Le kamikaze

« Une fois de plus, c’est le gardien Birger Jensen qui aura volé la vedette quand, quinze minutes après la pause, l’Espagnol Marcial fut autorisé à tirer un penalty après une faute de Leekens sur Aguilar. D’évidence contrarié, Jensen y trouva toutefois l’adrénaline nécessaire pour planer jusqu’à sa lucarne opposée et taper le ballon au-dessus de la barre, tel un acrobate évoluant sans trapèze. L’ovation fut assourdissante. » (Ed van Opzeeland, Pays-Bas, 25 Years of European Cup 1, 1956-1981, mars 1978)

« Le gardien Jensen aura été le héros des Belges, tout au long de cette soirée interminable pour le Club de Bruges. Après seulement deux minutes, il devait déjà s’employer contre Kenny Dalglish. Décisif de bout en bout, c’est en définitive un nombre incalculable de tirs que le Danois sera parvenu à arrêter. » (Keir Radnedge, Royaume-Uni, 50 ans de Coupe d’Europe et de Ligue des Champions, 2005)

« Birger Jensen est un gardien extraordinaire. » (Niels Liedholm, Suède, entraîneur de l’AS Roma, décembre 1975)

« Il était meilleur que Pfaff et Preud’Homme. » (Georges Leekens, Belgique, avril 2023)

« A cette époque, il était l’un des meilleurs gardiens de but au monde, peut-être le meilleur. Birger était exceptionnel. » (Kenneth Brylle Larsen, Danemark, avril 2023)

Flash-back

Westphalenstadion, huitièmes de finale de la Coupe UEFA. Pour de bon abandonné par sa défense, une fois de plus catastrophique ce 25 novembre 1987, Birger Jensen oppose miraculeusement à la star du Borussia Frank Mill d’inscrire le but fatidique du 4-0. Il l’ignore encore, mais peut-être le sent-il confusément : remplaçant de luxe depuis 1985 et âgé de près de 37 ans, Jensen vient de réaliser l’ultime arrêt de sa carrière internationale et, ce-faisant, de ménager au Club de Bruges de pouvoir renverser encore la situation au match-retour – lequel sera remporté 5-0 après prolongation, comme avait été de coutume 10 ans plus tôt, sous la direction alors de l’énigmatique Ernst Happel.

Birger Jensen aux côtés de son successeur Philippe Vande Walle, au soir de la qualification par 5-0 face au Borussia Dortmund, 09/12/1987.

C’est à l’instigation dudit Happel (lequel ne débuterait à Bruges qu’en janvier 1975) que le FC Bruges, pourtant au bord du dépôt de bilan, misa à l’été 1974 l’intégralité de ses ultimes billes sur ce jeune gardien certes prometteur, quoique formé au sein de l’obscur cercle danois du Boldklubben 1903.

Selon son compatriote et équipier Ulrik Lefèvre, qui intervint dans ce transfert, Happel « cherchait un gardien de but adepte du jeu long. Ernst Happel aimait ce style, souvent qualifié de hollandais mais qui à vrai dire portait sa signature depuis qu’il avait remporté la Coupe d’Europe des clubs champions avec le Feyenoord Rotterdam, en 1970. Happel, en somme, attendait de son gardien qu’il ose opérer en dehors des 16 mètres, et qu’il soit capable de diriger mais aussi de lire le piège du hors-jeu. »

« Ma confiance en moi était immense quand j’arrivai en Belgique à l’été 1974 », en confiera Jensen des années plus tard, « j’avais parfaitement conscience d’être un gardien très convoité en Europe, j’avais l’embarras du choix. Et pourtant c’est délibérément que j’avais choisi de signer au Club. Si j’eus peur en arrivant en Belgique ? Les environs du vieux stade, De Klokke, étaient carrément déprimants. Quelle différence avec le cadre champêtre du football amateur au Danemark, lequel était très beau et très propre, entretenu avec soin par le gouvernement. Alors qu’au Klokke, les vestiaires et les couloirs étaient vieux et usés ; ce stade était une ruine ! Ils auraient dû me prévenir mais parvinrent à m’apaiser : tout irait bien, un nouveau manager devait débarquer, les choses allaient s’arranger.

Quand je dus signer le contrat, et contrairement à ce qui avait été convenu : pas le moindre chèque en guise de prime à la signature. « Ah, petit problème ! Sera résolu. » Le 1er juillet, j’avais toujours les mains vides. A l’image du Club. L’année du dernier titre, en 1973, avait précipité la ruine du Club : les chiffres étaient dans le rouge, la situation était absolument critique. Même l’entreprise du mécène du Club avait menacé de faire faillite, en raison de la montagne de dettes dont il avait dû se porter garant. 

J’ai été surpris que Happel honore sa signature, l’hiver suivant. Je n’ai pas vu un centime pendant les trois premiers mois. J’ai même été viré de ma chambre d’hôtel parce que les factures n’étaient pas payées par le Club. Défraiements ? Pas la moindre trace. Appartement? L’international ouest-allemand Rolf Rüssmann eût beau décider de rentrer à Schalke, ce n’est pas pour autant que je pus occuper son appartement, devenu vacant : le Club ne savait plus le payer… Comment diable allais-je finir ? J’aurais pu faire mes valises pour Copenhague, du reste j’y ai pensé, mais début septembre c’est ma femme qui me rejoignait après avoir obtenu son diplôme d’infirmière. Ce n’est pas faute pourtant qu’elle fut assaillie par le doute, le chaos était total.

Happel lors d’un entraînement, Stade De Klokke, 1975. Enceinte particulièrement vétuste, De Klokke donna lieu des décennies durant à des scènes parmi les plus picaresques du football européen, ainsi que l’illustre cette vidéo datée de 1971, enregistrée à l’occasion d’un FC Bruges – Standard de Liège décisif pour le titre : https://www.youtube.com/watch?v=mNOKyhuGFpE

Et c’est alors qu’arriva Happel, ce fameux manager qui allait tout arranger. Mais le moins qu’on puisse dire est qu’il ne faisait rien pour nous mettre à l’aise… Savez-vous quels furent ses premiers mots à mon attention, lors du premier entraînement ? « Qu’est-ce que tu fous ici ? »

Sa bouche était acide. Sa main froide. Et il avait un look de bouledogue, comme son chien. Je me suis demandé : Quel genre de gars est-ce ? Est-il déjà allé à l’école ?

« Qu’est-ce que tu fous ici ? »… Non mais, vous imaginez la scène ? Mais le pire, c’est que cela me fit rire… et Happel évidemment beaucoup moins, il n’aura d’ailleurs réagi que par des grognements ! Voilà donc ce que fut ma première rencontre avec Monsieur Happel, Ernst de son joli prénom. Je n’allais pas tarder à faire le tour de ses jurons favoris, toujours les mêmes : « des pros du caca, Scheisse, Kein Geloel, des ânes boiteux »… Et que dire de ce que se ramassait son assistant, le Limbourgeois Mathieu Bollen : « Mineur limbourgeois ! » Ou pire encore : « Chien de mine limbourgeois ! »

Quelques semaines après son arrivée, l’entraîneur national danois me convoquait. Contractuellement, le Club se devait de me libérer pour le moindre match international, mais il fallut bien sûr que Happel fasse de son nez : « Contre qui dois-tu jouer ? Contre l’équipe d’Indonésie, dis-tu ? Ils jouent au baby-foot là-bas ? Avec des noix de coco ? » Mais qu’est-ce que c’était que ça pour une réponse ? »

La glace et le feu

Le physiothérapeute Eddy Warrinier s’est assis sur le banc à côté d’Ernst Happel pendant de nombreux matchs. Il témoigne : « Jensen était le seul qui osât tenir tête à Happel – ou plutôt : le seul qui pût lui tenir tête. Car Ernst le laissait tranquille, il avait compris que Birger ne pouvait pas être apprivoisé. Et donc Happel n’a jamais demandé de comptes à Jensen. »

Ernst Happel et Birger Jensen. L’entraîneur ténébreux et autoritaire, contre l’oiseau libertaire et sans cage. A l’instar de ce qui avait eu cours à Rotterdam, avec le métronome Wim Jansen et le volcanique van Hanegem, Happel s’appuierait aussi à Bruges sur un duo : le jeune regista Vandereycken en guise de plaque tournante et de relais tactique, et le Danois Jensen en fait d’inoxydable aliment moral de l’équipe. Fort de son statut, Jensen aura de la sorte défendu le but brugeois lors de 25 des 27 matchs européens disputés entre septembre 1975 et mai 1978 : 12 en 1975-1976, six en 1976-1977, sept en 1977-1978.

Aux côtés de René Vandereycken, l’un des plus remarquables mais aussi des plus vicieux joueurs jamais produits par la Belgique. Footballeur brillant mais teigneux, Vandereycken serait à la source de moult échauffourées lors des entraînements, çà et là conclus par de rugueux échanges physiques.

Bilan à domicile : 10 victoires, une défaite, un nul. Trois buts encaissés, neuf clean sheets. Et ce face à des adversaires du calibre de l’Olympique Lyonnais, Ipswich Town, l’AS Roma, l’AC Milan, Hambourg, le Borussia Mönchengladbach, le Real Madrid, le Panathinaikos, l’Atlético Madrid ou encore la Juventus Turin. A l’examen des comptes rendus des journaux de l’époque, un schéma se dessine, unanime : à des instants cruciaux de ces matchs, Jensen était systématiquement parvenu à retourner des situations de un contre un en sa faveur, triomphant de ses adversaires directs grâce à ses réflexes et à sa force mentale – celle-là même, donc, que Happel avait entrepris d’éprouver dès leur premier contact.

Dans ces moments-clés, qui aura échoué face à Jensen ? Rien que des attaquants de stature internationale : Bertrad, Woods, Chiarugi, Raducanu, Santillana, Gonios, Leivinha, Bettega. En possession du cuir, le Club de Bruges saisissait résolument l’adversaire à la gorge, développant méthodiquement ses assauts par vagues, arc-boutant peu à peu l’adversaire dans son camp, et n’ignorant pas que Jensen, fort de ses relances à la main de plus de 50 mètres, opérerait comme premier attaquant non moins que comme dernier défenseur, seul dans ses 30 voire 40 derniers mètres. Précédant le plus souvent (fût-ce d’un cheveu) les attaquants esseulés qui en situation de contre se ruaient vers son but, Jensen gagnerait un surnom au contact de cette tactique à double tranchant, rarissime pour l’époque : le Kamikaze.

Quoique archaïques encore sur le plan visuel et technique, car procédant non pas d’une rotation « discobolique » mais d’un jet apparenté plutôt au lancer du poids, les relances à la main du gardien danois constituaient l’arme première du FC Bruges en phase de transition offensive. Longues autant que précises, elles péchaient toutefois par leurs trajectoires paraboliques – une tare que, parmi d’autres, l’Ouest-Allemand Toni Schumacher s’emploierait bientôt à pallier.

En définitive, les contrastes entre ces deux fortes personnalités auront caractérisé la force du Club de Bruges de cette époque. Si Happel pouvait laisser libre cours à ses pokers offensifs en possession du cuir, comme quand il aligna par exemple quatre attaquants face à la Juventus, c’est parce qu’il savait pouvoir s’appuyer sur l’extrême fiabilité de son gardien dans sa propre moitié de terrain. Et de fait, que l’un échouât ou faillît… et il pouvait être certain que l’autre s’emploierait aussitôt à sauver ce qui pouvait l’être. Ainsi par exemple de cette fatale incompréhension survenue entre Jensen et son défenseur Leekens qui, en 1977, causa l’élimination du FC Bruges en quarts de finale de la Coupe des Champions face à Mönchengladbach, et qu’Happel commenta sans la moindre rancune : « Dommage pour Jensen et Leekens, mes meilleurs joueurs aujourd’hui. »

Ou réciproquement tout au long de cette finale de Coupe des Champions disputée à Wembley, pour laquelle Happel avait (fait unique dans sa carrière!) perdu foi en ses capacités, et exceptionnellement opté pour la défense à outrance, au regard de la demi-dizaine d’absents avec lesquels il devait composer. En ces circonstances en tous points défavorables, Jensen seul demeurerait imperturbable, repoussant tant que se pouvait l’échéance, remobilisant jusqu’à l’ultime seconde les moins expérimentés ou plus tétanisés de ses équipiers, et confortant publiquement ce que de longue date plus personne n’ignorait au sein du Club : ce n’était pas l’attaquant Raoul Lambert, mais bien plutôt le gardien Birger Jensen, qui durant toutes ces années avait été l’âme et le patron de l’équipe européenne la plus offensive de la seconde moitié des années 1970.

Supercoupe de Belgique, 01/08/1980 : Birger Jensen inscrit face à Pfaff le tir au but décisif, après avoir arrêté celui du Beverenois Eddy Jaspers.

Jusqu’en 1988, Jensen aura défendu les intérêts du Club à sa manière : en redoublant çà et là d’art clownesque, avec le souci toujours de faire le spectacle (comme lors de ce quart de finale décisif de 1978 face à l’Atlético, qui vit soudain Jensen saisir le cuir, se retourner vers son but… et se renvoyer la balle après l’avoir fait rebondir sur sa propre transversale, depuis la ligne des six mètres!), et le plus souvent avec un remarquable brio. Avec quelques autres, Jensen aura présidé à une rupture de style : le gardien de but devenait davantage qu’une victime expiatoire ou qu’un simple chasseur-cueilleur du cuir, mais participait bien au contraire toujours plus au jeu, actif tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de sa surface, et maîtrisant la moindre facette du métier. 

A 72 ans, l’icône danoise vivait toujours à Bruges, dans un modeste logement du centre-ville. Souffrant de problèmes chroniques aux poumons, il avait dû écourter très tôt sa reconversion comme ouvrier dans une unité de production. « Sa mort n’était pas inattendue », confia son compatriote Kenneth Brylle en apprenant son décès, « mais c’est tout de même beaucoup trop tôt. Birger avait un style distinct et flamboyant. Il pouvait jouer des deux pieds et était également très fort verbalement. Il ne connaissait pas la peur. Cela lui a parfois causé des ennuis, dont avec le conseil d’administration ou avec les entraîneurs » (NDLA : ce fut une brouille avec Sepp Piontek qui, dès 1979, le priva d’équipe nationale), mais, en définitive : qu’en aura-t-il été de sa relation avec Happel ?

Birger Jensen et Ernst Happel

« Je reste très reconnaissant envers Happel, pour tout ce qu’il a fait pour moi et pour le Club. Je suis sûr que rien de tout cela n’aurait été possible avec un autre entraîneur. Il l’a fait à sa manière, très spéciale : la sienne. Presque toujours avec le ballon. Les entraînements physiques ? Toujours en combinaison avec le ballon ! C’est cela qui fut la base de notre succès. Et puis il y avait son attitude bourrue aussi, qui au fond nous a assez bien plu. Ce n’était pas un homme méchant et sévère. Il imposait le respect mais nous laissait notre liberté. Le plus important : il nous aimait. Sinon, il ne serait pas resté à Bruges. Il a reçu des offres de tous les coins du monde et pourtant il s’est attardé dans la petite Bruges, rien que ce petit point sur la carte. Il est resté chez nous, chez les fermiers de Bruges et de la Flandre occidentale. Ça voulait dire qu’il nous aimait bien, qu’il croyait en nous. 

Encore une fois : cette équipe lui appartenait. Il l’a poussée à un niveau supérieur, y a apposé son empreinte. C’est grâce à la méthode de travail de Happel si nous devînmes ce que nous sommes devenus : observation, schémas de développement personnel très variés, toujours à siffler sur ses doigts pour nous corriger dès que quelque chose n’allait pas, adapter la tactique… Il pensait que nous devions nous fier à nos tripes et acculer l’adversaire dans son coin. Alors, oui : je le regarde désormais avec une certaine tendresse. Qu’importe notre relation d’amour-haine, cela ne me dérange pas. Je préfère entrer en conflit avec quelqu’un, plutôt que de donner un baiser ici, tandis qu’avec l’autre main, là… Même en considérant ma vie personnelle, je n’ai connu qu’une seule relation de ce type, où il y eut tout à la fois de l’amour et du combat. Et ce fut avec Happel, c’est comme ça que j’ai traité Happel. Nous avions besoin l’un de l’autre, nous avions besoin de cela. J’ai adoré notre confrontation, elle a rendu notre équipe plus forte. Et elle m’a rendu meilleur. » 

32 réflexions sur « Le kamikaze »

    1. Bonne part de son matériel procède de la biographie en-tirée par ledit Raph Willems, loué soit-il.

      Je recommande la petite vidéo de ce FC Bruges – Standard 1971, Cf. en annotation de l’une des illustrations : voilà dans quoi atterrit Jensen en 1974. Certes sur la vidéo ce sont des supporters du Standard qui se mettent en évidence, mais cet environnement footballistique était un anachronisme complet – je vous ai épargné des photos des vestiaires et sanitaires, indignes d’une équipe de district.

      Je crois que les gens ne mesurent pas ce que furent les contraintes de Happel au FC Bruges………. La grandeur de ces années ne tient pas qu’à l’anonymat européen, jusqu’alors, de cette place footballistique, à la taille modeste de cette ville ou au style positif et extrêmement aventureux du football qu’il y développa, nope : le club était ruiné, ses infrastructures obsolètes, les joueurs n’étaient plus payés, il fallut tout reconstruire avec des jeunes (+ l’un ou l’autre fidèles serviteurs, tels Lambert ou Bastyns), et cependant…………….. Un miracle!

      Je rejoins ceux qui en font son chef-d’oeuvre, tant cette mission semblait impossible. Mieux : il n’était guère question que de sauver les meubles.. et Happel cependant fit aussitôt de ce club en déshérence un géant européen!

      Ajouter que, selon son propre fils : ce fut l’étape la plus « dévorante » dans la carrière de son père.

      0
      0
      1. J’ai dû vérifier, loupé certains épisodes quand j’étais à l’étranger et, en te lisant à l’instant, je m’étonnais de n’en entendre plus jamais parler.. Ben en fait il est mort, il y a déjà un bon 15 ans….. A priori : le premier représentant de ce « Grand Bruges » à avoir passé l’arme à gauche (à part Happel, bien sûr)?

        Latéral droit très offensif (mais tout de ce FC Bruges était offensif). Attaquant de formation il est vrai, c’est d’ailleurs un classique pour les backs droits belges (Gerets, Grün, Heylens, Meunier, Van Binst.. j’en oublie tant et plus, le brillant Swat VanderElst tiens : tous attaquants de formation), les backs gauches y sont de profils plus foncièrement défensif en général, flancs volontiers « asymétriques ».

        C’était un joueur plutôt fin, bonne technique. Barré en équipe nationale par plus fort que lui. Mais une légende absolue du Club évidemment.

        1
        0
      2. C’est bien vrai, ce que tu dis là. Les grands 2 poussent (poussaient ?) comme des champignons en Belgique, comme les 6 en Allemagne, les 8 en Argentine, ou les gardiens en Yougoslavie quand celle-ci existait encore.

        0
        0
  1. Super article sur un joueur et un club, qui ont marqué les 70’s. Birger Jensen évoque très joliment sa relation avec Happel et en fait un beau portrait. Faut croire que Happel aimait bien taquiner les gardiens de but. Il était très copain avec Walter Zeman (les deux avaient la réputation d’aimer faire la fête), mais ça ne l’a pas empêché de lui faire quelques misères. Comme de marquer un superbe but contre son camp lors d’un amical face à une sélection régionale sur le chemin de la Suisse en 54, ponctué d’un « la panthère de Glasgow? Le tigre de Budapest? Tu es le trouduc de Hütteldorf ».

    Une anecdote rapportée par Edi Krieger. Après un match victorieux, Birger Jensen et lui sont allés boire quelques verres dans un bar. Vers minuit, Happel, qui habitait à deux pas, a fait son apparition. Quelques minutes après son arrivée, la serveuse a apporté de l’eau minérale aux deux joueurs, quelque peu surpris. Malin, Jensen s’est décidé à rentrer chez lui, mais Krieger s’est attardé. Happel s’est alors assis à sa table et a commandé des verres de Cognac. Et les deux Viennois de trinquer jusqu’à 5h du matin. Le lendemain, lorsque Krieger s’est pointé à l’entraînement, il a découvert cordes à sauter, medecine ball et vestes plombées, qui attendaient les joueurs. Et à chaque fois, que Krieger est passé en courant devant Happel, le Grantler lui a demandé: « alors, tu as encore le cognac dans les genoux? ».

    2
    0
      1. Oui, un drôle de bonhomme. Jensen en dit à peu près la même chose qu’un van Hanegem et d’autres. Malgré le côté grincheux et bourru, il savait « manier » les hommes. Si on ajoute ses qualités de tacticien, sa capacité d’innovation dans les entraînements…, difficile de trouver mieux.

        0
        0
      2. Pour l’Europe d’après-guerre, si l’on raisonne en termes d’apports au jeu, de challenges relevés, de vision, d’expertise.. : ben je ne vois vraiment pas mieux!

        Il y a matière à regretter que ledit « football-total », qui finit par imposer un peu partout son pattern, n’ait suivi la voie originelle tracée par Happel……… Oh, elle n’était certes pas angélique..mais elle était bien plus humaine, et même plus spectaculaire que le truc aride et systémique promu aux forceps par l’appareil médiatico-commercial.

        En lieu et place de Happel donc, d’une approche cérébrale non moins que burnée et humaniste : c’est son versant technocratique qui a fini par s’imposer, raccord avec l’évolution de la société, les valeurs dites de la « gestion d’entreprise », les Sacchi Michels et autres « idéologues » de cet acabit……… La logique mesquine du rendement.

        Pas faute pourtant que Happel prouvât qu’il y avait une autre voie.

        0
        0
      3. Günter Netzer racontait il y a très longtemps dans kicker qu’il a fait connaissance avec le jeu sauce Happel en Coupe d’Europe avec Gladbach contre Feyenoord au début des années 70. Entre football total et piège du hors-jeu, le 10 de légende de Gladbach avait passé une très mauvaise soirée à essayer sans succès de lancer ses attaquants. À la fin du match, excédé, il avait lancé à Hennes Weisweiler sur le banc : « Was für ein Fuchs haben die für Trainer ? »

        0
        0
      4. Triple G
        En parlant de Netzer, son dernier match avec Gladbach en finale de coupe face à Cologne mériterait un texte, je pense!

        0
        0
      5. C’est soit un article sur le match, soit un Moteur… Action sans ballon 🙂 Je veux bien prendre pour passer l’été. Entre « grands duels », un sujet hispanophone que je viens de commencer, et 3 autres Moteur… Action qui mériteraient leurs 15 minutes de gloire, les tuyaux sont remplis !

        0
        0
      6. Triple G
        Tu as mordu à l’hameçon! Haha La bise à mes oncles pêcheurs!

        0
        0
  2. Genial. Merci Alex! Tu en parlais souvent, il me semble que tu le considères comme le plus grand étranger de l’histoire de Bruges, mais j’ignorais tout de son caractère.

    Le Club Bruges 76-78 est souvent négligé en France, je trouve. Dans le récit, on parle toujours et avec raison du superbe Anderlecht qui fait 3 finales de c2 consécutives, qui en gagne 2 sans oublier les supercoupes, en oubliant que sur la scène nationale, il était dominé par Bruges.

    Et que le niveau des adversaires en finales européennes n’était pas le même. A mettre dans la liste des grandes générations sans titre.

    1
    0
    1. Anderlecht ne faisait absolument pas le poids face à ce Bruges! Mais les réseaux respectifs de ces clubs n’étaient pas les mêmes, Anderlecht a longtemps excellé davantage dans la diplomatie et la narrative que sur les pelouses européennes..

      Y a pas à chipoter : le FC Bruges de Happel fut à ce jour la plus grande équipe belge jamais produite – et risque fort de le rester.

      Finale 78, pas grand-chose à revendiquer. Equipe décimée il est vrai.

      Mais pour 76, là il y a de sacrés regrets à avoir (car ce pénalty???, bof..). La manche-aller tiens, rencontre d’une immense qualité : https://www.youtube.com/watch?v=vmWE3Fz4z8U

      Il y a dans cette vidéo matière à admirer les talents de Birger Jensen, réflexes parfois assez hallucinants.

      Meilleur joueur étranger de l’Histoire du Club? C’est incontestable, y a pas photo.

      0
      0
      1. D’ailleurs, de mémoire : Happel est viré comme un malpropre alors qu’il est en tête du championnat, et que son équipe vient de battre Anderlecht 3-0……..

        Pourquoi l’avoir viré? Des bisbilles entre l’entraîneur et les dirigeants.. Lesquels dirigeants eurent la dent dure : pas le moindre représentant n’en fut délégué pour assister aux funérailles de Happel….. Pas même un traître mot, pas une lettre, rien.

        Indignes de ce que Happel avait fait pour ce club! A noter que Jensen eut des mots très durs dans la foulée, pour ledit board brugeois.

        0
        0
  3. Formidable hommage à Jensen et à Happel.
    Après l’élimination de l’Atlético en quarts (Bruges avait souffert car les Colchoneros avaient rapidement comblé leur retard en menant 2-0 à la mi-temps), interrogé par les journalistes, les journalistes espagnols avaient interrogé Happel et tentaient en vain de lui faire dire que Bruges avait été chanceux. A la question, quel serait le meilleur adversaire pour espérer se qualifier en finale, Happel avait répondu, provocateur : « j’aimerais affronter à nouveau l’Atlético ».

    0
    0
    1. Bruges a toujours souffert durant ces trois glorieuses, c’était au fil permanent du rasoir. Le « Sturm und Drang »!, gagner 4-3 plutôt que 1-0, selon l’expression consacrée de Happel……… en mode ça passe ou ça casse mais sans jamais avoir quoi que ce soit à regretter. D’où ces scénarios invraisemblables, qui voyaient le Club perdre régulièrement par 2 ou 3 buts d’écart à l’aller..avant de tout renverser au retour. En ce sens, la dernière saison de Jensen à Bruges, en 87-88, ne pouvait être plus belle : c’est celle des retournements de situation hallucinés en Coupe UEFA contre le Zenit, Dortmund, l’Etoile Rouge………..

      Ceci dit, c’est vrai que ce fut difficile contre l’Atletico, face à la Juventus aussi……… Epique! Avec à chaque fois Jensen (voire Vandereycken) pour homme du match côté brugeois.

      Hommage à Happel? Oui mais c’est involontaire, ici la relation était tant filiale avec Jensen.. C’en devient inévitable, Jensen n’avait de mots que pour Happel……. Mon hommage à Happel, ce sera quand je me réemploierai à tordre le cou à cette vieille (et vaste) escroquerie du football-total dit « ajacide ».

      Entre les lignes toutefois, on voit déjà ici ce qui notamment distinguait Happel de son besogneux moine copiste Michels : management rock’n roll mais humain, liberté, responsabilité….. là où Michels ne pratiquait que l’invasif, la discipline..

      Les entraînements? Ballon ballon ballon.. là où Michels misait essentiellement sur le physique (no more comment).

      Le jeu : jeu de positionnement construit par strates chez Happel…. quand chez Michels ce fut plutôt un déferlement de watts, une débauche d’énergie sous acide.

      Un sacré gouffre aussi quant à l’approche : passionnée chez Happel, on calcule guère voire peu.. Ce fut bien plus cynique du côté d’Ajax.

      Bref : on en reparlera.

      0
      0
    1. La question est pertinente, ce qui suffit à placer le bonhomme. Dans le foot des années 90 qui prenait bien mieux soin du développement des gardiens, la lutte aurait été titanesque, au niveau de Clémence contre Shilton.

      0
      0
    2. J’imagine volontiers que ça fasse sourire : Schmeichel à tribord et..Birger comment déjà?? Pour moult « spécialistes » contemporains, voilà sans doute le genre de réaction à escompter.

      Mais si on regarde froidement, l’impact sur les rencontres et le destin de leurs couleurs, ben.. De surcroît ce fut le même genre de joueurs, d’ailleurs le nom de Schmeichel revient souvent pour expliciter ce qu’était le jeu de Jensen – et pas du fait de leur nationalité commune, non : en se focalisant sur le jeu.

      Les qualités étaient identiques : confiance en soi, leadership, réflexes sur la ligne………. Certes le palmarès parle pour Schmeichel, lequel eut toutefois la chance de se développer dans un bain pleinement professionnalisé (pas du tout le cas de Jensen), mais Jensen fut bien plus novateur/avant-gardiste que n’aura jamais été Schmeichel.

      Bref et si l’on fait abstraction de la forme, de la surface : la question n’a rien de sacrilège sur le fond.

      Ce qui est certain : c’est haut la main le top 2 danois postwar.

      1
      0
  4. Magnifique article, j’apprends beaucoup grâce à vous et à toute cette clique « pinte2footienne ».

    Vous êtes des indécrottables romantiques, passionnés, idéalistes, historiens ; en somme, le cauchemar du journalisme sportif actuel, qui vise à fabriquer des records toujours plus ridicules, et à prendre de haut tout ce qui précède l’année 1956, voire même 1992 concernant le foot anglais.

    Parenthèse refermée : que ce soit les textes, les photos, les sujets, je suis rarement déçu.

    0
    0
    1. Toi aussi, tu sais faire, on en est sûr. Essaie donc un Moteur… Action sur une de tes jugadas préférées pour voir ! “Bah ! On trouve des mots quand on part à l’assaut !” (Cyrano)

      0
      0
      1. Courant était un bon joueur, le moteur de l’équipe même (le cerveau étant Vander Eycken), son absence fit terriblement mal lors de la finale de C1 78..mais intrinsèquement ce n’était pas pour autant un joueur de grande classe. Hormis l’homme de verre Lambert, VanderEycken, Krieger, Birger Jensen donc et le Danois Ulrik Lefèvre..ben de tête hormis ceux-là, le matériel-joueurs n’avait absolument rien de sensass, des joueurs certes hyper-fiables, très courageux mais plutôt besogneux………..et dont Happel parvint donc à tirer plus que le meilleur : par le biais de ses savantes alchimies, tous magnifiés par son collectif, il transfigura chacun d’entre eux!

        Happel reste moqué aux Pays-Bas pour la qualité dite approximative de son néerlandais, il est vrai pas mal mâtiné d’allemand……………. Bon.. Je ne suis pas natif néerlandophone, bon bilingue toutefois..et je comprends infiniment mieux ce que marmonnait Happel en NL, que quand c’est un mec de Rotterdam qui me fait face (..car cet accent, mon dieu….)!

        Bref : il était loin d’être si ridicule ou catastrophique hors sa langue natale. Là où il y a unanimité : c’est pour dire qu’il n’aimait pas les médias, les méprisait………… ==> Sa germanité fut peut-être un refuge, un prétexte pour ne pas trop avoir à se commettre à ces obligations.. Peut-être joua-t-il de cela…et idem en français?

        0
        0

Laisser un commentaire