Piacenza, disparition d’un plaisancier

Port d’attache et point de repère

« Passé Turin, tu suis : Milan, Piacenza, Bologne… ». Je revois et entends toujours d’ici mon oncle Giuseppe, « Peppe » tout simplement (diminutif des plus populaires) ou encore « Jo », comme on l’appelle plus généralement… indiquer, rappeler et rabâcher comme chaque été à mon père, la route à emprunter avant de partir en vacances. « Milan, Piacenza, Bologne »… une indication qui sonne comme un dicton et qui ici est accompagnée, en guise disons de copilote, d’un accent italien à couper au couteau et d’une « option gestuelle » généreusement inclue dans cette espèce de « GPS d’origine » ! Originale n’est-ce pas ? C’est bien le moins que l’on puisse dire de ce « Zio » aux allures de cigogne sicilienne… boussole indéfectible, berger fidèle ou guide infaillible de la famille qui, satellite ingénieusement intégré en tête et radar interne à toute épreuve… demeure l’éternel et indétrônable détenteur du titre de : « panneau sur pattes » ! Le trajet, à l’image de sa destination, reste pourtant formidablement inchangé : rejoindre la Calabre (branche maternelle de l’arbre et point de chute enchanté, autant enraciné qu’irremplaçable) en partant de notre Grenoble adoptif tout en effectuant un crochet du côté de Salsomaggiore (Salsomaggiore Terme de son nom complet) où Teresa et Carlo, autres Tante et Tonton, tenaient un hôtel… Un crochet à « Salso » alors (comme l’on résumait souvent) ? Transition parfaite et toute trouvée pour ouvrir une petite parenthèse et saluer ici cette station thermale en province de Parme, décor idéal pour un repos bien mérité après la première étape de notre « Giro » à sens unique. Cité aussi, berceau de Nicola Berti (ancien milieu de terrain notamment de l’Inter Milan, comptant quand même presque 40 sélections avec la « Squadra »)… et ville enfin (anecdote pour conclure) connue également, célèbre pourrait-on insister, pour accueillir la cérémonie d’élection du concours de « Miss Italie »… Retour en voiture : Turin, Milan… Piacenza et Bologne donc… Vous pensez certainement comme moi : un trio Turin-Milan-Bologne aurait amplement suffit ! Seulement voilà, en cette période dorée des « Nineties », Piacenza était encore un point de repère, une croix entourée sur une carte… existante, bien présente… Incontournable ou primordiale peut-être pas, je vous l’accorde… mais une place (« Piazza » comme on dit chez nous) néanmoins importante, parlante pour le grand public… Pour finir une précision supplémentaire proposée à notre itinéraire, placée sur notre parcours et orientant surtout (vous l’aurez compris) les connaisseurs de football… supporters passionnés ou simples sympathisants peu importe… cette partie de la population pour qui ce n’était pas surprenant de trouver : un port de plaisance en pleine plaine du Pô ! C’était l’époque du Piacenza Calcio, club « Provinciale » (en italien) parmi les plus provinciaux… sorte ici de version lilliputienne d’un Perugia « géant des campagnes »… et là arrière-pays d’un Parme paraissant en comparaison : pratiquement un ogre européen ! Spontanée, expressive… intrépide et par conséquent superbement poétique… pudique sans pour autant passer inaperçue… pas particulièrement spectaculaire mais plaisante à souhait et persévérante au possible… Piacenza répond à la perfection aux critères de personnalité de ces équipes un peu spéciales, celles dont le souvenir présente la propriété principale d’un parfum d’enfance : profondément imprégné dans l’esprit et à l’empreinte ineffaçable !

Ancrage et voile hissée

Mai 2002, soit il y a un peu plus de 20 ans maintenant… Dario Hübner, avec un total de 24 réalisations et contre toute attente, termine la saison en tête du classement des buteurs de Serie A (ex æquo (pour être tout à fait exact) avec le « Roi David » Trezeguet, d’ordinaire peu habitué à partager son trône). « Capocannoniere » donc, comme on dit en Italie (littéralement « chef canonnier »), mais pas uniquement… Effectivement, avec cette distinction individuelle décrochée à 35 ans, l’attaquant de Piacenza établi au passage un nouveau record (ce dernier loin d’être anodin d’ailleurs, dans ce championnat italien sans âge et si attaché à ses vétérans)… celui de plus vieux joueur à remporter le titre de meilleur buteur du Calcio (record qui tombera 13 ans plus tard avec les 22 perles enfilées, du haut de ses 38 bougies soufflées et durant sa véritable seconde jeunesse vécue sous les couleurs du Hellas Vérone… par une autre « tour de contrôle de banlieue » : le costaud et tout autant incontournable Luca Toni (en 2019, Hübner descendra même sur la troisième marche de ce « podium des dinosaures », dépassé par Fabio Quagliarella et sa saison spectaculaire sous la bannière blucerchiata de la Sampdoria : Capocannoniere du Campionato à 36 ans, avec 26 cacahouètes et devant un certain Cristiano Ronaldo). Avant d’enchaîner, soulignons ensemble deux autres particularités que propose l’ancien numéro 27 de Piacenza, celles-ci aussi symboliques que significatives et ici simplement rapportées par copier-coller : Hübner est, jusqu’à aujourd’hui encore, l’unique joueur (avec Igor Protti en réalité) à avoir été sacré meilleur buteur dans les trois niveaux professionnels italiens ainsi qu’à avoir (cette fois-ci c’est bien le seul) marqué dans toutes les divisions (italiennes toujours) dans lesquelles il a évolué (neuf au total). En choisissant cet extraordinaire Dario comme tête de gondole, figure de proue si vous préférez, de ce deuxième paragraphe… nous créons directement un pont entre les deux berges proposées dans le titre de celui-ci : l’ancrage et la voile hissée. La voile hissée pour commencer, l’apogée… sorte de « Terre promise » qui apparaîtrait doucement à l’horizon et serait annoncée, comme une bénédiction, par la vigie perchée sur son nid de pie, à l’extrémité du mât… Voile hissée donc… Absolument ! En effet, à l’image de leur « buteur maison », les Biancorossi marquent eux-aussi d’une pierre blanche cette saison 2001-2002 en atteignant (pour la troisième fois désormais après les éditions 97-98 et 98-99) : la plus haute place de leur histoire dans le championnat italien (une humble et discrète douzième position plus précisément). Pas de quoi sauter au plafond comme un marsupilami complètement fou mais une performance, paradoxalement pour le coup, presque qualifiable d’ « exploit sportif »… comparable à un objectif paraissant inatteignable et qui pourtant, aura été pleinement rempli ! Pourquoi pas ici une Lune visée, pointée du doigt d’abord, péniblement rejointe ensuite et enfin fêtée comme il se doit : avec le hurlement des Lupi (« Loups »), totem représenté sur le logo du club et petit nom logiquement attribué à la meute, pardon… à l’équipe de Piacenza. Voile hissée disions nous ci-dessus, Lune ciblée à l’instant… c’est exactement ça ! Dans le Calcio interstellaire des années 90 et 2000, l’extraterrestre Piacenza sera tout de même parvenu a planté le drapeau de sa planète perdue sur la surface, hostile, inhospitalière et si difficile d’accès… de ce soleil resplendissant, de cet astre suprême qu’était la Serie A ! Concernant l’ancrage, pour conclure ce second chapitre… l’arrivée de Dario Hübner chez les Papaveri (« Coquelicots ») lors de l’été 2001 offre un pigment nouveau au tableau du club, au panorama de l’équipe… enfin et surtout à la peinture classique de chaque rentrée de septembre nous présentant les recrues fraîchement débarquées… En effet, entouré des brésiliens Matuzalém et Amauri, notre muse pose avec, tenez-vous bien : les deux premiers joueurs étrangers de toute l’histoire de Piacenza ! « Pont entre deux berges » disions nous plus tôt, alors peut-être ici un tronc d’arbre, un chêne presque centenaire couché sur le lit d’une rivière… Hübner est bel et bien ce relais, ce témoin… ce passage obligé liant les racines et la tête, le sol et le ciel : l’ancre jetée et la voile hissée.

L’Odyssée de Pi

« Tatanka », comme on surnommait Hübner (traduisez « bison » en langue sioux), alors pourquoi pas pour l’occasion : notre « Kevin Costner à nous » ! Comme vous l’aurez sans aucun doute remarqué, la référence au film Danse avec les loups fait parfaitement office d’affiche, sur mesure et collant merveilleusement bien : ici à la peau rouge de notre tribu luttant pour exister… là à l’identité de cet intime cinéma de quartier voué à disparaître… pour finir au pelage de l’animal phare, le « totem » de tout à l’heure placé cette fois-ci en couverture de cette sorte de « Tarot de médecine amérindienne » que serait alors Piacenza (lorsqu’on connaît le succès (clairement un patrimoine culturel national) des Carte Piacentine (« cartes de Piacenza »), on ne peut que conclure ainsi)… « Tatanka » donc, il Bisonte tout court (« le bison ») ou encore plus crûment et brutalement la Bestia (la « bête »)… Dario Hübner est, on peut le dire : marqué au fer rouge ! Marque de fabrique, symbole indissociable d’un emballage culte comme « Babybel » ou « Vache qui rit »… égérie d’une publicité, gage de qualité ou que sais-je encore… enfin un label fiable afin de facilement identifier cette formidable race de Bomber (comme on dit dans la Botte) dont l’Italie raffole ! Buffle robuste, Burrata solide… « laboureur des surfaces » souvent esseulé à l’autre bout du champ… Buffalo Soldier difficile à bouger et, bien sûr, qui fonce tête baissée à en faire trembler chaque « filet de barbelé »… comprenez : foncièrement efficace face au but ! Avec Dario Hübner, les bouclettes sur le crâne et le bouc bien taillé de notre vedette du jour aidant évidemment la caricature, cette dernière ici plus que jamais satyrique… Piacenza tient son « Bobo Vieri du pauvre » (lui c’était « le bélier », pour rester dans le thème…) et perpétue ainsi la tradition italienne ancestrale qui veut que tout club de « seconde zone » et autres « no man’s land » compte dans ses rangs un cowboy solitaire de légende ! Un type capable de tirer très rapidement, oserai-je ajouter « plus vite que son ombre »… un affranchi du système à la dégaine d’ « anti-star » et dont la gâchette serait recherchée dans tout le pays ! Luca Toni, ou encore Fabio Quagliarella, attaquants à la réputation tonitruante que nous avons rencontré tout à l’heure, en sont la démonstration… leurs faits d’armes ayant en effet, surtout été réalisés en « périphérie du foot italien » : Palerme, Florence, Gênes… Idem pour le bon Di Natale à Udine, le divin Di Vaio du côté de Bologne… Signori aussi… Gilardino, Cristiano Lucarelli et « Tutti Quanti » ! Dans cette sorte de « western adapté sur pelouse », « spaghettis » bien sûr et qui, pour le coup, serait magnifiquement filmé par le bel œil, pardon, par la caméra de Marco Bellochio… Piacenza se pointe elle aussi au casting afin d’y promouvoir et de placer sous le feux des projecteurs : les acteurs de son école ! Dans un combo : long « imper », Colt et chapeau (panoplie complète et costume qu’on croirait créés ici par l’« enfant de la maison » (facile) : le grand Giorgio Armani)… les attaquants ayant défilés dans le générique du club ont tous crevé l’écran ! Incarnations époustouflantes et autres prestations épatantes à la pelle ! Tout un cinéma ? Ici alors un bon vieux western ! Quoique plutôt un péplum, plan parfait pour cette équipe antique, authentique… et incontestablement d’un autre temps. Western ou péplum après tout peu importe parce que, finalement, Piacenza c’était un petit peu tout ça à la fois. Un classique, un immanquable… à cheval entre la bataille de Troie et la foire à bétail du coin ! Piacenza, c’était l’Iliade… avec quelque part quand même : un petit côté « Arche de Noé » ! Tête de loup tissé sur le pavillon, cap sur l’ « Eldorado Hübner » et son abondance de bisons… Sans oublier bien sûr SuperPippo, flûte au bec, sorte d’Ulysse dans la peau de Pan… plus charmant qu’une sirène et chassant tel un chat : les buts comme les souris cachées en soute, les rats embarqués dans les cales et autres tigres sortis de leur cage pour s’inviter dans votre barque ! On y est : Piacenza, c’était l’Odyssée de Pi !

Pavillon de pirates !

Tradition séculaire du cowboy solitaire, disions nous ensemble… Défilé d’attaquants ayant tous crevé l’écran, insistions nous aussi… Gilardino, ai-je cité juste au-dessus… enfin Filippo Inzaghi avons nous croisé à l’instant… La transition est toute faite et voici que le joli violon du jeune « Gila » s’accorde à merveille avec le souffle de SuperPippo pour venir nous jouer à l’improviste la musique de fond de notre récit, ouvrir officiellement notre « bal des numéro 9 » et lancer ainsi la cérémonie récompensant les meilleurs goleadores ayant joué dans ce Piacenza culte des années 90 ! Gilardino déjà… Le bel Alberto est en effet l’une des nombreuses progénitures de notre princesse paysanne, « fils sportif du pays » pourrait-on ponctuer… lac piémontais si l’on remonte à la source mais formidable affluent ici du paisible « ruisseau de football pure » alimenté par la patiente et naturelle « Dame Piacenza » ! Une Déesse avec qui il débutera sa carrière professionnelle assez discrètement (une seule et unique saison), avant de passer par Verone (le Hellas) et ensuite d’exploser à Parme… Pippo Inzaghi (qui pour l’anecdote, avec un parcours pourtant curieusement similaire (formé à Piacenza, lancé en pro chez ces mêmes Papaveri… passage via le Hellas Vérone puis par Parme), ne croisera les courses, ou pourquoi pas ici les cordes de son compère violoniste que beaucoup plus tard, sur les planches de la Scala très exactement, dans le stratosphérique Milan AC orchestré par le maestro Carlo Ancelotti (les deux compagnons seront bien sûr, aussi coéquipiers sous la tunique sacrée de la Squadra, avec laquelle ils soulèveront d’ailleurs ensemble la Coupe du Monde en 2006)… SuperPippo donc, connaîtra quant à lui plus de succès sous les couleurs de Piacenza (carrément sa ville natale le concernant) où il sera une pointe à part entière du trident formé alors avec Piovani et De Vitis (42 pions plantés à eux trois (dont 15 pour « Inzagoal ») lors de la saison de Serie B 94-95)… Une performance offerte au troupeau par ce trio de tête et qui permettra au « traîneau Piacenza » (rouge comme celui du Père Noël) de remonter la pente et de retrouver la Serie A, un an seulement après l’avoir quitté (il s’agira ici de l’unique apparition de Piacenza en Serie B entre sa première ascension au sommet du Calcio (1993) et sa dernière édition disputée dans l’élite italienne 10 ans plus tard (2002/03)… Alberto Gilardino et Filippo Inzaghi, voici les deux jeunes mousses choisis afin de jouer les porte-drapeaux, afficher bien haut l’étendard de notre radeau de fortune et enfin partir à l’abordage des buts adverses et des flottes ennemies avec un équipage : clairement qualifiable d’offensif ! Toute une flopée d’attaquants en effet, fins artilleurs, artificiers s’invitant à la fête… flibustiers aussi prolifiques qu’explosifs, corsaires familiers des « boulets de canon » et je ne sais quels autres spécimens « spécialistes des pétards »… Pour finir quelques perroquets perchés sur l’épaule, les mousquets au poing et le mortier en poche viendront compléter l’attirail de ces pirates dont la réputation d’ « assaillants de portiers » : se répand comme une traînée de poudre ! C’était les flèches affûtées et les fines lames faisant alors parfaitement fonction de crochets pour la collection du capitaine Cagni ! Le capitaine Cagni oui, Luigi Cagni… coach emblématique de notre embarcation du jour, notre bouée de sauvetage, canot, canoë… kayak ou que sais-je encore… pour conclure notre felouque un peu loufoque venant nous secourir au milieu des tumultes, des tourbillons et autres tempêtes d’un football contemporain complètement à la dérive.

Cortège de caravelles !

Piovani et De Vitis, venons nous de voir voguer sur les vagues de notre voyage ? Évidemment ! Le premier, Gianpiero Piovani, n’est autre que (pour faire court) : le joueur le plus capé de l’histoire de Piacenza (385 présences)… Le second, « Pugliese » d’origine, Antonio (alors ici inévitablement « Totò ») De Vitis, se trouve être le héros (avec 19 buts inscrits) de la première promotion en Serie A de Piacenza (en 93 comme précisé plus haut), lui qui déjà la saison précédant cet exploit (91-92), avait bien aidé le club (avec cette fois-ci 17 buts mis à contribution) à obtenir un maintien miraculeux dans la division cadette… Restons dans l’ambiance méridionale pour accueillir nos deux attaquants suivants, pratiquement homonymes et qu’on pourrait aussi aisément confondre par leur instinct de chasse (« Caccia » en italien) : Nicola Caccia et Daniele Cacia (avec, comme vous le constatez, un seul « C » pour le second). Nicola, napolitain… vante une carrière correcte durant laquelle il aura « scoré » une quarantaine de fois (en un peu plus de 100 parties, réparties celles-ci sur deux mandats) pour Piacenza (dont une saison de Serie A (95/96) à 14 buts)… pierre à l’édifice plus que respectable apportée à la construction du charmant et chaleureux Castello (« château ») local, clairement enchanté pour l’occasion… Daniele lui est calabrais, de Catanzaro très exactement… et affiche des statistiques presque identiques (la barre des 50 buts dépassée pour un peu moins de 140 matchs (dispersés ici sur quatre périodes (il a aussi été formé au club)… Daniele Cacia est également (toujours intéressant à noter), avec 134 buts et à seulement une longueur du recordman Stefan Schwoch (véritable icône à Vicenza)… le second meilleur buteur de l’histoire de la Serie B ! Pour conclure, voici une question qui me tracasse l’esprit : croyez-vous que De Vitis, Caccia et Cacia ont comme moi effectué une halte du côté de Salsomaggiore sur la route (en sens contraire ici) reliant le Mezzogiorno au reste du monde ? Bouclons et signons ce listing avec trois derniers noms: Giovanni Cornacchini pour commencer, attaquant quasiment inconnu mais principal artisan (notamment en terminant meilleur buteur de troisième division) du retour en Serie B des Biancorossi au tout début de la décennie (1991)… Le deuxième sera Eusebio Di Francesco (plus connu celui-ci), une expérience piacentina peut-être pas à graver dans le marbre le concernant mais néanmoins honorable (Piacenza aura surtout été pour Di Francesco, le tarmac l’ayant vu décoller (comme atterrir) pour (et de) son envol romain, ses Vacanze Romane en quelque sorte… romance, aventure et exploration estampillées SPQR après l’historique Scudetto remporté aux côtés de l’ange Gabriel Batistuta, l’Aeroplano Vincenzo Montella… le drôle d’oiseau à la silhouette d’échassier Marco Delvecchio et surtout la soucoupe volante, l’ovni évidemment… « fusée de Jupiter » ou Ferrari giallorossa… « fils de Mars » et « Fantasista interplanétaire » : Francesco Totti)… Et pour finir le troisième nom de la liste, ou plutôt ici un prénom : Simone Inzaghi ! Avant-centre au visage familier (c’est le cas de le dire)… de nouveau un louveteau né au village et énième « héritier de la finition » qui se sera vu transmettre, presque fatidiquement, le flambeau par son frère Filippo avant de parapher plus tard de sa propre griffe (lors de l’exercice 98-99 très exactement et avec non moins de 15 buts en 30 matchs pour sa première saison de Serie A)… le livre d’or, que dis-je le livre d’or… le journal de bord, le livret de famille de Piacenza !

Et enfin naufrage et vaisseau fantôme…

La famille… On y est, Piacenza : c’est la famille ! Une grande famille qui tiendrait pourtant, tant elle sait se faire toute petite, dans la paume de la main comme dans un mouchoir de poche ! Piacenza, c’est cette réunion d’apôtres sans prétention, cette paroisse difficilement perceptible, pratiquement transparente… Pour terminer ce portrait d’une Madonne prude, Sainte sans prétendant et dont le palmarès restera à jamais vierge… prudemment peinte au second plan mais prêtant cependant, paradoxalement je vous l’accorde… impudemment ses traits à ce tableau de maître représentant : « le panorama rural du football rital » ! Grande famille, assemblée discrète, presque secrète… et enfin une fête ! Organisée celle-ci sur le thème de la convivialité : petit comité et bonne franquette ! Le tout tenu sous le chapiteau du stade Leonardo-Garilli, ancien « Stadio comunale » (tout simplement) renommé en l’honneur du tant aimé président piacentino. Leo Garilli oui, placé ici à la grille du barbecue évidemment, comment pourrait-il en être autrement… Lui le patriarche, natif de Piacenza là encore et pionnier de la gestion saine, qui en 1983 récupèrera le club de sa ville au bord du précipice (alors à deux pas de la faillite (ou plutôt ici les pieds suspendus au-dessus d’un gouffre financier) et complètement embourbé, englouti, enfoui… dans les profondeurs du football italien (les abysses de l’ancienne Serie C2 (quatrième division) pour être tout à fait précis))… Garilli qui réussira ensuite, bois flotté et bout de ficelles, à rafistoler l’épave… et qui enfin ira jusqu’à remonter à la surface et ramener (à la rame forcément et bien sûr contre vents et marées) la barque bianca et rossa à bon port : sur le quai du Calcio, entre immenses et tout aussi puissants paquebots d’acier, superbes titans des mers semblant insubmersibles et autres vaisseaux quasi spatiales de Serie A ! Garilli pour conclure, laissera le gouvernail à son fils Stefano, qui lui-même passera la barre à son frère Fabrizio… Grande famille disions nous ? C’est exactement ça ! Tous sur le pont ! Tous dans le même bateau ! Un navire hélas aujourd’hui disparu, pour conclure comme on a commencé : Piacenza, disparition d’un plaisancier. Effectivement, en cette fin de printemps 2023, soit à peine plus de vingt ans après la consécration de notre incroyable Hübner et sa couronne de Capocannoniere… Piacenza est relégué en Serie D, la quatrième division actuelle, abîme même donc, d’où Garilli les avait jadis sorti… Scénario semblant dramatique, chute sensible ou clap de fin digne d’une tragédie grecque… et pourtant un déjà-vu ! En effet, à la fin de la saison 2012, Piacenza avait déjà été rétrogradé (sportivement) au quatrième échelon italien avant de (seulement quelques semaines plus tard) terminer sa déchéance avec une nouvelle descente aux Enfers (administrative cette fois-ci) : l’éradication totale du club ! Réincarné en Lupa Piacenza dans un premier temps, puis en Piacenza Calcio 1919 par la suite… le club avait alors dû renaître des cendres de la cinquième division (niveau régional) avant de : d’abord retrouver (dès la saison suivante) la Serie D… et enfin de peaufiner sa délicate résurrection avec un retour chez les professionnels (la troisième division) pour le départ de l’édition 2016/17 (troisième division qui fera dès lors office de plafond pour notre petite bicoque blanche et rouge, effectivement, à défaut de pouvoir se réinstaller (ne serait-ce que temporairement) sur le toit de la Serie A… les Piacentini ne déposeront même plus leurs cartons dans l’encombré mais si confortable grenier de Serie B). C’était le Piacenza des nineties, le Piacenza « Tutto italiano » comme on l’appelait… Grande inspiration pour tout supporter romantique qui commencerait dangereusement à suffoquer… bouffée d’air frais efficace comme une bonne balade en forêt et enfin : branche fleurie de ce somptueux et si imposant platane que représentait alors la plaine du Pô. Arbre encore fort, qui soufflait dans les bronches du moindre bûcheron et respirait le football à plein poumon ! Vicenza jouait la Coupe d’Europe, paradait tel un paon dans les jardins de Serie A en exposant un Paolo Rossi en pleine fleur de l’âge et était capable de sortir de sa mare aux canards un symbole mondial comme le « Cygne de Vénétie » : Roberto Baggio (qui d’ailleurs effectuera son chant et signera la dernière page de sa fable sous le plumage de Brescia)… Non loin de là, la voisine Padova voyait voler, sur sa pataugeoire gelée, le jeune prodige du patinage artistique Alex Del Piero pendant que, de son côté, l’Atalanta déjouait tous les pronostics avec le mythique Emiliano Mondonico assis sur son banc… Vicenza, Brescia… Padova et l’Atalanta… Modena hier, Sassuolo aujourd’hui… la Spal, la Reggiana ou encore la Cremonese… sans oublier bien sûr le mammouth Bologne et l’autre mastodonte Parme… Multiples sont les PME locales s’étant développées comme des petits pains et participant (ou ayant participé selon l’apogée de chacune) à la renommée footballistique de la région ! Autant de chantiers navales dispersés, éparpillés un peu partout au milieu des terres et dont la lourde tâche (sorte de cahier des charges pour le coup titanesque) était de devoir mettre à flot, lancer dans le grand bain ou faire sauter du plus haut plongeoir peu importe… des petits poissons sachant à peine nager ! Dans cette plaine du Pô empruntant ici parfaitement la parure d’un océan, si certains vaisseaux marchent sur l’eau et se déplacent à la vitesse d’un dauphin (Sassuolo, Atalanta (et encore, rien de comparable avec le Parme de l’époque), d’autres à l’inverse voient : au mieux leurs messages noyés par les ondes indécisent de l’intermittence (c’est le cas de quasi toute la « barrière de corail du Pô »)… et au pire leur silhouette déserter de plus en plus les radars, doucement, silencieusement, pas à pas… à l’image des empreintes et autres traces de passages laissées par notre loup blanc et rouge du jour. Une espèce hélas portée disparue et dont il ne reste aujourd’hui que l’écho du hurlement… un son creux qui laisse sans voix, un cri sourd qui pourtant vous hérisserait le moindre poils ! Ici un signal de détresse détenu prisonnier dans une bouteille vide, abandonnant sa destinée à la frivole et versatile volonté d’Eole… et là enfin un appel qui résonne comme un SOS soufflé à l’oreille des poissons ! Piacenza, disparition d’un plaisancier.

21 réflexions sur « Piacenza, disparition d’un plaisancier »

    1. Tatanka me fait et me fera toujours penser à mes lectures enfantine sur les amérindiens les sioux oglalas et Sitting Bull chassant les bisons toujours (et bien avant cette parodie de film qu’est danse avec les loups et cet escroc de Kostner^^)

      magnifique récit mélangeant souvenir perso et souvenirs de ce calcio des 90’s/2000 et de ces petites sociéta (c’est bien comme ça que l’on dit?) avec ces clubs indispensables dans le paysage du calcio… j’allais dire comme les Rouen HAC Metz EAG Gueugnon Brest Nancy chez nous (avec les Lessage Orts Malm en tant que buteurs)

      J’habite sur sainté depuis 25 ans et des récits de ce type de retour au pays j’en ai entendu un paquet, la plupart de siciliens d’origine et en te lisant j’avais l’impression de les entendre c’était bien sympa! avec les mines forcément ici c’est bourré d’Italiens et de Polonais,( puis il y aura une seconde vague Espagnole et Portugaise bien avant la maghrébine) mais la plus prégnante et voyante se sont les « ritales » surtout dans les tribunes dans les 3 groupes ultras ils sont omniprésents logique vous me direz l’Italie est précurseur en Europe sur ce plan là!

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      1. Merci Sainté !
        Je pense qu’on partage les mêmes références et récits, riches d’anecdotes et si chers à notre belle région garnie d’immigrés méditerranéens…
        D’ailleurs, le trait d’union est tout fait, j’ai vu que as cité Robert Malm, un nom memorable du côté du vieux Stade Lesdiguères de Grenoble !
        Ce Calcio des Nineties~2000 oui (comme la L1 (ou plutôt l’ex D1) et, j’ajouterai, chaque championnat bien sûr)… propose son lot d’équipes disons « d’anthologies » ayant marqué l’enfance d’une génération et hélas pratiquement toutes portées disparues aujourd’hui.

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      2. PS on dit bien « società » (l’accent sur le « à » en revanche)

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  1. Ah, le retour en été pour revoir la famille. Il était encore plus long que le mien Calcio. Nous, on était quand même veinard de partir de Toulouse. Quand on rencontrait sur la route les Marocains vivant aux Pays Bas… Quelle galère..
    Direction le Pays Basque, Burgos… Là, les Portugais dérivaient plus à l’Ouest et nous on descendait tout en bas, avec une pause à Madrid. Et puis c’était l’enfer de Jaen jusqu’à Jerez où un oncle venait généralement nous chercher.
    Tu la sentais dans tout le corps la péninsule! Toujours le même trajet mais un chemin tel un compagnon fidèle. Indispensable. Avec qui tu partageais tes silences, pensées et regrets du retour..
    Merci Calcio!

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    1. Merci à toi Khia !
      En Belgique aujourd’hui, je compatis comme toi pour nos cousins marocains qui effectuent un véritable parcours du combattant pour se rendre (en voiture bien sûr) « au pays »! Une pensée aussi pour nos voisins grecs et turcs, quant à eux quasiment au stade du « pèlerinage » pour partir retrouver leurs racines…
      Hélas, c’est souvent: « le social ou le soleil »!

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      1. à propos du « pélerinage » Turc j’ai un souvenir marquant, en 2014 sainté joue les barrages de l’uefa (quelle époque si lointaine snif) en Turquie « Asiatique » à Karabük avec des copains l’aller se fait en avion jusqu’à la mythique Constantinople (je prendrai bien l’orient express moi^^)!
        au retour on se fait le bus de d’Istanbul à Munich en bus c’est fin aout traversée de la Bulgarie Serbie Croatie Slovénie Autriche plein d’Allemand et de turcs dans le bus (plus un pére et son fils bosniens qui essaient de renter en douce dans l’union Européenne) mais la route est bondée de voiture Allemande de Turcs rentrant de leur villégiature mais un défilé phénoménal ça fait un sacré voyage jusqu’en Germanie!!^^

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    1. Énième « attaquant de campagne » propre au Calcio… sorte ici de version « Serie A » de quelques « goleador antistars » que vous pouvez également avoir en Espagne: Dani Güiza d’abord (l’un des dernier « Pichichi humain » avant l’arrivée de « l’ère des extraterrestres » Cristiano et Messi (Güiza aussi champion d’Europe avec la Roja tout de même)… ou encore (cette doublette doit facilement faire echo chez toi Khia) Rubén Castro et Jorge Molina du Betis (dont un ami andalou m’a justement rapeller les performances il y a seulement quelques jours)…

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  2. Du très bon Calcio, comme d’habitude, mais… Il n’y a eu et il n’y aura jamais qu’un seul « bison » (furieux, aux dires de Verano) dans toute l’histoire du Calcio, et c’est Preben Elkjær-Larsen.

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    1. Merci beaucoup g-g-g !
      Effectivement, notre bon Dario Hübner reste loin derrière (peut-être pas à des années-lumière non plus mais presque) le grand danois du Hellas Verone (ou plutôt « le danois du grand Hellas Verone »).

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  3. Ahhhh, calcio qui mêle ses souvenirs et ses rêves, ça donne de longs voyages peuplés d’êtres dont on se persuade qu’on les a connus, partageant un verre et fumant une Marlboro tout en parlant du dernier match.

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    1. Dario, c’est ce joueur qu’Ancelotti emmène en tournée estivale avec le Milan en 2002 je crois, pendant qu’une partie des rossoneri est avec la Nazionale. A la mi-temps d’un match, Carlo trouve Dario isolé dans le vestiaire en train de boire une bière et fumer une clope. Comme à son habitude lui dira-t-il.
      Merci pour cette ode aux bombers de province et cette balade dans le Piémont où étonnamment Piacenza ne figure pas parmi les società historiques que sont Casale, Vercelli, Novara, Tortona ou Alessandria.

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      1. Merci pour l’anecdote Verano, cela m’étais complètement sorti de la tête mais effectivement, je crois que c’est le cas… Hübner a bien failli être ce « Di Vaio de la Juve » (ou pourquoi pas Nicola Amoruso), cet anonyme lilliputien complétant le trio ou encore le quatuor des armadas offensives que constituait les attaques des « grandes rayées du Nord »!
        Le Milan AC lui préférera, dans ce rôle là et pour cette époque « stratosphérique » vécue sous Ancelotti… Jon Dahl Tomasson (les performances de ce dernier durant le mondial 2002 ne seront pas passées inaperçues (à moins qu’il n’avait déjà signé chez les rossoneri grâce à sa superbe saison fraîchement réalisée avec Feyenoord ?)…
        On parlait d’attaquant danois du Calcio un peu plus haut, en voilà un qui autre, moins emblématique certe qu’ Elkjaer-Larsen, plus discret mais à la carrière (son passage au Milan AC particulièrement) plus que respectable…

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  4. Rôôôôôô, les cartes de Piacenza…. C’est une madeleine pour moi, j’en ramenai bien une dizaine de jeux neufs, tous évidemment magnifiques, d’un périple de trois semaines à travers la Vénétie, avec la famille d’un pote italo-belge qui avait gentîment proposé de me prendre dans leurs bagages pour aller revoir leurs cousins, nonno, nonna..

    Probablement achetées à Belluno ou Vicenza, leurs fiefs familiaux. Souvenir de repas interminables où l’on était constamment resservis. Au soir de l’un d’eux, un cousin d’Italie m’avait appris mon premier tour de magie, avec des cartes de Piacenza. Et que je perpétue encore aujourd’hui, au restaurant quand les enfants deviennent difficiles.

    Et puis bien sûr les premières parties de briscola, de scopa.. Très beaux jeux, faciles de rentrer dedans..mais souvenir qu’à la briscola on me reprochait diplomatiquement que je ne trichais pas assez, lol (celui qui ne faisait pas savoir ses cartes à son équipier, à grands renforts de mimiques invraisemblables, y passait pour un mauvais joueur……………..mais le truc c’est que, si j’avais fait cela à la belote ou au whist en Belgique, on m’aurait trucidé, lol – compliqué d’aller contre son bain culturel!).

    Inoubliables ces cartes, quoique : je les avais oubliées en fait.. Merci pour la piqûre de rappel!

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    1. Avec mon grand-père, on jouait au Rentoy, qui est une sorte de belote. Avec les cartes espagnoles, je crois que c’est les mêmes en Italie, les épées, l’or, les coupes et bâtons. D’ailleurs si quelqu’un sait pourquoi ça existe en Espagne et en Italie mais pas en France…

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      1. En France il y a les cartes du Tarot de Marseille qui sont les mêmes (mêmes familles en tout cas: épée, dinar, coupe et bâton).
        Après, est-ce que l’origine des cartes du Tarot de Marseille est bien là France ? Ça je l’ignore…

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    2. De rien Alexandre avec plaisir !
      Tu as quelques appli de Briscola sympas sur smartphone qui en plus ne nécessite pas de connexion (parfait pour les voyages)… Et avec les mimiques inclues pour communiquer tes cartes à ton coéquipier dans les parties à quatre !

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