Il était une fois…l’Intercontinentale – 1981 : Flamengo campeão mundial

Em dezembro de 81 / En décembre 81

Botou os ingleses na roda / On a mis les Anglais dans les cordes

3 a 0 no Liverpool / 3 – 0 contre Liverpool

Ficou marcado na história / On a marqué l’histoire

E no Rio não tem outro igual / Et à Rio il n’y a pas d’égal

Só o Flamengo é campeão mundial / Seul Flamengo est champion du monde

E agora seu povo / Et maintenant son peuple

Pede o mundo de novo / Demande à nouveau le monde

Cette chanson, les torcidas de Flamengo la reprennent régulièrement lors des matchs importants tant la victoire du 13 décembre 1981 en Coupe Intercontinentale a marqué l’histoire du club.

Une finale aguichante

Rebaptisée Toyota Cup depuis l’année précédente, la Coupe Intercontinentale 1981 entre Liverpool et Flamengo donne l’occasion au public japonais de voir ce qui se fait de mieux sur les continents européen et sud-américain. Les clubs anglais dominent outrageusement la Coupe d’Europe des clubs champions – cinq titres consécutifs que se partagent Nottingham Forest et Liverpool[1] – alors que Flamengo tranche avec le fútbol de muerte que proposent traditionnellement les représentants de la Conmebol venus d’Argentine, du Paraguay ou d’Uruguay.

En dépit de ses titres européens passés, Liverpool n’a encore jamais tenté sa chance en Coupe Intercontinentale, le format aller-retour en vigueur jusqu’en 1980 étant dissuasif à double titre : comment intégrer deux matchs supplémentaires dans un calendrier surchargé par une First Division mettant en lice 22 clubs et comment s’enthousiasmer à la perspective de traquenards contre Boca Juniors à la Bombonera[2] ? Quand les Scousers daignent enfin participer, ils ne montrent pas un intérêt démesuré, préoccupés par les 10 points de retard accumulés sur Ipswich Town en championnat. A l’arrivée des Anglais à Tokyo, le manager Bob Paisley ne louvoie pas face aux journalistes et reconnaît sans peine qu’il n’a jamais vu jouer les Brésiliens. Des années plus tard, le capitaine Phil Thompson déclare : « nous avions le sentiment qu’il s’agissait d’un match amical. Nous n’avions jamais imaginé que Flamengo prendrait cela avec tant de sérieux. » Perturbés par le long trajet en avion et désœuvrés dans leur luxueux hôtel tokyoïte – une variation du scénario de Lost in translation – les Reds passent le temps en jouant aux cartes, des bières à portée de main.

Du côté brésilien, l’approche du match est totalement différente, la Toyota Cup est le dernier objectif d’une saison interminable. Le jeune technicien Paulo César Carpegiani, 32 ans, se procure des cassettes VHS de Liverpool et étudie le jeu des Scousers pendant le stage préparatoire en Californie. Ses joueurs, dont il faisait partie quelques mois auparavant, sont éprouvés par la multiplication des rencontres officielles – près de 70 en 1981 – dont celles du mois précédent, décisives pour l’attribution de la Copa Libertadores et du championnat carioca. A l’usure physique s’ajoute le chagrin quand ils apprennent, le 27 novembre, le décès par noyade de Cláudio Coutinho, ancien sélectionneur décrié au point qu’on oublie qu’il est à l’origine de ce Flamengo moderne, vif et technique dont Zico est le symbole éclatant[3].

Obsèques de Coutinho.

En résumé, les Anglais se comportent comme des mécréants, ne respectant pas le minimum de liturgie qu’impose un tel événement, alors que les Brésiliens le sacralisent. Détourné du chemin divin par l’appât du gain, les bookmakers font logiquement de Liverpool leur favori. Cette équipe ne comptant que sur elle-même se transcende dans les finales alors que les succès de Flamengo sont laborieux (il faut un match d’appui contre les Chiliens de Cobreola en Libertadores et trois matchs contre le Vasco de Roberto Dinamite en Championnat carioca). On se souvient également que le Brasileirão 1980 est obtenu aux dépens de l’Atlético Mineiro dans des circonstances discutables[4], un avant-goût de l’arbitrage de José Roberto Wright contre ces mêmes joueurs du Galo lors d’un match crucial sur le chemin du titre en Copa Libertadores.

Flamengo flambe

A midi, les majorettes mobilisées pour réchauffer l’atmosphère de décembre s’effacent alors que des milliers de ballons s’élèvent dans le ciel bleu intense de Tokyo. Bloqués dans le tunnel durant le long protocole d’avant-match, les 22 acteurs ont le temps de faire connaissance, les Scousers ironisant sur les bondieuseries ostensibles de leurs adversaires. Puis les joueurs émergent enfin au grand jour, saisis par le vent glacial qui balaye l’aire de jeu. Liverpool porte ses couleurs traditionnelles alors que Flamengo a choisi un maillot blanc aux manches rouges et noires. La pelouse n’annonce rien de bon : bosselée, dure et jaunie, elle laisse penser que le jardinier a confondu le bidon d’engrais avec celui de glyphosate. Tout est réuni pour donner raison à Carpegiani et Paisley, convaincus qu’il va s’agir d’une guerre de tranchée faite de longs ballons aériens d’un côté, d’un rythme lent et d’actes d’antijeu de l’autre.

Dès le début du match, les entraîneurs sont contredits : McDermott et Dalglish tentent de construire des actions au sol alors que les Brésiliens jouent à une touche, cherchant systématiquement Zico. Conscient qu’il s’agit du maître à jouer du Mengão, Paisley a confié le marquage d’O Galinho à Phil Thompson. Pour échapper à son garde du corps, Zico décroche dans son camp et le capitaine anglais peine à se positionner : doit-il couvrir sa défense ou suivre partout le numéro 10 brésilien ?

Dans ce duel, Zico prend rapidement l’avantage. A la 12e minute, depuis le rond central, il dose parfaitement une passe aérienne à destination de Nunes. Thompson est lobé et l’avant-centre de Flamengo crucifie Bruce Grobbelaar, le successeur de Ray Clemence. A ce moment-là, Grobbelaar ignore le récent décès de son père, Paisley ayant voulu le préserver d’un choc émotionnel avant la rencontre. Une vaine précaution car peu après la demi-heure de jeu, le gardien zimbabwéen craque sur un coup franc lointain de Zico mal maîtrisé. Dans un premier temps, Hansen contre Lico mais Adílio glisse la balle dans les filets rendant inutile le retour désespéré de Thompson. Et ce n’est pas fini, le score gonfle encore avant la mi-temps quand Zico lance Nunes sur le côté droit, oublié par le latéral irlandais Lawrenson. Bien qu’excentré, Cabelo de Fogo (Cheveux de feu) trompe une nouvelle fois Grobbelaar d’une frappe croisée. 3-0 à la pause, il n’y a plus de suspense.

Le second but de Fla.

Le score n’évolue pas en seconde période, les offensives de Liverpool ressemblent à des exercices de style dénués de conviction. Toutes les tentatives se heurtent à l’omniprésent Andrade au milieu ou à la paire de centraux Marinho-Mozer. Sur les flancs, le jeune Leandro confirme sa classe naissante alors que le flamboyant Júnior prouve qu’il lui arrive d’être discipliné tactiquement. Et puis il y a Zico : prises de balles en mouvement, jeu court, jeu long, conduite de balle, accélérations, O Galinho effectue un récital et efface l’image désastreuse laissée durant la Coupe du monde 1978.

Leandro, jeune latéral droit ultra prometteur.

L’autre héros de cette Toyota Cup s’appelle Nunes qui justifie encore une fois son surnom d’Artilheiro das Decisões (approximativement, le Buteur décisif). Auteur de deux réalisations en finale du Brasileirão 1980, buteur en finale du Championnat carioca 1981, sa connexion avec Zico impressionne, ses déplacements et sa vitesse ouvrant des possibilités multiples au meneur carioca. Enfant du club au parcours chaotique, recalé pour sa technique sommaire, il bourlingue durant des années jusqu’à ce que Flamengo ne le fasse revenir au bercail en 1980 alors qu’il se trouve à Monterrey au Mexique. Avec Cabelo de Fogo, Flamengo obtient enfin de grands titres nationaux et internationaux, comme s’il était le chaînon manquant d’une équipe jusqu’alors brillante mais trébuchant dans les moments clés.

A l’issue du match, Nunes obtient une Toyota Carina alors que Zico, désigné MVP, reçoit un coupé Toyota Celica d’une valeur de 10 000 dollars, une voiture qu’O Galinho possède encore aujourd’hui. Dans les vestiaires, avec Júnior au pandeiro, Zico au tambourin, les Rubro-negros fêtent la victoire au son de la dernière samba de la Portela[5]. De leur côté, les Anglais sont groggy, choqués par la différence de niveau entre les deux équipes. Bob Paisley résume laconiquement la performance des siens : « nous avons joué comme une équipe de pub. » Dans la revue Onze, Jean-Pierre Frimbois résume l’impression générale des observateurs : « par le beau spectacle offert par les Brésiliens, nous avons le sentiment d’avoir assisté à une véritable fête finale du football. L’année 1981 ne pouvait décidément pas mieux se terminer. »

Zico et sa Celica, la classe.

Feuille de match

13 décembre 1981, Tokyo, stade olympique national

Flamengo – Liverpool FC : 3-0

Flamengo : Raúl Plassmann – Leandro, Marinho, Mozer, Júnior – Andrade, Adílio, Zico, Tita – Nunes, Lico.

DT: Paulo César Carpegiani.

Liverpool : Bruce Grobbelaar – Phil Neal, Phil Thompson, Alan Hansen, Mark Lawrenson – Sammy Lee, Terry McDermott, Graeme Souness, Ray Kennedy – Craig Johnston, Kenny Dalglish.

DT : Bob Paisley.

Buts : 13e Nunes, 34e Adílio, 41e Nunes.

Arbitre : Rúbio Vazques (Mexique)


[1] Liverpool en 1977, 1978 et 1981, Forest en 1979 et 1980. La série de victoires anglaises s’arrête à six après le titre d’Aston Villa en 1982.

[2] Boca Juniors est vainqueur des Coupes Libertadores 1977 et 1978 en pratiquant un football restrictif. En Intercontinentale, Liverpool FC est remplacé en 1977 par le Borussia Mönchengladbach (victoire de Boca) et l’édition 1978 n’a pas lieu, Boca refusant d’affronter Bruges, le dauphin de Liverpool.

[3] Liverpool est également endeuillé en septembre 1981 avec la disparition soudaine de l’historique manager Bill Shankly.

[4] Dans l’ultime rencontre décisive, l’arbitre Roberto de Assis Aragão expulse trois joueurs de l’Atlético Mineiro.

[5] Portela est une des principales écoles de samba de Rio.

13 réflexions sur « Il était une fois…l’Intercontinentale – 1981 : Flamengo campeão mundial »

  1. « En résumé, les Anglais se comportent comme des mécréants, ne respectant pas le minimum de liturgie qu’impose un tel événement, alors que les Brésiliens le sacralisent »… Gling! Gling! Gling! Elles sont là les trois cerises du week-end.

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    1. McDermott est si régulièrement cité comme l’un des incontournables de quelque carré magique scouser historique, qu’il n’est probablement pas si déraisonnable de considérer qu’il a sa place dans leur 11 du siècle. Les Souness et Kennedy, qui disputèrent aussi cette rencontre, y auraient leur place assurément.

      Accessoirement, McDermott.. : encore un qui souffre de démence. J’adore ce football-là, mais décidément..

      Ca cause de Leandro, argh : l’un de ceux qui, aujourd’hui encore, me tapa assurément le plus dans l’oeil.

      Lawrenson, back gauche pour ce match (que je ne connais pas), si je te lis bien? C’est tout à fait possible en tout cas, même si mes souvenirs l’associent surtout dans l’axe au bellâtre Allan Hansen, tout au long de ces 80’s, dans une espèce de système à deux libéros qui montaient et se couvraient mutuellement.

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    1. Pfff…. En 1981, El Gráfico élit Maradona meilleur joueur d’Amsud devant Zico et Fillol, choix évidemment discutable. En Europe, le Ballon d’or va à Rummenigge… j’aurais tendance à dire qu’en 80 et 81, Zico est très haut mais faute de titre et d’impact avec la Seleção (ou il déçoit ou il est blessé), il y aura toujours un bémol le concernant.

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      1. C’est sur que le choix de Diego en 81 du Grafico peut être débattu… Mais Diego à Boca est peut-être déjà le meilleur joueur du monde. Perso, suis toujours favorable à choisir l’accomplissement annuel d’un joueur plutôt que sa valeur intrinsèque…

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      2. El Mundo, l’autre journal référence pour ce titre de meilleur joueur sudaméricain de l’année l’a décerné à Zico en 1981. Maradona ou Zico en 1981, de loin les deux meilleurs de toute façon sur la planète à ce moment-là.

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      3. Et il me semble qu’au niveau national, Placar le journal brésilien qui décerne son convoité ballon d’or au meilleur joueur du championnat brésilien, n’a pas non plus récompensé Zico à ses meilleures années.

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      1. Parmi les vainqueurs de la Bola de Ouro, j’ignore qui est Roberto Costa. Je vois qu’il le gagne deux fois consécutivement dans les années 80.

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