En Novembre 2011, trois années avant son décès, Eusébio se livrait à une interview fleuve dans les colonnes de Tribuna, le journal sportif de l’Expresso, un des plus grands hebdomadaires portugais. Nous vous en proposons ici des extraits agrémentés de commentaires mettant en lumière les propos de la légende portugaise. En préambule de l’interview, le journaliste précise qu’Eusébio « dégage une simplicité et une humilité saupoudrées de fierté et de vanité. Et il le fait avec maîtrise, dans la juste mesure, comme s’il dosait soigneusement ce qu’il veut bien nous révéler. Ou du moins, c’est ce que nous pensons. À tort. Rien en lui n’est artificiel ». L’interview se déroule dans un coin de son refuge préféré, le restaurant Tia Matilde à Lisbonne. « Il faut toujours savoir se tenir », répète-t-il.
Eusébio pêle mêle
Que devient Eusébio ?
Où est-ce que je travaille ? Au Benfica, bien sûr ! Depuis que j’ai arrêté le football, je suis resté lié au Benfica et j’espère que ce sera le cas jusqu’à ma mort, parce que j’espère encore vivre de nombreuses années… Je veux toujours être associé à mon club ! En tant qu’ambassadeur, comme je l’ai toujours été. C’est aussi ce que je fais avec la sélection nationale, mais mon employeur, c’est le Benfica.
Qu’est-ce qu’il vous reste à accomplir ? Un projet ou un rêve ?
Hum… Chaque matin, dès que je me réveille, je me regarde dans le miroir, je vais bien, je prends ma douche, je me rase, je me brosse les dents, je prends mon petit-déjeuner, parfois je vais voir un entraînement du Benfica ou je reste à la maison à regarder la télé. En ce moment, la seule chose que je souhaiterais — et je sais que c’est très difficile, mais pas impossible — c’est plutôt un rêve. Et laissez-moi rêver : ce que je voudrais vraiment, c’est voir le Benfica en finale de la Coupe des champions, ou de la Ligue des champions, comme on dit maintenant. Ce serait une de mes plus grandes satisfactions avant de mourir. [Le Benfica jouera bien une finale, de Ligue Europa, avant sa mort mais encore une fois cela se terminera par une défaite sur un but dans les arrêts de jeu face à Chelsea. Pire quelques mois après sa mort, Benfica reperdra à nouveau en finale après avoir outrageusement dominé le match face à Séville]
Et cette malédiction de Béla Guttman, qui aurait dit qu’après lui, le Benfica ne gagnerait plus jamais en Europe ?
Non, cette superstition de Béla Guttman, c’est n’importe quoi. Ce sont des inventions. Ceux qui étaient là savent la vérité, mais les gens ne croient pas. Ce que je sais, c’est qu’il a dit à Caiado [adjoint du Benfica à l’époque], sur le terrain : « Caiado, j’aimerais bien avoir une statue ici. » C’est tout ce qui s’est passé ! C’est dur d’avoir une statue là, il l’a dit comme ça, en passant ! Mais les gens — c’est notre mentalité, voilà — comme on n’a plus gagné ici ou là, ont commencé à dire que c’était la malédiction de Guttman. Mensonge ! [Nous en parlons en détail ici]
Le football était-il meilleur à votre époque ?
C’était plus plaisant, évidemment, parce que je jouais [rires] ! Le football, c’est tout pour moi, depuis tout petit je m’y suis toujours consacré. J’ai aussi pratiqué l’athlétisme ou le basket, mais le football… Aujourd’hui, le football est encore meilleur, ce n’est plus comme dans les années 60, comme les années 60 ne l’étaient pas par rapport aux années 50. Ça évolue. Aujourd’hui, un joueur joue trois ou cinq ans, et s’il est intelligent, il est tranquille pour la vie. À l’époque, on gagnait bien, mais ça n’a rien à voir, les contrats sont différents. Mais tant mieux ! Ce sont les joueurs qui font le spectacle.
Et la camaraderie, la rivalité entre clubs ?
C’était fantastique. Le lundi, on se retrouvait tous — du Sporting, du Benfica, du Belenenses —, on mangeait du poulet rôti au Bonjardim, Travessa de Santo Antão[1], puis on allait au cinéma, à l’Éden. Et on prenait le métro ou le tramway, c’était moins cher. Les gens s’arrêtaient dans la rue juste pour nous voir ensemble. Pour passer le permis, j’ai dû demander l’autorisation à ma mère : « Mais pourquoi tu veux le permis ? Y a pas de bus ? » J’ai fini par la convaincre, et ensuite j’ai acheté une Volkswagen. Aujourd’hui, les joueurs aiment se balader en Ferrari ou en Lamborghini. Il faut savoir se tenir, avoir de l’humilité.

Vous croyez encore à l’amour du maillot ?
Je crois plus au professionnalisme des joueurs, parce que l’amour du maillot, c’est fini…
Et dans les années 60 ?
Même à mon époque, tous n’avaient pas l’amour du maillot. C’était rare. Aujourd’hui ? N’en parlons pas !
Mais votre cas, c’était de l’amour du maillot ?
Oui, mais en même temps, j’étais un professionnel. J’ai commencé à 19 ans au Benfica. Et j’ai toujours aimé le maillot que je portais. Mais je me disais aussi : « Si un jour je pars, je gagnerai plus ? Est-ce que ça vaut le coup ? » Je suis parti tard, mais je n’en ai jamais voulu au club, car j’ai gagné des titres et de l’argent. J’aurais pu gagner plus, mais j’ai bien gagné. Et le Benfica, c’était le Benfica. Et puis, on était tous amis, une famille. Au début, on commence à aimer. Ensuite, on aime plus. Je mourrai lié au Benfica !
Et ce moment-là, il est encore loin ?
Ce que Dieu décidera. Quand ce sera le moment, ce sera. [Malheureusement cela arriva 2 années plus tard, le gouvernement portugais décrètera 3 jours de deuil national, le maximum, autant que pour Jean Paul 2, la reine Elizabeth ou Mario Soares.]
Enfance et transfert au Benfica
L’arrivée d’Eusébio au Benfica est entourée de légendes et d’histoires rocambolesques. Certaines sont vraies et démontrées, d’autres relèvent du mythe. Apparemment, tout commença par une rencontre fortuite, dans un salon de coiffure, quelques mois avant une première victoire en Coupe des Clubs Champions, entre Guttmann et José Carlos Bauer. Cet ancien international brésilien, légende de São Paulo et finaliste malheureux en 1950, enchaînait alors les postes ; il était entraîneur du club de Ferroviária dans son pays natal. Considéré comme un fin connaisseur du football, il jouait aussi les émissaires pour son club de toujours, le São Paulo FC.

Guttmann racontera souvent cette rencontre à la genèse de la légende du Benfica : « Il m’a salué chaleureusement, m’expliquant qu’ils étaient en tournée (à Lisbonne) et qu’ils partiraient ensuite pour l’Afrique », se souvient-il. « Écoute, mon vieux, si tu vois un joueur talentueux que je pourrais recruter, né au Portugal, n’oublie pas son nom. Un mois après cette conversation, j’étais de nouveau chez le même coiffeur et — cela semble une blague — voilà que Bauer entre encore une fois. Alors, quoi de neuf ? Tu m’as trouvé quelqu’un ? » « Oh », répondit-il, « j’ai vu un jeune Noir au Mozambique… j’en voulais même pour moi… mais ces fous en demandent 20 000 dollars ! » « Comment s’appelle ce garçon ? » Il avait le visage couvert de mousse quand il m’a répondu : « Eusébio ! »
Eusébio jouait alors pour le Sporting de Lourenço Marques. Le Sporting Clube de Portugal considérait son club homonyme du Mozambique comme une pépinière de talents destinée à alimenter son équipe première, et entra dans une colère noire en découvrant que Guttmann avait usurpé ce qu’il estimait être ses droits, en recrutant l’attaquant très prometteur pour l’intégrer à l’effectif de son vieux rival. En effet, alors que son contrat de trois ans touchait à sa fin au Sporting Clube de Lourenço Marques, des dirigeants des Águias vinrent faire signer à sa mère un contrat de 250 000 escudos (1 300 euros). Pour que les dirigeants du Sporting Portugal ne soient pas mis au courant et ne viennent pas jouer les trouble-fête, leurs homologues du SLB s’inspirèrent des meilleurs films d’espionnage. Pour déjouer la poste locale, supposée proche du Sporting, Eusébio avait un nom de code féminin : Ruth. De la même manière, tous les appels étaient passés depuis la boucherie de son cousin Armando Silva. Comme ce coup de téléphone du 14 décembre 1960 : « Ruth doit embarquer aujourd’hui. »
Mis au courant, le Sporting tenta alors le tout pour le tout. D’abord en proposant le double du salaire à la maman. Puis, en utilisant leur défenseur Hilario, originaire du même quartier qu’Eusébio, pour le faire changer d’avis. En vain : Guttmann avait roulé tout le monde dans la farine — et ce n’était même pas dû à la chance. Le maître des réseaux avait passé des décennies à les entretenir, et c’est l’un d’eux qui l’avait conduit à sa future star. Et il s’y accrocha avec ténacité. Eusébio fut caché en Algarve pendant douze jours, par crainte que le Sporting ne tente à nouveau de le débaucher. « J’ai envoyé trois gardes du corps pour l’accompagner, et je leur ai donné mes instructions », raconte Guttmann. « Eusébio ne doit pas être laissé seul une seule minute, et il ne peut rester que dans une maison appartenant au Benfica. »
Enfin, le Sporting usa de recours administratifs pour récupérer celui qui se cachait alors à Lagos, durant les six premiers mois qui suivirent son arrivée dans la métropole. Finalement, les tribunaux donnèrent raison au Benfica, même si beaucoup, dans le pays, parlèrent d’un véritable kidnapping de la part du SLB. Lorsque Eusébio se présenta enfin à sa première séance d’entraînement, début 1961, Guttmann l’observa depuis la ligne de touche, ravi d’avoir réussi ce coup en douce, enchanté par l’accélération foudroyante du jeune joueur, sa frappe puissante et sa capacité à déjouer ses adversaires. Incapable de se contenir, il se tourna vers son adjoint, Fernando Caiado, et s’écria : « Ce gamin, c’est de l’or ! »
Ne pouvant pas participer à la Coupe des Clubs Champions en raison de son transfert trop récent, Eusébio fit ses débuts lors d’un match amical national, une semaine avant le triomphe de Berne, inscrivant un triplé. Il marqua de nouveau pour sa première apparition en championnat, quelques semaines plus tard, avant d’être nommé remplaçant pour un match contre le Santos de Pelé, dans un tournoi international de fin de saison disputé à Paris, en juin 1961. Avec son équipe épuisée, menée 4-0 à la mi-temps, Guttmann jeta un regard vers le banc et fit entrer sa nouvelle pépite. « Je l’ai envoyé sur le terrain, et il a marqué trois buts, tous à une distance de 20 à 25 mètres », se souvient-il. Le lendemain, le journal sportif français L’Équipe passa sous silence le score final du match, préférant titrer : « Eusébio 3, Pelé 2. » Guttmann ajoutait une nouvelle page à sa vie remplie de légendes.

Votre premier club au Mozambique a été Os Brasileiros, dans le quartier où vous avez grandi.
C’était un club où l’on jouait pied-nus, dans le quartier de Mafalda. Mais le club de mon cœur, c’était le Desportivo de Lourenço Marques, aujourd’hui Maputo. D’ailleurs, le Grupo Desportivo de Maputo était une filiale du Benfica. Mon défunt père, qui travaillait aux chemins de fer, était un fervent supporter du Benfica, et moi, j’ai toujours aimé le Desportivo et le Benfica. Un jour, je suis allé demander au coach là-bas de m’entraîner, mais il m’a trouvé frêle, tout petit. Je n’aurais jamais pensé que les gens me voyaient comme ça [rires] ! Et pourtant, à 12 ans, je ne jouais déjà plus avec les garçons de mon âge, je jouais avec des gars de 15, 16, 17 ans ! J’en suis fier : je leur donnais une leçon [il étire le mot]. J’étais un pied-nu, mais je leur donnais la leçon ! Ils étaient grands, costauds, mais je passais entre eux sans problème. D’ailleurs, c’est quelque chose que je n’oublierai jamais : quand je suis arrivé à Lisbonne, la première personne que j’ai saluée, c’était Torres, celui avec qui je partagerais ma chambre. J’arrive vers 23h30 au foyer des joueurs du Benfica, et tout le monde dormait. Lui était debout, parce qu’il était allé chercher du lait ou quelque chose à manger. C’est la première personne que j’ai vue, et la première à qui j’ai dit que j’allais jouer, que j’allais être titulaire ! J’avais 18 ans, j’étais arrivé en hiver, en décembre, transi de froid. Pendant les trois premiers jours, je ne me suis même pas entraîné, j’ai juste acheté des vêtements d’hiver – un manteau long. Ensuite, j’allais voir les entraînements. Je voyais ces messieurs – monsieur Coluna, le regretté capitaine José Águas, le regretté Germano –, et un jour, j’étais avec Torres, je lui ai dit : « C’est ça, l’équipe du Benfica ? Quand je pourrai jouer, je serai titulaire. » Il est resté bouche bée et m’a répondu : « Toi titulaire ?« . Et moi : « Bien sûr que oui !«

Vous êtes en train de dire que les joueurs du Benfica n’étaient pas de qualité ?
Ils n’avaient pas cette qualité que je pensais qu’ils avaient, même s’ils avaient été champions nationaux, et plus tard champions d’Europe. Il y avait beaucoup de combativité, ça oui. Dans une équipe de football, il faut des « porteurs de piano » – j’ai compris cela plus tard –, mais à l’époque, ce que je me suis dit c’est que j’allais jouer, parce que certains joueurs n’avaient même pas le niveau technique que je trouvais normal de trouver chez un joueur. Torres me disait qu’il était là depuis trois ans en espérant jouer, et moi je lui répondais : « Mais tu viens d’où, toi ? De Torres Novas[2] ? Je ne sais même pas où c’est. » Moi, je savais que mon moment allait venir, et dès que j’ai commencé à m’entraîner, tout le monde est devenu fou. Germano disait : « Quelqu’un va devoir sortir. Moi, je suis tranquille, je vais jouer avec lui, je suis défenseur. Mais les autres, qu’ils se préparent, il y en a un qui va sauter, c’est sûr. » Et c’est ce qui s’est passé !

La technique, ça se travaille ?
Dans notre quartier, on jouait pour des marrons, des billes. C’était comme ça : « Les gars, j’ai ici cinq billes, je fais 50 jongles : 25 du pied gauche, 25 du pied droit. Si je perds, je vous donne les billes, si je gagne, c’est vous qui me donnez les vôtres. » À la première tentative, je faisais semblant et je laissais tomber la balle. Pourquoi ? Pour attirer la clientèle. Quand je voyais qu’il y en avait une vingtaine qui regardaient, je me disais : « OK, maintenant, ça vaut le coup. » Malin ! Tous les jours, je prenais une balle de tennis, pied droit : 50, 55, 70 touches ; puis pied gauche : 20, 25 touches…
Pourquoi ?
Personne ne m’y obligeait, c’est moi qui le voulais. Par exemple, à Benfica, mes coéquipiers étaient déjà chez eux à manger, et moi j’étais encore sur le terrain, en train de frapper. J’imaginais un mur, un gardien, je tirais des coups francs, des penalties. Et la seule personne en qui j’avais assez confiance pour m’aider, c’était Simões. Comment aurais-je pu aller voir le regretté Águas et lui dire : « Monsieur José Águas, ça vous dérange ? » Ce n’était pas possible, c’était le capitaine, je l’appelais « Monsieur ». Le seul que je tutoyais, c’était Simões. Parfois, tu es bien élevé à la maison, mais dès que tu joues un peu mieux que les autres, tu crois déjà que tu es le meilleur. Ça ne va pas. Il faut savoir rester à sa place, garder les pieds sur terre, rester humble. Toujours.
C’est votre mère, Elisa, qui vous a transmis ces valeurs ?
Grâce à Dieu. On est une famille de huit enfants, et on a toujours reçu une bonne éducation : trois sont ingénieurs, et moi je suis le seul à n’avoir que le niveau de l’école primaire. Mais aujourd’hui, je suis fier d’être le type qui n’a pas étudié, mais qui est le plus connu de la famille dans le monde entier [rires]. Mais attention : si je pouvais revenir en arrière, comme chantait Mourão, j’aurais étudié.

Qu’auriez-vous aimé étudier ?
J’aurais pu devenir ingénieur, ou médecin. Mais je suis né avec ce don, et il fallait que je l’exploite.
Et comment êtes-vous arrivé au Portugal ? Le Sporting voulait…
[il interrompt] Le Sporting ne voulait rien du tout, c’est complètement faux !
Ce n’est pas ce que raconte l’histoire…
J’ai signé un contrat avec Benfica, je n’ai rien signé avec le Sporting. Tout ça, ce sont des mensonges !
Ils ont parlé avec votre mère ou pas ?
Ils n’ont jamais parlé avec ma mère. Celui qui a versé 250 contos à ma mère et à mon grand frère, c’est le Sport Lisboa e Benfica, par l’intermédiaire de leur représentant là-bas au Mozambique. Le Sporting, le FC Porto et le Belenenses avaient aussi leurs propres représentants.
Et qui vous a découvert ?
Personne ne m’a découvert, personne ne m’a découvert moi !
Mais on raconte que Béla Guttmann vous a repéré après avoir entendu un Brésilien, José Bauer…
Oh, ça, ce n’est pas une découverte. Je jouais déjà dans mon quartier depuis l’âge de 9 ans, personne ne m’a découvert ! Quand Bauer est venu au Mozambique pour voir quelques matchs, il n’a fait que confirmer ce que certains savaient déjà : qu’il y avait là un bon gamin. Il a dit à Béla Guttmann : « Il est fantastique, mister, mais nous, à São Paulo, on n’a pas les moyens. » C’est là que Béla Guttmann a poussé le Benfica à venir me chercher. À l’époque, Gastão Silva, directeur du département football, a aussitôt contacté le représentant du Benfica au Mozambique. J’avais 16 ou 17 ans, et je jouais déjà en première catégorie, pour le Sporting. Et pourquoi je jouais pour le Sporting là-bas ? À cause de ma mère ! Ma mère ne comprenait rien au football !

Donc si vous avez joué au Sporting de Lourenço Marques, c’est la faute de votre mère ?
Oui. Elle est décédée depuis, et elle ne m’a vu jouer qu’une seule fois ici, contre le FC Porto, dans l’ancien Estádio da Luz… Bref, quand j’étais gamin, j’avais toujours droit à une punition quand je rentrais tard : pas de dîner. Et je rentrais toujours tard, parce que du Desportivo jusqu’à chez moi, c’était presque la distance entre Benfica et l’autre rive. Et on faisait l’aller-retour à pied, tous les jours [il est interrompu par un appel sur son portable, dont la sonnerie est Ser Benfiquista, l’hymne du club]. Mais au Desportivo, l’entraîneur ne m’aimait pas, et il ne m’a jamais laissé m’entraîner.
D’où le passage au Sporting ?
Le Sporting de Lourenço Marques et le Desportivo étaient à peu près aussi éloignés l’un de l’autre que le Benfica et le Sporting ici. Un jour, Hilário [futur joueur du Sporting et de la sélection], qui jouait au Sporting de Lourenço Marques, a prévenu son club : « Attention à ces gamins-là, ils sont bons. » Mais moi, je n’aimais pas ce club, et d’ailleurs, personne dans mon quartier n’aimait le Sporting. Vous savez pourquoi ? Parce que c’était un club d’élite, un club de policiers, qui n’aimait pas les gens de couleur, c’était un club raciste ! Mais mes amis voulaient y aller pour s’entraîner, alors un jour on y est allés, on a tous joué dans la même équipe contre ceux qui étaient déjà là : on les a écrasés [rires] ! On leur en a mis sept ou huit, et on n’est pas rentrés à pied, cette fois : on est rentrés dans le combi Volkswagen du club. Ils ont parlé avec ma mère, et moi je lui ai expliqué que, même si papa était déjà mort, il n’aurait pas aimé ça. « C’est mieux de demander à mon frère, parce qu’il est aussi du Benfica. » Et elle me dit : « Écoute, moi je n’y comprends rien, des hommes sont venus demander. »
« D’accord, maman, ils sont venus demander, mais ce n’est pas vous qui allez jouer, c’est moi. Et je vous explique que le club de papa, c’était le Desportivo, et que Benfica, c’est mon club et celui de mon frère. Vous, maman, ce n’est pas votre club simplement parce que vous ne comprenez rien au football. » Le Sporting est revenu à la charge, et à la troisième tentative, j’y suis allé. Ma mère m’a expliqué qu’elle allait signer pour un an, pour voir si j’étais vraiment bon ou non. Il y a eu le tirage au sort, et le premier match, c’était justement contre le Desportivo. Et j’ai marqué trois buts.
Vous avez fêté ces buts ?
Non, j’en ai même pleuré… Le lendemain, ils sont venus m’interviewer à la maison. Mon frère était là, et c’est à ce moment-là que j’ai expliqué que je n’étais pas du Sporting, mais bien du Desportivo, où il y avait un entraîneur qui ne comprenait rien au football. « C’est un raciste aussi, ce type-là ! » Ils l’ont immédiatement viré !
C’était votre première interview ?
Ma toute première interview, et ils l’ont viré tout de suite [rires]. Tout le monde savait que j’étais du Desportivo : mon père, aujourd’hui décédé, a aussi été un grand joueur, un milieu de terrain qui jouait pour l’équipe nationale là-bas.
Le Sporting vous a eu entre les mains et vous a laissé partir, c’est bien ça ?
Le Sporting avait tout en main, parce que je jouais dans leur filiale. Mais Braz Medeiros, qui était le président du Sporting, n’a pas été correct lorsqu’il nous a appelés. Il pensait parler à n’importe qui, mais c’était mon frère qu’il avait au téléphone, un ingénieur. Mon frère lui a demandé : « Si Benfica propose 150 contos, vous ne pouvez pas vous aligner ? Vous le voulez à l’essai ? Pas question ! Combien gagne Seminário [joueur du Sporting qui touchait 80 contos par mois] ? Mon frère est meilleur que Seminário, pour une raison simple : il a 18 ans. »
Le Benfica a payé 250 contos. Et après, les gens inventent…
L’histoire du rapt, c’est un mythe ?
Je pose la question : si le Benfica m’avait enlevé, vous croyez que j’aurais aimé un club qui m’aurait fait ça ? Celui que je n’aime pas, c’est le Sporting, qui ensuite était prêt à payer jusqu’à 500 contos. Un rapt ? Mais vous êtes fous… Parfois, je parle de “noir”, mais ce n’est pas une insulte. Le fait est qu’ils pensaient que la famille de ce noir, ici, c’était juste une de plus, qu’ils parlaient avec un noir quelconque, alors qu’ils parlaient avec un ingénieur. D’ailleurs, mon frère est bien plus clair que moi : il est blanc comme notre père, paix à son âme. Mon père était blanc, moi je ressemble à ma mère. Et puis, je demande : « Qui a payé les billets pour venir au Portugal ? Je suis venu à la nage, j’ai fait du stop ? » Des inventions, voilà tout…

Mais vous êtes arrivé ici sous le nom de Rute…
Je n’ai jamais su que j’avais voyagé avec un nom de femme, mais c’était pour que personne du Sporting ici ne découvre. Parce que là-bas, au Mozambique, le Sporting me surveillait, comme on l’a su ensuite. Les Postes, les autorités là-bas comme ici, c’étaient tous des gens du Sporting. Les « big bosses », tous sportinguistas. Benfica a tenté le coup, mais ça s’est tout de suite su. Ensuite, une fois arrivé au Portugal, trois mois après m’avoir vu m’entraîner sur le terrain de Campo Grande, ceux du Sporting ont compris que j’étais bon. Ils se sont dit : « Et maintenant, comment on se sort de ce pétrin ? » Ils ont inventé l’histoire du rapt. Moi, je n’aime même pas le Sporting de là-bas, alors celui d’ici encore moins ! Tout ce que je suis aujourd’hui, je le dois à moi-même, à mes coéquipiers et à Benfica. J’ai été meilleur joueur du monde, meilleur buteur du monde, d’Europe, j’ai tout fait – sauf gagner une Coupe du monde.
Coupe du monde, Pelé et fin de carrière.
Dans ces questions, plusieurs points importants sont abordés : Eusébio en sélection et sa seule participation à une compétition officielle avec le Portugal ; ses relations avec son ami Pelé, les deux joueurs ayant toujours entretenu des contacts et des liens ; mais aussi son impossibilité de quitter le Portugal sous la dictature. Il devra attendre 1976 (il avait alors 34 ans) pour rejoindre une importante colonie portugaise, dont son ami Simões, à Boston. Son retour au Portugal est également abordé, notamment à Beira-Mar, avec qui il jouera 12 matchs et marquera 3 buts. Le club sera relégué à l’issue de cette saison 1976-1977. Il évoluera ensuite en deuxième division à Tomar la saison suivante, où il disputera encore 12 matchs pour 3 buts inscrits. Son premier retour a fait couler beaucoup d’encre, notamment lors du match contre Benfica, qui se termina sur un match nul. La presse a alors critiqué son implication durant cette rencontre.
Vous y avez cru, à cette Coupe du monde 1966 ?
Si je ne l’ai pas gagnée, c’est parce que je viens d’un petit pays. C’est pour ça que j’ai levé les yeux au ciel, que les larmes me sont tombées.
Que s’est-il passé avant le match contre l’Angleterre ? Pourquoi le changement de stade ?
C’est la mentalité portugaise. Les Anglais, eux, n’ont rien à voir là-dedans. C’est notre fédération qui s’est vendue, point. La FIFA permettait que les deux fédérations discutent du choix du stade, et ils se sont arrangés entre eux. Le Goodison Park, le stade d’Everton, c’était là qu’on devait jouer, et il pouvait accueillir 45 000 spectateurs. Mais on a été déplacés à Wembley, où il y en a 100 000. La Fédération portugaise a pris l’argent, et s’est lavé les mains.

Quand avez-vous appris le changement ?
On était en stage, en train de récupérer du match contre la Corée. Il était environ cinq heures et demie de l’après-midi. Ils ont appelé Coluna et Otto Glória pour les prévenir. Mais nous, on n’avait pas le droit de dire un mot. C’était un autre temps, ceux de « l’Autre Dame » [un peu à l’image de Voldemort, un euphémisme qui était utilisé pour désigner le régime de Salazar sans le dire] . Il ne fallait pas l’ouvrir [rires]. Les Anglais savaient même dans quel hôtel on était à Londres, à Piccadilly Circus. Ils y sont allés la nuit et ont fait un tel boucan qu’on a dû changer d’hôtel en pleine nuit, à 30 kilomètres de Londres. Vous imaginez ? Otto Glória nous a juste dit : « On entre sur le terrain, et que Dieu nous protège. Je ne peux rien vous exiger. »
Vous savez que la vidéo de votre action contre la Corée du Nord est montrée dans les écoles de l’Ajax ?
Je vais vous la décrire : sur l’action, le ballon est à un demi-mètre de mes pieds. On dirait qu’il est collé. Et là, j’accélère j’ai fait 17, 18 touches après que Coluna m’ait donné le ballon. Je prends un coup à l’entrée de la surface, mais je continue, je ne suis pas du genre à me jeter au sol. Sauf qu’après, il y en a un autre qui me découpe… Pénalty !

Et comment c’était, de jouer contre Pelé en Coupe du monde ?
À cette époque-là, j’en avais déjà marre de jouer contre lui ! [Pelé et Eusébio c’étaient rencontré plusieurs fois avec leurs clubs respectifs] C’était un génie. Mais je lui ai toujours dit : « Pelé, tu n’es pas meilleur que moi, et je ne suis pas meilleur que toi. Il n’y a pas de comparaison, ça c’est bon pour les journalistes. Le meilleur, c’est Garrincha – et il a une jambe tordue ! » Je lui ai dit ça au Brésil, en direct, sur Globo. Pelé a dû ravaler sa fierté ! « Tu ne me bats que parce que tu es brésilien et champion du monde. Mais pour jouer au ballon ? Naaa… », je lui ai lancé.

Pourquoi Di Stéfano, c’était le plus grand ?
Pour moi, Di Stéfano est incomparable. Quand j’ai joué contre lui avec Benfica, en finale de la Coupe des Champions, il avait 38 ans, et il faisait encore partie des meilleurs sur le terrain. On a gagné 5-3 [Pourtant ce jour-là le meilleur madrilène est Puskas qui marque 3 buts]. C’était une fierté pour nous, on est entrés sur le terrain avec le cœur grand ouvert, en assumant qu’on était Portugais. En 66, à la Coupe du monde, vous vous rendez compte : personne ne nous prenait au sérieux, certains pensaient même qu’on était Espagnols. Moi, j’étais né au Mozambique, oui, mais j’étais Portugais. Et quand ils annonçaient notre équipe en Angleterre, c’était comme ça : « Portugal, le capitaine, Coluna, né au Mozambique. Eusébio, Mozambique. Hilário, Mozambique. Vicente, Mozambique. » Politique ! Ils voulaient à tout prix dire qu’on venait des colonies. Je le répète, notre politique à nous, c’était le ballon.
Vous avez pensé à quitter le Portugal ?
Oh ! Oh ! Bien sûr ! Il y a eu la Juventus, puis l’Inter de Milan. Mais le « parrain » – c’est le surnom que j’ai donné à Salazar – ne m’a pas laissé partir. Je crois qu’il aimait tellement le pays qu’il ne voulait pas me voir partir, parce qu’il pensait que j’étais important pour le Portugal.
Combien de fois l’avez-vous rencontré ?
J’y suis allé huit fois, à l’Assemblée. Moi, Coluna et le directeur du Benfica. Coluna me disait tout bas : « Ne dis rien. » Moi, je voulais juste lui dire que je ne le connaissais ni d’Ève ni d’Adam, ce qui était vrai. J’étais très naïf, je sais, mais je n’avais volé personne, je n’avais commis aucun crime. Je voulais juste lui demander pourquoi il ne me laissait pas partir. Et Coluna répétait : « Tais-toi, reste tranquille. »
Mais vous avez signé un contrat avec l’Inter.
Oui, j’ai signé, et j’ai même été en Italie. C’était en 1966, après la Coupe du monde. J’étais au lac de Côme, pour voir à quoi ressemblerait ma future maison.
Bel endroit.
Oh, l’un des meilleurs ! Ma femme [Flora] avait même choisi la maison, une sacrée villa. Mais le contrat est resté en suspens. Le pire, c’est que j’ai dû y aller en cachette. Je suis parti en Italie à la même période que l’inauguration du pont sur le Tage par Salazar, le 6 août 1966. Nous, les joueurs de la sélection et toute la délégation, étions invités à l’inauguration. Les autres y sont allés, pas moi. Le Benfica a écrit une lettre pour expliquer que j’avais déjà mes billets pour l’Italie, parce que je partais passer quelques jours avec ma femme [rires].
L’Inter allait me payer trois millions de dollars à l’époque ! Et ce n’était pas que moi : Bobby Charlton devait aussi venir. J’ai rencontré là-bas Facchetti, Corso et Moratti, le père de l’actuel président de l’Inter, qui était alors le président du club. Je parlais même italien, car j’avais pris des cours sans que personne ne le sache.
Vous aviez tout prévu…
[rires] Oui, tout à fait.
Mais vous partez finalement après la révolution…
On a été champions, et le Benfica m’a laissé partir, libre, en 1976. Je suis allé essayer de récupérer ce que j’avais perdu en Afrique, parce qu’on avait nationalisé tout ce que j’avais acheté là-bas : je jouais au foot, je gagnais de l’argent, j’achetais des terrains. J’ai tout perdu. Et ceux qui m’ont tout pris ? Des types que je connaissais, avec qui j’étais allé à l’école !

Vous êtes parti pour les États-Unis.
L’expérience du soccer, c’était magnifique. Là-bas, ils avaient une loi géniale : les grands joueurs ne pouvaient pas jouer dans la même équipe. J’aurais dû aller dans la même équipe que Pelé, le Cosmos de New York, mais j’ai finalement joué à Boston. Avec le même contrat, bien sûr, très bien payé. J’avais une maison, un chauffeur – que j’ai refusé, parce que j’aimais conduire. Ils nous donnaient même des gardes du corps. Pelé en avait deux !
Je lui demandais : « Mais pourquoi tu veux des gardes du corps ? ». Pelé, parfois, il est un peu vaniteux. Quand on est dans ce groupe des dix meilleurs joueurs du siècle, on aime bien se taquiner alors je lui disais : « T’aurais dû jouer ici en Europe, pour voir ce que c’est que l’hiver, se faire tacler dans le froid et dans la boue ! »

Pourquoi êtes-vous revenu au Portugal pour jouer au Beira-Mar et à l’Union de Tomar ?
Vous ne savez rien…

Mais Eusébio va raconter…
Alors voilà : j’avais cinq mois de vacances par saison en soccer. Pendant ces périodes-là, je m’entraînais avec le Benfica. Le Sporting me voulait, le Belenenses aussi, mais je ne pouvais pas signer de contrat, parce que j’étais encore sous contrat avec les Américains. Je ne pouvais signer que match par match : je touchais une certaine somme pour chaque match.
Alors Apolinário, qui était président du Beira-Mar, m’a proposé 350 contos par match, et en plus il me laissait choisir les matchs. J’ai joué sept matchs et demi au Beira-Mar. Un jour, on devait jouer contre le Benfica, et l’entraîneur du Beira-Mar, c’était Manuel Oliveira, sportinguiste. Il me dit : « Eusébio, vous allez jouer contre Benfica, OK ? Vous avez déjà joué contre mon club, donc bon, là, il faut y aller. »
Et moi je lui réponds : « Oui, mais moi je n’aime pas le Sporting ! »
J’avais marqué un but à Damas [le gardien du Sporting], le Beira-Mar avait gagné 1-0 et le Benfica était passé en tête du championnat – et il a été champion. Mais bon, j’ai dû jouer contre le Benfica… sauf que c’était à Aveiro !
Et là, coup franc à l’entrée de la surface du Benfica. Le Beira-Mar avait le Sousa, l’Abel… Et Manuel Oliveira crie : « C’est Eusébio qui tire ! »
Et moi je le regarde et je fais ça [il touche son front avec l’index, comme pour dire : « t’es cinglé »]. Vous pensez vraiment que j’allais marquer un but contre le Benfica ? Pour l’amour de Dieu !
On a fait match nul. Dans les vestiaires, Manuel Oliveira me demande ce que je faisais avec mon doigt, et je lui réponds que j’avais une démangeaison à la tête [rires]. Et le coup franc était vraiment dans la zone de vérité, il suffisait de mettre le ballon autour du mur. Et à l’Union de Tomar, j’ai seulement joué deux matchs.

Et le Sporting vous a-t-il fait une offre ?
Je ne voulais même pas en entendre parler. Et puis j’avais aussi peur de me blesser, parce que j’étais assuré aux États-Unis.
Votre genou montre que vous avez pris pas mal de coups pendant votre carrière.
Je me suis fait opérer six fois au genou gauche. Aujourd’hui, une lésion du ménisque, c’est une semaine ; à l’époque, c’était des mois. Parfois, les coups étaient intentionnels, d’autres fois non. Ce que je ne supportais pas, c’étaient les tacles par-derrière. Là, j’avais envie de cogner, mais bon… faut savoir se tenir.
L’interview, telle que nous l’avons lue, se termine de façon un peu abrupte, sur une question relative à son genou. Elle offre néanmoins un panorama complet des grandes étapes de la carrière d’Eusébio : de son arrivée digne d’un film d’espionnage à son retour très commenté à Beira Mar, en passant par son transfert avorté à l’Inter ou encore ce Mondial 1966 au goût doux-amer. Une Coupe du monde marquée à la fois par la déception de ne pas avoir été sacré et par la fierté d’avoir mené les « Magriços » jusqu’aux demi-finales.
Dans cet entretien, l’Euro 2012 est également évoqué — une édition où le Portugal atteindra une nouvelle fois le dernier carré. C’est d’ailleurs lors de cet Euro, en Pologne, qu’Eusébio sera victime d’un AVC, avant de décéder quelques mois plus tard, le 5 janvier 2014, à l’âge de 71 ans, d’un arrêt cardio-respiratoire.Outre les trois jours de deuil national décrétés en son honneur, il entre au Panthéon national et donne son nom à une avenue de Lisbonne, celle qui mène, naturellement, au stade de la Luz.
[1] Un des plus vieux restaurants de Lisbonne, spécialiste du poulet rôti.
[2] Petite ville au nord-est de Lisbonne

Très chouette, merci.
Voldemort, lol.. 😉
3M USD en 66, ç’eût été une folie absolue pour l’époque, il me semble.
Les trois jours de deuil pour JP2 & Co..ce fut au Portugal??
Oui 3 jours pour tous les papes…C’est du pays catho de compèt 🙂 Je pense que c’est devenu une tradition.
Sinon c’est vraiment pour des personnalités de premier plan.
Pour le Reine d’Angleterre, ça me la coupe, crénom.
Il ne faut pas oublier la soumission aux anglais du Portugal…
Sinon j’ai regardé la liste c’est assez dingue, je te partage ça va te plaire:
Edouard 7…30 Jours (record au 20eme)
Hitler (sous Salazar), Hiro Hiro(sous la République en 89), Al Sadat et Mandela 3 jours chaque…
Chez les papes JP2 et François ont eu 3 jours, Benoit un seul.
Hassan 2 a eu 2 jours, Delors 1…
Chez les non politiques (pape et roi compris) les seuls à avoir 3 jours sont Eusebio et Amalia Rodrigues. Un symbole du Portugal de Salazar, Futebol, Fado et Fatima.
J’avais songé à ce rapport particulier avec les Anglais, mais que ce fût à ce point-là, oufti.
Et alors trois jours de deuil national pour Hitler, lol..
Ne pas oublier que Salazar, le roi de la tergiversation et du double jeu, a cru en une victoire de Hitler durant très longtemps, tout en cédant peu à peu aux exigences alliées contraint et forcé. Il avait fini par accepter à contrecœur que s’installe une base alliée aux Açores tout en continuant à vendre du tungstène aux Allemands. Il faut lire sa bio pour comprendre à quel point Salazar était exaspérant pour ses partenaires ou adversaires étrangers. D’une prudence maladive, il laissait traîner en longueur toute négociation afin de ne pas prendre de décision qui pourrait lui nuire.
Et Alain Delon, combien de jours ?
Le deuil national au Portugal pour Hitler, je savais. L’Irlande avait aussi présenté ses condoléances…
Pour l’autre avec ses chapeaux chelous, on n’avait pas aussi mis les drapeaux en berne ?
Le tungstène, quelle histoire… Gilda !
Juste en complément, la photo de garde c’est lui et Antonio Simoes en 2010, un an avant l’ITW, à un entraînement de la sélection à ce mondial où le Portugal retrouvait la Corée du Nord. Je trouvais ça symbolique et sympa ces 2 vieux, toujours mordus de foot et bien plus doué que ceux qu’ils vont voir s’entraîner 😅La Corée prendra 7-0 mais le Portugal se fera éliminer en huitièmes 1-0 sur un but HJ contre l’Espagne.
Bauer, c’est pas loin d’être là plus grande légende de São Paulo. Verano confirmera certainement…
Ah non pas la plus grande, loin de la. Mais ça reste une légende des années 40-50. Présent lors du Maracanaço et 6 titres de champion avec SP.
Ah, suis pas d’accord. Bauer, dans le club, je le mets au niveau d’un Rai, Luizinho, Rocha, Ceni…
Leonidas a plusieurs saisons mais sont-elles les plus belles de sa carrière ?
Friedenreich a tellement de clubs différents…
Antonio Sastre a un magnifique passage mais un peu court.
Serginho, grand buteur pour l’institution, mais plus limite internationalement.
Oscar, en défense, oui très important.
Canhoteiro pour ses dribbles
Friedenreich est en fin de parcours, Serginho, non, trop limité, Sastre ne reste pas longtemps même si son passage est marquant.
De Sordi et Dino Sani ont marqué le club et ont un palmarès avec la Seleção. Muller est peut être le plus constant de l’époque Telê Santana.
J’avais mal lu ton message initial, je crois que tu disais qu’il était loin d’être la plus grande legende. Mais pour moi c’est une légende, un des plus grands joueurs. Après je ne maîtrise pas assez pour le placer parmi aux autres.
Oui, après ça reste un club où aucune figure ne se détache totalement. Très compliqué à faire.
Top 3 ou 4 probablement avec Leônidas, Canhoteiro, Mauro Ramos. Faudrait y réfléchir mais incontestablement très haut dans un classement.
Du Sporting Clube de Lourenço Marques, sortiront également Hilario et Coluna.
Simões, super joueur, très combattif.
Seminário, le Péruvien, pichichi avec Saragosse.
Même si on l’avait laissé partir, 66 correspond à la fermeture de la Serie A aux étrangers.
Eusebio gagnera la NASL avec Toronto d’ailleurs. Il a également un court passage à Monterrey.
Me souviens de lui enflammant les fans de Benfica, avant le retour face à l’OM… Merci Rui !
Merci Rui, on aurait envie de lui poser plein d’autres questions, sur l’ambiance lors des derbys, le rôle de Szóbel (eh eh), la chèvre Costa Pereira (eh eh bis), la vie à Lisbonne dans les 60es, la manière dont il a vécu la révolution des Œillets…
Szobel c’est clair que ça aurait été une question intéressante!
Pour les deux dernières il y répond entre les lignes. Pour un joueur de foot ça restait la belle vie même si la dictature était présente, partout comme une toile d’araignée empêchant les portugais de réellement vivre. Pour beaucoup de joueurs de 66, la dictature les a empeché de faire mieux même si les joueurs ne devaient pas aller faire la guerre, eux. La révolution pour les joueurs a surtout signer un exode massif, dont celui d’Eusebio. Un peu a l’image de la chute du mur.
Costa Pereira n’est pas là en 66, aurait-il fait mieux (Bon il avait 37 piges).
J’ai regardé les matchs et l’autre Pereira, José n’est pas plus mauvais que lui mais il n’est jamais décisif non plus. Victor Damas est né quelques années trop tard (il avait 19 ans en 66).
Globalement ce Portugal avait une defense plutôt faible et Vicente était large au-dessus du lot et il tenait pas mal la baraque. Son absence en demi change tout pour le Portugal, surtout face aux costauds anglais. Eusebio, Simoes, Coluna, Vicente, Augusto c’était vraiment bon. Hilario, Torres, Graça largement au niveau mais les 3 autres postes c’était moins solide.
Interview sympa.
Petites rectifications:
En 62 Di Stéfano n’a pas 38 ans, mais 36 ans, ce qui est déjà un âge canonique à l’époque.
Le Tournoi de Paris 61 eut lieu en septembre, pas en juin.
Toutes mes confuses, c’était bien en juin 61. Vu à la télé.
Eh bé, en ce moment il régale le sieur Rui Costa.
C’était drôlement intéressant et bien monté, bravo !