Full English VS American Breakfast

Full English

Le réveil sonne, 5h. Bien qu’habitué aux aurores je dois avouer que « ça pique un peu », la nuit a été confortable mais trop courte. Je l’ai passée chez mon frère à Bruxelles, car ce matin j’ai un train à prendre, direction l’Angleterre. Le vent souffle, la première tempête de la saison, Amy, a soufflé les feuilles les plus fragiles des arbres et l’automne prend ses marques. Si elle n’occasionne aucun dégât en Belgique, elle est plus forte en Albion et mon TGV part avec 40 minutes de retard, le temps de dégager un arbre tombé sur les rails. Pas de quoi me déranger pour autant, je ne suis pas en retard sur mon programme et de très bonne humeur puisque c’est un match de football qui m’attend. J’arrive à Londres, cœur battant du football anglais avec ses nombreux clubs jalonnant les quatre premières divisions. Néanmoins je ne m’attarde pas et me dirige de la gare Saint Pancrass vers celle de Paddington, non sans un bref détour par la voie 9 ¾ dont l’ouverture m’est une nouvelle fois refusée, toujours pas de quidditch au programme. Je prends donc un nouveau train qui va m’amener pas si loin de Londres, dans le Royal County of Berkshire, à Reading. Bien que la gare de Paddington relie Londres à de nombreux endroits de l’île, le lien entre les deux endroits est évident, c’est à Reading qu’a grandi et vécu Michael Bond écrivain devenu célèbre pour l’histoire d’un ourson reconnaissable entre tous, avec son chapeau rouge, son long manteau bleu, sa valise abimée et sa tartine de marmelade, l’ourson Paddington.

Je dépose rapidement mon maigre bagage à l’hotel et arpente le piétonnier de la ville ou je suis accueilli par les cornemuses d’un Pipe Band écossais en démonstration. Pas grand-chose à voir à Reading, ville d’affaire bien plus que de tourisme, si ce n’est quelques anciens monuments typiques et quelques beaux parcs dont les Forbury Gardens qui abritent le « Lion de Maiwand ». Symbole de la ville ainsi que du Reading FC, le Lion, rend hommage aux 328 officiers du Royal Berkshire Regiment ayant perdu la vie en 1880 lors de la bataille de Maiwand, l’une des principales confrontations de la secondre guerre anglo-afghane où sous a direction de Malalai Anaa, héroïne légendaire de l’Afghanistant, les Afghans suivirent Ayub Khan qui défie l’armée britannique dans ce qui fût l’une des rares victoires d’une armée asiatique contre une puissance coloniale au XIXe siècle. Ma petite tournée touristique et historique terminée je me rends au Madejski Stadium, antre du club local, dont le nom officiel pour raisons de sponsoring est l’horrible «  Select Car Leasing stadium ». Je marche une heure depuis le centre-ville pour y arriver et je longe la charmante rivière Kennet qui se jette d’ailleurs dans la Tamise à Reading même.

J’arrive bien en avance pour découvrir à mon aise l’antre de 24000 places batie en 1998 en l’honneur de l’ancien président. Un petit tour par la boutique pour acheter une écharpe avant de faire le tour du stade et de découvrir la scène sur laquelle se produit un groupe de rock local avant chaque match. Je ne m’attarde pas trop, car pour la première fois, je vais assister à un match anglais en hospitality. Ces formules, très populaires dans le pays, offrent une expérience au cœur même du club. J’ai choisi l’option la plus abordable, qui me donne droit à une entrée VIP par la porte principale, un repas, un petit pub privé et des sièges centraux, juste à côté de la présidence du club. Avant d’aller prendre mon repas, je me promène dans les coulisses du stade. Je m’arrête un instant devant les murs ornés de photos qui retracent l’héritage du club.

Je marche lentement dans ces couloirs, comme si le temps s’était mis à ralentir. Sur les murs défilent des décennies d’histoire, figées dans des cadres patinés. Chaque photo raconte une victoire, une défaite, une époque. Je peux presque sentir l’odeur du vieux cuir, du gazon mouillé et entendre les cris d’une foule que je n’ai pourtant jamais connue.
Je me surprends à m’arrêter devant chaque image, à lire les visages, à deviner les émotions derrière les sourires d’après-match. Je me sens presque honoré d’être là, au milieu de ces souvenirs qui ne m’appartiennent pas mais que je partage un instant. Je prends le temps. Je regarde. J’apprécie chaque seconde passée dans ces couloirs, conscient d’être à la rencontre d’un club, mais aussi d’une histoire, d’une ville, d’une fierté.

Je peux y voir les images d’une manifestation des supporters sur Broad Street, protestant en 1983 contre le projet de fusion avec Oxford United, censé donner naissance au Thames Valley Football Club.
Je peux y voir que les Royals détiennent encore à ce jour un record de la Football League : celui du plus grand nombre de victoires consécutives en début de saison, avec treize succès de rang lors de l’exercice 1985-1986. Cet élan leur permettra d’être sacrés champions et d’accéder à la deuxième division.

Je peux y voir enfin l’une des plus grandes légendes de l’histoire du club, le capitaine Martin Hicks, soulevant le trophée de la Full Members’ Cup à Wembley en 1988. Ce sera la seule victoire de Reading à Wembley, et la seule ligne majeure de son palmarès, en dehors de ses titres de champion dans les divisions inférieures.

Je peux y voir les célébrations de Trevor Senior, meilleur buteur de l’histoire du club.

Je peux y voir la saison exceptionnelle de 2005-2006, lorsque le club inscrit une nouvelle page de son histoire en établissant un record absolu de 106 points en Football League. Dans ce dernier match, le goal de la victoire est inscrit sur pénalty par Graeme Murty après une demande de tout le public, il était le seul joueur de champ de l’équipe à ne pas avoir encore marqué de la saison. La cerise sur le gâteau après une domination sans partage sur le championnat, qui ouvrira pour la première fois les portes du plus haut niveau du football anglais au club.

Les connaissances faites avec le club et son histoire je découvre maintenant l’Haygarth lounge, petit bar privé ou je mange mon repas et savoure une pinte de bière avant celle de foot à venir, devant plusieurs télévisions diffusant la victoire de Tottenham à Leeds (décidément la journée s’annonce parfaite). Le repas ingurgité il est temps pour moi de découvrir les tribunes du stade, il est encore tôt, le stade n’est animé que par les techniciens préparant la diffusion à venir. Je profite de l’instant rare pour prendre plusieurs photos avant de sortir prendre la température, les supporters commencent à arriver aux abords du stade. 

Les discussions se font entendre, on espère une victoire pour stopper la série de match nuls, on compte évidemment sur Jack Marriott pour marquer les goals, le buteur recruté à Wrexham dans les dernières heures du mercato en est à un but par match depuis son arrivée ! Juste le temps de deviner une discussion à propos du licenciement ou non du coach irlandais Noel Hunt, et déjà le brouhaha s’efface. D’un coup, les amplis rugissent : le concert démarre à côté du Sir John Madejski Stand. Les jeunes de Bone Idle balancent un garage rock brut, nerveux, typiquement anglais. Les premières notes résonnent contre les murs du stade, l’air vibre, et je me laisse happer par cette énergie et l’excitation d’avant-match me gagne. Je retourne dans le stade et prend place juste à temps pour voir les joueurs finir de s’entrainer. Le stade est garni à moitié, 11 000 personnes environs , c’est la moyenne depuis 4 ans, on est loin de l’affluence des grands jours de championship et de premier league mais c’est déjà très honorable pour la 3e division, surtout quand on compare aux affluences belges et françaises. Si le club a du mal à remplir son stade à domicile, il peut en revanche compter sur une solide base en déplacement, les parcages away sont toujours rempli par les fans des Royals. Ce qui n’est pas le cas pour Mansfield Town, adversaire du jour , mais dont la centaine de supporters  se fera entendre tout le match animant un stade assez calme.

Sur le terrain, Reading prend rapidement le jeu à son compte, et je suis assez surpris par le niveau affiché. Malheureusement, les mêmes problèmes réapparaissent à la finition. En face, l’excellent numéro 20, Frazer Blake-Tracy, se distingue par son sens de l’anticipation et la justesse de ses interventions, mettant fin à chaque tentative d’incursion. Ce qui devait arriver arriva et les Royals sont punis en contre sur la première incursion adverse, Tyler Roberts est plus rapide que le gardien , c’est 0-1 après sept minutes de jeu. Reading continue sa domination stérile et fait passer tout son jeu par la plaque tournante qu’est son talentueux capitaine Lewis Wing pour créer de l’animation. On pense alors l’égalisation toute proche sur un centre d’Ahmed (qui aura soufflé le chaud et le froid jusque-là), le but est vide mais Paddy Lane envoie le ballon à côté. Cela ne va pas aider un jeune joueur en crise de conscience déjà très critiqué par les supporters.

Peu avant la mi-temps je fais connaissance avec Adrian et son fils, ils viennent plusieurs fois par an bien qu’ils soient un peu plus proche de Southampton que de Reading. Adrian m’explique que malgré le médiocre début de saison, les supporters sont juste content que le club existe toujours, car il a failli disparaitre.  Les soucis ont commencé en 2017 avec le rachat du club par l’homme d’affaires chinois Dai Yongge, qui pensait alors faire changer le club de dimension. La saison d’avant, l’équipe avait frôlé un retour en Premier League sous Jaap Stam (défaite face  à Huddersfield aux pénaltys), le nouvel investisseur faisait croire à un avenir stable et ambitieux alors que les fans restaient dubitatifs. Malheureusement l’avenir allait leur donner raison, car la promesse s’est vite effritée. Mauvaise gestion, dettes accumulées, sanctions de la Ligue, déductions de points et interdictions de recrutement ont plongé Reading dans une spirale infernale, les faisant passer de candidat à la montée en Premier League à une descente en … League one. Après des années de tension entre la direction et les supporters, l’EFL a finalement disqualifié Dai Yongge pour manquements répétés à ses obligations. Fin mai 2025, le club a trouvé un nouveau souffle avec le rachat mené par Rob Couhig, fan de football et ancien propriétaire des Wycombe Wanderers, venu sauver un club passé à deux doigts de la faillite.

Mandsfield, coaché par Nigel Clough, fils de l’illustre Brian Clough, domine clairement les débats en fin de mi-temps et passe à deux doigts du coup de grâce après une latte rentrante qui de l’avis d’Adrian et du mien était probablement dedans, mais pas de goal ligne technology en league one, heureusement ! La deuxième mi-temps redémarre et le rythme est cette fois bien différent, une bouillie de football essentiellement cantonnée au milieu de terrain. Reading n’arrive à rien et je m’interroge sur les choix de l’entraineur qui tarde notamment à remplacer le numéro 5, Matty Jacob, peu en vue aujourd’hui. Adrian m’explique que les fans sont très critiques au sujet de Noel Hunt, mais qu’il est au club depuis longtemps qu’il était coach des jeunes et des espoirs auparavant et que Reading a toujours pu compter sur un bon centre de formation pour amener des éléments clefs en équipe première. Ce qui les a sauvé d’une nouvelle relégation quand le club était interdit de recrutement. Hunt a repris l’équipe première en décembre 2024 et a su finir la saison à la 7e place, à 3 points seulement des Playoffs. C’est pourquoi le nouveau dirigeant a décidé de lui donner sa confiance. Sur le terrain, reading concrétise sa domination et fait 0-2 après un beau mouvement collectif, mais coup de chance, un hors-jeux est signalé, permettant aux Royals d’être toujours dans le coup. Mais ils n’emballent touours pas la rencontre. En évoquant avec Adrian les divers endroits du monde où nous sommes allés voir du foot, il m’explique être très heureux de la qualification du Kairat Almaty en Ligue des Champions, ayant travaillé sept ans à Astana, au Kazakhstan. Il était d’ailleurs présent lors du match d’Europa League le 28 novembre 2019 ou les Kzakhs s’étaient imposés 2-1 face à Manchester United. Il se souvient s’être acheté un maillot du FC Astana pour l’occasion et avoir été bien seul dans ce cas en tribune, de nombreux Kazakhs ayant choisi de mettre des maillots de … Manchester United !

Nous sommes tirés de nos discussions à 10 minutes du terme. Sur un beau centre à ras de terre de … Matty Jacob, Matt Ritchie l’ancien de Newcastle offre une passe à Marriott (évidemment) qui reprend en un temps pour crucifier le gardien adverse pour égaliser. Le tempo s’accélère enfin pour cette fin de match dans laquelle Reading aurait pu bénéficier d’un penalty. L’arbitre siffle la fin de la rencontre sur le score de 1-1 et quelques sifflets se font entendre, Reading ne décolle pas au classement et la zone rouge se rapproche.

Reading FC v Mansfield. Goal de Jack Marriott

Le match terminé, il ne me reste plus qu’à faire la marche du retour le long de la rivière Kennet. L’eau s’écoule paisiblement, sans Kate Winslet — native de la ville — à la dérive : ici, aucun Titanic ne sombre, seulement quelques rêves de football. Pas de Natalie Dormer en Margaery Tyrell non plus pour me guider dans les ruelles assoupies d’un Reading devenu Port-Réal. La ville s’endort, sans drame ni couronne… et je me demande s’il y a vraiment eu un match de foot, une heure plus tôt.

American Breakfast

Dimanche, le ciel est radieux et le vent s’est calmé. Je décide d’aller passer la journée à Londres. Le plan est déjà clair dans ma tête : Parliament Hill, puis une déambulation dans l’East End pour y découvrir son street art et ses marchés. Cependant, juste avant de descendre prendre mon petit déjeuner, je remarque que les Minnesota Vikings, mon équipe de football américain préférée, jouent à Londres aujourd’hui — et qui plus est dans le stade de mes adorés Spurs de Tottenham. Depuis trois ans, mon meilleur ami et moi essayons d’obtenir des tickets pour voir la NFL à Londres, mais nos tentatives sont toujours restées vaines : les billets se vendent comme des petits pains, en moins d’une heure. Je décide malgré tout de regarder s’il reste des places à la revente, et quel n’est pas mon étonnement quand j’en trouve une à un prix défiant toute concurrence. Je n’ose pas trop y croire, mais le site garantit un remboursement complet si je ne reçois pas le ticket, prévu pour 11h30. Je flotte d’enthousiasme et n’arrive pas à cacher ma bonne humeur à l’idée de ce match imprévu. J’essaie cependant de tempérer mes émotions au cas où l’histoire serait trop belle pour être vraie, mais j’ai beaucoup de mal à le faire. Sur les quais de la gare de Reading, je croise plusieurs maillots mauves floqués « Jefferson », le receveur star des Vikings. Le sourire me monte aux lèvres : je ne suis pas encore à Londres, mais la NFL est déjà là.

Je me rends ensuite dans le centre-ville, à Soho, pour passer à la boutique NFL éphémère ouverte pour l’occasion. Si j’avais su, j’aurais ramené mon bonnet des Vikings — mais pas vraiment idéal par cette douce et lumineuse journée. Je n’ai toujours aucune certitude d’assister au match, mais je décide quand même de craquer pour un T-shirt des Vikings rendant hommage à Jared Allen, defensive end légendaire de mes couleurs. Ni une ni deux, je l’enfile pour me joindre à l’arc-en-ciel de maillots NFL qui parcourt les rues de Londres ce matin. Je garde mon plan d’aller dans l’East End, au cas où je ne recevrais jamais mon billet, mais il fait tellement beau que je choisis de marcher plutôt que de prendre le métro. Après la rivière Kennet la veille, c’est cette fois la Tamise que je longe, avec pour objectif de passer devant le Tower Bridge, mon monument préféré de la capitale. Mais je n’aurai pas le temps de le voir : une notification sort mon téléphone du silence, mon ticket est là. Tout a fonctionné ! Un nouveau sourire idiot s’affiche sur mon visage, et une joie difficile à contenir m’envahit : à dix jours de mon anniversaire, quel fabuleux cadeau ! Fin du plan initial, direction Liverpool Street, puis le métro jusqu’à Tottenham. À partir de ce moment, le florilège de maillots se réduit peu à peu à deux équipes : les Vikings et leurs adversaires du jour, les Cleveland Browns.

Je descends du métro et quitte la station pour tomber, au détour d’une petite rue, sur le gigantesque Tottenham Hotspur Stadium. Voir le logo de mon équipe de foot favorite côtoyer celui de mon équipe de football américain préférée me fait sourire : je n’aurais jamais cru vivre un tel moment. Je sors vite mon téléphone pour envoyer un selfie à ma famille, histoire de graver l’instant.

Avant d’entrer dans le stade, je me dirige vers le pub des Two Brewers. L’endroit est bondé, un véritable marais violet de supporters des Vikings venus de partout. Pour l’occasion le fan club irlandais et britannique des Vikings, a créé une bière maison, la SKOL. L’odeur de houblon et de bois vieilli, le brouhaha des conversations, les chants qui commencent à monter… tout ça me transporte immédiatement. Je me faufile entre les groupes, observant les murs couverts de photos et de cadres retraçant l’histoire des Spurs, comme autant de regards de légendes me suivant du coin de l’œil. Je dois être l’un des rares à profiter du pub pour ce qu’il est : un sanctuaire historique, plutôt que pour son côté « fan zone » de NFL.

En attendant mon tour au bar, je me glisse dans la conversation de deux Américains venus tout droit de la patrie de l’oncle Sam pour le match. En bons Américains, ils sont allés à la messe ce matin, bien sûr. Quand ils me demandent d’où je viens et que je réponds « de Belgique », leurs yeux s’écarquillent : tout ce chemin pour un match des Vikings ? Je leur explique que contrairement à eux, il me suffit d’un peu moins de deux heures de train pour rejoindre Londres, et ça les laisse bouche bée. Je leur raconte ensuite que je viens une fois par an à Tottenham pour voir le club local et que je connais bien le quartier. Ils semblent perplexes. Du football à Londres ? Je leur montre les photos, drapeaux et écharpes accrochés aux murs du pub, mais l’intérêt est limité. J’aurais dû préciser qu’il s’agissait d’un célèbre club anglais de « soccer », pas de « football ». Peu importe.

Enfin, c’est mon tour au bar. La dernière SKOL vient de disparaître sous mes yeux, pas de chance… mais la Guinness m’attend, fidèle et rassurante. Je la prends, le verre chaud dans les mains, et me laisse bercer par le mélange d’odeurs, de sons et de chants. Une transition parfaite avant de rejoindre mon siège dans le stade, prêt à vivre le match.Je me dirige ensuite vers l’entrée 8, celle indiquée sur mon ticket. Le scan passe au vert, et la journée parfaite peut continuer. Je vais découvrir ma place qui, par un coup de chance, se situe côté KOP des Vikings. À ma grande surprise, je suis très bien placé, mieux que je ne l’ai jamais été lorsque je vais voir les Spurs. Une fois assis, je peux assister à la grand-messe du sport américain. Un ballon du match livré par FedEx, un hommage aux familles des vétérans de l’armée présentes sur place, des animations et des jeux à foison sur les quatre écrans géants du stade, un groupe de reprises qui balance les plus grands hits du moment côté tribune principale, et enfin, le drapeau américain géant porté par des dizaines de personnes, étendu sur la pelouse, tandis que l’hymne national est entonné par une diva et repris à pleins poumons par un stade rempli de bien plus d’Américains que d’Européens.

Le match peut commencer. Je ne sais trop quoi attendre des Vikings : leur saison passée avait été encourageante, ils possèdent une des meilleures défenses de la ligue et le meilleur receveur en attaque, Justin Jefferson. Malheureusement, le poste le plus important pêche encore : celui de quarterback. L’an dernier, ils avaient recruté le jeune JJ McCarthy à la draft dans l’espoir d’en faire leur QB numéro 1. Malheureusement, il s’est blessé dès la pré-saison et a manqué toute la saison. Cette année, ses deux premiers matchs ont été moyens, et le voilà de nouveau blessé pour quelques rencontres, laissant le vétéran Carson Wentz assurer le job. Avant ce match, le bilan des Vikings est de deux victoires pour deux défaites, et le calendrier s’annonce difficile. Je n’ai donc pas de grandes espérances pour la saison. Il faut absolument battre des Browns habitués aux déconvenues depuis plusieurs années, et dont je ne connais aucun joueur, à l’exception des talentueux Myles Garrett et Quinshon Judkins. C’est probablement une des équipes NFL dont je sais le moins de choses : comme les Vikings, ils n’ont jamais remporté le Super Bowl, et parmi leurs joueurs historiques, je ne connais que le QB Bernie Kozar — et ce uniquement grâce à un film qui ne parle même pas de football américain. Le premier quart-temps est rythmé, et ce sont les Browns qui prennent les commandes en premier, mais les Vikings recollent dès la possession suivante. S’ensuit un deuxième quart morne à mourir, où les Browns ne passent qu’un punt pour prendre une avance de trois points, 10‑7. Le football américain est complexe, très tactique et très lent… un match peut vite être pénible si les QB peinent à cumuler les yards et que les coachs replient alors le gros du jeu sur les courses au sol.  Malheureusement c’est ce qui se passe aujourd’hui, les deux équipes en difficulté n’offrent pas un spectacle exceptionnel. Malgré deux nouveaux touchdowns au troisième quart, la rencontre ne s’emballe pas et le score reste serré, 17‑14.

Côté Vikings, Carson Wentz ne parvient à rien : ses lancers sont rares et peu précis, il peine à cumuler les yards, et les punts se succèdent sur les quatrièmes tentatives. Mon attention s’étiole un peu, et je me mets à écouter la conversation d’un couple américain assis juste devant. Ils veulent convaincre une amie de leur fille de lire The Book of Mormon ; ce sont donc des Mormons. Je ne connais pas très bien cette Église, souvent considérée comme la plus riche du monde, mais entre ceux qui vont à la messe le matin du match et ceux-ci, je suis gâté par les clichés ! Ce quatrième quart est proche du supplice tant il ne se passe rien et que le chrono refuse d’avancer. Cela fait maintenant trois heures que le match a commencé. Avec moins de quatre minutes à jouer et un énième punt après une troisième tentative ratée par Wentz, je ne vois pas les Vikings gagner ce bien triste match. Je décide de quitter le stade pour éviter d’attendre plus d’une heure dans la foule du métro et de rejoindre Reading sans risquer de rater le dernier train.

Mal m’en a pris. Dans le métro, je regarde la fin du match sur le téléphone d’un couple originaire du Minnesota. Sur le dernier drive, Carson Wentz s’emballe enfin et lance une passe de touchdown à Justin Jefferson. Victoire des Vikings ! Pas trop de regrets : ce sera peut-être le seul match de NFL que je verrai au stade dans ma vie, et ce fut une expérience géniale. Mais je préfère nettement mon football, celui où le stade vibre dès que la trompette entonne les premières notes d’ « Oh When the Spurs Go Marching In. »

Une réflexion sur « Full English VS American Breakfast »

  1. Ah, ça c’est sympa. En attendant le compte-rendu aussi d’Alphabet.

    Avait-on déjà abordé ici la très fugace Full Members’ Cup?? Pas sûr du tout!

    J’ai été voir les compos et y a des noms qui me parlent : les Stein, Keith Curle pour Reading, Harford, Sealey.. Toutefois plus un « grand » Luton a priori, ce dut être meilleur avec les Ricky Hill (très bon joueur!), Paul Elliot.. Ce club n’a pas duré bien longtemps dans l’élite, mais ça me paraît un peu culte en Angleterre tout de même, car ce stade incroyable (mais condamné??), et puis tous ces joueurs noirs aussi, pas commun à l’époque.

    Y a une photo qui va parler à Khiadia.

    « un hommage aux familles des vétérans de l’armée présentes sur place »….. ==> vétérans de l’armée..US?? Si oui, ça me dépasse.

    Le titre est parfait!

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