Des vertus de l’autogestion : la France à la World Cup 1966

« Un peuple fort n’a pas besoin d’homme fort. »

Viva Zapata !, 1952

Le 9 octobre 1965, au Parc des Princes, l’équipe de France bat la redoutable équipe de Yougoslavie et s’ouvre ainsi la porte pour la World Cup. L’unique but du match a été marqué par Philippe Gondet – jeune attaquant nantais de 23 ans dont c’est la première sélection – au terme d’une puissante pénétration suivie d’un tir terrible à 25 mètres. Un exploit individuel, un but sublime.

Il reste encore un match à jouer, à Marseille, contre le Luxembourg, mais on pressent bien que c’est une formalité. Le plus dur a été fait. Et, effectivement, les Bleus ne font pas de quartier le 6 novembre : doublé de Gondet, doublé de Combin pour une victoire quatre buts à un.

Le tirage au sort, peu amène, place la France dans le groupe I avec le pays hôte, l’Uruguay et le Mexique. Un groupe difficile. Mais dont on espère, à la fédération, que les Bleus vont pouvoir s’extraire afin de rallier les quarts de finale. Appliquant la recette de 1958, avec Kopparberg en Suède, la fédération choisit d’installer l’équipe de France à Peebles, en Ecosse, bien loin de la tumultueuse métropole londonienne où les Français joueront leurs matchs. Un havre paisible, sylvestre, à la campagne.

Si le choix des hommes en vue de la compétition ne pose pas réellement question, c’est sur l’option tactique que le sélectionneur Henri Guérin achoppe. Doit-il conserver le 4-3-3 plutôt offensif qu’il a employé jusque-là, ou bien doit-il opter pour une solution plus défensive, un 5-2-3 avec libéro, ce qu’en Italie on appelle le catenaccio et en France le béton ?

Henri Guérin (1921-1995) est un ancien international (trois sélections en 1948 et 1949). Avant de devenir sélectionneur, il a entraîné Rennes et a connu une brève – mais catastrophique – expérience sur le banc de Saint-Etienne.

Une querelle tactique et idéologique

C’est qu’en 1965, le catenaccio semble avoir fait ses preuves. En remportant deux fois de suite la Coupe des clubs champions européens, l’Internazionale d’Helenio Herrera a effectivement fait la démonstration de la supériorité de la défensive sur l’offensive. En France, même, le béton est à la mode : le jeune (38 ans) entraîneur du Racing de Strasbourg Paul Frantz s’en est fait l’apôtre. Et les résultats ne se sont pas fait attendre, puisque le Racing réalise un magnifique parcours en Coupe des villes de foire 1964-1965 en éliminant successivement le Milan AC, le FC Bâle et le FC Barcelone, avant de chuter contre Manchester United.

Le 27 avril 1965, dans les colonnes de France Football, l’entraîneur alsacien est adoubé par Helenio Herrera lui-même : « J’ai l’impression qu’une équipe a apporté quelque chose dans le championnat de France : celle de Strasbourg. Elle joue avec un libéro, contre-attaque remarquablement bien et affirme une puissance physique exceptionnelle. J’ai lu dans Football Magazine les théories de son entraîneur Paul Frantz. Il a raison. Tout le reste n’est que de la littérature ! »

La saison suivante, le Racing décroche la Coupe de France face au FC Nantes de José Arribas. L’opposition tactique entre les deux équipes se lit alors merveilleusement. Au 5-3-2 avec libéro et marquage individuel de Strasbourg répond le 4-2-4 avec défense en ligne et marquage en zone du FC Nantes. Si le jeu est direct et opportuniste côté alsacien, il est patiemment construit par les Nantais. Bref, ce 22 juin 1966 au Parc des Princes, on assiste plutôt à une opposition de styles, à la confrontation de deux visions du football qu’à une simple rencontre entre deux équipes.

C’est que le choix entre le béton – représenté par Frantz – et l’offensive – incarnée par Arribas – structure la réflexion tactique en France dans les années 1960. C’est plus qu’un choix, c’est une déclaration. Aussi bien tactique qu’idéologique. En tout cas, c’est ce que prétend le mensuel d’obédience communiste Miroir du football. Au mitan des années 1960, après avoir soutenu Albert Batteux puis Pierre Sinibaldi, l’organe de presse porte alors aux nues José Arribas. Préconisant le jeu court et offensif, la défense en ligne avec marquage en zone et piège du hors-jeu, les journalistes du Miroir ne peuvent effectivement que se reconnaître dans le jeu du FC Nantes. D’autant plus que Nantes gagne, puisqu’il est champion de France en 1965 et 1966.

Bref, il n’y a pas que le catenaccio qui obtient des succès. Néanmoins, incarnation de la modernité footballistique, traduisant sur le gazon le pragmatisme de l’époque, le béton inscrit – jusque dans son nom – les triomphes des Trente Glorieuses : il est la métaphore positive de la construction, de l’industrialisation, de la croissance. Sur les terrains de football comme dans les villes en pleine urbanisation, le béton est alors à la mode. Et, si l’offensive et la défense en ligne ont trouvé leur avocat en la personne de Miroir du football, le béton et le marquage individuel ont aussi trouvé le leur : France Football.

Finale de la Coupe de France 1966 : les capitaines René Hauss (Strasbourg) et Daniel Eon (Nantes). L’arbitre central est Jean Tricot.

Un imbroglio tactique

Alors, au moment de choisir, Henri Guérin hésite : béton ou offensive ? Pour se décider, il a trois matchs. Trois matchs de préparation avant la World Cup : l’Italie le 19 mars au Parc des Princes, la Belgique toujours au Parc des Princes le 20 avril, enfin l’URSS au Stade Lénine le 6 juin.

Pour le premier match, face à une Italie adepte du catenaccio, il choisit de jouer le béton. Béton contre béton, le résultat final est bien sûr de 0-0. C’est un succès relatif, la victoire étant passée toute proche : un but injustement refusé à Jacky Simon. L’opinion d’Henri Guérin est alors faite : « Pour la Coupe du monde, » annonce-t-il devant la presse, « j’ai choisi le béton. » C’est clair, c’est net, et la Belgique qui vient au Parc des Princes sait à quoi s’en tenir.

Elle le sait si bien qu’elle repart avec une belle victoire 3-0. En juin, à Moscou, après avoir mené 2-0, les Bleus obtiennent finalement un nul méritoire (3-3). Résultat des courses : deux nuls encourageants et une déroute à domicile. Le béton semble avoir montré ses limites, mais Henri Guérin ne veut pas en changer. Et, en même temps, il ne veut pas complètement couper les ponts avec le choix de l’offensive et de la défense en ligne.

Voyant le sélectionneur embarrassé et doutant sans doute de ses capacités – la désignation de Guérin en 1964 était clairement un choix par défaut –, la fédération décide de lui adjoindre en Angleterre deux entraîneurs de club expérimentés : Lucien Jasseron de l’Olympique lyonnais et Robert Domergue de Valenciennes. Le premier est un adepte du béton et a obtenu quelques bons résultats : une Coupe de France et une demi-finale de Coupe des vainqueurs de coupe en 1964. Mais, au terme de la saison 1965-1966, l’OL a frôlé la relégation en terminant seizième de la première division. Le second est un partisan de la défense en ligne et il a obtenu des résultats inespérés avec le modeste club nordiste : deux troisièmes places de première division en 1964-1965 et 1965-1966. Bien vite cependant, voyant qu’il n’est pas écouté, Domergue rentre en France.

Continuant de ménager la chèvre et le chou, tranchant sans trancher, Guérin décide de faire participer à son béton des joueurs habitués à la défense en ligne – ainsi de Robert Budzynski, du FC Nantes, qu’il place en… libéro face au Mexique. En attaque, ce n’est guère mieux : le sélectionneur entend profiter des seconds ballons rabattus par ses avants après de longues passes venant de la défense. Mais ni Gondet ni Combin, alignés face au Mexique, n’ont le profil adéquat. Bref, c’est la pagaille et c’est fort logiquement que les Mexicains profitent des limites du marquage individuel français pour ouvrir le score. Les Français égalisent mais ils sont incapables de forcer finalement la décision (1-1).

Budzynski demande alors à Guérin de ne plus le faire jouer libéro et c’est Marcel Artelesa – habitué du poste à Monaco – qui hérite de la charge contre l’Uruguay. Mais la réussite n’est pas plus à l’ordre du jour : Budzynski est toujours perdu dans le marquage individuel, Gondet n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent, et il faut un pénalty d’Hector de Bourgoing pour permettre aux Français de marquer. C’est néanmoins insuffisant puisque l’Uruguay marque deux buts.

Le Mexicain Borja, esseulé face à Aubour, marque le premier but de la rencontre avec la France. Budzynski, De Michèle et Djorkaeff ne peuvent que constater les errements du marquage individuel français.

Le choix de l’autogestion

Après deux matchs, si la France n’est pas encore éliminée c’est tout comme. Il lui reste en effet à jouer un match contre l’équipe la plus redoutable du groupe : l’Angleterre à Wembley. Alors, perdu pour perdu, les joueurs décident de se révolter. Ils n’ont jamais adhéré à la tactique bétonnante de Guérin et ils choisissent donc de ne plus obéir à leur sélectionneur. Ils prennent le pouvoir.

Budzynski et Herbin – peut-être d’autres joueurs – vont donc voir Guérin et obtiennent de revenir à un 4-3-3 avec défense en zone et recherche du hors-jeu. Si la défaite est là (0-2), elle montre cependant d’indéniables progrès par rapport aux matchs contre le Mexique et l’Uruguay : les avants anglais sont mis hors-jeu à 16 reprises et le premier but anglais est validé malgré une position de hors-jeu signalée par le juge de touche. Surtout, les Français finissent le match avec neuf joueurs valides, Nobby Stiles ayant blessé Herbin et Simon en toute impunité. A l’occasion de la blessure de Herbin, alors qu’à l’époque les remplacements ne sont pas autorisés, ce sont bien les joueurs qui décident de la réorganisation tactique : Herbin passe en avant-centre, Gondet glisse à droite, Herbet se replie au milieu. C’est de l’autogestion, qui prouve ainsi que – face à des chefs médiocres – elle est une option efficace.

Au contraire de ce qui se passera en 2010, les apparences sont ici sauves : Jasseron se charge de la causerie d’avant-match (sans aborder les questions tactiques) et la presse ne monte pas l’affaire en épingle. Guérin est évidemment débarqué, mais cela en reste là.

Littérature

– Pierre Cazal, Une histoire tactique des Bleus, Spinelle, Paris, 2022 ;
– Thibaud Leplat, Le football à la française, Solar, Paris, 2016.

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40 réflexions sur « Des vertus de l’autogestion : la France à la World Cup 1966 »

  1. France-Yougoslavie, quel match ! Commnenté par un Thierry Roland pas encore franchouillard, ce match devait être le départ d’une nouvelle épopée qui devait culminer en Angleterre où les plus pessimistes envisageaient au pire une 3ème place. Débuts tonitruants de Philippe Gondet qu’on s’empressa de voir en lui le « nouveau Fontaine ». Rappelons qu’il dû sa sélection suite au forfait volontaire du Monégasque Yvon Douis qui stoppa ainsi sa carrière international. Au moins il ne participa pas à la mascarade de la Coupe du monde. C’était l’époque où une défaite était jugée comme encourageante, un nul comme un exploit et une victoire comme un quasi-miracle. Entre le Championnat d’Europe des Nations et ce match, il n’y eut guère, en matchs officiels, qu’un France-Finlande en 61 et les France-Angleterre et France-Bulgarie de 63 pour pouvoir y croire. La saison 61-62 fut une des plus catastrophiques. On parlait de la « crise du football français ». A la sortie du Stade français-Nîmes du 20 mai 62, lors d’un micro-trottoir, des journalistes de radio Luxembourg demandaient leurs avis et leurs solutions à des spectateurs qui sortaient du Parc.
    Rappelons que les successeurs d’Henri Guérin ne firent pas forcément mieux: binôme Snella-Arribas, Louis Dugauguez, Just Fontaine, Georges Boulogne et Stefan Kovacs.

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  2. PS: un crochet à la limite du hors sujet ici mais le passage sur le RC Strasbourg me fait penser à ce qui pourrait presque s’apparenter à une légende urbaine… 30 ans plus tard, ce même RC de Strasbourg, alors en plein petit âge d’or des clubs français en parcours européens… avait semble-t-il pour idée d’enrôler Roberto Baggio. Quelqu’un serait ici assez connaisseur de cette anecdote pour nous en parler ou, dans l’idéal, de nous offrir un micro article sur la question ?

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  3. À vue de nez, 8 des 22 sélectionnés venaient de l’école du jeu (Monaco, Nantes, Saint-Étienne, Valenciennes) et les autres, dont les trois gardiens, de l’école du béton. De quoi alimenter effectivement un climat de guerre civile sur la tactique. Pour un sujet en préparation, j’ai en mémoire récente le contre-exemple réussi de la RDA de 1974. D’un côté, le style allemand classique (CZ Iéna et FC Magdeburg), 4-3-3 qui vire au 4-3-2-1, longs ballons, verticalité et puissance physique sans génie. De l’autre, l’ovni Dynamo Dresde, 4-3-3 bien étiré dans les deux dimensions, attaques construites par un libero (l’immense Dixie Dörner) aux airs de numéro 10, jeu au sol et vrais ailiers de débordement. Aussi bons l’un que l’autre au palmarès domestique. Georg Buschner a choisi dès le départ de faire jouer son équipe à la classique et n’a retenu que deux joueurs du Dynamo (trois si Dörner n’avait pas été blessé) dans les 22, problème résolu. Évidemment, pour ça, il faut un sélectionneur droit dans ses bottes et une Fédération qui le soutient. À relire les atermoiements de tout ce beau monde à la FFF de 1966, la phrase de Charles de Gaulle au sujet d’Albert Lebrun revient irrésistiblement à l’esprit : « Au fond, comme chef de l’État, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un État. »

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  4. Quel escroc! Le gars se débrouille pour sortir un article un jour de grève, histoire de papoter pépouze.

    Lors du dernier Euro, il y a eu un épisode un peu similaire avec l’équipe d’Autriche. Las de l’incompétence de leur sélectionneur, quelques cadres sont intervenus le pousser à revoir sa copie tactique.

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    1. Je ne vais pas avoir trop le temps de papoter avec vous.
      Faut que je sois sur place à 10 heures (c’est de plus en plus tôt, ces affaires-là : pensent-ils à mon sommeil ? Déjà qu’il fait froid…)

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      1. p2f, c’est comme la taverne des marchands de la Guerre des Étoiles (ou le bar Pilade du « Pendule de Foucault » d’Umberto Eco, choisissez votre référentiel culturel) : on dépose les sujets qui fâchent au vestiaire et on se retrouve autour d’un sport qui fédère plutôt bien, quoi qu’on en dise, les valeurs de gauche et de droite. Faute de quoi ça pourrait devenir les Tontons flingueurs : « En supposant que ça tourne à l’orage, Bastien et moi, on est sûrs de se retrouver face à face, flingue en pogne, avec l’honnêteté qui commande de tirer. Vraiment un truc à décimer une famille ! »

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      2. « Le pendule de Foucault », j’ai eu beaucoup de mal à m’y mettre vraiment (bon, j’étais ado quand j’ai voulu essayer pour la première fois). M’y suis repris plusieurs fois, je n’accrochais pas. Et pis un jour, le truc a pris et je l’ai lu d’une traite ou presque. Mais c’était après avoir découvert le « Nom de la rose ».

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    2. La rumeur court que les Bleus de 1986 étaient aussi en autogestion autour de Platini, dans le dos d’un Henri Michel au-delà de son niveau de compétence. Je n’y croyais pas jusqu’à un France-Tchécoslovaquie amical en août 1988 (1-1) que j’étais allé voir au Parc un peu au flan. Devant la bouillie de football offerte face à une équipe au creux de la vague ces années-là, je me suis sérieusement posé la question. Et puis il y a eu le match nul à Chypre…

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      1. Il y a des raisons à la mise à l’écart de Larios qui ont un point commun avec l’affaire KB9-Valbuena et ne relèvent pas de l’autogestion ; Jacquet ou DD auraient sans doute pris la même décision que Michel Hidalgo à ce sujet. Je n’ai pas l’impression qu’Henri Michel ait laissé l’image d’un tacticien inspiré où qu’il soit passé. On a vu beaucoup mieux avec Platini aux manettes (la seule qualification sur le terrain pour un Euro à 8, la plus difficile au monde à obtenir, et pas n’importe comment : 8 victoires en 8 matchs avec Espagne et Tchécoslovaquie dans le groupe). Je n’étais pas en France au moment de l’Euro 92 et n’ai jamais vraiment compris comment les Bleus avaient pu être aussi décevants. Peut-être le maître avait-il lui aussi atteint ses limites sur le banc ?

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      2. @g-g-g : lors de l’Euro 92, Platini proposait un jeu minimaliste de contre-attaque misant principalement sur l’efficacité du duo JPP-Canto. Ca a marché en qualifications, mais pas en compétition où les Bleus, sans vrai créateur, étaient forcés de prendre le jeu à leur compte face à des blocs bas.

        Les joueurs semblaient également émoussés par une préparation physique peut-être trop poussée.

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      3. J’accepte volontiers l’hypothèse de la préparation physique et je ne peux rien dire sur le style de jeu pendant l’euro : j’étais parti un an et demi à l’étranger en février 1992 et aucun match n’était retransmis. Je me souviens en revanche avoir vu les Bleus fort capables de produire du jeu en qualifications, en particulier contre l’Espagne au Parc (3-1 avec une jolie papinade, si je me souviens bien) qui a été une sorte de match-référence après l’échec en CM 1990.

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  5. Ces débats sans fin entre béton et jeu offensif feront dire deux ans plus tard à Milos Milutinović, après la raclée de Belgrade (5-1) en 1/4 de finale de l’Euro : « brûlez vos tableaux noirs et faites des footballeurs ». Je lui donne raison : cette génération est au mieux moyenne et en plus, elle n’a pas les qualités physiques des joueurs de l’époque. Bref, en France, à la fin des années 60, on se tripote en oubliant l’essentiel :-).

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    1. Peut-être mais, comme le souligne Verano, la qualité des joueurs en moins.

      Le poste de sélectionneur national est alors un pis-aller. C’est pourquoi, en 1964, la 3FA choisit l’obscur Henri Guérin. Personne ne veut de ce poste.

      Guérin est le premier sélectionneur-entraîneur, diplômé, rémunéré. Auparavant, il n’y a qu’un sélectionneur (ou un comité de sélection) qui choisit les hommes et ne s’embarrasse pas de tactique car il n’y connaît rien ! C’est le capitaine, sur le terrain, qui fait la tactique.

      Pour la Coupe du monde, qui est une grosse affaire, la 3FA désigne alors des entraîneurs devant s’occuper de la tactique : Kimpton en 1934, Snella et Batteux en 1958. C’est ce duo, qui réussit si bien en Suède, que la fédération essaie de reconstituer en 1966. Réduisant, de ce fait, le rôle de Guérin à celui d’un simple sélectionneur. Toutes ces palinodies n’aident guère…

      (On parlera, à l’occasion, du France-Autriche de 1934 qui fut une belle réussite tactique des Bleus.)

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    2. Il y avait de très bons joueurs, mal entraînés (le déficit physique était criant) et mal encadrés (Michel Mézy disait dans une interview sur SF à propos d’un France-Hongrie perdu en qualis de l’Euro 72 : « Nous n’étions pas des compétiteurs »). Robert Herbin aurait été une star dans n’importe quel gros de la LDC d’aujourd’hui. Gondet, Loubet, Jean Djorkaeff, Carnus, entre autres, ç’aurait été le bon niveau international.

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  6. L’équipe de France des années 60, ce n’est vraiment pas sexy, ni dans la direction, ni dans la tactique, ni dans les résultats, ni dans les noms sur les feuilles de matchs: des joueurs aujourd’hui presque inconnus des non connaisseurs (A part quelques noms nantais). Une décennie à oublier après l’exploit de 58.

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    1. 58, c’est vraiment l’exception. Ce n’est précédé de rien, en équipe de France, et suivi de rien.

      Mais dans les années 60, pour les clubs comme pour l’équipe nationale, la France du foot touche vraiment le fond. Et même le public s’en désintéresse : les fameux 434 spectateurs du Vél contre Forbach, c’est en 1965. Au Parc, quelques semaines plus tard, il y a 11 000 spectateurs pour un France-Argentine amical ! Une misère.

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  7. Extrait d’un propos de Robert Herbin repris par Réthacker et Thibert :  » la leçon, capitale à mon sens, se trouve dans la nécessité, démontrée en cette circonstance comme dans mille autres, d’une communion d’idées entre ceux qui ont la charge d’une équipe et ceux qui constituent cette équipe. Communion, adhésion, unité, concertation : voilà les mots-clés…qui furent ignorés en Angleterre et nous privèrent – sans doute – d’une meilleure Coupe du monde 1966″.

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    1. Adhésion, oui.
      On ne peut pas contraindre les gens à faire ce qu’ils n’ont pas envie de faire.
      Tu ne peux pas prendre Gondet et Combin et leur demander de faire du Giroud…
      Tu ne peux pas mettre Anelka seul en pointe et lui demander de prendre la profondeur…

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  8. Merci Bobby pour ce chouette article! Ils ont jamais pensé à Herrera pour le poste de sélectionneur français? Bon, il avait certainement de plus gros defis à relever. Mais vu qu’il a taté de l’Espagne et de l’Italie.

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  9. On apprend aujourd’hui le décès de Charly Loubet, le 8 ou 11 de Nice et de l’OM où il formait un fameux trio d’attaque avec Magnusson et Skoblar. Un autre nom de la fin de cette période obscure qui n’a pas eu la renommée internationale qu’il méritait.

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  10. Je l’avais gardé pour le relire quand je serais à l’aise et j’ai bien fait : cet article est formidable, merci Bobby!

    Ces débats FranceFootball Vs Miroir : je connaissais via nos archives, car ils étaient évidemment suivis avec passion en Belgique (laquelle suivait toujours fiévreusement ce qui se disait à Paris). Mais alors cette histoire, cette mutinerie tactique……..??? Formidable!

    C’est peu connu et sera proposé, mais l’EDF anticipait de la sorte ce qui eut cours à Ajax quatre ans plus tard, à l’hiver 70 : une révolte de joueurs, rendus furieux par l’impuissance à quoi les réduisait le conservatisme tactique et rétrograde de leur entraîneur (oui oui, je parle du « plus grand entraîneur officiel blablabla » de l’Histoire officielle, Rinus Michels donc).

    Goethals aussi fut éreinté pour ses approches-béton (amélioré) avec les Diables Rouges, il est vrai que les exceptionnels joueurs à sa disposition eussent dû autoriser à plus d’ambitions mais, et cela Goethals en avait parfaitement conscience : ce avec quoi il composait en termes d’encadrement (dont médical) ne lui laissaient probablement pas d’autre choix – et ses résultats, quoique contrariés par la scoumoune, lui donnèrent raison.

    Bobby, tu aimes à répéter n’être pas toujours à l’aise avec ces considérations tactiques..et cependant voilà deux articles, il me semble, où tu aboutis à des textes remarquables ; continue à te mettre « en danger », svp!

    Même époque, l’Angleterre aussi était traversée par ce type de débats : football académique? long-ball prôné par l’approche statisticienne de Reep (et légitimé par les expériences salutaires de Cullis!)? Finalement et pour 66, Ramsey sacrifiera contre toute attente les sacro-saints ailiers anglais, une troisième voie. Et quand bien même ledit Kick’n Rush faisait la démonstration de sa force, de ses arguments : il restait toutefois de la place pour d’autres écoles voire pour l’expérimentation (le Push’n Run de Nicholson garde d’être redoutable, l’une ou l’autre équipes épouseront avec succès une voie plus continentale.. quant au meilleur, Revie : il aboutira tout bonnement à une synthèse protéiforme d’à peu près tout).. Ca reste vibrant un peu partout, styles et approches divers.. C’est riche car foisonnant.

    J’espère me tromper mais je n’ai vraiment pas l’impression que de tels débats aient vraiment encore cours, plutôt le sentiment qu’un effet de « mode » fait très, très vite tâche d’huile et autorité désormais, et que les techniciens (de surcroît hyper-formatés désormais – écoles d’entraîneur, gnagnagna..) n’osent plus guère prendre le moindre risque – voire en sont incapables, tant ils sont devenus standardisés.

    Le pompon, tiens, ce qui semble désormais faire office de renouvellement de la pensée-jeu : le « data », bbrrrrrrr……….

    Encore et toujours plus d’articles de cet acabit, Bobby svp : c’est bon de rappeler que la controverse et la pluralité tactiques, stylistiques aussi, se doivent d’exister!

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  11. « Bobby, tu aimes à répéter n’être pas toujours à l’aise avec ces considérations tactiques..et cependant voilà deux articles, il me semble, où tu aboutis à des textes remarquables ; continue à te mettre « en danger », svp! »

    Ce genre de questionnements tactiques m’intéressait fort peu jusqu’à il y a peu. Je m’y suis mis. Faut bien se renouveler ! Et apprendre de nouvelles choses…

    « Encore et toujours plus d’articles de cet acabit, Bobby svp : c’est bon de rappeler que la controverse et la pluralité tactiques, stylistiques aussi, se doivent d’exister! »

    Il y en aura d’autres, certainement, oui. Quant au pluriel, au débat, à la problématique et à la controverse, c’est bien ma boutique. Je suis le genre à mettre des S à la fin de tous les mots pour souligner cela…

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