pour marquer ce but à la 90e minute pour ce qui doit être le dernier match joué en France entre la RDA et les Tricolores qu’un aussi grand chanceux ? Le talisman Ernst avait également marqué un but contre les champions d’Europe français en 1985 pour une victoire Est-Allemande par 2-0 lors des qualifications pour la coupe du monde 1986. On peut également faire remarquer que lors des derniers matchs disputés de l’Allemagne de l’Est, c’était lui le capitaine, même s’il n’a pas voulu jouer le tout dernier Belgique-RDA en septembre 1990 par manque de motivation.

A dans quelques jours, si vous le voulez bien, pour parler de certains joueurs qui, eux, attiraient la scoumoune. N’hésitez pas à proposer d’autres noms pour des joueurs chanceux.

36 réflexions sur « Le Yin et le Yang du football : première partie »

  1. August Starek a remporté le titre 3 années consécutives avec 3 clubs différents.
    67 Rapid
    68 Nürnberg
    69 Bayern

    Et avant de rejoindre le Rapid (qui termine 2ème en 66), il a remporté la Regionalliga Ost avec Simmering en 65.

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      1. La réponse est assez simple. Il était fou et s’en vantait. Sur un terrain, il avait les fils qui se touchaient. Capable de s’emporter contre les arbitres, adversaires voire équipiers. Il est aussi célèbre pour avoir montrer son boule aux supporters du Wacker Innsbruck après une exclusion. Mais à part ça, un excellent joueur, qui n’a pas eu de chance.

        Starek est un enfant de Simmering (comme Prohaska ou Polster entre autres), un quartier populaire de Vienne. Il me semble que le garçon a été élevé un peu à la dure. A appris à jouer dans la rue, y a développé une excellente technique. Starek était un joueur offensif, complet, capable d’organiser le jeu et de marquer des buts. Ambidextre de surcroît. A failli d’abord signer à l’Austria, mais a finalement opté pour le Rapid.

        En 67 avec le Rapid, il ne passe pas loin d’éliminer le Bayern, futur vainqueur, en Coupe des Coupes. En quart, Starek marque l’unique but du match aller et Bjerregaard mange la feuille de match. Au retour, le Rapid perd 2 à 0 après prolongation en étant réduit à 10. Le second but du Bayern était hors-jeu et l’arbitrage, maison. Starek a raconté que lors de son passage au Bayern, on lui avait expliqué que le club avait l’habitude de chouchouter les arbitres en CE… Il y avait quelques excellents joueurs dans ce Rapid. Starek, Rudi Flögel ou encore Franz Hasil (lui aussi un drôle d’oiseau).

        En 68, Starek rejoint Max Merkel à Nürnberg. Et ça se passe très mal. Selon le Gustl, Merkel était un être désagréable, autoritaire. Plus gênant, il imposait à ses joueurs des entraînements trop intensifs et ne connaissait pas le sens du mot regénération. Pour Starek, c’est ce qui explique pourquoi Nürnberg a dominé le championnat en 68 avant d’exploser ensuite. Il y a une anecdote amusante. Lors d’un entraînement, les joueurs effectuaient des tours de terrain. Jetant un oeil au staff, Starek s’est aperçu que celui-ci ne les regardait pas. Le Gustl a donc crié à ses équipiers qu’ils pouvaient ralentir… mais personne ne l’a écouté. Et il a alors compris que la saison serait longue. Starek a affirmé que cet excès de charges physiques avaient modifié quelque peu son jeu. Perdant en vivacité, mais devenant un coureur de fond.

        En décembre 67, Starek donne 5 passes dé lors de la victoire de Nürnberg contre le Bayern. Sous le charme, les Bavarois lui ont fait une proposition, qu’il a accepté avant même d’en parler à ses dirigeants. Étonamment (ou pas), Nürnberg n’a pas cherché à le retenir.

        Starek s’est donc retrouvé au Bayern. Comme meneur de jeu. Et comme il le rappelle, à l’époque, les Maier, Beckenbauer ou Müller étaient loin d’être des stars. À Munich, il arrive en même temps qu’un autre Autrichien, Peter Pumm. Lui aussi, un gars de Simmering.

        En 69, le Bayern remporte donc le titre (et la coupe). Mais lors du premier match de la saison suivante, Starek se blesse au genou. Rupture des croisés, ménisque endommagé. Mais il joue encore 3 ou 4 rencontres ensuite. Face à Dortmund, un adversaire tombe sur son genou. Cette fois ci, c’est fini. C’est lors de l’opération que les médecins se rendent compte de la gravité de la blessure. Il a à peine 24 ans.

        Starek n’a plus jamais retrouvé son niveau de jeu, même s’il a tout de même fait une suite de carrière très honorable.

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      1. Il est champion depuis 2013 ( même double champion Italie et Allemagne 2016)

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    1. C’est vrai qu’Ibra et Coman ont beaucoup de titres mais, à la différence d’un Ernst avec Kaiserslautern et Cannes, ils les ont gagnés avec des grands clubs qui écrasaient souvent leur championnat.

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  2. Avec un bon manager, et bien entendu un minimum syndical de talent, il n’est plus vraiment exceptionnel de se constituer des palmarès XXL.

    La concentration/asymétrie des forces en présence est désormais telle, les positions à ce point globalement figées, la dynamique concurrentielle tuée, les outsiders à ce point fragilisés et entravés.. qu’il « suffit » peu ou prou de faire la tournée des grands ducs, passer d’un club hégémonique à un autre..et c’est alors la quasi-assurance, rayon compétition de clubs européens, de s’offrir des palmarès dont bien peu d’immenses joueurs (et entraîneurs) du passé purent au mieux rêver.

    A dire vrai, je pige même certains choix de carrière, où l’on voit des mecs dans la force de l’âge privilégier l’argent pour l’argent.. A 25 ans et pour certaine catégorie de joueurs, c’est désormais assez banal d’avoir glané une dizaine de titres divers et variés – de quoi être prématurément blasé, j’imagine.

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  3. J’ai des vagues souvenirs de Belodedici. Un central gaucher assez élégant, pas bourrin pour un sou. C’était quoi son réel niveau? Son passage à Valence était médiocre.

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    1. Sinon, pas se tracasser pour Belodedici, Khiadia : son aura était pour le moins établie à compter du mitan des 80’s. Parmi les presses du Nord de l’Europe (je me borne ici à celles que je lisais) en tout cas, et pour bonne demi-douzaine d’années, trois noms faisaient autorité comme libéro : Baresi, Blind..et Belodedici, donc. C’étaient vraiment les trois qui tournaient en boucle.

      Baresi : jamais aimé ses attitudes de kapo, ses accès vicelards aussi, ses jeux d’influence permanents avec le corps arbitral.. Si ce-dernier avait eu plus de couilles voire d’intégrité : peut-être pas vraiment la même carrière. Par contre son talent était indéniable.

      Blind : je ne vois toujours pas ce qu’il avait de plus qu’un Clijsters (lequel toutefois ne soignait absolument pas son image, ce qui ne pardonne pas avec la presse-marchande).

      Belodedici : je ne trouve décidément rien à redire.

      Koeman faisait plutôt figure d’extraterrestre. Ses invraisemblables stats de défenseur-buteur et son attitude dominante ne suffirent heureusement pas à faire oublier ses profondes carences sur le plan purement défensif.

      Et je trouve décidément qu’on fit et fat rétrospectivement bien peu de cas d’un Augenthaler, joueur trop souvent réduit à ses frappes monumentales à distance alors que son jeu était beaucoup plus fin, plus sûr et plus intelligent que celui d’un Koeman.

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      1. Alex
        Tu parles assez fréquemment de Clijsters. C’était un tres bon? Alors lui, je sais que je l’ai vu avec la Belgique en 90 mais aucun souvenir! Me souviens plus d’Albert ou de Michel de Wolf!

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      2. Une bonne séance de relooking chez l’hystérique dont j’ignore le nom, là.. « Magnifaaaaïïk », tu vois de qui je parle?, bref : une bonne séance chez cette zouave lui aurait fait du bien! + un agent de joueurs et un arrêt Bosman avant l’heure, car que de temps il « perdit » (pour son aura) à évoluer dans le club prolo de Waterschei.. Mais pour le reste : un crack!

        Défensivement injouable et imbaisable, l’assurance tous risques même (entre autres choses, c’est son expulsion à Milan qui « débloque » le match pour les Milanais en C1..je sais plus quelle année). Et offensivement son apport était tout sauf négligeable, quoique dans un style très prosaïque, très belge.. Ce n’était pas un joueur glamour, mais si on fait abstraction de cela : quel joueur…….. Classe mondiale!

        Il a joué quoi? Une demi-dizaine/douzaine de matchs de WC..et au final un but et un assist de plein jeu, pas mal. Il est vrai que les équipes marquées du sceau Thys, 86-90 et 94 (c’est du Thys en mode laisser-aller – Van Himst ne fit jamais rien d’autre, lui qui avait surfé déjà sur le travail d’Ivic à Anderlecht) : ben majorité des buts furent inscrits par des défenseurs..et pas tant sur des phases arrêtées, hein. Thys était vraiment un grand, cette fluidité dans son football-total..

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      3. Est ce que le plus grand exploit de Clijsters ne serait pas ……sa fille ? Numéro 1 mondial au tennis

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      4. Je ne suis pas censé de dévoiler ce secret mais comme c’est pour P2F, je vais le faire. Il y a eu des expériences génétiques entre la Belgique et l’Autriche dans les années 50. Par exemple des ADN de deux bébés nés en 1955 (Ludo Coeck en Belgique et Herbert Prohaska en Autriche) ont été mélangé et injecté dans une mère belge qui était enceinte. Le bébé est né en 1956. C’est Lei Clijsters.

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    2. Je m’en rappelle aussi comme quelqu’un avec une grande élégance. Verano connaît bien ce joueur roumain et peut donner encore plus d’indications (en plus d’Alex). Un qui était aussi impressionnant à l’époque, mais pour l’engagement physique, est Carlos Mozer. Quand il rentrait sur le terrain, il sautait en l’air à une grande hauteur, ce qui intimidait déjà les attaquants.

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  4. Le passage de Liga à 22 équipes a également permis au Celta et à Seville de ne pas descendre. Avec une grosse mobilisation des fans des deux clubs pour mettre la pression à la ligue.

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      1. Oui, pendant 2 saisons. D’ailleurs l’immense saison de Ronaldo à 34 buts se fait sur une saison à 42 matchs.

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  5. Comme je ne crois pas à la chance sur toute une carrière, je dirai que c’est le talent.

    Belodedici, c’était un grand joueur. Avoir accompli tout ce qu’il a accompli avec des clubs qui n’étaient pas des superpuissances du football européen, c’est la contribution par son talent. Pour le reste, la réussite se provoque.

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    1. C’est un très bon sujet de discussion. Je pense aussi que le talent est récompensé à la fin et que la chance se provoque. Cependant, il y a quand même des histoires qui te font poser des questions. Je pense que cela se verra mieux dans la deuxième mi-temps partie (sur les joueurs malchanceux).

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      1. Oui pas que dela chance
        On va prendre l’exemple de Coman , car je l’ai cite précédemment
        Le Psg n’a pas été champion en 2017 et 2021 et la Juve entre 2006 et 2011 et plus depuis 2020 donc vrai porte bonheur

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      2. Bah disons que dans l’autre sens tu peux prendre un Ballack, un poissard de 1ère!
        Mais au delà de la poisse, on peut se poser la question du mental chez lui, notamment lors des grands rdv.

        Cercle vicieux dans lequel Messi a failli tomber également (en sélection), jusqu’à ce que la roue tourne. Là dessus on ne peut que saluer sa persévérance.

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  6. Est-ce que dans la chance ne serait-elle pas d’avoir été dans des grandes équipes sans être un maillon essentiel? Je pense à un gars comme Arbeloa qui sans être un top arrière droit a un palmarès incroyable. Ou même Piqué, qui en plus de son palmarès a eu Shakira!

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      1. Non je ne le mettais pas au même niveau, c’était mon côté trivial qui voulait rappeler ses conquêtes amoureuses!

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    1. Je pense que la chance peut se lire au regard du rapport « talent-palmarès ». Après les « chats noirs » sont plus facilement identifiables, rien qu’en lisant l’article de Ajde on voit un bel exemple avec Blanchard qui perd deux titres à la dernière journée!

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      1. Il y a beaucoup de cultures qui ont peur de la malchance et du mauvais œil. Par exemple, je pense que le fait que Zidane ait joué avec un numéro 5 au Real est tout sauf un hasard.

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