La K-League, un passeport pour la sélection tadjike

Vitaliy Parakhnevych et Valeri Sarychev partagent une histoire peu commune : ils comptent tous deux une sélection avec le Tadjikistan, pays de leur naissance. Mais leur parcours en équipe nationale n’a pas grand-chose à voir avec leur niveau de jeu.

Vitaliy Parakhnevych est né à Donetsk en 1969. Sa carrière professionnelle débute à Odessa en 1988. Il y évoluera jusqu’en 1995, avec plusieurs coupures. L’attaquant est ensuite transféré au Lokomotiv Moscou, où il ne brille pas (aucun but en 10 rencontres), puis il découvre le championnat sud-coréen. Il évolue alors au Jeonbuk Hyundai Dinos. En 1996, il prend la nationalité tadjike.

Valeri Sarychev, pour sa part, est né à Dushanbe, capitale de l’actuel Tadjikistan. C’est là-bas qu’il commence sa carrière de gardien en 1978, avant une rapide pige au CSKA Moscou puis un passage de neuf ans au Torpedo Moscou. En 1992, il rejoint la Corée du Sud et signe au Ilhwa Chunma, club de Seongnam.

De son côté, le Tadjikistan est né en 1991, à la suite de l’éclatement de l’URSS. Les débuts sont plus que chaotiques : une guerre civile a lieu de 1992 à 1997, faisant entre 50 000 et 100 000 morts et plus d’un million de déplacés. Emomali Rahmon parvient à se hisser à la tête du pays en 1994 et en devient le président. Un poste qu’il occupe toujours en 2023, après avoir été réélu quatre fois.

Côté football aussi, le Tadjikistan est une nation jeune. La toute nouvelle sélection tadjike dispute son premier match international face à l’Ouzbékistan dès 1992. Avec une équipe composée des meilleurs joueurs du Pamir Dushanbe et de joueurs du championnat russe (Zenith Saint-Pétersbourg, Lokomotiv Moscou, Uralmash Ekaterinbourg pour la plupart), la « Couronne » (telle qu’a été baptisée la sélection) fait match nul 2-2 contre son voisin, avec un doublé de l’attaquant du Lokomotiv Mukhsin Mukhamadiev. Celui-ci ne rejouera plus avec le Tadjikistan mais comptera, en 1995, une unique sélection (et un but) avec la Russie, lors d’un match contre les Iles Féroé comptant pour les éliminatoires de l’Euro 1996.

Jeune sélection cherche coup d’éclat international

La jeune fédération doit attendre 1994 pour être inscrite à la FIFA, mais elle dispute des rencontres face à ses voisins et participe à des tournois mineurs comme la dernière édition de l’ECO Cup en 1993, où elle atteint les demi-finales. La compétition rassemble les pays membres de l’Organisation de coopération économique, qui rassemble des pays d’Asie Mineure. En 1993 et 1994, la sélection ne comprend pas de joueurs évoluant en Russie. Presque tous sont issus du championnat tadjik, faute de pouvoir libérer les joueurs pour des rencontres internationales non reconnues par la FIFA.

Ce n’est qu’en 1996 que le Tadjikistan peut participer à sa première compétition sous l’égide de la fédération internationale : les qualifications à la Coupe d’Asie 1996. Le principe est simple : il y a 10 groupes de qualifications. Les vainqueurs de chaque groupe sont qualifiés et rejoindront les Emirats Arabes Unis (pays organisateur) et le Japon (tenant du titre) pour la phase finale de la compétition, en décembre.

Le tirage au sort met les Tadjiks aux prises avec Bahreïn et l’Ouzbékistan. L’émirat se retire de la compétition et les deux pays voisins n’ont plus qu’un barrage aller-retour à disputer pour se qualifier au niveau continental. Le 8 mai 1996, le Tadjikistan terrasse son adversaire (4-0) et se prend à rêver. Pourra-t-il participer à son premier tournoi international ? Le retour en Ouzbékistan est cruel : les Ouzbeks mènent 4-0 à la fin du temps réglementaire et ajoutent un cinquième but au début des prolongations. Le Tadjikistan ne verra pas la phase finale de la Coupe d’Asie.

Un an plus tard, la Couronne retrouve les terrains pour les qualifications à la Coupe du monde 1998. Le parcours jusqu’à la phase finale est plus long et plus compliqué que pour la Coupe d’Asie et le groupe plus relevé. Il y a bien le Turkménistan et le Vietnam, mais il y a aussi la Chine, et seul le premier du groupe atteindra le deuxième tour des qualifications.

La campagne débute bien, avec une nette victoire contre le Vietnam (4-0). Le groupe se compose de nouveau d’un mix entre les meilleurs joueurs locaux issus des différents clubs de Dushanbe, une sélection de joueurs disputant le championnat russe, ainsi que quelques éléments évoluant en Ouzbékistan. Une défaite à domicile contre la Chine (0-1) compromet les chances de qualification. Le Tadjikistan se bat bien, écrase les adversaires qui sont à sa portée et décroche même le nul lors du match retour en Chine (0-0). Meilleure attaque du groupe (15 buts marqués), meilleure défense à égalité avec la Chine (deux buts encaissés), la Couronne a brillé mais reste deuxième, trois points derrière la Chine.

Sans joueurs mais pas sans ressources

Il est des défaites qui fédèrent, et un élan semble avoir été trouvé pour la jeune sélection. Une ossature s’est dessinée et il est important de l’entretenir. Pour continuer de progresser, elle cherche donc des adversaires de haut niveau. Et c’est ainsi qu’un match amical est organisé en août 1997, en Corée du Sud. Le sélectionneur Zoir Babaev fait appel à 16 joueurs, mais il se retrouve confronté à un problème administratif : quatre joueurs ne disposent pas d’un passeport à jour et ne peuvent se déplacer au pays du Matin calme pour disputer la rencontre.

La fédération tadjike décide alors de faire appel aux joueurs de l’ex-URSS évoluant en Corée. Vitaliy Parakhnevych, attaquant de Jeonbuk, est ainsi sélectionné en compagnie de Valeri Sarychev, gardien à Ilhwa Chunma, qui a déjà remporté trois fois la K-League (de 1993 à 1995) ainsi que la Ligue des Champions d’Asie en 1995.

Ils sont finalement 13 Tadjiks sur la feuille de match pour affronter la Corée du Sud. Akhmed Engurazov, gardien de but du Saturn Ramenskoye (Russie), est obligé d’évoluer dans le champ pour faire le nombre. Dans le groupe figurent deux joueurs habitués de la sélection et qui disputent leur onzième match international, le défenseur Rustam Kurbanov et l’attaquant Takhirdzhon Muminov. Mais c’est Valeri Sarychev, titulaire dans les buts, qui est désigné capitaine pour cette rencontre.

Le match est évidemment à sens unique. Naturellement supérieure, la Corée du Sud prend les devants dès la 3e minute et déroule en s’imposant 4-1. Parakhnevych, sur le banc des remplaçants au coup d’envoi, entre à la 55e pour ce qui sera la seule sélection de sa carrière.

Un match sans lendemain

Après cette rencontre, la Couronne attend la fin de l’année 1998 pour se rassembler de nouveau, lors des Jeux asiatiques. En 1999, elle échoue encore à se qualifier pour la phase finale de la Coupe d’Asie. Vitaliy Parakhnevych poursuit sa carrière en Corée du Sud jusqu’en 2002, sans marquer les esprits dans les clubs où il passe. Il finit par revenir en Ukraine pour y disputer les deux dernières saisons de sa carrière.

Quant à Valeri Sarychev, il reste en K-League jusqu’à la fin de sa carrière. Mais sa présence dans le championnat coréen, conjuguée à son très bon niveau, pose problème. Surnommé « la main de Dieu », Sarychev fait des émules et d’autres clubs recrutent des gardiens étrangers, plus performants que les Coréens. La tendance est jugée mauvaise par les instances du football coréen, qui réduisent le nombre de matchs autorisés pour un gardien étranger (deux tiers du championnat en 1997, un tiers en 1998), avant d’interdire tout simplement aux clubs d’aligner un gardien étranger sur la feuille de match en 1999, une règle toujours en vigueur de nos jours. Si la plupart des gardiens étrangers quittent le pays, Sarychev décide de rester. Il ne joue pas en 1999, mais obtient la nationalité coréenne sous le nom Shin Eui-son, à savoir… la Main de Dieu.

Avec huit matchs consécutifs sans encaisser de but, il détient un record en K-League. Il poursuit sa carrière jusqu’en 2004, avant de devenir entraîneur des gardiens. En 2013, il est nommé dans le XI type de l’histoire de la K-League lors des 30 ans du championnat coréen. Comblé par sa carrière au pays du Matin calme, Sarychev n’a jamais émis le regret de ne pas avoir rejoué avec le Tadjikistan. A l’inverse, il a été pressenti pour faire partie du groupe coréen participant à la Coupe d’Asie en 2000, mais n’a finalement pas été sélectionné, malgré son nouveau titre de champion avec Anyang (futur FC Séoul).

7 réflexions sur « La K-League, un passeport pour la sélection tadjike »

      1. Ne l’encourage pas. Au lieu de raconter des conneries, il ferait mieux de préparer son bac, ce punk!

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  1. Merci Modro. Je ne connais qu’un joueur Tadjik et il parlera certainement à Van Baston si il passe par là. Vassili Postnov qui fut champion d’Afrique avec le Wydad en 92. La première c1 de ce club mythique. En compagnie de Naybet, Daoudi, Fertout et du bon buteur sénégalais, Ndao.
    L’entraîneur du Wydad était un ukrainien, c’est peut-être lui qui a ramené Vassili Postnov au Maroc.

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  2. En dézoomant un peu à l’échelle des ex-républiques socialistes et soviétiques d’Asie centrale, l’Uzbékistan semble tiraient mieux son épingle du jeu, elle était pas loin de se qualifier en coupe du monde lors des 2-3 dernières éditions de qualifications en Asie. Mais ils ont jamais réussi à passer. L’équipe qui a le plus progressé. Les 3 autres de l’AFC: Turkmenistan, Kyrghizistan et Tadjikistan, même si cela m’est très inconnu, ça me semble rester à un niveau faiblard.

    Et le Kazakhstan je me demande encore ce qui les a poussé à rejoindre l’UEFA (« être meilleur » certainement mais…), un part le souvenir d’un club venu se frotter en Ligue des Champions, l’équipe nationale n’a pas vraiment progressé, toujours au fond des groupes de qualif’.

    Sinon dans l’ex-URSS, j’ai du mal à me souvenir de joueurs internationaux venant d’Asie Centrale. Me viennent surtout à l’esprit Dushebaev et Abdoujapararov dans d’autre sports.

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    1. L’Ouzbékistan est clairement la meilleure sélection d’Asie centrale, ses résultats en Coupe d’Asie et dans les qualifications plaident pour lui. La sélection est menée par une nouvelle génération de jeunes joueurs (Shomurodov, déjà meilleur buteur de l’histoire du pays ; Khusanov, évoluant à Lens ; Shukurov, Urunov…) qui a su prendre la suite de l’ancienne génération de qualité, emmenée par Ahmedov, Djeparov, Nesterov, Genrikh… Cette dernière était passée à 2 reprises très près d’une Coupe du monde.

      Le Tadjikistan vient de se qualifier pour sa toute première Coupe d’Asie qui aura lieu en janvier 2024 ; il a quelques joueurs de qualité tels Yatimov, Umarbayev et Dzhalilov. Après, pas évident de suivre ce football là, la plupart évoluant au pays où dans les pays voisins.

      Le Kirghizistan ça avance doucement, toujours notamment grâce à ses joueurs d’origine allemande comme Brauzman et Merk chez les nouveaux arrivants ; le pays va participer à sa seconde Coupe d’Asie consécutive.

      Et pour le Kazakhstan, on peut dire qu’ils m’ont surpris lors des éliminatoires à l’Euro 2024 : 4ème place, 18 points, 6 victoires (entre autre le Danemark, l’Irlande du Nord, la Finlande), 4 défaites. Les Kazakhs sont d’ailleurs qualifiés pour les barrages. À voir s’ils confirmeront par la suite.

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