Loin des immenses enceintes accueillant le sport-roi, le Tuvalu Sports Ground fait plus figure de terrain de jeu privilégié pour les groundhoppers du monde entier.
Neuf atolls, 12 000 habitants et pas de voisin à moins de 700 kilomètres. Tuvalu, quatrième plus petit pays du monde, est perdu au milieu du Pacifique. Entouré d’un océan dont les vagues rognent peu à peu le territoire (le point culminant se situe cinq mètres au-dessus du niveau de la mer), l’archipel est indépendant depuis 1978 et peine à exister sur le plan international.
Mais là où il y a de la vie, il y a du football, pourrait-on dire. Une fédération nationale (la Tuvalu Islands Football Association) a été fondée en 1979, tandis qu’un championnat (le Tuvalu League Tournament) a vu le jour dès 1980. Le trophée est alors remporté par les Combined Devils, un club connu depuis 2001 sous le nom de Nauti FC. Cette équipe est basée à Funafuti, la capitale du pays : une bande de terre de 20 à 400 mètres de large, qui comprend 60% de la population du pays. Et, surtout, un stade.
Un terrain de jeu pittoresque
Le Tuvalu Sports Ground est réellement unique. C’est le seul stade de Tuvalu. C’est là que se déroule l’intégralité des rencontres des deux divisions du championnat tuvalais (huit équipes en A-Division et cinq en B-Division) et des quatre coupes nationales disputées pour allonger le calendrier, mais aussi les rencontres de la sélection nationale et… les matchs de rugby, dont la fédération a été créée en 2008. Ajoutons à cela les quatre équipes du championnat féminin (depuis 2014) pour mieux imaginer le casse-tête que doit consister la réservation du terrain.
Un terrain que doivent bien fouler pour s’entraîner, de temps en temps, les équipes issues d’autres atolls. Photos satellites à l’appui, difficile de trouver un espace dégagé suffisamment grand pour un entraînement digne de ce nom, entre les palmiers, la plage et les quelques constructions. De quoi mieux comprendre pourquoi le football tuvalais est totalement méconnu.
L’unique stade du pays, inauguré en 2004 (probablement en remplacement d’un autre terrain, bien qu’aucune information ne soit disponible à ce sujet), est situé le long de la piste d’aéroport de Funafuti. Le trafic n’y est sûrement pas de taille à déranger le bon déroulement d’un match, ou en tout cas pas autant que la plage située de l’autre côté et depuis laquelle il doit être relativement long d’aller chercher le ballon en cas de dégagement raté (entre la piste et l’océan, ayons une pensée pour les rugbymen qui bottent en touche).
Avec sa longue tribune latérale partiellement en bois (côté piste d’aéroport), le Tuvalu Sports Ground a un aspect pittoresque qui évoque un peu les stades des divisions obscures britanniques. D’après les avis Google, c’est même un « très bon endroit pour un pique-nique » quand aucune rencontre sportive n’y est organisée. Un aspect que les tour-opérateurs ont certainement négligé en préparant leur offre de voyage vers Tuvalu.
Le développement du football en ligne de mire
Oui mais voilà. Avec un tel stade, et surtout aucune autre enceinte disponible, difficile de voir le football tuvalais se développer. Le championnat local est écrasé par la toute-puissance du Nauti FC (26 titres sur 35 saisons disputées) et les conditions ne sont pas réunies pour qu’une concurrence durable puisse s’établir.
A Tuvalu, on se réjouit déjà d’avoir un championnat stable. La compétition ne s’est pas déroulée entre 1991 et 1997, et maintenir un système de deux divisions représente un immense défi dans un si petit pays. C’est dans l’optique d’un développement du football que Tuvalu est devenu en 2007 membre associé de la Fédération océanique de football (OFC), un an après ses voisins de Kiribati. Un statut qui les rapproche du reste de la planète foot mais qui, faute d’être membre à part entière, les empêche de disputer les compétitions organisées par l’OFC, à savoir la Coupe d’Océanie pour la sélection et la Ligue des Champions pour les clubs.
Avec ce statut, Tuvalu, bien qu’Etat indépendant et souverain, n’est pas reconnu non plus par la FIFA et ne peut pas prendre part aux compétitions internationales. Pour goûter aux joutes contre des pays du monde entier, Tuvalu (comme Kiribati) a participé à la Coupe du monde ConIFA (la Confédération des associations de football indépendantes). Un événement qui réunit des pays ou des régions bien souvent non reconnus par l’ONU, ce qui n’est pas le cas de Tuvalu. Le Comté de Nice, l’Abkhazie et la Ruthénie subcarpatique figurent au palmarès d’une compétition annulée en 2020 pour cause de covid et qui sera organisée de nouveau cette année par le Kurdistan.
Un long travail de reconnaissance
Tuvalu, dont le championnat a été l’un des rares à ne pas s’interrompre pendant la pandémie, ne veut pas se contenter de la ConIFA, qui ne lui a permis d’affronter pour l’heure que la Padanie, le Matabeleland et le Pays sicule, pour autant de défaites (édition 2018). Mais pour être pleinement intégré à la FIFA, la fédération de football doit résoudre deux problèmes : disposer d’un stade d’une capacité d’au moins 3000 places (soit deux fois la capacité actuelle du Tuvalu Sports Ground) et proposer une grande capacité hôtelière pour pouvoir recevoir les délégations étrangères, les médias et les supporters adverses.
Deux éléments qui sont pour le moment hors de portée des moyens de l’archipel, qui voit son avenir ailleurs : aux Fidji. La fédération envisage d’y disputer ses matchs à domicile en suivant le modèle de Gibraltar, qui reçoit ses adversaires à l’estadio Algarve, au Portugal, en attendant que son stade soit aux normes internationales. La fédération fidjienne s’est déjà déclarée encline à partager ses installations avec son voisin distant de plus de 1000 kilomètres. Reste à connaître l’avis de la FIFA, qui n’a pas encore pris de position officielle.
La route vers la reconnaissance du football tuvalais est encore longue. Plus longue, peut-être, que la durée de vie d’un pays dont les atolls s’enfoncent peu à peu sous le niveau de la mer et qui semble voué à disparaître dans quelques décennies.
C’est l’U.S. Navy qui a construit l’aéroport en 1943 pour attaquer les Japonais qui occupaient les îles Gilbert (aujourd’hui Kiribati). Il a servi de base pour le bombardement de l’atoll de Tarawa avant sa prise en novembre 1943, une page de gloire des Marines payée au prix fort.
Thanks Modro. J’ai lu sur Wikipedia que la prochaine édition de Coupe du monde ConIFA devait avoir lieu cette année au Kurdistan irakien. Fake News ? Il est même prévu de lancer une compétition e-sport ConIFA !
C’est le Comté de Nice qui avait gagné la première edition de la Coupe ConIFA. Et en faisant mes recherches sur Grobbelaar récemment, j’avais découvert qu’il avait participé à l’édition 2018 avec le Matabeleland! Une région à l’Ouest du Zimbabwe. A 66 ans!
https://www.yourthurrock.com/2018/06/08/football-liverpool-legend-bruce-grobelaar-stars-win-matabeleland-aveley/
Merci Modro. Ça donne envie de voyager, tout ça…
J’ai eu du mal à lire correctement le nom de la capitale, j’aime bien (ai souri bêtement).
La Ruthénie subcarpatique : souvenirs d’unif, ce coin du monde qui passait d’une main à l’autre.. Les Sicules, punaise..
Un seul terrain, une seule pelouse.. Pas question de se louper quand ils la refont.
Etant donné leurs moyens, ça m’étonnerait qu’ils l’aient refaite une seule fois.
Merci Modrobily. L’Océanie, c’est vraiment le parent (très) pauvre du football international, encore plus depuis que l’Australie a quitté l’OFC en 2006. Isolement, faible population, îles et atolls minuscules… Et si on rajoute à cela le rugby, sport mastodonte qui n’a pas son équivalent, surtout avec le trio Fidji-Samoa-Tonga, on se rend compte à quel point le football, est dans cette zone géographique du monde, encore à l’état amateur.
J’ai peut être le niveau, j’appelle mon agent, rien que pour le cadre j’y vais ^^