La météo est exceptionnellement douce et clémente sur Paris, en ce 11 novembre 1930. Bien que le jour soit un mardi, une foule nombreuse – environ 30 000 personnes – se masse au Stade olympique de Colombes. Elle est venue assister à un match international de prestige entre le Racing Club de France, finaliste de la Coupe de France 1930, et Arsenal Football Club, vainqueur de la Coupe d’Angleterre la même année.
Un match du souvenir
Depuis 1922, sous la pression des Anciens Combattants, le 11 novembre est devenue fête nationale. C’est donc une journée chômée pendant laquelle les Français prennent le temps de se souvenir des souffrances endurées par les soldats au cours des 52 mois de la Grande Guerre : « le 11 novembre, devant les monuments », rappelle Antoine Prost, « on ne célèbre pas le culte de la Patrie victorieuse, mais celui des morts ».
La rencontre entre le Racing et Arsenal s’inscrit dans cette cérémonie du souvenir. D’une part, elle célèbre l’alliance franco-britannique et rappelle que Tommies et Poilus furent ensemble au front entre 1914 et 1918. D’autre part, c’est un match caritatif au profit de deux associations de mutilés de la Grande Guerre : la Fédération des blessés du poumon et chirurgicaux (FNBPC) et la Fédération nationale des plus grands invalides (FNPGI).
Match du souvenir, match en l’honneur des morts et des blessés, « spectacle symbolique de la jeunesse sportive jouant pour secourir ceux qui furent autrefois des hommes ardents et forts et que la guerre diminua » (Gaston Vidal, Le Journal, 12 novembre 1930), ce Racing-Arsenal va donc bien au-delà du football. Et le parterre d’hommes politiques réuni en tribunes confirme cette idée : à côté de William Tyrrell, ambassadeur du Royaume-Uni en France, on aperçoit plusieurs membres du gouvernement d’André Tardieu (Emile Morinaud, sous-secrétaire d’Etat à l’Education physique, Humbert Ricolfi, sous-secrétaire d’Etat à la Guerre, ainsi qu’un représentant d’Auguste Champetier de Ribes, ministre des Pensions alors retenu à Belgrade pour y célébrer l’armistice avec les alliés yougoslaves).
Quelques mois plus tôt, le 28 juin 1930, le même gouvernement avait créé la Croix du combattant qui distinguait et honorait les soldats de la Grande Guerre. Pour comprendre l’importance accordée par les hommes politiques aux Anciens Combattants, il faut rappeler que « dans la France des années 1930, un peu moins d’un homme sur deux est un Ancien Combattant, et la moitié des combattants adhère à une association. Le mouvement combattant regroupe donc près du quart de l’électorat. Voilà un fait capital, qu’il ne faut jamais oublier, si l’on veut évaluer l’impact de ce mouvement » (Antoine Prost).
Une création médiatique
Le rôle de la presse dans la création ou le parrainage d’événements sportifs est une tradition bien ancrée dans la France du premier XXe siècle : qu’on pense au Tour de France, créé et organisé par L’Auto, ou à la Coupe de France, parrainé à l’origine par Hachette puis – à partir de 1923 – par Le Petit Parisien.
La rencontre Racing-Arsenal de 1930 n’échappe pas à cette règle puisqu’elle est organisée par Le Journal, un des principaux quotidiens de l’entre-deux-guerres. Fondé en 1892, il tirait à plus d’un million d’exemplaires en 1914. Mais, à deux reprises pendant la guerre, les Allemands fournirent les capitaux nécessaires au rachat du Journal à des fins de contre-propagande – notamment par l’intermédiaire du tristement célèbre Bolo Pacha. Ces affaires – bien que sans conséquence – discréditèrent un titre qui – en province – subissait aussi la concurrence des quotidiens régionaux.
Ainsi, dans les années 1920, Le Journal ne tire plus qu’à 500 ou 600 000 exemplaires – ce qui en fait tout de même le troisième plus important quotidien populaire, derrière Le Petit Parisien et Le Petit Journal mais devant Le Matin. Afin de stopper la baisse continue de ses tirages, le quotidien cherche donc à adapter sa formule aux modes du moment et – en particulier – se tourne vers le sport alors en plein essor. Ainsi, en août 1929, il fait l’acquisition de L’Echo des Sports. Mais surtout, il compte en ses rangs un homme qui est sans doute à l’origine de l’organisation de l’événement du 11 novembre 1930.
Cet homme, c’est Gaston Vidal. Directeur de la rédaction sportive au Journal, Vidal est beaucoup plus qu’un simple journaliste sportif. C’est d’abord un Ancien Combattant, qui fut un des fondateurs et le premier président de l’Union fédérale des associations d’anciens combattants (UF), « la plus puissante organisation du mouvement combattant » qui compte plus de 900 000 membres en 1932. C’est ensuite un ancien député (dans la « Chambre bleu horizon ») et un ancien sous-secrétaire d’Etat à l’Education physique. C’est enfin un ancien président de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA) chère à Pierre de Coubertin et, en 1930, le président du Conseil national des sports.
Une « leçon de football »
Match caritatif, match du souvenir, tribune politique, création médiatique, on l’a bien compris : Racing-Arsenal est beaucoup plus qu’un match de football. Mais c’est aussi un match de football ! Et pas des moindres puisqu’il voit la rencontre entre deux fortes équipes alors en pleine transformation. Depuis 1929, la section football du Racing est en effet dirigée par Jean-Bernard Lévy qui entend moderniser l’institution et lui faire prendre le virage du professionnalisme. Sous sa houlette, le club parisien va connaître son âge d’or et réaliser le doublé coupe-championnat en 1936.
Mais c’est surtout à Arsenal qu’on rencontre les innovations les plus frappantes. Le club londonien est alors la formation la plus brillante d’Angleterre puisqu’elle a remporté la Coupe d’Angleterre en avril 1930 et se trouve en tête du championnat qu’elle remportera finalement. Depuis 1925, son manager est Herbert Chapman qui fait partie des rares en Angleterre à s’intéresser au football pratiqué sur le continent. C’est donc tout à fait logiquement qu’il accepte l’invitation du Racing et du Journal.
S’il n’invente pas le WM, Chapman est en tout cas celui qui le perfectionne et le pratique alors de la manière la plus efficace. Mis au point dans les années 1920, le WM permet d’une part le renforcement de la défense dans laquelle le demi-centre devient un véritable troisième défenseur. D’autre part les intérieurs, reculés de la ligne d’attaque, deviennent les véritables organisateurs du jeu : la disposition des joueurs sur le terrain devient alors plus équilibrée et s’apparente à un 3-2-2-3. Sous la direction de Chapman, Arsenal remporte une Coupe d’Angleterre (1930) et trois championnats (1931, 1933 et 1934).
Néanmoins, comme le souligne Maurice Pefferkorn dans Le Journal du 6 novembre 1930, l’équipe d’Arsenal est aussi formée d’une pléiade de vedettes recrutées à prix d’or. Ainsi, en 1928, Chapman n’a pas hésité à battre le record du transfert le plus coûteux afin d’arracher David Jack à Bolton. L’année suivante, il offre un montant presque équivalent à Preston afin de s’attacher les services d’Alex James. Dès lors, comme l’écrit encore Maurice Pefferkorn en 1944, « nous ne saurions préciser dans quelle mesure les succès considérables et sans précédent que connut Arsenal sont dus à cette méthode [le WM] ou aux joueurs de grande classe que Herbert Chapman sut dans le même temps réunir sous sa bannière. »
Toujours saisi par l’anglomanie, le football français voit donc dans la rencontre entre Arsenal et le Racing l’occasion pour les Parisiens de recevoir une « leçon de football » de la part des « maîtres anglais ». D’autant plus qu’Arsenal – qui a pourtant joué le 8 novembre contre Aston Villa (victoire 5 buts à 2) – aligne sa plus forte équipe. Le Journal du 11 novembre 1930 rapporte alors un savoureux dialogue entre les capitaines des deux équipes (Tom Parker pour Arsenal et Manuel Anatol pour le Racing), au moment de la réception des joueurs d’Arsenal à la gare du Nord :
« – Nos adversaires…, articule Parker.
– Vos élèves…, rectifie Anatol.
– Pour la partie de demain, continue l’Anglais.
– Pour la leçon de demain, reprend le Français avec un sourire. »
Evidemment, le jour du match, les espoirs d’Anatol ne sont pas déçus ! Si le Racing mène 2-1 à la mi-temps, le deuxième acte est à sens unique et Arsenal l’emporte finalement par 7 buts à 2. Et encore, de l’avis unanime de la presse, le meilleur joueur du Racing fut… André Tassin, le gardien de but. On comprend dès lors pourquoi, en Angleterre, ce match ne suscita pas autant d’enthousiasme qu’en France.
La démonstration d’Arsenal inspire finalement quelques brillantes réflexions tactiques à Gabriel Hanot dans Le Miroir des Sports du 18 novembre 1930. L’ancien footballeur international note en effet que « la méthode de la ligne d’avants anglaise fut celle du W : c’est-à-dire que les deux ailiers, Hulme et Bastin, se tenaient en pointe, ainsi que l’avant-centre Lambert, cependant que les deux intérieurs, David Jack et Alex James, opéraient en retrait. Cette formation en W bat en brèche la disposition en V, que [Paul] Nicolas, jouant avant-centre en retrait, a répandue chez nous, mais qui trouve en France de moins en moins d’adeptes. En Europe centrale, on conçoit encore le rôle de l’avant-centre comme celui d’un distributeur du jeu, d’un chef d’attaque ; ailleurs, l’avant-centre est un réalisateur, et sa place est en avant, presque au niveau des arrières. En France, la formation en W est très largement répandue : il suffit de citer les noms de Boyer, à l’Olympique de Marseille ; de Sécember, à l’US Tourcoing ; de Delannoy, à l’Olympique Lillois : de Hurzeler, au FC Mulhouse ; de Lafargue, au Stade Français ; de Mercier, au Club Français ; de [Jean] Nicolas, au FC Rouen, pour donner des exemples de joueurs se postant en sentinelles avancées dans le camp adverse, qu’ils menacent continuellement. Arsenal a donné une splendide démonstration de cette tactique du W. Lambert était chargé de marquer des buts : il en marqua 4 sur 7 ; les ailiers avaient pour mission d’alimenter leur avant-centre ; enfin, les deux intérieurs, Jack et James, étaient les manœuvriers, les stratèges, qui lançaient leurs hommes à l’attaque. Ainsi, entre les trois avants réels et les demis, les deux intérieurs forment-ils une ligne supplémentaire, et ils portent au nombre de quatre le nombre de lignes de joueurs sur le terrain. »
Ensuite, si « Arsenal donna, à Colombes, une éloquente démonstration du jeu typiquement anglais, qui consiste en longues passes, tantôt à terre, le plus souvent aériennes, à l’homme démarqué », Hanot ne manque pas de s’extasier devant les « feintes de corps ou de pied » de l’Ecossais Alex James. Les élevant au rang de « grand art », il regrette que l’Ecole militaire de Joinville ne fut pas là pour les chronophotographier et ainsi les étudier.
Enfin, le journaliste sportif réussit à obtenir encore de précieuses informations auprès de David Jack. A la question de savoir ce qu’il manque aux Français, le stratège anglais répond : « Le positional play, le sens de la place à occuper sur le terrain. Vos joueurs se placent au hasard ; ils ne couvrent pas le champ du jeu : ou bien ils attaquent l’adversaire et le ballon à deux ou trois, ou bien un large espace de terrain est vide de tout occupant. S’ils se plaçaient mieux et si leurs efforts étaient coordonnés, ils seraient beaucoup plus forts. »
Bref, le chemin à parcourir pour réussir à rivaliser avec les meilleurs professionnels anglais semblait encore long. Mais une tradition était en train de naître car, lors du banquet de clôture, Herbert Chapman accepta de revenir l’année prochaine, à la même date, pour défier à nouveau le Racing. Il tint parole, et ses successeurs en firent autant. Jusqu’en 1962, exception faite des années 1939-1945, chaque année Arsenal franchit donc la Manche pour rencontrer son plus fidèle adversaire.
Littérature
– Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et Fernand Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, tome III : de 1871 à 1940, PUF, Paris, 1972.
– Christophe Charle, Le siècle de la presse (1830-1939), Seuil, Paris, 2004.
– Michaël Delépine, « The Racing Club vs. Arsenal matches, 1930-1962 : a franco british ritual, European games or football lessons ? », Sport in history, 35/4, 2015, pages 604-617.
– Paul Dietschy, Histoire du football, 2e éd., Perrin, Paris, 2014.
– Thibaud Leplat, Le football à la française, Solar, Paris, 2016.
– Maurice Pefferkorn, Football joie du monde, Editions J. Susse, Paris, 1944.
– Antoine Prost, Les Anciens Combattants et la société française (1914-1939), 3 volumes, Presses de Sciences Po, Paris, 1977.
– Antoine Prost, Les Anciens Combattants (1914-1940), 2e éd., Gallimard, Paris, 2014.
– Jonathan Wilson, « Did Herbert Chapman really invent the WM formation ? », www.theguardian.com, 20 septembre 2011.
Passionnant.
Il me semblait que le traditionnel Racing-Arsenal se jouait encore dans les années 60 ?
Je connais le WM et la pyramide inversée soit le 2-3-5, mais le système en V je vois pas. Les ailiers et l’avant-centre en retrait forment un V, mais quid des autres joueurs ?
Le dernier Racing-Arsenal a lieu en 1962. La perte de prestige du football anglais est alors rédhibitoire. Si, dans les années 1930, les journalistes français n’ont d’yeux que pour l’Angleterre, ils orientent leurs regards vers la Hongrie dans les années 50 puis vers le Brésil dans les années 60. De plus, avec l’émergence des coupes d’Europe des clubs, cette traditionnelle rencontre internationale n’a plus réellement d’intérêt.
Brève conférence de Michaël Delépine (une demi-heure) à propos de son article de 2015 : https://vimeo.com/51532207
Je me suis notamment appuyé sur lui, mais il fait une synthèse de l’ensemble des matchs. Moi, je propose surtout un focus sur le match originel (celui de 1930). Mais je compte bien faire d’autres articles sur quelques-autres Racing-Arsenal importants.
Dans son article, Hanot ne s’intéresse qu’à la ligne d’avants : dans le WM, elle forme un W. Dans le 2-3-5, elle forme un V renversé : les ailiers, les intérieurs, l’avant-centre. Ensuite, derrière, les trois demis et les deux arrières. ‘Fin, si j’ai bien compris…
Ou alors, non, c’est un V : les ailiers aux extrémités du V, les intérieurs sur les barres et l’avant-centre à la base du V.
Mais ça me semble un peu exagéré : l’avant-centre ne joue pas non plus derrière les intérieurs.
Bref, la discussion initiée par Hanot est intéressante. Mais, fort heureusement, je n’ai pas encore toutes les réponses…
« En Europe centrale, on conçoit encore le rôle de l’avant-centre comme celui d’un distributeur du jeu, d’un chef d’attaque ; ailleurs, l’avant-centre est un réalisateur, et sa place est en avant, presque au niveau des arrières. »
Je ne me doutais absolument pas que le rôle de l’avant-centre ait pu être sujet à débat tant son rôle de buteur parait évident aujourd’hui ! En tout cas, solide analyse de Gabriel Hanot
Merci pour cet article très riche !
Je me doutais que l’article d’Hanot allait provoquer pas mal de discussions. C’est pourquoi je l’ai mis presque en intégralité.
Schématiquement, les Autrichiens et les Hongrois pratiquent un jeu de passes rapides qu’ils ont emprunté au passing game écossais (les Autrichiens appellent ça le Scheiberl). Les Anglais pratiquent plutôt un kick and rush où l’on cherche rapidement l’avant-centre.
Ainsi, en Autriche, Sindelar est avant-centre mais participe énormément au jeu. C’est même lui le maître du jeu (avec le demi-centre). En Hongrie, dans les années 30, c’est idem : le chef de la ligne d’avants est Sarosi, qui joue généralement avant-centre. Donc, oui, il est plus en retrait. Ce n’est peut-être pas encore Hidegkuti rendant fou les défenseurs anglais en 53, mais l’idée est déjà là.
Dans le WM, les dépositaires du jeu sont les intérieurs. C’est pour ça que, en 28 et 29, Chapman casse sa tirelire pour prendre Jack et James : ce sont ses deux intérieurs. Alex James, qui impressionne tant Hanot, est d’ailleurs Ecossais : c’est un maître du passing game. Dans le WM, le demi-centre n’a plus le rôle stratégique d’un Andrade (dans l’équipe d’Uruguay trois fois championne du monde) : c’est désormais un policeman chargé de bloquer l’avant-centre adverse. Et l’avant-centre est là pour convertir les attaques initiées par les intérieurs, qui cherchent souvent les ailiers afin de centrer pour l’avant-centre. Même si, dans le WM (par rapport au 2-3-5 anglais), le rôle des ailiers tend à décroître. Les maîtres du jeu sont vraiment les intérieurs.
Bref, au niveau de l’animation de la ligne d’avants : dans le jeu de passes austro-hongrois, l’avant-centre a un rôle névralgique (encore plus que les intérieurs). Dans le WM anglais, ce sont les intérieurs qui assument le rôle d’animateurs.
Du fait de la très forte anglomanie sportive, le WM va fortement s’installer en France. La meilleure preuve étant le Racing, qui fera le doublé en 36 avec un joueur essentiel : l’Autrichien Jordan. Celui-joue un policeman un peu hybride, puisque fort de sa culture autrichienne, il anime aussi le jeu. Mais le WM ne prendra pas en Autriche et en Hongrie, où le jeu de passes va perdurer et muter vers le 4-2-4 du Onze d’or.
(J’espère ne pas avoir écrit trop d’âneries : ces histoires de tactique sont loin d’être ma tasse de thé…)
Magistral ! Quelle importance les Anglais donnent-ils à ce match de leur côté ? Sur le plan sportif, j’imagine que c’est pour eux sans intérêt, mais sur le plan diplomatique ou symbolique ?
D’un point de vue sportif, l’intérêt au nord de la Manche est très faible. Je me fie ici à Michaël Delépine, n’ayant pas moi-même compulsé la presse britannique sur la période. De toute façon, à l’époque, ce qui se passe hors de leurs îles ne les intéresse pas beaucoup…
D’un point de vue diplomatique ou symbolique, j’avoue ne pas m’être posé la question. Mais, dans la mesure où l’ambassadeur est présent, c’est que cela ne doit pas être tout à fait négligeable.
Les grands joueurs techniques français dans les années 40/50, étaient tous des intérieurs, excepté Kopa:
Ben Barek, Heisserer, Piantoni, Glovacki, Ujlaki, Mekhloufi, Foix et plus tardivement Férrier et Douis.
Je ne connais pas Ferrier.
Si tu avais suivi le top 1000, tu le saurais, haha !
315 matchs en vert de 55 à 65. 24 sélections de 58 à 64.
Je n’ai pas encore fini de lire l’article, je prends le temps de m’immerger, savourer, revenir en arrière..
Mais je vois ton commentaire et déjà dire que, en Belgique aussi, les intérieurs étaient de manière générale les plus doués, mais la grande exception technique des 40’s-50’s fut assurément Pol Anoul, brillantissime back gauche des FC Liège et Standard..quoiqu’avant-centre de formation.
En 48 par exemple, Belgique menée 3-1 à Colombes, les carottes semblent cuites.. C’est alors qu’Anoul récupère le cuir en défense et, vieux réflexe d’attaquant sans doute : il monte à l’abordage, dribble, avance, avance..et inscrit un but surpuissant des 20 mètres, sous la barre. 48 donc, année me semble-t-il des débuts professionnels de Nilton Santos, attaquant de formation lui aussi, qu’on y recycla en peu bridé défenseur latéral.
Ce but et cette action, pour le moins exceptionnels pour l’époque, sont entrés dans la postérité en Belgique sous le nom de « but de Colombes »..et « Le Colombes » devint le nom du café ouvert par Pol Anoul à Liège, d’ailleurs l’un de ceux où j’avais mes habitudes (malgré les vicissitudes qu’il a subies, une enseigne discrète subsiste à l’étage, personne n’a jamais pensé à l’enlever..et tant mieux! : https://p5.storage.canalblog.com/58/37/553105/38145995_p.jpg ), bref.
Bref car vous me faites penser à un truc : l’opposition Mermans-Coppens, raccord avec certains apports plus haut.
Quoique très fort comme pivot, l’avant-centre Mermans (que Thys et Goethals mirent de conserve et sans hésitation dans le 11 belge du XXème siècle) jouait en fait à la Hidegkuti, souvent en décrochage.. Davantage un 9 1/2 voire un 10 que, dirions-nous aujourd’hui, le 9 plutôt attentiste et opportuniste qu’on pourrait s’imaginer au regard de ce qu’était sa position centrale dans la ligne des 5 attaquants.
Coppens pour sa part pouvait jouer aux ailes mais était fondamentalement un intérieur..et ça n’a jamais matché entre eux!, tous deux se disputaient constamment (et inconsciemment peut-être) l’animation du jeu depuis des traditions opposées : anglaise pour l’intérieur Coppens, continentale pour le centre-avant en décrochage Mermans. L’opportunité d’une synthèse existait, ç’eût pu/dû être formidable..mais ce resta au contraire toujours un peu bâtard, ils se marchaient constamment sur les pieds..et pour cause : il manquait alors d’un sélectionneur fort pour imposer à tous un schéma et trancher en conséquence – il fallut attendre Goethals pour cela.
Pol Anoul, j’ai appris son existence il y a longtemps pour un but paraît-il fantastique qu’il avait mis contre la France.
Que c’est nul ! quand on cherche une notice sur wikipedia ou n’importe quel site même étranger, systématiquement les vrais demis à l’ancienne type Marcel, Penverne, Munoz ou Zarraga (4 et 6) et les intérieurs sont classés dans le fourre-tout anachronique « milieux de terrain offensifs ou défensifs ». Pas facile pour s’y retrouver. Je consultais les notices espagnoles (avec traduction française ou anglaise en option) d’anciens joueurs du Real des années 10, 20 ou 30, je sais toujours pas où les placer.
Demis et intérieurs classés dans un fourre-tout.. C’est vrai, on peut même dire je crois que ça participe d’un appauvrissement, lexical donc culturel.
J’observe toutefois que les sélections qualifiées pour la WC sortent leurs listes de 26 joueurs..et voilà donc désormais deux tournois consécutifs pour lesquels la liste belge est, non pas en 4 temps (keepers, défenseurs, médians, attaquants), mais en 5 temps! : gardiens de but.. défenseurs.. demis pur-jus.. avant-centres.. et, avant les avant-centres : une cinquième catégorie donc, et hybride, que je serais tenté de qualifier d' »intérieurs ».
Je ne sais pas si d’autres pays font cela aussi. Et je présume que cela procède du succès international du 4-2-3-1 depuis le passage au XXIème siècle.
La liste française officielle (celle publiée par la 3F) retient quatre catégories de joueurs : gardiens de but, défenseurs, milieux de terrain, attaquants.
https://media.fff.fr/uploads/files/36b10b99335a6db917611049430336a0.pdf
Mais, parmi les attaquants, Griezmann et Nkunku ont un profil hybride qu’on pourrait qualifier d’intérieur. Benzema et Giroud sont des avant-centres. Coman et Dembélé sont des ailiers. Mbappé est un ailier ou un avant-centre.
Oh oui, vous en avez bien sûr! Mais votre fédération ne juge pas opportun de les distinguer officiellement des autres attaquants.
Et surtout au temps pour moi : c’est pour le dernier Euro que la fédé belge distinguait, mais sans les qualifier, une catégorie intermédiaire d’entre médians et avant-centres.
Par contre pour le Qatar : la 5ème catégorie distinguée est celle des wing-backs (c’est écrit texto)!, j’ai réagi de manière pavlovienne en la découvrant ce matin. On catégorise donc non pas uniquement par strates, mais aussi en distinguant les axiaux des joueurs de couloir.
Superbes illustrations. Alex James, c’est un des joueurs les plus fins en Angleterre. On se demande souvent ce qu’auraient fait les Anglais aux Coupes du Monde des années 30 mais l’Ecosse aurait peut-être eu un rôle de trouble fête. James, Huguie Gallacher, McPhail, Tommy Walker…
« Superbes illustrations. »
Genre, le texte c’est de la merde !
A priori, dans les années 1930, l’Ecosse est au niveau de l’Angleterre. Toutes les deux sans doute moins costaudes que l’Autriche, la Hongrie, l’Italie, l’Uruguay ou l’Argentine.
Sais-tu pourquoi l’Ecosse déclare forfait en 1950 ?
Haha. Le texte ne peut etre que l’œuvre d’un érudit, d’un Chateaubrian béarnais, qui certainement, doit etre très fort à la Cesta Punta!
Quand je parlais de l’Ecosse en outsider à cette époque, je les imagine bien en quarts, voire en demi-finale avec un tirage au sort clément.
* Chateaubriand
C’est mieux ainsi.
C’est parmi les genres d’articles que je préfère, et tu rends remarquablement justice aux débats de l’époque, bravo et merci!
C’était foisonnant comme époque, loin de la domination monolithique d’habitude prêtée au WM..lequel était régulièrement mâtiné, adapté voire rejeté depuis les tempéraments prêtés à tel ou tel autre pays, l’effet de fiertés nationales aussi : fougue des Français, déficit athlétique des Italiens..
Y a un autre truc, c’est avoir fait accroire que certaines formations tactiques eussent soudain pu disparaître des pelouses, comme irrémédiablement supplantées..mais c’est faux : le WM, puisqu’il en est question, a par exemple toujours cours fin 60’s..et même le 2-3-5 parmi des nations pourtant illustres des 60’s – j’ai vu une formation uruguayenne le pratiquer dans les 70’s.
En aparté tu parlais de contre-histoires à proposer..éh bien l’histoire tactique en réclame aussi!, et ce n’est certainement pas le « Inverting the pyramid » de Wilson qui me fera changer d’avis : il n’a fait qu’inscrire/compiler dans le marbre, avec certaine malhonnêteté parfois..et en rendant au final bien peu justice aux controverses, débats, porosités et (véritables) dynamiques à l’oeuvre.
Une formation uruguayenne ? Tu te souviens laquelle ? Un anachronisme total car l’Uruguay (sélection et clubs) des 70es, c’est pas drôle à voir !
Ah ça, j’aimerais bien m’en rappeler! C’était une ressource en anglais, des images vidéo en existaient.
Registre anachronismes (certes moins rock’n roll, mais), la Hongrie qu’affronta la Belgique en 82 était disposée en 4-2-4.
Et maintenant que j’y repense, mais je ne qualifierais certainement pas cela de 2-3-5 (ce n’en était pas un), j’ai souvenir qu’il arriva à Happel de n’aligner que..deux défenseurs dans son Standard des saisons 80 et 81.
Jamais lu le Wilson mais, des échos que j’en ai eu, j’ai l’impression qu’il écrit une histoire linéaire (les systèmes tactiques s’enchaînent les uns à la suite des autres, l’un faisant disparaître l’autre, presque en suivant une logique irrémédiable, une sorte de fatalité historique…) et dans laquelle les évolutions tactiques ne répondent qu’à des problèmes tactiques. Bref, trop de lignes droites, pas assez de courbes. Trop d’évidences.
Le WM est une adaptation tactique tout à fait normale, qui permet un meilleur équilibre de l’équipe. C’est une solution défensive. C’est dans la boîte dans les années 20 et cela se fait sans brusquerie ni transmission. Si je me souviens bien, on commence de jouer le WM au début des années 20 aussi bien à Huddersfield qu’à Cannes. Et l’actuelle mode du 3-4-3, c’est quoi sinon un WM ? http://www.chroniquesbleues.fr/Pierre-Cazal-interview-histoire-tactique
Les modes vont et viennent, perdurent en fonction des régions, ne pénètrent pas dans certaines, etc. Et puis on fait en fonction des forces en présence, des styles particuliers (encore importants dans les années de l’entre-deux-guerres, moins aujourd’hui). Ce que font Chapman et Arsenal, c’est rendre évidente l’efficacité du WM pour les Français. Il n’y a pas de doute : si Arsenal gagne, c’est grâce à son WM parfaitement huilé. Ensuite, si le Racing réussit le doublé en 36, c’est idem. Et on décide de jouer le WM en équipe de France. Mais on verra, notamment à travers mon texte sur Jordan, que le WM du Racing et celui de l’équipe de France ne sont pas le même. Cependant, malgré le WM, la France obtient toujours des résultats médiocres. Alors on cherche des explications : et si le WM était mal joué ? Et si, finalement, Arsenal n’avait pas gagné grâce à ses joueurs plutôt que grâce à sa tactique ? Est-ce qu’on ne se serait pas laissé aveugler ? C’est le sens de la remarque de Pefferkorn dans « Football joie du monde » (un livre sorti en 1944 mais que le journaliste semble avoir surtout réfléchi à la fin des années 30). Parce qu’Arsenal, c’est aussi une équipe de mabouls. Chapman réalise, coup sur coup, deux transferts faramineux pour signer ses deux intérieurs. C’est un peu le Manchester City d’aujourd’hui : l’entraîneur est présenté comme un révolutionnaire, un maître-tacticien, mais ne gagne-t-il pas aussi parce qu’il a des joueurs extraordinaires à sa disposition ? Autrement dit, en équipe de France, on veut jouer le WM d’Arsenal mais avec Veinante ou Delfour aux postes d’intérieurs… Imagine-t-on, aujourd’hui, l’OM vouloir jouer comme Manchester City avec Veretout dans le rôle de De Bruyne ?
3-4-3, WM..
C’est pour ça que je trouve intéressante l’idée de distinguer 4 strates parmi les joueurs de champ car, bien que l’évolution du jeu et des organismes ait brouillé les cartes, on trouve toujours des médians plus offensifs ou défensifs que d’autres.
4-5-1..ou 4-1-4-1?
Bozsik et Hidegkuti émargent-ils aux mêmes fonction et profil dans le 4-2-4 hongrois des 50’s?
4-3-3, 4-2-3-1.. Le 4-2-3-1, qu’on disait (je le crois volontiers) développé par un club espagnol de seconde zone (Alcorcon??, un nom de cet acabit), on le présentait à ses débuts comme un 4-3-3 du pauvre.
Le 4-3-3 du grand Ajax, c’est 1-3-3-3 ou 3-1-3-3.
Le 4-3-2-1, etc..
« C’est pour ça que je trouve intéressante l’idée de distinguer 4 strates parmi les joueurs de champ »
Oui, et c’est ce que fait Hanot dès 1930 ! « Ainsi, entre les trois avants réels et les demis, les deux intérieurs forment-ils une ligne supplémentaire, et ils portent au nombre de quatre le nombre de lignes de joueurs sur le terrain. »
Le WM, c’est clairement un 3-2-2-3.
Verretout a un De Bruyne dans chaque jambe !
@Bota, je pense que tu fais référence à Albacete et son entraîneur du début des années 90, Benito Floro. C’est avec ce système qu’il avait fait monter le petit club manchego et l’avait maintenu sans difficultés.
Je ne pensais ni à Floro (dont je me rappelle vaguement le nom), ni à Lillo (que je lis à l’instant être aussi crédité de cela).
Une certitude, outre que ce soit espagnol : Benito Floro le faisait alors plus tôt que celui auquel je pensais, merci de la découverte.
Ah, je découvre par la bande qu’on parle désormais de 3-1-4-2 pour le 3-5-2. Je serais curieux de savoir qui initie ces « modes », ces conventions.
Me dissuade pas, je l’ai acheté mais pas encore lu.
Non, lis-le! Je serais d’ailleurs de très mauvaise foi à dire n’y avoir rien appris.
Mais on y trouve de ces simplismes..voire, plus grave, de ces falsifications qu’il était pourtant parfaitement en mesure d’éviter.
En 4ème de couverture de mon exemplaire, est de tête retranscrit qu’il s’agirait de « l’ouvrage sportif de la décennie », un truc du style, euh.. C’est un ouvrage émérite (voire follement téméraire/prétentieux..) par la somme des traditions qu’il entend embrasser, ça oui. Mais de là à en faire la sainte-Bible.. Il aurait davantage fait oeuvre utile en se focalisant sur un sujet, à fond (dont en y intégrant des aspects de porosité avec d’autres traditions, davantage de place au doute ou à l' »accident » aussi). En lieu et place de quoi : il va faire autorité, certes..mais cette histoire globale du foot est tellement tronquée, mécanique.. En fait c’est dans le méta-discours que son bouquin m’a paru le plus intéressant..car pourquoi certains parti-pris? pourquoi et toujours cet occidentalo-centrisme?
Comment joueraient les Kopa, Di Stéfano, Puskás et Piantoni aujourd’hui ?
Je vois bien Kopa, qui n’était un létal comme Ciso et Fontaine, derrière l’avant-centre, à la Fékir
Di Stéfano en super-Benzema qui pourrait se balader partout
Piantoni et Puskás en 2ème attaquant de pointe dans un 4-4-2. Je les imagine moins en milieux offensifs style Modric.
J’imagine que la tradition a pris fin avec l’effondrement du Racing dans les années 60. C’est d’ailleurs étonnant cet effondrement avec trois relégations en quatre saisons.
Ah, je vois que tu as déjà répondu à ça, 62. Ça leur a donc porté malchance.
Quel travail…
Superbe M.Bobby.
J’évoquais Mermans, ce proto-Hidegkuti acheté à prix d’or (ordre de montant jamais vu en Belgique) par Anderlecht durant la guerre à ses 19 ans, et dont la présence (et pas mal de magouilles aussi) fut décisive du destin post-war de ce club jusqu’alors absolument inoffensif..
C’est maintenant en parcourant les commentaires, des fois que j’en aurais loupé l’un ou l’autre, que ça me revient : parmi d’autres grands clubs post-war (Atletico Madrid, Torino.. Arsenal aussi..), le Racing Paris en fit un temps sa priorité – mais intransférable bien sûr.