Derby CSKA Sofia – Levski Sofia 2 mars 2025

Contributeur « secret » de Pinte2foot, nous ne savons rien de Robert le Bruce. Nous lui imaginons une vie d’aventurier, celle d’un oisif magnifique vivant de rentes nobiliaires ou celle d’un diplomate flirtant avec l’espionnage… Seule entorse au mystère : il se trouvait à Sofia le 2 mars 2025 pour le derby entre le CSKA et le Levski.

Ce week-end a une saveur particulière. C’est le week-end de la Fête nationale bulgare (3 mars). Cette date célèbre la libération de la Bulgarie de l’Empire ottoman en 1878. C’est aussi le week-end de la fête de Baba Marta qui marque l’arrivée du printemps et symbolise la santé, la prospérité et la chance. Chacun doit offrir à ses amis un bracelet tressé en rouge et blanc. Le bracelet ne doit être enlevé que lorsqu’on voit la première cigogne. S’agissant du printemps il n’est pas encore là, vu le déluge qui tombe sur Sofia à l’heure du match.

Dès le dimanche matin, Sofia vibre au rythme de la fête nationale et du derby. Entre les festivités officielles et l’excitation du match, l’ambiance est un mélange de patriotisme et de tension palpable. Les drapeaux bulgares flottent sur les bâtiments et les balcons. Les groupes de supporters parcourent la ville et le métro. Dans cette effervescence, je remarque la présence massive des Popes. Personnages incontournables dans la cité, ils semblent bénéficier d’une situation sociale très privilégiée. Dans les cafés et les restaurants, ils s’attablent tranquillement, sirotent leur café, parfois même leur bière. Toujours bien accompagnés. Très sollicités.

En arrivant au Stade national Vasil Levski, c’est un choc. Construit en 1953, ce stade, qui a vu défiler des générations de supporters et des matchs historiques, est aujourd’hui dans un état de dégradation avancée. Le béton est fissuré de partout. Marcher dans les couloirs du stade, c’est remonter dans le temps, à une époque où le football se vivait dans des infrastructures brutes et sans artifices. Ici, pas de sièges confortables, pas de technologies modernes, seulement du béton froid. Un seul écran d’affichage. Une seule tribune est couverte. Une piste éloigne encore un peu la vue. Les mâts d’éclairage d’une autre époque sont allumés. Il est 14h00 mais le temps est pourri. La capacité est de 43 mille places mais pour ce derby seulement 33 mille billets sont vendus.

L’organisation sécuritaire de la rencontre ne laisse aucune place à la neutralité bien que le stade le soit. Ce n’est ni le stade de CSKA, ni celui de Levski. Le stade est simplement divisé en deux immenses parcages de 16500 places. L’un rouge pour les supporters du CSKA Sofia. L’autre bleu pour ceux du Levski Sofia. Les deux parcages comportent chacun une latérale, un quart de virage et un virage. Ils sont séparés par les deux autres quarts de virage, vides et sécurisés par des dizaines de policiers.
Aujourd’hui il faut choisir son camp. C’est soit avec le CSKA, soit avec Levski. Pas de place pour les neutres. Pas de place pour les simples spectateurs.

L’ambiance en tribunes est magnifique. En plus, le scénario du match est complètement fou. Les chants sont continus.
Le tifo initial du CSKA est superbe. Il met en scène le drapeau bulgare, et le visage des deux héros bulgares. Vasil Levski qui a lutté contre l’occupation ottomane et Hristo Botev autre acteur essentiel révolutionnaire qui a mené un soulèvement contre les Ottomans. Deux figures patriotiques majeures. Avec cela, la bache « de ravin en ravin et de siècle en siècle ». On aurait plutôt vu ce tifo côté Levski. Mais le patriotisme n’est pas l’apanage des seuls fans bleus. Les fans du CSKA ont surement devancé sur le coup ceux de Levski. L’occasion aussi de montrer qu’ils ne sont pas seulement liés à l’histoire de l’armée, période communiste, mais qu’ils sont aussi profondément bulgares.

Bien sûr, le tifo initial de Levski met également en avant Vasil Levski. Le club a été nommé en son honneur à sa création en 1914
Le CSKA marque le premier but par Ioannis Pittas. La joie des joueurs et du staff est démesurée. Le public rouge est en transe.
Une bâche hallucinante de simplicité et de méchanceté est déployée par Levski « interdit aux cochons », pour afficher leur mépris des supporters du CSKA.

Le Levski Sofia pense égaliser en fin de première mi-temps. Mais le but est refusé pour un hors-jeu litigieux après intervention du VAR, une décision qui met le feu aux poudres dans la tribune bleue. Le tifo continue côté CSKA avec une banderole « 35 ans de domination rouge » en référence au fait que sportivement, CSKA se porte mieux que le Levski depuis donc une trentaine d’années.

Le CSKA Sofia double l’avantage en seconde période par Petko Panayotov à la 84e minute. À 2-0, la victoire semble acquise aux yeux des supporters du CSKA. Leur tribune est en feu, le virage mais aussi la latérale, la seule couverte du stade, qui tremble d’extase. Le match bascule alors dans un chaos total. Alors que le CSKA s’apprêtait à tirer un coup franc, une pièce lancée depuis les tribunes touche un de leurs joueurs à la tête, retardant le jeu et attisant encore plus la nervosité. Quelques minutes plus tard, une énorme échauffourée éclate entre les joueurs, sur le côté devant la latérale occupée par les fans de Levski. C’est le moment décidé pour faire entrer un cordon policier sur tout le périmètre du terrain. Impressionnant. Chaque policier touche l’autre. Ils sont des centaines. Equipés.

Un joueur de chaque équipe est expulsé à la suite de l’énorme bagarre. Les fans du CSKA mettent des fumigènes par centaines. Le match est arrêté plus de 5 minutes, le temps que se dissipe la fumée qui a envahi tout le terrain. Le Levski Sofia réduit l’écart à la 90e+5 minute grâce à Iliyan Stefanov, relançant totalement la rencontre. Puis, dans une scène qui restera gravée dans l’histoire du derby, Aldair égalise à la 90e+13 minute, déclenchant une explosion de joie absolue dans le camp du Levski. Dans un moment de pure folie, les joueurs du Levski grimpent dans la tribune des supporters pour célébrer avec eux, une image d’union totale entre l’équipe et son peuple.

Pour finir, un mot sur le billet, celui du CSKA puisque c’est le CSKA qui recevait, car il est très intéressant. Il n’est pas truffé de sponsors et il indique une phrase magnifique. “ТУК ЩЕ БЪДАТ И НАШИТЕ ДЕЦА” “Nos enfants seront aussi ici”. Cette inscription renforce le caractère patrimonial et identitaire du club. Elle met en avant une transmission générationnelle et un attachement profond des supporters au CSKA Sofia. Cela témoigne d’une forte culture du supportérisme, où le club n’est pas seulement un divertissement sportif, mais aussi un héritage familial et communautaire.

Robert le Bruce

4 réflexions sur « Derby CSKA Sofia – Levski Sofia 2 mars 2025 »

  1. Le CSKA était un cador en Coupe d’Europe avant l’effondrement du bloc de l’Est. De vrais pénibles, tomber contre le CSKA Sofia, c’était l’assurance de matchs âpres, difficiles. Deux demi-finales de C1 dont une perdue en match d’appui face à l’Inter en 1967, sans doute la plus belle occasion de disputer une finale. Le Slavia Sofia avait également perdu en demi de Coupe des vainqueurs de coupe
    Époque où les clubs de l’Est pesaient avec le Slovan Bratislava vainqueur de C2 en 1969, le Partizan finaliste en C1 en 1966….

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    1. Depuis le début du site, j’ai l’idée de faire un texte sur le CSKA, le tueur de tenant du titre. Par 3 fois, les Bulgares réalisèrent cet exploit, en moins d’une décennie. L’Ajax, Forest et Liverpool. Mais faudrait puiser dans les archives locales pour trouver un peu de matière.

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  2. Sofia, jamais vu une capitale aussi déserte l’été… Pas désagréable mais étrange comme sensation. Des chiens errants, le boulevard Nevski, des bars installés dans d’immenses appartements…

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