Adeus Diogo

Lorsqu’on écrit sur des footballeurs, il arrive que nous devions rédiger des articles en hommage à ceux qui viennent de nous quitter. Souvent, il s’agit de joueurs ayant atteint un certain âge, que peu d’entre nous ont réellement vu évoluer. Parfois, ce sont des joueurs un peu plus jeunes, encore actifs dans les années 1980. Mais ce qui reste rare et profondément douloureux, c’est d’écrire sur un joueur en pleine force de l’âge, encore présent sur les terrains.

C’est malheureusement dans ces circonstances que nous écrivons aujourd’hui cet article, pour rendre hommage à Diogo Jota, brutalement décédé ce jeudi dans un accident de la route, aux côtés de son frère André Silva, lui aussi footballeur professionnel au club de deuxième division de Penafiel.

Celui que l’état civil nomme Diogo José Teixeira da Silva — « Jota » étant un diminutif de José — avait commencé à jouer au football à Gondomar, en banlieue de Porto, en deuxième division à la fin des années 2000. Il tente ensuite d’intégrer le prestigieux centre de formation du Benfica, le Seixal, mais est recalé : les formateurs le jugent trop frêle. Celui qui atteindra finalement 1m78 rejoint alors Paços de Ferreira. Ce club de la grande banlieue de Porto vient alors de réaliser la meilleure saison de son histoire en terminant sur le podium, avec dans ses rangs des joueurs comme Bébé, Jean Michaël Seri ou Sérgio Oliveira. Après une saison et demie chez les jeunes, Diogo découvre l’équipe première et dispute une dizaine de matchs sous les ordres d’un certain Paulo Fonseca.

La saison 2015-2016 sera celle de l’explosion. Il se fait connaître de tous les amateurs de football portugais… et de nombreux joueurs de Football Manager (jeu auquel Diogo Jota aimait jouer). Il termine la saison avec 14 buts et 5 passes décisives, classant son équipe à la septième place. Ces performances attirent l’œil de Jorge Mendes, qui le fait signer à l’Atlético de Madrid pour 7 millions d’euros, rejoignant ainsi la forte colonie portugaise du club colchonero. Il est toutefois prêté dans la foulée au FC Porto, le club de sa ville. Il n’y est que remplaçant, mais ses entrées convaincantes lui permettent de franchir une nouvelle étape en rejoignant un autre club proche de Mendes : le « Wolverhampton portugais ».

Dès sa première saison en Championship, il brille, inscrivant 17 buts et devenant un maillon essentiel de l’attaque des Wolves, qui accèdent à la Premier League. Dans l’élite anglaise, il confirme tout son talent au point de rejoindre, pour 44 millions d’euros, le grand Liverpool de Jürgen Klopp. Entre-temps, il a aussi découvert la sélection portugaise en 2019, à 23 ans, et a été sacré champion de la Ligue des Nations (même s’il n’a pas disputé de match lors du tournoi).

Diogo Jota était un joueur complet : capable de courir et de presser intensément, techniquement doué, très bon de la tête… Il incarnait le rêve de tout entraîneur, par sa polyvalence, son sérieux et sa détermination. C’était le genre de joueur qui ne baissait jamais les bras et qui, par sa pugnacité, parvenait souvent à débloquer des situations mal engagées. Issu d’une famille d’ouvriers, ce qui ressort de la vie de Diogo c’est le sérieux, jamais de sortie, jamais de folie, sa vie se résume à s’entrainer, bien manger, regarder la tv avec ses parents et jouer à Football Manager. Il est souvent pointé du doigt pour son petit gabarit, mais à chaque fois son engagement fait la différence à tel point qu’il enchaîne les sélections nationales de jeunes.

On pourra regretter que, malgré ses 48 sélections, il n’ait jamais eu sa chance pleinement en sélection nationale, notamment à cause d’une grave blessure juste avant la Coupe du monde 2022, où sa présence aurait pu être décisive pour le Portugal. On peut également déplorer les difficultés de Roberto Martínez à construire une animation offensive cohérente autour du vétéran Cristiano Ronaldo, malgré un potentiel énorme sur le papier. Mais personne n’oubliera l’engagement de Jota sous le maillot des Quinas.

Sa dernière saison avait été couronnée de succès et de bonheur. Il venait de remporter un titre de champion avec Liverpool, une nouvelle Ligue des Nations avec le Portugal, et s’était marié le 22 juin dernier. Père de trois jeunes enfants (nés entre 2021 et 2024), il semblait au sommet de sa réussite… avant que sa vie ne bascule tragiquement.

Ce n’est pas le genre d’histoire que nous aimons raconter sur P2F, mais l’émotion suscitée par cette tragédie nous obligeait à rendre hommage à ce joueur que nous aimions voir sur un terrain et qui n’aura pas eu le temps de finir d’écrire son histoire.

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14 réflexions sur « Adeus Diogo »

  1. Merci pour l’article. La photo où il joue déjà gamin…

    Pour être souvent passé dans le secteur de Sanabria (Seabra en portugais) en allant au Portugal (Bragança est à 50 km au sud-sud-ouest) pour aller prendre le train les gares (oui 2 gares dont 1 TGV pour un bourg de 1200 âmes), je suis particulièrement touché par cette bien triste nouvelle.

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    1. Quand j’ai lu « province de Zamora  » j’ai cru que c’était du côté de Salamanque que je connais davantage, mais Sanabria j’ai du y passer une fois. Mon chemin habituel c’est plus Salamanque-Guarda-Castelo Branco même si j’aime bien toute cette zone nord-est de la péninsule ibérique (et que j’aimerais mieux connaitre).
      Mais ça me touche quand même, un joueur dans la force de l’âge que l’on suivait régulièrement en sélection…
      Plus jeune on était plus habitué à ces décès brutaux en voitures mais , heureusement, ils se font plus rares.

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      1. Ouais ça fout un sacré coup quand même, ptet d’autant plus quand c’est un joueur qu’on apprécie énormément sur le terrain, parce qu’il donne tout et qu’il semble si proche de nos valeurs (engagement total mais jamais de mauvais esprit).
        Je l’adorais à Liverpool, et je suis bien triste pour lui et sa famille.
        Qu’est-ce que j’étais content quand on l’a signé des Wolves, je me disais qu’il nous emmènerait loin, c’était assez vrai le mec a toujours sauvé des situations mal embarquées.
        RIP Diogo

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      2. Quand on descendait en Andalousie en bus, c’était après Burgos que les Portugais changeaient de monture et que de nôtre côté, nous continuions vers le sud avec les Marocains. Me souviens bien de cette plateforme d’échange, à discuter de nos futurs vacances avec tous ces gamins d’immigrés comme nous, à scruter les numéros des compagnies et à fumer nos clopes en cachette à 2 h du matin. Il était loin d’être fini le voyage !

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      3. Et encore, nous étions des privilégiés. En partant de Toulouse, nous n’avions que toute l’Espagne à traverser pour arriver chez nous. Quand tu discutais avec les Marocains de Belgique ou des Pays Bas…

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      1. Ah je ne dis pas le contraire, j’ai même connu pas mal de footeux pros qui valaient plus le coup qu’on ne pourrait croire, mais bon : pas de lien direct avec le type et insensible à la moindre forme (même light de chez light) d’idolâtrie, ça me laisse absolument froid.

        J’ai beau chercher, je ne vois décidément pas la moindre disparition de footballeur qui m’ait ému, les artistes pareil d’ailleurs.

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      2. Et pourtant j’adore le football, et il m’arrive même de pleurer devant des films (pas des films tristes, d’ailleurs – City Lights : je tchoule!).

        Et j’ai déjà écrasé une larme devant l’un ou l’autre matchs de foot qui n’impliquaient pourtant rien qui me soit cher, juste parce que je trouvais ça beau.. Suis pas un monstre, hein!

        A contrario, et dieu sait pourtant que j’aime beaucoup les Diables Rouges : quand j’ai vu un de mes meilleurs potes en larmes après le nul fatidique face aux Coréens en 98…………..ben je me suis foutu de sa poire, désolé mais ça me dépasse..

        Et la mort de footballeurs : que dalle. C’est un truc que je ne comprends pas.

        C’est quoi les disparitions qui vous ont touché??? Ou les matchs qui vous ont fait pleurer? Parce que l’épilogue??

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      3. Le suicide de Robert Enke ne m’a pas laissé indifférent pour l’abîme insoupçonné de souffrance mentale qu’il révélait derrière la façade d’une belle carrière (Barça et Mannschaft). Je ne me suis pas senti capable d’écrire quoi que ce soit dessus à l’occasion du quinzième anniversaire l’an passé.

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    1. En temps normal je suis plus comme toi. Là c’est plus le côté inattendu et brutal qui m’a choqué. Qu’un joueur qui venait de vivre un mois de Juin incroyable, qu’un mec que je voyais régulièrement jouer disparaisse si brutalement c’est la première fois. Il y a les décès sur les terrains de Foé ou Feher mais c’était 2 joueurs que je voyais moins jouer.
      Puis les jeunes enfants, la multitude de message, le frère , les conditions de l’accident (pneu qui explose, brulé vif dans sa voiture…) ça accentue un peu la brutalité de cette nouvelle.

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  2. Moi tu sais je suis un grand sensible, et j’ai pas dit que j’avais pleuré aujourd’hui, mais ça m’a quand même fait un pti choc, je l’ai eu en tête toute la journée… sans doute aussi parce que depuis le départ de Sadio Mané, c’était probablement mon joueur préféré à Liverpool, que je supporte depuis maintenant 17ans, mais que je ne me l’étais jamais clairement dit, même intérieurement, parce que c’était pas trop le style joueur star non plus.
    Bref, j’ai été choqué de la même manière de mémoire à la mort d’Amy Winehouse, dont j’adorais la musique à l’époque et qui m’avait surtout parue tellement inattendue… c’est aussi une part de mon histoire que je pleure, même figurativement, je suis très nostalgique comme mec 🙄

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