Bury Agony, Bury Glory

Bury Football Club, fondé en 1885, est un nom chargé d’histoire dans le football anglais. Avec ses deux FA Cups remportées en 1900 et 1903 et un plus d’un siècle de présence dans la jungle des divisions inférieures, Bury FC a longtemps été un symbole de la communauté locale, quelques kilomètres au nord de Manchester. Cependant, des difficultés financières ont conduit à l’expulsion du club de la Football League professionnelle en 2019. Pourtant, l’histoire de Bury FC est loin d’être terminée. Ce récit est celui de la chute, mais aussi de la résilience, d’une renaissance encore fragile… et d’une mascotte pour le moins originale.

Un siècle de tradition et une fin ignominieuse

Au début du XXe siècle, Bury FC était un nom respecté. Professionnel dès 1894, le club remporte sa première FA Cup en 1900 en battant Southampton 4-0. En 1903, rebelote avec une victoire 6-0 sur Derby County, un record qui tient toujours pour la plus grande marge de victoire en finale de FA Cup. Le club était connu pour son style de jeu offensif et ses supporters passionnés.

Une anecdote célèbre de cette époque raconte que lors de la finale de 1903, le capitaine de Bury, Charlie Sagar, aurait motivé ses coéquipiers en leur promettant une fête légendaire dans le pub local s’ils remportaient le trophée. Il le firent sans délai, et la fête figure à ce jour en bonne place dans l’histoire du club.

La FA Cup Final de 1903 comme si vous y étiez.

Bury descend en Second Division en 1912, remonte en 1924, est de nouveau relégué en 1929, et n’est pas encore revenu à l’étage supérieur à ce jour. En 1957, c’est la première relégation en D3, puis un bref retour en D2, une nouvelle descente, et finalement la première relégation en D4 (professionnelle elle aussi) en 1971. Depuis, le club oscille entre D4 et D3 avec une pointe en D2 à la fin des années 1990.

Comme d’habitude en Angleterre, le club a toujours su conserver une base de supporters fidèles quels que soient les résultats. Cependant, celle-ci a de moins en moins suffi à assurer les finances… Après un premier redressement judiciaire en 2001, les années 2010 ont été désastreuses, entre une montagne de dettes et des résultats sportifs qui ne suivaient pas. Au bord du gouffre depuis longtemps, le club a purement et simplement été exclu de la Football League professionnelle en 2019 après avoir échoué à fournir les garanties financières nécessaires.

Don’t worry, be Robbie

Peut-être y a-t-il eu retour de karma dans tous ces déboires ? En football comme dans les autres sports, il faut savoir choisir sa mascotte. Celle-ci est là pour égayer l’ambiance, divertir les supporters, et incarner l’esprit du club. Mais parfois, l’intention ne suffit pas, et le résultat peut être… disons, surprenant. C’est exactement ce qui s’est passé à Bury avec Robbie the Bobby.

Dans les années 1990, la plupart des clubs de football ont commencé à adopter des mascottes pour renforcer leur image familiale. Bury FC a pris une direction quelque peu inattendue. Plutôt que d’opter pour un animal mignon ou un personnage charismatique, ils ont choisi de rendre hommage à une figure typique des rues britanniques : le bobby, ce policier de quartier au curieux casque apparu à Londres à l’époque de Sherlock Holmes.

L’idée semblait logique, à première vue. Quoi de mieux qu’un représentant de la loi pour incarner discipline et respect, des valeurs que l’on pourrait associer au football ? Mais c’était sans compter sur le design particulier de Robbie. Avec sa tête disproportionnée sous une énorme casquette, son uniforme bleu maladroitement ajusté, et un sourire figé qui relevait plus du rictus inquiétant que de l’accueil chaleureux, notre bobby n’a jamais réussi à séduire les foules. Un fan se souvient : « La première fois que j’ai vu Robbie, j’ai cru que c’était un gag. Il avait l’air plus perdu que les gamins qu’il était censé divertir. »

Vous êtes sûrs que Stephen King n’a pas grandi à Bury ?

Robbie a eu son lot de moments embarrassants. Lors d’un match crucial en 2001, il a fait une entrée spectaculaire… en trébuchant et en s’étalant de tout son long sur la pelouse, sous les rires et les acclamations du public. Lors d’un match de charité où Robbie tentait d’encourager les enfants à participer à un concours de penalties, il a pris le ballon en pleine tête. La scène, filmée et partagée sur les réseaux sociaux, a ajouté une couche de ridicule à une image déjà mal en point.

Malgré toutes les moqueries, Robbie the Bobby est devenu une sorte d’anti-héros pour les supporters de Bury. Ils savaient que leur mascotte était un désastre ambulant, mais elle était leur désastre. Et si Robbie n’était pas la mascotte la plus cool du championnat, il avait au moins le mérite d’être inoubliable. Avec la faillite de Bury FC en 2019, Robbie the Bobby a disparu des terrains. Pourtant, sa mémoire perdure. Il est souvent cité comme un exemple de ce qu’il ne faut pas faire, mais aussi comme un cas de transformation par les supporters d’une idée ratée en une icône aimée malgré elle.

La renaissance

La disparition temporaire du football à Bury a été un coup dur pour la communauté, mais celle-ci n’a pas abandonné. Des supporters ont lancé des campagnes de financement participatif, et des anciens joueurs et bénévoles se sont mobilisés pour sauver le club. Pendant que celui-ci, réduit à une carcasse sans joueurs ni stade, se battait pour retrouver une place dans la pyramide à quelque niveau que ce soit, le ballon a recommencé à tourner. En 2020, Bury AFC, un club fondé par les supporters, a vu le jour, débutant en D10 au plus bas niveau mais revendiquant fièrement les traditions de Bury FC.

L’anecdote du « Miracle de Gigg Lane » est souvent racontée : un supporter, Tom Rimmer, a découvert un document vieux de plusieurs décennies dans un grenier, qui a permis de prouver la propriété historique de certains actifs du club, contribuant ainsi à la relance de Bury FC.

Aujourd’hui, les efforts conjoints des supporters, des anciens joueurs et de la communauté ont permis à Bury FC de renaître. Le club a fusionné avec Bury AFC en 2022, créant une entité unifiée qui représente à la fois l’histoire et l’avenir. Il joue cette saison en D9, là où évoluait l’AFC avant la fusion, et n’a manqué la montée en D8 qu’aux tirs au but en barrages la saison passée. En tout cas, le ballon roule de nouveau à Gigg Lane, l’enceinte historique du club depuis 1885.

L’avenir semble prometteur pour Bury. Les nouveaux dirigeants sont engagés dans une gestion transparente et durable, et les supporters continuent de jouer un rôle central. Le club a construit une académie florissante, attirant de jeunes talents et investissant dans les infrastructures locales. Les ambitions sont claires : revenir au sein de la Football League et retrouver la gloire d’antan, tout en restant un modèle de gestion communautaire.

L’histoire de Bury FC est une leçon de résilience et d’amour pour le football. Ce club, qui a traversé tant de tempêtes, se tient à nouveau prêt à affronter l’avenir avec sérénité. De la fête de 1903 à la dégaine impayable de Robbie the Bobby, les anecdotes du passé inspirent une nouvelle génération de supporters et de joueurs. Le football ne mourra sans doute qu’avec le dernier des club anglais, et qui sait si Bury ne sera pas celui-là ?

XL pour Pinte de Foot

Per ardua ad astra : « à travers les difficultés jusqu’aux étoiles ». La devise de la Royal Air Force pourrait tout aussi bien être celle du Bury FC.

5 réflexions sur « Bury Agony, Bury Glory »

    1. Le chien des Baskerville. Je l’ai lu le soir à une de mes filles, en prenant le ton qui va bien, et elle a tellement eu peur que le titre suffit à la faire trembler aujourd’hui encore, à 19 ans 🙂

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  1. Un club que je ne connais guère que pour/par Bob Stokoe..et pour ses déboires financiers de 2019, qui firent alors un ramdam pas possible en Angleterre.

    Je me rappelle que leur mégestion avait flingué tout le déroulé de la saison, pour tous les clubs concourant dans leur division, un bordel sans nom.

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