Euro 2024, à vos stades !

Dans quatre mois jour pour jour, ce sera le coup d’envoi de l’Euro 2024. Pour la quatrième fois, l’Allemagne accueillera un grand tournoi de football masculin après la Coupe du monde 1974 et l’Euro 88 dans ce qui était encore l’Allemagne de l’Ouest, puis la Coupe du monde 2006 dans une République fédérale réunifiée. Le pays est plus que bien équipé en stades modernes et la lutte pour figurer parmi les hôtes a été acharnée. Coup de projecteur sur les 10 heureux élus.

Un peu d’histoire

L’Allemagne est un vrai pays de football où les 40 000 spectateurs en D2 ne sont pas rares, et elle a l’embarras du choix au moment de candidater pour une Coupe du monde ou un Euro. Ses grands stades se divisent en trois groupes. Le premier (Berlin ou Stuttgart, entre autres) date d’avant la deuxième guerre mondiale et a reçu des modifications continuelles pour rester au goût du jour. Le deuxième (Dortmund en est le dernier survivant parmi les élus) a été construit au début des années 1970 (JO de 1972, Coupe du monde 1974) et a lui aussi tenu son rang par retouches successives.

Le troisième enfin, le plus nombreux, est la vague d’enceintes modernes (Francfort, Leipzig, etc.) construites pour la Coupe du monde 2006, parfois sur le site de leurs prédécesseurs entièrement démolis. Il s’agit là de purs stades de football, tandis que les plus anciens (Dortmund excepté) ont été conçus à la base comme stades omnisports et ont tenté avec plus ou moins de succès de combler le handicap en termes d’ambiance que représente une piste d’athlétisme autour du terrain. Le tableau ci-dessous résume les choix de sites faits pour les grands tournois masculins, la Coupe du monde féminine de 2011, organisée principalement dans de plus petits stades tels qu’Augsbourg ou Sinsheim, n’étant pas directement comparable.

Toutes les capacités citées ici sont celles du comité organisateur de l’Euro, c’est-à-dire avec 100% de places assises et les neutralisations nécessaires pour médias, stadiers, personnel médical, et autres. Elles sont nettement inférieures aux capacités en Bundesliga : le Signal-Iduna-Park de Dortmund, par exemple, descend de 81 000 à 62 000 places. Les stades portant le nom d’un sponsor sont temporairement renommés de manière neutre pour l’Euro, mais on citera ici leurs noms usuels par souci de clarté.

Berlin : Olympiastadion, 71 000 places

Sur le lourd passé du site des Jeux très hitlériens de 1936 et sur le France-Italie le plus célèbre de l’histoire du football, tout a été dit. Rénové pour la Coupe du monde 2006(1), maintenu à niveau pour les championnats du monde d’athlétisme de 2009 et la finale de la Ligue des champions en 2015, le stade olympique n’a eu besoin que d’un très léger toilettage pour l’Euro. Excentré à l’ouest de la capitale mais on ne peut mieux desservi par les transports en commun, il reste le plus grand stade d’Allemagne en configuration internationale. Outre trois matchs de poule, un huitième de finale, et un quart (qui sera celui de la France si elle y accède après avoir remporté le groupe D), il accueillera tout naturellement la finale de l’Euro. Après celle du WM 2006, il égalera ainsi au palmarès des finales l’autre stade olympique allemand, celui de Munich. On espère évidemment que les Bleus viendront y effacer le mauvais souvenir d’il y a 18 ans. L’Euro terminé, l’enceinte retombera dans le train-train quotidien des matchs du Hertha, en 2. Bundesliga selon toute vraisemblance. À moyen terme, le club compte cependant quitter les lieux pour un pur stade de football plus à sa taille (40 000 places environ) qu’il cherche à construire à proximité. L’avenir du stade olympique, avec la finale de la DFB-Pokal tous les ans, quelques matchs internationaux, des concerts, et des événements divers genre matchs de la NFL délocalisés en Europe, pourrait bien ressembler fortement à celui de Wembley.

Cologne : RheinEnergieStadion, 43 000 places

Sous le nom plutôt falot de Köln Stadion, l’espace d’un Euro, se cache le pur stade de football où le FC Cologne lutte ces jours-ci pour le maintien en Bundesliga. Inauguré en 2004, plutôt réussi avec ses toits suspendus à des tours d’angle façon Golden Gate Bridge, il a été construit par tranches sur le site de ses deux prédécesseurs sans devoir fermer. Remis à niveau à l’occasion du Final Four de la Ligue Europa en août 2020, il n’a nécessité que peu de travaux pour l’Euro. Comme à la Coupe du monde 2006, il accueillera quatre matchs du premier tour et un huitième de finale. Les Bleus ne devraient pas en principe passer par la case Cologne cette année, sauf mini-accident industriel qui les verrait terminer troisièmes de leur groupe. Ils n’auront donc sans doute pas l’occasion d’effacer le désagréable souvenir de leur laborieuse victoire sur le Togo au premier tour en 2006. C’est plutôt la Suisse, qui y jouera deux matchs, qui scellera à Cologne un destin dont on espère qu’il ne reproduira pas le face-à-face avec les hommes de DD en 2021.

Dortmund : Signal-Iduna-Park, 62 000 places

Dire qu’il n’a été construit pour le WM 1974 que parce que le nouveau stade prévu à Cologne allait exploser son budget… L’ex-Westfalenstadion est devenu en un demi-siècle un vrai temple du ballon rond, dans le Gotha européen aux côtés du Bernabéu ou d’Anfield Road. En configuration internationale, le mythique « mur jaune » du Borussia disparaît, mais l’ambiance dans cette boîte de béton où les chants de 62 000 fans résonnent à qui mieux mieux reste impressionnante. C’est donc tout naturellement que ce lieu saint du football allemand offre un programme de choix avec quatre matchs du premier tour, un huitième, et une demi-finale. L’hôte attitré est la Turquie qui y jouera deux fois, quasiment à domicile vu l’importance de la communauté turque dans la Ruhr. La France y clôturera son premier tour le 25 juin contre le vainqueur du play-off A et y reviendra si elle gagne son groupe et accède au dernier carré. L’Allemagne n’y jouera qu’une fois, en huitième si elle remporte son groupe, mais attention ! Elle a fait de Dortmund une forteresse presque imprenable où elle a joué et gagné nombre de matchs-couperets, dont un barrage mémorable contre l’Ukraine en qualifications pour la Coupe du monde 2002. Elle n’y a perdu qu’un match, l’un de ceux qu’il ne fallait pas perdre : la demi-finale de 2006 contre l’Italie.

Düsseldorf : Merkur Spiel-Arena, 47 000 places

Le 17 juin, la France du football aura les yeux braqués sur cette enceinte à l’histoire controversée quand les Bleus y entameront leur Euro face à l’Autriche. À l’approche de la Coupe du monde 2006, après avoir hébergé celle de 1974 et l’Euro 88, la ville voyait le remplacement sur site du Rheinstadion omnisports par un pur stade de football comme un pari sûr et a investi en conséquence. Mais la fée organisatrice lui a préféré Cologne et le Fortuna, descendu jusqu’en D4 pendant les travaux, avait déjà quitté les lieux… Le bel écrin, doté d’un toit rétractable et d’un chauffage qui peut maintenir les tribunes à 15 °C par -5 dehors, s’est donc transformé en boulet financier avant que le retour du Fortuna en 2. Bundesliga (avec de grosses affluences et deux courts passages en BL) ne justifie enfin l’investissement. Ici aussi, il a suffi de quelques retouches pour mettre au goût du jour une enceinte qui accueillera trois matchs du premier tour, un huitième de finale (celui des Bleus s’ils finissent deuxième de leur groupe), et un quart. On en a profité au passage pour y disputer le match d’ouverture du championnat d’Europe de handball en janvier 2024 et établir le record d’affluence dans ce sport avec 53 386 spectateurs. Alors, Düsseldorf, tremplin vers les sommets ou tombeau des illusions pour les vice-champions du monde ? La prudence est de mise, car l’Autriche est en plein renouveau sous la baguette de Ralf Rangnick et prend très au sérieux son rôle de poil à gratter.

Francfort : Deutsche Bank Park, 47 000 places

Sur le plan administratif, il ne s’agissait que d’une rénovation du vénérable Waldstadion omnisports, érigé en 1925 et théâtre du match le plus humide de l’histoire de la Coupe du monde. Ç’a en fait été une reconstruction de A à Z qui a fait table rase du passé et donné naissance en 2005 à une très belle enceinte 100% football, dont l’architecture a d’ailleurs inspiré celle des stades nationaux de Varsovie et de Bucarest. À coups de superbes tifos et de chants à l’avenant, le bouillant public de l’Eintracht y crée tous les 15 jours des ambiances en noir et blanc(2) qui valent presque celles du Beşiktaş, et ce sans même le besoin de fermer le toit-rideau rétractable. Quatre matchs du premier tour et un huitième s’y dérouleront, avec un intéressant Danemark-Angleterre le 20 juin en deuxième journée du groupe C et un Suisse-Allemagne le 23 juin qui pourrait bien offrir un final à suspense dans le groupe A. Quoi qu’il arrive aux Bleus, leur route ne passera pas par Francfort cette année : ils n’y jouent pas au premier tour et tous les cas de figure du groupe D les envoient ailleurs pour le reste du tournoi.

Gelsenkirchen : Veltins-Arena, 50 000 places

Si la qualité des performances de Schalke 04 valait celle de son stade, les Knappen auraient une sacrée collection de trophées. Construite à quelques dizaines de mètres du déjà obsolète Parkstadion de 1973 (lequel a été intelligemment préservé, réduit à 3000 places, pour les équipes réserves), inaugurée en 2001, cette enceinte ultra-moderne pour l’époque (toit rétractable, cube vidéo au-dessus du terrain façon NBA, pelouse amovible pour en assurer l’ensoleillement) a fait entrer les stades allemands dans le XXIe siècle. Elle a depuis servi de modèle à d’autres réalisations à travers le monde et s’est taillé la réputation d’une vraie cathédrale du ballon rond, presque l’égale de « celle d’en face » à Dortmund. Malgré la chute de Schalke en 2. Bundesliga, il n’a pas fallu grand-chose pour la mettre à niveau pour l’Euro. Quatre matchs seulement y auront lieu, mais pas des moindres : un Serbie-Angleterre qui sent le piège pour les Three Lions, un Espagne-Italie à la jeunesse éternelle, le Portugal face à la pochette-surprise du play-off C, et un huitième de finale. S’ils finissaient troisièmes de leur groupe, les Bleus pourraient venir y jouer leur place en quarts au gré des autres résultats : une deuxième apparition à Gelsenkirchen à fort enjeu pour ceux qui jouèrent le premier match international au Parkstadion face à la RFA en amical fin 1973.

Hambourg : Volksparkstadion, 49 000 places

Le nom n’a pas changé, le stade, si. L’enceinte omnisports de 1953 qui vit la RDA remporter une victoire historique sur le frère ennemi de l’Ouest en 1974 et le HSV écrire ses pages de gloire en Coupe d’Europe a disparu au profit d’un pur stade de football inauguré en 2000, axé nord-sud comme il se doit contrairement à son prédécesseur dont l’orientation est-ouest était gênante en diurne. Le HSV en est devenu propriétaire à l’occasion, ce qui n’est pas courant en Allemagne même aujourd’hui. Construit juste avant la grande vague d’innovation du début du siècle, le nouveau « stade du parc populaire » a déjà dû subir deux rénovations en 2005 et 2010 puis a fait l’objet de 30 millions d’euros de travaux (dont une réfection complète du toit et de l’éclairage) pour accueillir l’Euro. Si d’aventure le HSV remonte enfin en Bundesliga cet été, il sera paré. D’ici là, Hambourg accueillera quatre matchs du premier tour a priori peu alléchants et un quart de finale qui sera celui des Bleus si ceux-ci finissent deuxièmes de leur groupe et gagnent leur huitième à Düsseldorf, ou encore s’ils finissent troisièmes et l’alchimie des autres résultats les fait jouer (et gagner) leur huitième à Francfort.

Leipzig : Red Bull Arena, 40 000 places

Les Bleus n’ont encore jamais gagné à Leipzig, ni dans le célèbre Zentralstadion de l’époque de la RDA, ni en 2006 dans l’actuel stade lors d’un pâle match nul (1-1) contre la Corée du Sud au premier tour de la Coupe du monde. Il leur faudra faire mieux face aux Pays-Bas au deuxième match du premier tour, le 21 juin, pour assurer leur qualification ou redresser la barre en cas de pépin en ouverture. S’ils remportent leur groupe, c’est là qu’ils reviendront pour les huitièmes. Sur le plan esthétique, la visite de ce stade aux formes originales, bien desservi par les transports en commun, construit à l’intérieur de l’immense « bol » de terre de l’ancien Zentralstadion et inauguré en 2004, n’est pas désagréable du tout. Au quotidien en Bundesliga, il forme un antre de choix pour un RB Leipzig qui, malgré ses bons résultats et ses affluences coquettes, peine à se défaire de son image de « club en plastique » artificiel. Deux remises à niveau en 2015 et 2021, financées par Red Bull qui a racheté le stade en 2009, ont permis de limiter les travaux pour l’Euro à un léger toilettage. Outre Pays-Bas-France et un huitième de finale, on y verra un Portugal-Tchéquie et surtout un Croatie-Italie qui devraient valoir le détour. Pour les Ostalgiques, Leipzig est de nouveau la seule ville de l’ex-RDA à accueillir un grand tournoi, comme en 2006. Sans doute faudra-t-il attendre une Coupe du monde à 48 équipes pour voir Dresde ou Magdebourg venir porter elle aussi la flamme.

Munich : Allianz-Arena, 70 000 places

« Rendez-vous avec le destin. » La devise de la légendaire 101e division de l’U.S. Army sera celle de l’Allemagne, le 14 juin, en ouverture à l’Allianz-Arena d’un Euro dont elle n’est pas favorite. Le lieu de ce grand moment est en tout cas bien choisi. À son inauguration en 2005, ce magnifique stade de football encoconné dans sa bulle de plastique, plein à chaque match du Bayern, a instantanément fait oublier le stade olympique, sa piste d’athlétisme, et ses gradins à ciel ouvert difficiles à ambiancer. Avec six matchs, il sera l’un des plus utilisés pour l’Euro, à égalité avec Berlin et Dortmund : quatre rencontres du premier tour, un huitième qui serait celui des Bleus dans certains cas de figure de troisième place de leur groupe, et une demi-finale qui sera la leur s’ils passent par Hambourg ou Stuttgart pour les quarts. Par les temps qui courent, tout événement sportif est synonyme d’alerte rouge question terrorisme, mais le 17 juin virera à l’écarlate si l’outsider du play-off B en émerge victorieux pour venir affronter la Roumanie ce jour-là. Des athlètes israéliens à Munich devant les caméras du monde entier, dans le contexte actuel et avec le souvenir des JO de 1972… « ça peut tenter les âmes simples », dirait le Théo des Tontons flingueurs. Nul doute que le GSG 9, le GIGN allemand créé justement en réponse à l’échec sanglant de la police à libérer les otages des Jeux, suivra les résultats de très près.

Stuttgart : MHPArena, 51 000 places

Si l’on remplace successivement le manche et la lame d’un couteau, celui-ci est-il encore le même ? Cette question bien connue des élèves de philo s’applique tout autant à l’un des stades d’Allemagne à l’histoire la plus riche, le seul à avoir hébergé les quatre tournois majeurs organisés dans le pays. Construit principalement sous la République de Weimar, inauguré en 1933 par le régime suivant sous le nom poétique d’Adolf-Hitler-Kampfbahn, renommé Century Stadium par les Américains en 1945 puis Neckarstadion à la création de la RFA, il a été un temps le plus grand stade du pays avec 97 000 places spartiates et peu sûres. Une première reconstruction par tranches entre 1949 et 1974 en a fait une belle enceinte omnisports de 70 000 places qui a hébergé deux finales de C1 (dont Reims-Real en 1959), une finale de C2 à rejouer, deux Coupes du monde, l’Euro 88 dont la demi-finale URSS-Italie, et les championnats du monde d’athlétisme en 1993. Une deuxième reconstruction à 75% en 2009 en a fait un pur stade de football plutôt réussi. Les 25% restants seront eux aussi refaits de zéro d’ici mars 2024 (pour 140 millions d’euros tout de même), faisant passer la capacité à 51 000 places tout confort. Stuttgart accueillera quatre matchs du premier tour, dont Allemagne-Hongrie le 19 juin, et un quart de finale qui pourrait être celui des Bleus dans certains cas de troisième place dans leur groupe D. Peut-être effaceront-ils ainsi le souvenir fâcheux de leur décevant 0-0 face à la Suisse sur cette pelouse pour leurs débuts en Coupe du monde 2006.

Les recalées

De gauche à droite et de haut en bas : le Weserstadion de Brême, la Heinz-von-Heiden-Arena de Hanovre, le Borussia-Park de Mönchengladbach, et le Max-Morlock-Stadion de Nuremberg.

Huit autres villes disposant de stades de 30 000 places minimum avaient fait une déclaration préliminaire de candidature en 2016. Au 26 avril 2017, date limite de dépôt des dossiers officiels, Dresde, Fribourg-en-Breisgau, Kaiserslautern, et Karlsruhe s’étaient déjà retirées.

Des quatre autres recalées, Brême était le choix le plus facile. Le Weserstadion, construit en 1926, n’arrive plus à cacher son âge malgré une rénovation lourde au début des années 2010. L’accès au stade, implanté au bord de la Weser, est moins aisé que la moyenne. L’enceinte reste vulnérable à une forte crue (possible même en juin en cas de mauvais temps prolongé, comme celui du WM 1974) malgré la surélévation récente d’une digue sur son pourtour. Et puis, avec seulement 37 000 places qui en auraient fait le plus petit stade de l’Euro, il aurait fallu des qualités exceptionnelles pour faire préférer Brême à des concurrents plus grands qui ne manquent pas en Allemagne.

Hanovre est à ranger dans la catégorie « bien mais pas suffisant ». La ville, lieu de foire de renommée mondiale, offre pourtant d’excellentes infrastructures. Mais la Heinz-von-Heiden-Arena, avec ses 43 000 places, n’est en fait que le vénérable Niedersachsenstadion deux fois rénové, et cela se voit. On a bien supprimé la piste d’athlétisme, reconstruit les virages plus près des buts, et couvert l’ensemble du stade avant la Coupe du monde 2006. Les tribunes principales restent toutefois celles d’origine pour bonne part, ce qui se traduit par un relatif éloignement du terrain qui nuit à l’ambiance. En outre, le Hannover 96 végète en 2. Bundesliga et ne semble pas en passe de remonter à court terme. Un investissement dans le cadre de l’Euro ne se justifiait donc pas vraiment.

L’éviction de Mönchengladbach, quant à elle, est nettement plus discutable. Le Borussia-Park, construit en 2004, est une superbe enceinte de football de 46 000 places. Le club, même s’il est loin de ses grandes heures des années 1970, fait de beaux chiffres d’affluence et joue assez souvent l’Europe. Infrastructures et accès sont au meilleur niveau et le stade n’aurait eu besoin que d’une rénovation d’envergure modérée pour accueillir l’Euro. La ville avait déjà été recalée de justesse en 2006 et a hébergé en consolation la Coupe du monde féminine en 2011. Sans doute le motif tient-il à la forte concentration de grands stades dans la Ruhr, dont un au moins se retrouve écarté de chaque grand tournoi, et au besoin d’éviter la saturation des capacités de transport et d’hôtellerie de la région.

Nuremberg, enfin, était dans la même catégorie que Hanovre vu le niveau de la concurrence. Inauguré en 1928, à l’époque où le FC Nuremberg était la meilleure équipe d’Allemagne(3), le Max-Morlock-Stadion, avec ses originales tribunes en octogone, offre pourtant toujours 44 000 places de bonne qualité après les rénovations de 1991 et 2005. Mais la mairie a refusé qu’on en retire la piste d’athlétisme, Nuremberg est proche de Munich et créerait un certain déséquilibre régional dans un tournoi à 24, et puis la ville reste un peu trop étroitement associée aux taches brunes de l’Histoire. De plus, le 1. FCN a chu de son piédestal depuis longtemps déjà et végète lui aussi en 2. BL sans espérer mieux même à moyen terme. Pas étonnant dans ces conditions que les deniers publics soient allés pleuvoir ailleurs.

Et si on visait plus grand ?

Au vu de ce tour d’horizon, une évidence s’impose en tout cas : avec une telle brochette de stades, une infrastructure hôtelière de premier ordre, et des réseaux de transport décentralisés qui permettent des liaisons faciles entre tous les sites, l’Allemagne est peut-être le seul pays d’Europe à pouvoir organiser en solo une Coupe du monde à 48 équipes. L’unique exemple à ce jour, celui de 2026 organisé par le trio Canada-Mexique-USA, prévoit 16 stades. Avec les dix de l’Euro 2024, trois des quatre recalés, des rénovations à Dresde et à Kaiserslautern, et un nouveau stade à Brême ou la nouvelle Alte Försterei de l’Union Berlin prévue pour 2026, on y serait sans dépense exagérée. Sans doute faudrait-il aussi prévoir une sérieuse remise à niveau des chemins de fer allemands dont la réputation, impeccable jusqu’au début du siècle, a pris du plomb dans l’aile – mais là, il faut faire même sans Coupe du monde. Les autres candidats possibles (Angleterre même élargie à tout le Royaume-Uni, Espagne, France, Italie) n’ont pas tous autant de stades prêts à l’usage, et quand ils les ont, les transports ne sont pas aussi commodes. De quoi donner à réfléchir aux autres membres de l’UEFA au moment de préparer les dossiers (pour 2042 au plus tôt, rotation entre continents oblige)… et de quoi donner naissance à des alliances improbables, dignes des meilleures pages de l’histoire politique et militaire du continent.

Notes :

  1. Le stade étant classé monument historique depuis les années 1970, tous les travaux faits depuis, y compris la pose du toit, sont réversibles et permettent le retour rapide à l’état de 1936, à l’exception des symboles interdits par la loi et de la loge présidentielle, raccourcie par les autorités britanniques d’occupation pour supprimer la place occupée par Hitler et éviter la formation d’un lieu de mémoire néo-nazi.
  2. Les couleurs de l’Eintracht sont noir, blanc, rouge. L’équipe joue en rouge et noir mais les ultras ont conservé le blanc et noir du Frankfurter FV, le plus ancien des clubs qui ont fusionné pour former l’Eintracht (« Concorde » ou « Entente »).
  3. Avec ses neuf titres de 1920 à 1968, dont cinq de 1920 à 1927, « der Club » est resté le plus titré jusqu’à ce que le Bayern Munich le dépasse en 1987. Il est aujourd’hui encore deuxième au classement historique, ou troisième si l’on prend en compte les dix titres du Dynamo Berlin en RDA.

23 réflexions sur « Euro 2024, à vos stades ! »

  1. Présentation une fois de plus exemplaire, bravo.

    D’autres que l’Allemagne en Europe, dans le monde? Sur base de certains standards, on aura vite fait le tour, ça c’est sûr.

    Mais le foot gagnerait peut-être à ce que l’on relâche un peu la bride, ces cahiers des charges deviennent intenables, et puis à quoi bon changer encore de pays-hôte(s) si c’est pour, en définitive, se retrouver plongés dans les mêmes moules, enceintes et services y-liés? La standardisation devient telle qu’il sera bientôt surtout indifférent d’en organiser le tout soit dans un voire deux pays, soit selon un format éclaté (genre Euro 2020 mais à l’échelle mondiale tant qu’à faire).

    A se demander même si ce n’est pas le but poursuivi?? Cette course à l’échalotte devient absurde…… Quand, du jour au lendemain, un stade 4 étoiles peut être drastiquement déclassé, obsolétisé, au nom d’une nouvelle norme x-machin-bidule : c’est quand même qu’il y a un sacré problème.

    Et puis surtout, quand l’on écoute des supporters qui effectuaient ces déplacements naguère, pour des grand-messes sportives mondiales ou continentales.. Ils cherchaient du dépaysement, une « petite » aventure, l’expédition faisait tout le charme du bazar……. mais désormais, c’est exactement le contraire que l’on produit.

    La Belgique me consterne et me désolé bien souvent mais, en l’espèce, je chéris son sens global de la mesure, de la modération : foin pour l’heure de grande arène multifonctionnelle new-tech élastico-gadget, laisser aux autres de courir derrière ce haricot, grand bien leur fasse…. Ca désole certaines forces aux Pays-Bas, qui aimeraient bien retenter le coup d’une candidature commune, ç’avait été formidable il est vrai…….mais pas à n’importe quel prix, bon sang!

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      1. Les perfs de Dewilde ont un peu refroidi l’ambiance mais le niveau du tournoi était tel.. ==> Vite oublié cette (prévisible) déception.

        Très peu de violence aussi. Et ce à tel point que, frustrés à mort, les médias charognards durent faire des tonnes du trois fois rien survenu à Charleroi.

        Bref : j’en garde un bon souvenir! Même si je travaillais, n’eus guère l’occasion de goûter vraiment le bazar – occasion ratée car, à l’instar de bien des camarades de l’époque, j’avais absolument tout (les langues) pour intégrer l’équipe des stewards……….mais j’avais tout sauf du temps!, rien ne change, lol.

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  2. « noms usuels par souci de clarté » suivi d’un tableau en fraktur ou je ne sais quelle forme gothique, fallait oser eh eh !

    Pour le reste, je pense que le constat est juste, en Europe, l’Allemagne est probablement la seule nation européenne à pouvoir organiser une CM à 48 sans l’assistance de pays voisins. Peut-être l’Angleterre le pourrait elle également si les exigences de la FIFA en termes de jauges ne sont pas délirantes ?

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    1. Le VfB traîne d’ailleurs le boulet historique d’avoir été l’un des soutiens les plus enthousiastes du nazisme dans le football après 1933. Le nom de baptême de son stade n’était pas choisi par hasard.

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  3. J’ai forcément pensé à la coupe du monde 2006, ma compétition préférée avec l’Euro 2000. Certainement parce que j’avais 13 ans et que c’était la première compétition que je suivais avec autant d’assiduité (trop petit en 98 pour comprendre ce qu’il se passait, 2002 j’étais encore à l’école et les horaires étaient impossibles).

    C’était le pont entre le foot des années 90, celui des années 2000 et celui des années 2010 avec des futurs stars en devenir. Le parcours inespéré de l’EDF, une Italie en plein scandale qui la joue unie contre le reste du monde, le jubilé de Zidane contre l’Espagne, une Seleçao avec un effectif magnifique qui a le malheur de tomber contre les Bleus en 1/4…je n’ai jamais autant apprécié un mondial après celui-là.

    J’espère donc qu’on vivra un superbe Euro cet été !

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  4. Magnifique présentation !

    Hannover en seul représentant du centre-nord de l’Allemagne aurait mérité sa place. Dresden aussi pour l’Est (mais là hooliganisme et violence endémique ont fait reculer la DFB).

    Et en rab, il reste un paquet de stades entre 30 à 35.000 spectateurs de très jolie facture :

    Ludwigspark —-> Saarbrücken 35 303
    Europa-Park-Stadion —-> Freiburg 34 700
    Grotenburg-Stadion —-> Krefeld 34 500
    Opel Arena —-> Mainz 34 034
    Neuer Tivoli —-> Aachen 32 960
    Schauinsland-Reisen-Arena —-> Duisburg 31 500
    BayArena —–> Leverkusen 30 210
    PreZero Arena —-> Sinsheim 30 150

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    1. J’ai vu un match de BL à Hanovre en 1987, donc entre les deux grosses rénovations de 1974 et 2006. Le stade était bien pour l’époque, mais pas au niveau du Parc. 96 est une vraie Traditionsverein mais n’a jamais fait partie des gros. C’est donc déjà par souci d’équilibre territorial que l’argent public vient de temps à autre maintenir le stade au niveau. Et puis, avec l’excellente position ferroviaire (au carrefour de deux grandes lignes plus l’ICE) et les nombreux hôtels achalandés par les foires en tous genres, on peut toujours compter sur Hanovre… mais pas en premier choix. Je vois quand même bien la ville dans un dossier pour la CM 2042.

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    2. Toutes ces capacités sont en configuration Bundesliga, donc avec des places debout dans certains cas. Sarrebruck a récemment fait l’actualité en mal pour cause de drainage déficient, et je crois que 35 000 est le chiffre de l’ancien Ludwigspark – il me semble avoir lu 16 000 pour le nouveau. Parmi les autres stades que tu cites, Krefeld tombe lentement en ruines (le KFC est descendu en D4 et flirte avec la liquidation judiciaire) et Leverkusen est de l’ancien replâtré genre Brême. Sinsheim et Fribourg, pourquoi pas… Aix-la-Chapelle, joli stade moderne et sous-employé en D4. À mon avis, on ira voir à Dresde, Magdebourg, ou Brême (nouveau stade) avant celles-là pour un grand tournoi. Et puis il y aura sans doute un deuxième stade à Berlin dans une CM à 48. La nouvelle Alte Försterei de l’Union, en travaux pour 2026, fera 37 000 places. Le Hertha veut construire son propre stade de 40 000 places près de l’Olympiastadion et le fera dès qu’il aura l’argent : le lieu est choisi et tout est à peu près réglé administrativement. Et pourquoi pas réactiver le stade olympique de Munich tant qu’on y est ?

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  5. En 2006, j’avais passé un mois en Allemagne durant la Coupe du Monde. J’étais basé à Stuttgart, mais j’ai poussé aussi à Nürnberg et à München.

    Que de souvenirs (matches improvisés la nuit dans un grand parc de la ville, supporters mexicains les plus fous, boîtes de nuit autour de la Theodor-Heuss-Straße, etc.).

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  6. Dans ce portrait idéal, et y a pas d’ironie hein!!! ;), il y a un truc que je regrette parmi ces stades allemands : le manque d’aspérités.

    Aussi lisse que la, euh.. que la chape de Claudia Schiffer.

    En fait, triple point G, un truc qui me ferait extrêmement plaisir : que tu nous dresses le portrait de stades-vintage de l’arrière-pays allemand, des trucs restés dans leur jus……. ==> J’en entrevois 3-4 spontanément, très bien tenus évidemment, à l’allemande, c’est des psychopathes du nettoyage..mais avec un cachet singulier!

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