Le monde commémore aujourd’hui, avec regret ou joie selon affinités, le centenaire de la mort de Lénine. P2F ne pouvait évidemment pas rester indifférent à cette date historique. L’un de nos rédacteurs a justement une perspective inédite sur l’événement. À l’occasion d’un passage récent à Londres, il a rencontré par hasard dans un pub un Russe très âgé qui lui a dit s’appeler Serguei Shmitko et avoir été journaliste sportif (1). Beaucoup de vodka a coulé ce soir-là à évoquer les Arkadiev, Streltsov, ou autres Kipiani, notre rédacteur ayant d’ailleurs quelque difficulté à tenir la cadence. Tard dans la soirée, Shmitko a raconté (ou bien la mémoire embrumée de notre homme lui joue-t-elle des tours ?) une histoire étonnante sur Vladimir Illitch lui-même que nous vous relatons ici.
On sait que le futur révolutionnaire a vécu une année à Londres sous le nom de Jacob Richter, d’avril 1902 à avril 1903, avec sa femme. Il s’était installé près de la gare de King’s Cross, à proximité du stade de High Road qui deviendrait par la suite White Hart Lane. Ce qu’on savait moins, c’est que Lénine alla assister, peut-être par hasard, au match de First Division entre Tottenham et West Ham, le 15 décembre 1902. Devant le spectacle offert par les locaux, qui l’emportèrent 4-0 cet après-midi-là, Lénine tomba amoureux des Spurs pour la vie. Ce ne serait pas le moindre fait de gloire de Tottenham que de devenir le club de cœur d’une telle personnalité, un an après avoir remporté la FA Cup face à Sheffield United.
L’histoire officielle ne dit pas ce que Lénine faisait à Londres pendant ce temps, et c’est là que celle contée par Serguei Shmitko commence. Ce n’est pas par hasard que le deuxième congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie, entamé à Bruxelles en 1904, se termina à Londres la même année alors que Lénine n’y vivait déjà plus. Le troisième congrès, en 1905, et le cinquième, en 1907, se déroulèrent également dans la capitale britannique sans raison apparente. En fait, nous apprend Shmitko, Vladimir Illitch mettait en œuvre un plan à long terme. Il s’était lié avec certains joueurs et dirigeants de Tottenham au fil des matchs (leur accès était beaucoup plus libre à cette époque) et leur avait enseigné ses idées. Le club abritait ainsi une cellule de recrutement communiste, secrète comme d’usage, et Lénine avait fixé les congrès ultérieurs à Londres pour pouvoir venir s’assurer du bon fonctionnement de celle-ci.
La cellule allait prospérer jusqu’à l’« affaire Arcos » de 1927, quand la police londonienne prit d’assaut les locaux de cette société de commerce anglo-soviétique sur demande du MI5, le contre-espionnage de Sa Majesté (2). Arcos n’était en fait qu’une façade pour les activités clandestines du parti communiste britannique. La police y saisit de nombreux documents secrets, dont un organigramme de l’appareil de recrutement du parti où figurait la cellule de Tottenham. Celle-ci fut démantelée et les autorités ne s’en occupèrent pas davantage, jugeant la pénétration d’un club de football moins grave que celle d’un ministère. Elles allaient regretter cette erreur.
Les convertis de la cellule avaient des enfants à qui ils avaient transmis leurs convictions. Certains, bons élèves et de familles aisées, partirent étudier à Oxford ou à Cambridge et y fondèrent des clubs ou autres sociétés pour l’amitié anglo-soviétique ouvertement soutenus par l’URSS, publications et conférences d’akademiki à la clé. De nombreux étudiants, attirés par les sirènes du marxisme comme tant d’autres à cette période, vinrent y chercher la lumière. C’était l’époque où le NKVD, l’ancêtre du KGB, avait reçu la mission de constituer de puissants réseaux d’espionnage dans tout l’Occident. Les légendaires « grands illégaux », ces maîtres-espions installés à l’Ouest sous de fausses identités depuis des années et que Staline allait purger sans pitié à la fin des années 1930, n’eurent qu’à faire le tri parmi les membres de ces clubs pour recruter de futurs hauts fonctionnaires ou faiseurs d’opinion.
Vingt à trente ans plus tard, une série de scandales retentissants ébranlerait le Royaume-Uni jusque dans ses institutions les plus sacrées. On découvrirait une armada de « taupes » soviétiques aux points névralgiques de l’appareil d’État. Les plus connues seraient les « cinq de Cambridge » : Guy Burgess et Donald Maclean, hauts fonctionnaires des Affaires étrangères, réfugiés à Moscou en 1951, Sir Anthony Blunt, agent du MI5 et conservateur des œuvres d’art de la Reine, démasqué en 1964, John Cairncross, agent important du MI6, démasqué en 1964 lui aussi, et surtout Harold « Kim » Philby, directeur adjoint du MI6 (!), enfui en 1963 vers Moscou juste avant son arrestation (3). Non, Vladimir Illitch n’avait pas fait tout ce travail en vain. On trouverait aussi sa marque dans les opinions politiques de John Lennon, formées auprès d’un ancien joueur de Liverpool passé par Tottenham vers 1925… Ici s’arrête le récit de Serguei Shmitko. Pour boucler comme il se doit la boucle avec les Spurs, il est revenu à P2F de tirer quelque peu la narration par ces cheveux que Lénine n’avait déjà plus en évoquant un autre Lennon, Aaron, pensionnaire de White Hart Lane de 2005 à 2015.
Notre rédacteur n’a jamais réussi à confirmer cette histoire extraordinaire, ni d’ailleurs à l’infirmer. Le service de presse de Tottenham lui a raccroché au nez à la première question. Ses recherches ont cependant éveillé l’intérêt de Trent Crimm, la grande plume footballistique de l’Independent, réputé pour ses sarcastiques descentes en flammes de l’AFC Richmond et de son nouvel entraîneur américain. Même lui a échoué à lever la chape de plomb qui couvre un sujet apparemment tabou chez les Spurs. Ce dont notre homme se souvient avec certitude, en tout cas, c’est l’image de Shmitko sortant du pub sur Aldersgate Road, sous une pluie battante, après avoir pris congé. Il avait, disait-il, un rendez-vous très tardif non loin de là avec un fonctionnaire du gouvernement britannique intéressé par toutes ces informations, un certain Jackson Lamb. Personne n’a entendu parler de lui depuis.
La création socialiste est nécessairement collective. Rendons hommage aux camarades A.L. Fabédissets et G.G. Géïevitch pour leur contribution commune à la cause du progrès.
Notes :
- Nous avons bien trouvé la trace d’un Serguei Shmitko à la rédaction du mensuel soviétique Fizkultura i Sport (Физкультура и спорт) dans les années 1970.
- Le nom officiel du MI5 est Security Service, l’équivalent de la DGSI française. Le MI6 (Secret Intelligence Service), est quant à lui le service de renseignement britannique, l’équivalent de la DGSE.
- Philby est le modèle, assez fidèlement reproduit, du personnage de Bill Haydon dans La taupe (Tinker, Tailor, Soldier, Spy) de John Le Carré.
Je ne sais que dire 🙂 Le vrai, le faux.. Il y a du vrai, mais jusqu’où va-t-il? Sacrée question.
J’imagine la même pour la Belgique??? Allez : c’est à Bruxelles que Marx et Engels écrivirent le « Manifeste du parti communiste », dans une superbe maison..bourgeoise de la Grand-Place, éhéh..et/ou alors ce fut (aussi) ici : https://www.brusselsremembers.com/memorials/karl-marx
Marx devisant de la Belgique : « le paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés. », pas faux : c’était d’un ultralibéralisme..possiblement plus jamais revu (quoique, dans le Congo léopoldien..)..
Et c’est encore en Belgique que Lénine se forma (Liège, haut-lieu syndicaliste), puis mit sur les fonds baptismaux le bolchevisme (Bruxelles).. bref : y a la matière!
Alors, Marx a-t-il vu du foot en Belgique? A priori il n’y revint jamais dans la seconde moitié du XIXème siècle, donc..
Mais Lénine?? Il avait ses habitudes à..Saint-Gilles, « siège » de ce qui était alors le plus grand club du pays, club honoré même un peu partout en Europe de l’Ouest………….. ==> Si vraiment il aima le football, ben..
Par contre je ne vois vraiment pas qui il aurait pu y inspirer.
WALTER
Anyway. How much they offer you?
DUDE
Twenty grand. And of course I still
keep the rug.
WALTER
Just for making the hand-off?
DUDE
Yeah.
He slips a little black box out of his shirt pocket.
DUDE
…They gave Dude a beeper, so
whenever these guys call–
WALTER
What if it’s during a game?
DUDE
I told him if it was during league
play–
Donny has been watching Quintana.
DONNY
If what’s during league play?
WALTER
Life does not stop and start at your
convenience, you miserable piece of
shit.
DONNY
What’s wrong with Walter, Dude?
DUDE
I figure it’s easy money, it’s all
pretty harmless. I mean she probably
kidnapped herself.
WALTER
Huh?
DONNY
What do you mean, Dude?
DUDE
Rug-peers did not do this. I mean
look at it. Young trophy wife.
Marries a guy for money but figures
he isn’t giving her enough. She
owes money all over town–
WALTER
That…fucking…bitch!
DUDE
It’s all a goddamn fake. Like Lenin
said, look for the person who will
benefit. And you will, uh, you know,
you’ll, uh, you know what I’m trying
to say–
DONNY
I am the Walrus.
WALTER
That fucking bitch!
DUDE
Yeah.
DONNY
I am the Walrus.
WALTER
Shut the fuck up, Donny! V.I. Lenin!
Vladimir Ilyich Ulyanov!
DONNY
What the fuck is he talking about?
WALTER
That’s fucking exactly what happened,
Dude! That makes me fucking SICK!
DUDE
Yeah, well, what do you care, Walter?
DONNY
Yeah Dude, why is
Khia veux tu m épouser?
Lalal lalaaaa laa
The man in me will do nearly any task
And as for compensation, there’s little he would ask
Take a woman like you
To get through to the man in me
Lala la lalalalala
Storm clouds are raging all around my door
I think to myself I might not take it anymore
Take a woman like your kind
To find the man in me
Ça merite la chanson!
https://youtu.be/wtTJYve8cs4?si=ony1t0v-Hm-np25a
Le bonheur !
Merci les gars! Je mets un article de Footballski sur James Riordan qui aurait été, selon lui, un des premiers étrangers à jouer au Spartak. Dans les années 60.
https://footballski.fr/james-riordan-langlais-a-joue-spartak-annees-60
Riordan est très probablement un menteur.
Je viens de lire sa bio, ça me fait un peu penser à..Foote??? Un britannique qui était lecteur dans une université en Italie, et en profita pour écrire sur l’Histoire du foot italien.. « Winning at all costs » je crois, j’en garde un souvenir plutôt favorable. Mais lui n’a pas (affirmé avoir) joué dans le Calcio.
Je ne sais pas si Riordan fut un menteur, aucune idée. Mais être étranger et communiste, en URSS, pouvait ouvrir de ces portes.. J’ai été initié aux arcanes du Rwanda par un Rwandais qui en profita pour me raconter sa vie : étudiant dans une grande ville d’outre-Oural (Sverdlovsk??), intégré dans l’une ou l’autre formations sportives associées à l’unif (ce n’était pourtant en rien un grand sportif : intellect pur et dur)..et finalement fait citoyen d’honneur de la ville.
A l’écouter : ça n’avait rien de bien extravagant. Mais Riordan??
Elle crèche cité Lénine…
https://www.youtube.com/watch?v=w0TQvJYXsrI
N’empêche les bolchos avaient raison dès les années 1920 de s’opposer à la FIFA « au service de la bourgeoisie » hehehe
…j’hésite entre « crève, pourriture communiste ! » et « tu bluffes, Marconi ».
A une époque on avait songé avec quelques camarades à créer un Spartak de Tunis.
Souci : telle l’assemblée, le PC tunisien avait été dissous. On me dira que dissous ce n’est pas cher, mais on tenait à préserver la notre, de chair.
Le projet fut abandonné. Mais qui sait, dans un pays où a existé un Parti des Conservateurs Progressistes (authentique) et un Mouvement Communiste Islamiste (ça, je ne sais pas si c’est un délire du Gorafi local ou si c’est vrai, mais j’ai vu un logo -plutôt bien fait et qui disait « travailleurs de tous les pays dites bismillah »).
Quelqu’un a de l’aspirine ?
Haha les Conservateurs Progressistes…
Ca me rappelle des souvenirs, 4-5000 kilomètres plus au sud.. : d’abord ladite « Union des démocrates mobutistes », pas mal..mais surtout ce parti dont la mention me faisait toujours penser à la guerre des étoiles : ladite « Fédération des empires Lundas »!
Je dois partir mais, raccord avec l’article (ou plutôt avec ce qu’il en advient via les commentaires) : la figure du diplomate/espion Lockhart.