La Coupe Gambardella souffle ses 70 bougies cette année. Ce trophée prestigieux, ainsi nommé en l’honneur de l’ancien président de la Fédération, Emmanuel Gambardella, mort en 1953, est un patchwork d’épopées et de naufrages sans cesse renouvelés qui mériterait assurément l’intégralité d’un ouvrage ! A défaut de ce travail titanesque, nous vous proposons humblement quelques courtes vignettes, quelques bouts de chemins et d’espoirs qui font le sel de cette compétition. Ce sont les 30 glorieuses. 30 comme le nombre de clubs différents à l’avoir remportée. Bonne lecture !
Invincibles

L’AS Monaco, un des fleurons de la formation française, est allée cinq fois en finale de la Gambardella. Résultat ? Cinq victoires… En 1962, la formation monégasque, sertie de joueurs du cru, a ce doux parfum du terroir, des dimanche de pétanque et d’anisette. Jean-Luc Floch est le fer de lance d’un groupe qui se connaît par cœur, Monaco sort successivement Toulouse et le S.O Montpellier, dans une ville de Toulon qui lui porte incontestablement chance. En finale, si Metz cède 2-1, une question reste en suspens cependant : Monsieur Pierre Sciglia a-t-il épousé ĺa femme choisie par les joueurs comme il l’avait promis en cas de victoire ? 10 ans plus tard, c’est au tour du robuste Alfred Vitalis, symbole du renouveau du club dans les années 1970, de soulever fièrement le trophée, à la suite d’une rencontre face à l’US Toulouse, l’ancêtre du Téfécé actuel.
Malgré les Amoros, Bellone, Petit, Henry, ou Thuram, il faudra attendre la période contemporaine pour retrouver Monaco aux sommets. L’escadron mené en 2011 par Layvin Kurzawa et Yannick Ferreira-Carrasco accède au dernier palier, non sans une énorme frayeur face à Guingamp en quart, et ne se défait des Verts qu’après la séance de tirs au but. Un troisième sacre moins impérial qu’à l’accoutumée, que la démonstration de 2016 va vite effacer. Au Stade de France, le malheureux RC Lens fait les frais de l’éclosion attendue d’un certain Kylian Mbappé. De la vitesse et de l’initiative évidemment et deux buts en seconde période qui clôturent un score de 3-0, premières lignes d’une carrière qui s’annonce prometteuse… Enfin, s’il est encore un peu tôt pour juger de la valeur intrinsèque de la cuvée 2023, rendons toutefois hommage à son valeureux adversaire en finale, Clermont, qui refusa obstinément d’abandonner, comme aux plus belles heures du Stade Michelin…
Un petit air d’Akron…

Les Verts, Lebron James, même combat ! A l’instar de la star de NBA, Saint-Etienne a 10 finales dans son escarcelle, un record, pour quatre succès. En 1963, après avoir sorti Toulouse en demi-finale à Colombes, en lever de rideau du fameux France-Brésil avec Pelé, les Verts de Farison, Tylinski et Bereta dominent en finale le CASG Paris 3-0, épousant ainsi la courbe ascendante des seniors. Sept ans plus tard, c’est l’apothéose. Saint-Etienne remporte la totalité des trophées nationaux. Championnat, Coupe et Gambardella à l’issue d’un derby torride face à l’OL de Lacombe et des frangins Domenech. Un succès qui lance la carrière des Lopez, Synaeghel, Santini, Sarramagna ou Patrick Revelli. Des noms qui feront trembler le continent…
La domination chez les adultes renvoyée aux calendes grecques, les Verts puissent chez leurs jeunes de rares raisons de s’enthousiasmer. Mené par le tempérament de Julien Sablé, Saint-Etienne inaugure les finales au Stade de France en 1998 et bat le PSG lors de la séance de tirs au but. Une éclaircie dans une saison où le club fut bien proche de descendre en National. Ayant l’habitude d’accéder en finale deux années consécutivement (un titre suivi d’une défaite), les Verts réitèrent cet exploit en 2011 et 2012. Mais paralysées par l’enjeu, ces générations, où figure Kurt Zouma, échouent sans révolte face aux cadors de la Côte d’Azur… Ce quatrième trophée attendu depuis 21 ans, ce sont les disciples de Razik Nedder qui vont l’offrir. Se délestant de Nantes et Lille dans les tours précédents, la défense dirigée par William Saliba et Wesley Fofana résiste aux assauts toulousains, avant de porter l’estocade en seconde période. Premier sacre dans ce XXIème siècle qui n’attend que d’autres rejetons…
A la recherche du temps perdu

Si Monaco est intraitable en finale, ce n’est pas vraiment le cas du Stade de Reims. Une petite victoire en cinq opportunités, l’emblème du foot français des années 1950 a néanmoins pour lui d’avoir performé dans quatre décennies différentes. Battu par Troyes en 1956, les Rémois remportent leur unique titre de Gambardella huit ans plus tard face aux Verts, grâce au dévouement sans faille d’un certain René Masclaux. 1964, année paradoxale puisque l’équipe A, pourtant championne de France, deux ans auparavant, sombre en deuxième division… En 1968, la bande de Jean-François Jodar s’incline à nouveau en finale, en Avignon, à la suite d’un scénario rocambolesque que nous aborderons dans quelques paragraphes…
La campagne 1977 aurait pu être un immense millésime pour la capitale du Champagne. Elle sera celle des regrets. En l’espace d’une semaine, Reims perd la Gambardella face à Nimes et la Coupe de France face à Saint-Etienne. La gueule de bois est sévère, le Stade descend l’année suivante et ne retrouvera l’élite qu’en 2012… Le club ayant enfin retrouvé la lumière, les juniors vont vivre une édition 2014 de toute beauté. Les Siebatcheu ou Grejohn Kyei éliminent brillamment les ogres rennais et monégasques mais s’effondrent sur la dernière marche face à des Auxerrois qui n’ont pourtant rien de foudres de guerre. Reims et la Gambardella, une histoire riche mais contrariée que l’ami Ubri vous narrera mieux que moi…
Schiltigheim ne marche plus seul

Avant la création de la Gambardella, la Fédération avait organisé trois éditions de la Coupe Nationale des juniors dont la première avait été remportée en 1937 par le modeste Schiltigheim aux dépens de l’OM. 28 ans plus tard, l’Alsace est à nouveau mise à l’honneur grâce à la discipline de fer régnant au sein de l’effectif strasbourgeois, comme le confirmera quelques années plus tard l’avant-centre Jean-Claude Huth : « Dès qu’on ne filait pas droit, c’était un coup de pied au cul ! » Des gamins unis par la sueur et le labeur, se retrouvant le matin place Kléber, avant de rejoindre en bus la rue de l’Extenwoerth où se déroulaient les rencontres. A la suite de ce titre 1965 acquis face à Aix, ils sont nombreux à taper à la porte de l’équipe A mais un se distingue particulièrement, le défenseur Gérard Burckle. Un Burckle qui, la Gambardella en poche, rejoint un groupe pro qui vient d’éliminer le Milan AC et le Barça dans la Coupe des villes de foires et qui comptabilisera plus de 300 rencontres dans l’élite.
Le Racing ne refera plus parler de lui avant le début du XXIème siècle. Complètement dépassés par le rythme endiablé des Rennais Gourcuff, Jimmy Briand et Jacques Faty, les Strasbourgeois s’inclinent lourdement 4-1 en finale de l’édition 2003, au grand désespoir de son attaquant béninois Éric Mouloungui. 2006 sonne l’heure de la revanche, la victime est de marque, l’OL. Bien que privée de Kevin Gameiro pour blessure, la troupe de Claude Fichaux et Alain Fanchone déjoue les pronostics et annihile totalement l’expression offensive des Benzema, Anthony Mounier et Loïc Remy. Un rayon de soleil dans la grisaille d’une institution qui vient de descendre en deuxième division et dont la chute dans les limbes ne fait malheureusement que commencer…
Une réponse de Normand

L’US Quevilly et les Coupes, une histoire d’amour… Finalistes de la Vieille Dame en 1927 et 2012 face aux deux Olympiques, les Normands connaissaient leur âge d’or lors des années 1960. Les séniors, menés par Daniel Horlaville, seul amateur sélectionné chez les Bleus après-guerre, remportent de multiples championnats de leur catégorie et accèdent aux demi-finales de la Coupe en 1968 où ils ne cèdent qu’après un duel homérique face aux Girondins. Une épopée dans laquelle la fougue des jeunes du cru aura été prépondérante…
Finalistes malheureux en 1960, face au LOSC, les juniors de Quevilly, habitués des joutes nationales, entament l’édition 1967 tambour battant. Rien ne semble résister au trio offensif Lerebours-Parmentier-Gay et leur coach Pierre Arroyo, figure de l’équipe A, s’évertue à gonfler le moral des siens, à chaque regroupement. Le 21 mai 1967, au Parc des Princes, 25 000 spectateurs se pressent pour assister à la grande finale face au Stade Français. Et comme par magie, le public parisien, en avance pour le match de gala entre Nantes et Barcelone, prend fait et cause pour les Normands…. Faut dire que le jeu de Quevilly a tout pour plaire. Collectifs et vifs, ils se défont, non sans mal, de Stadistes hargneux sur un superbe coup franc de Senente à la 52ème minute. Un titre en forme de consécration pour toute une région que Jean Cornu résumera ainsi le lendemain dans l’Equipe : « De Normandie, ils n’étaient venus que deux cents, trois cents peut-être ; mais pas davantage. Avec leurs casquettes jaunes et noires et quelques pancartes toutes simples Allez Quevilly ! En avant Quevilly ! Et pourtant, tout le Parc était pour l’USQ, non pas pour l’amateur contre le pro, mais pour l’équipe qui lui a donné du spectacle, qui a joué au football, qui a osé, qui a su prendre des risques, qui a su enthousiasmer le public. » Le plus beau des hommages…
Point de règlement

J’ai sciemment raccourci le résumé de la Gambardella 1968 dans mon paragraphe sur Reims pour ne pas dévoiler tous les méandres de cette édition. Car elle est unique en son genre et qu’elle épouse la frénésie contestataire de son époque… En 1968, l’équipe senior de Martigues évolue en division honneur mais ses juniors ne se laissent pas emprisonner par leur condition de petit poucet. Equipe de quartier, habituée à évoluer sur un terrain où les chevilles s’esquintent sur la caillasse, les surprenants Martégaux éliminent successivement Port-Saint-Louis, Marignane, Les Caillols, Avignon, Nîmes, Strasbourg, Methey, Lyon et le Stade Bordelais afin d’accéder à une finale inespérée face au Stade de Reims à Paris. Du moins, en théorie…
Car au même moment, la colère gronde dans la capitale. C’est le fameux mai 1968. Tiraillés entre le désir de jouer l’événement d’une vie et leur soutien au mouvement, eux qui poussent à la grève dans leurs propres lycées, les jeunes Martégaux accueillent avec soulagement la délocalisation du match en Avignon, espérant secrètement que la courte distance entre leur ville et la cité des papes incitera leurs voisins à venir les soutenir. Ils ne seront pas déçus… C’est un défilé inédit à l’échelle de la Gambardella qui s’organise et les spectateurs chanceux en ont pour leur argent. L’attaquant rémois Jodar est dans une forme étincelante et marque deux buts splendides d’emblée mais Martigues n’abdique pas et refait son retard à la 48ème minute. A bout de souffle, les deux belligérants utilisent tous les subterfuges, tous les points de règlement, dont le nombre de corners obtenus, censés les départager. Sans résultat, l’égalité demeure parfaite, la tension est à son maximum… Au coup de sifflet final, les dirigeants de Martigues exultent pourtant. Ayant aligné un cadet, ce sont eux qui ont la moyenne d’âge la plus basse. Enseguida volveremos…
Des Monégasques ont-ils gagné la Gambardella avec l’ASM ? Je reviens dans quelques heures pour lire la réponse eh eh.
C’est la cas lors de leur première victoire en 1962.
Quand tu écris « joueurs du cru », ce sont des Monégasques ? Certains ont ils eu une honnête carrière en D1 ? Je n’ai aucun nom qui me vient à l’esprit.
Sur la génération 62, les Monégasques du groupe n’ont pas percé mais y a 5,6 monégasques à avoir joué en A dont Armand Forchério qui a plus de 300 matchs, entre les années 60 et 70.
Si Ubri passe par là… La Fédération a fait un doc sympa sur la Gambardella, en s’attachant à quelques dates importantes dont celle de 1968. On y voit plusieurs extraits de la finale Martigues Reims. Jodar met un super doublé
Super docu de la 3 Zef, oui !
On y voit pas mal de trucs intéressant. Un but de Couriol (alors à l’INF Vichy) qui m’a fait penser à celui de Maicon vs K du Sud en 2010 .
Une focale sur la pyramide de l’AJA avec la Prune, Dutuel (Ah ce Dutuel ! ), les frères Boli.
De belles images d’archives : le Martigues de 68 (les critères du « Nombre de corner », de « l’âge » surprenant ).
L’OL de Guilly, puis de Malbranque (j’ai joué avec Vercoutre, il a du se sentir super mal après les TAB.. )
Le Sochaux de la comète Marvin Martin (qui a comédié dans le gentillet « Fonzy »).
Le chef d’œuvre de Benzé…ouch !
La Gambardella, c’est la première ligne du palmarès de Deschamps.
Ils s’en souviennent tous : Un premier baiser.
Si vous avez 52 mm à perdre.
https://www.youtube.com/watch?v=B1eRaut9o9Q
T’as joué avec Vercoutre ? Par contre Dechamps n’a pas la Gambardella à son palmarès, on en parlera bientôt. Hehe
En sport études et, en cadets nationaux. C’est une personnalité positive.
J’étais persuadé que Deschamps l’avait gagnée. Bonne idée de revenir sur cette coupe.
*cadets nationaux = catégories 15 ans (pas d’équipe de france ici)
Le triplé 1970, championnat-coupe-Gambardella des Verts est unique dans l’histoire.
Et j’ignorais que Raymond Domenech avait un frère aîné ayant joué à l’OL…
J’ai fait récemment un texte sur Kanyan mais Horlaville est l’autre figure amateure des années 60. J’aimais bien l’époque de son fiston avec Orts à Rouen.
Etonnant que le HAC ait un palmarès aussi pauvre…..
Juste un truc familial… Quand, dans la paragraphe sur Saint Etienne, je parle de la demi-finale face à Toulouse en 63, à Colombes, je parle d’une rencontre que le père de ma compagne a joué. Il était junior dans cette equipe toulousaine et le clou du spectacle était que la rencontre était en lever de rideau du fameux France-Bresil de Pele !
Mon beau-père m’avait montré des vieux articles où on lisait qu’il avait la passe décisive pour le but toulousain et il m’avait dit que les Brésiliens les avaient applaudis à la sortie du match. Que le grand-père de ma gamine ait joué devant les yeux du plus grand joueur de l’histoire est assez incroyable…
Tout lu et apprécié, merci!
L’OM ne fut pas abordé, certes la formation n’est pas ce à quoi on l’associe spontanément, euphémisme, mais?
Plus troublant : Nantes?? Je ne crois pas les avoir vus. Qu’ont-il donné en Gambardella?
Merci Alex. J’ai suivi l’ordre chronologique du premier sacre à la Gambardella. C’est pour ça que le FC Nantes par exemple n’a pas encore été abordé. Mais ça va venir !
Comme l’indique le titre de la série, le palmarès de la compétition brasse la quasi totalité des clubs historiques français.
Et pour ceux qui se poseraient la question, le Tylinski que je cite dans la première victoire des Verts en 63 est Alfred et non Richard, mort récemment. De la fratrie, en comptant Michel, c’est celui qui eut la carrière la plus modeste.