Ferro : star des années 1980

Photo d’en-tête: Ferro Carril Oeste 1982 (Oscar Garré, Hector Cúper, Adolfino Cañete, Claudio Crocco, Alberto Márcico, Roberto Gómez)

Ferro Carril Oeste c’est l’histoire d’un club moyen qui n’avait jamais brillé en Primera, mais qui s’est retrouvé en haut de l’affiche dans les années 1980. Dans un pays en décrépitude et dans un football argentin reconfiguré, Ferro s’est imposé comme le club dominant de cette décennie en arrachant deux titres. Une équipe construite par en bas, portée par une force collective sans réelle star, menée par un entraîneur moderniste au style de jeu critiqué par tous.

Un club formateur où le football n’était pas roi

Comme son nom l’indique, le club est fondé en 1904 par des Britanniques employés de la compagnie de chemin de fer Ferrocarril Oeste de Buenos Aires. Son quartier d’origine est Caballito, un quartier central et densément peuplé de Buenos Aires, devenu résidentiel et investi par les classes moyennes, l’un des fiefs du radicalisme argentin1. C’est un club historique, présent dès la première saison professionnelle du Championnat argentin, mais qui n’est pas une place forte du football. La proximité avec Boedo, quartier frontalier au Sud-Est, fait que le secteur est aussi un repaire de beaucoup d’hinchas de San Lorenzo, tout comme au Nord de Caballito, la présence d’Atlanta et de Chacarita Juniors (avant son déménagement) qui bénéficiaient d’une assise de supporters plus large et qui étaient sportivement plus à leur avantage.

La Pandilla : Maril, Borgna, Sarlanga, Gandulla, Emeal (de gauche à droite)

Le club Verdolaga n’avait jamais brillé avant les années 1980 : ni titre, ni podium, plusieurs relégations et au mieux, il se battait en milieu de tableau. Ferro avait la réputation d’être une bonne équipe formatrice dotée d’un jeu offensif. À la fin des années 1930, lors des saisons 1937 et 1938, le club a été remarqué pour sa ligne d’attaque jeune, prolifique et prometteuse, formée par les cinq attaquants – Juan José Maril, Alfredo Borgnia, Jaime Sarlanga, Bernardo Gandulla et Raúl Emeal – qui avaient tous moins de 20 ans2. Évidemment, les cinq talents partiront rapidement dans les grands clubs de Buenos Aires pour poursuivre leur carrière. En 1959, alors que le club venait tout juste de remonter en Première division, « Les Verts », portés par les talents éclos dans son centre de formation – dont Silvio Marzolini et Antonio Roma – , réalisent leur meilleure saison avec une quatrième place. Idem en 1964 de nouveau quatrième, après être remonté l’année précédente et avec un nouveau joueur brillant issu de son centre de formation, Ángel Marcos. En fait, on le verra plus loin, le football n’était pas l’alpha et l’oméga de ce club omnisports. Ferro Carril Oeste était une institution sportive florissante, respectée et assez bien gérée. Le football était central, sans y être sa seule raison.

Saccardi et Maradona, 1981

Dans les années 1980, la section football de Ferro Carril Oeste va changer de dimension avec l’arrivée de Carlos Timoteo Griguol. Sa première saison 1980 sert de transition et à mettre en place un cadre et un plan de jeu. La saison suivante, le club frôle l’exploit deux fois. Au Metropolitano, il se mêle à la lutte pour le titre, et met la pression sur Boca Juniors jusqu’au bout, mais finit un point derrière. Ensuite, au tournoi Nacional, FCO termine premier de son groupe devant River Plate. Il élimine son rival de l’Ouest Vélez Sarsfield3 en demi-finale, mais échoue contre les Gallinas qu’ils avaient retrouvé en finale. Deux fois vice-champion sur l’année, on aurait pu dire que l’occasion du siècle était passée pour Ferro… au contraire ! Les bases étaient posées, l’équipe continua de monter en puissance, le chemin vers les sommets était tracé.

En 1982, le paysage politique argentin était sombre. La dictature militaire s’écroulait et cherchait un moyen de se maintenir, elle décida d’aller reprendre les îles Malouines aux Britanniques. Une guerre traumatique pour le peuple argentin. De plus, la crise financière s’étendait à toute l’Amérique Latine et l’inflation ruinait l’Argentine. Les clubs étaient en grandes difficultés financières. Boca Juniors s’était endetté jusqu’au cou avec Maradona. San Lorenzo et le Racing n’étaient pas au mieux sportivement et exsangues financièrement. Le club de Boedo était même descendu pour la première fois en 1981, le Racing subira le même sort quelques années après. River Plate dut lâcher ses meilleurs joueurs à l’intersaison, et durant l’année 1982, les joueurs du Millo firent une grève pour des impayés de salaires, ce qui impacta les résultats du club. Seul Independiente semblait épargné sportivement. D’autant que les meilleures équipes s’affaiblissaient par l’exode de leurs stars. Cette situation générale ouvrait des opportunités et Ferro tira son épingle du jeu. Le club était connu pour sa gestion financière saine et maîtrisée, il s’appuyait sur son centre de formation et sur aucun recrutement coûteux.

Griguol au milieu des joueurs de Ferro

Leur premier titre obtenu d’une main de maître

C’était le tournoi Nacional qui ouvrait le bal de la saison, l’AFA avait décidé que le tournoi se jouerait avant le championnat. La première partie de saison a été aussi percutée par la préparation à la Coupe du Monde. Le sélectionneur argentin, César Luis Menotti, n’a pas hésité à convoquer son équipe au complet et à faire appel à des joueurs clés pour des périodes plus longues, affaiblissant encore davantage les équipes traditionnellement pourvoyeuses d’internationaux. Pour la première phase, Ferro a survolé son groupe : 13 victoires, 3 nuls et seulement 9 buts encaissés. Dans le derby interzonal, il avait mis une volée à Vélez, 4-0 sur le terrain d’El Fortín. Preuve de la difficulté des grands clubs argentins pour l’année 1982, mis à part Estudiantes La Plata, aucun d’entre eux n’a atteint la phase finale. Le club de Caballito se défait en quart d’Independiente Rivadavia, club de Mendoza, et du Talleres de Córdoba en demi. Sans trembler dans ces matchs aller-retour, puisque Ferro fait le travail en allant s’imposer 1-0 à l’extérieur en quart et assura le nul au retour. Idem en demi-finale, une victoire éclatante 4-0 sur leur terrain avait permis de faire un pas énorme vers la finale.

Leur adversaire en finale était Quilmes, club qui avait été champion récemment lors du Metropolitano 1978. Au match aller, Ferro étouffe son adversaire du début à la fin, mais ne réussit pas à débloquer la situation. Le match se conclut sur un 0-0. Le retour a lieu une semaine plus tard le 27 juin. Deux semaines après la fin de la guerre des Malouines et en pleine Coupe du Monde en Espagne, où l’Argentine s’apprête à commencer son second tour. Autant dire que le peuple argentin n’a pas les yeux rivés sur la finale du tournoi national. Ferro Carril Oeste s’impose 2-0, des buts de Juárez et Rocchia. Le club finit invaincu en 22 rencontres, avec 16 victoires et 6 nuls, 50 buts pour et 13 buts contre. Une campagne impeccable qui couronne logiquement le Verdolaga pour la première fois de son histoire.

Ferro Carril Oeste, l’équipe championne 1982

La principale caractéristique de l’équipe était son collectif, et non un joueur en particulier. Le Ferro de Griguol jouait dans un 4-3-3 classique. La base, c’était une défense solide, maîtresse du jeu aérien, avec des latéraux qui étaient utilisés pleinement, autant défensivement qu’offensivement pour forcer les ailiers à être plus bas. L’équipe se déplaçait en bloc pour verrouiller son adversaire et le prendre à revers en contre-attaque. Ferro était également devenu spécialiste des coups de pieds arrêtés, exploitant chaque occasion pour mettre un but. Mais surtout leur marque de fabrique, c’était leur pressing intense et constant, qui lessivait leurs adversaires. L’équipe misait beaucoup sur sa forme physique. D’un côté les séances d’entraînement la semaine étaient très exigeantes physiquement sous la supervision de Luis Bonini4, qui imposait un travail de pré-saison dur et intense pour tenir la distance toute la saison. De l’autre, Griguol et son adjoint Carlos Aimar s’occupaient du travail tactique. Ils misaient sur la répétition des mouvements et leur mécanisation. Les deux compères s’étaient beaucoup inspiré des schémas tactiques du basketball. Griguol consacrait aussi beaucoup de temps à analyser l’équipe adverse pour repérer la moindre faille. Enfin, ordre et discipline, étaient les maîtres mots de Griguol pour que son équipe respecte ses consignes et le suive dans ses schémas tactiques.

Griguol avait construit une équipe compétitive en s’appuyant sur ce qu’il avait à disposition, principalement en développant à un niveau supérieur les joueurs qui étaient déjà là à son arrivée, la plupart formés au club les dernières années comme Héctor Cúper, Gerónimo Saccardi, Carlos Arregui ou Oscar Garré – tous devenus internationaux – et sur les jeunes pousses du centre de formation. L’équipe type du titre de 1982 était la suivante. Dans les buts, Carlos Barisio, un gardien expérimenté par plusieurs années comme doublure à River Plate. Il détient toujours le record national d’invincibilité (1 075 minutes sans encaisser de buts) établi avec Ferro au cours du Metropolitano 1981. Barisio se blessa en phase finale et sa doublure Esteban Basigalup fut aligné pour les derniers matchs jusqu’au titre. La défense était le point fort, avec Óscar Garré, arrière gauche, Champion du monde 1986, qui a fait la majeure partie de sa carrière avec Ferro. Tout comme Héctor Cúper, solide défenseur central qui affiche plus de 400 matchs avec le Verdolaga et qui était aligné avec Juan Domingo Rocchia, plus expérimenté et recruté au Racing en 1973. Les deux partenaires ont évolué ensemble plusieurs saisons, une défense centrale robuste, très forte dans le jeu aérien. Les deux centraux étaient excellents dans le jeu de tête, aussi bien pour défendre que pour marquer des buts. Au poste d’arrière droit, c’était une alternance entre Silvio Sotelo et Roberto Mario Gómez.

Gerónimo Saccardi

Au milieu, le capitaine Gerónimo Saccardi était le cinco de l’équipe. Il est la véritable idole incontestée de ce club. Formé au club, tout comme son ami d’enfance Carlos Goma Vidal qui fut l’autre idole de Ferro dans les années 1970. C’était un leader, à la fois technique et combattant. International argentin, il avait effectué un passage en Espagne à Herculés de Alicante, malgré une offre de Boca Juniors, avant de revenir à Oeste. Pour l’accompagner le combatif et véloce Carlos Arregui, et Adolfino Cañete, qui officiait aussi comme le numéro 10 de cette équipe. Le gaucher Paraguayen était reconnu pour sa technique décrite comme fine et élégante, mais aussi pour la qualité de ses frappes. Il avait surtout brillé dans des clubs de second plan, mais jamais à ce niveau. En attaque, on retrouvait Claudio Crocco, un ailier présenté comme rapide et dribbleur, issu des jeunes de Ferro lui aussi. Miguel Ángel Juárez, plutôt attaquant gauche, passé par Rosario Central et Platense, est celui qui a fini meilleur buteur du tournoi avec 22 buts. Et enfin pour compléter l’attaque, le talentueux Alberto Márcico à qui Ferro et Griguol avait donné sa chance deux ans auparavant et qui leur rendra merveilleusement.

Une pluie de critiques balayée par la confirmation en 1984

Ferro a joué avec son propre style que Griguol avait patiemment construit les deux saisons précédentes. L’entraîneur avait surtout brillé à Rosario Central avec un titre de Champion d’Argentine (Nacional 1973). Dans la généalogie des coachs argentins, Griguol était de la branche d’Osvaldo Zubeldia. Il avait connu ce dernier entraîneur d’Atlanta. Alors joueur, Griguol avait pu observer et se nourrir du laboratoire mis en place par Zubeldia. Griguol a appliqué la consigne : de l’efficacité et des résultats. Le football du Verdolaga n’était donc pas un football tape-à-l’œil et spectaculaire. La presse et les observateurs dézinguaient Ferro pour son jeu pratiqué, la qualifiait d’« équipe ennuyeuse » ou « anti-football », sifflée par le public adverse à qui cela ne plaisait pas. Une partie des observateurs influents cataloguaient Griguol comme un entraîneur défensif et rétrograde, le chef d’orchestre d’une « équipe mécanisée », à ranger du côté des « bilardistes ». Ferro ne méritait pas d’éloges alors que son assemblage tactique était compliqué à manœuvrer pour ses adversaires. Dans ses attaques, il y avait un certain mépris envers une équipe modeste qui faisait avec ses moyens et sans grands joueurs, qui tenait tête aux grandes équipes et les surpassait. Enfin, si Ferro ne pratiquait pas le jeu le plus flamboyant, il est à souligner que cette équipe ne sombrait pas dans « la ruse » et jouait proprement. Ce qui donnait raison à Griguol et Ferro, c’étaient les résultats pour affronter la tempête de polémiques.

Le prof Griguol en 1983

Après son titre, Ferro n’était pas qu’une surprise ou un exploit. Le club était toujours en haut du classement, il finit 3e du Metropolitano 1983, pas très loin du titre encore une fois. Et Ferro ne fut pas aidé par l’arbitrage. En pleine lutte pour le titre, alors que Ferro mène 1-0 contre San Lorenzo, l’arbitre dégoupille les cartons rouges jusqu’à ce que Ferro soit en infériorité numérique et que le match soit suspendu et perdu. Mais le club ne s’arrête pas là et glane un second titre lors du Nacional 1984 qui vient confirmer que le club était devenu dominant en ces années 1980. Malgré plusieurs départs de joueurs importants, tels Barisio à Boca Juniors et Juaréz au Talleres Córdoba, ou les retraites de Cacho Saccardi et Rocchia ; l’équipe était restée concentrée et appliquait toujours les préceptes de son maître sans sourciller. Griguol avait bien planifié et anticipé les changements. Tout le monde était formaté pour se diluer dans le moule, chaque joueur savait ce qu’il avait à faire. Plusieurs années de travail lui ont permis de bien connaître l’équipe depuis la base, les renforts étaient ceux qui étaient déjà au club comme Víctor Hugo Marchesini pour remplacer Rocchia en défense centrale, Oscar Agonil pour le poste d’arrière droit et Jorge Brandoni au milieu de terrain pour remplacer Saccardi. Et pour compléter, il puisait dans le centre de formation : les milieux offensifs Oscar Román Acosta et Roberto Walter Gargini, l’attaquant Hugo Noremberg.

Le tournoi se compose cette année-là d’un premier tour à 8 groupes de 4 équipes. Ferro Carril Oeste termine premier de sa poule avec 3 victoires et 3 nuls. Dans la phase éliminatoire, il élimine successivement Huracán et Independiente. L’idole du Rojo Ricardo Bochini, exaspéré lâcha que « Si j’étais spectateur, je n’irais pas voir Ferro. » Talleres de Córdoba fut la victime en demi-finale, « C’est ennuyeux, sans aucun doute. Les affronter est difficile. Bien sûr, difficile n’est pas synonyme de bon », dira de son côté Daniel Valencia, champion du Monde 1978 et joueur de Talleres de Córdoba. Le jeu du Verdolaga était plus poussif et plus critiqué qu’en 1982, mais Ferro était toujours aussi efficace. Le mépris des autres ne faisait que motiver le groupe. Les supporters de Verdolaga, eux avaient déjà répondu aux critiques dans les tribunes : « Dicen que somos un equipo aburrido / que especulamos, que jugamos para atrás / me chupa un huevo, todo el periodismo / a Caballito cada vez lo quiero más »5. »

Finalement après la démonstration face à River, la presse fut élogieuse envers Ferro

Pour faire taire toutes ces critiques, la réponse fut donnée de la meilleure manière sur le terrain lors de la finale du Tournoi. Ferro affrontait River Plate. Avec un Márcico en feu, Oeste ferme les bouches et s’impose largement, une victoire 3-0 au Monumental (des buts de Cañete, Noremberg et Márcico). Beto Márcico réalise sa meilleure saison, son meilleur match de sa carrière dira-t-il plus tard. Au match retour, le club de Caballito s’impose de nouveau 1-0 grâce à Cañete, dans un match qui n’est pas allé à son terme à cause des débordements des fans de River. Ferro est sacré champion pour la seconde fois, Griguol et ses joueurs ont répondu sur le terrain et peuvent célébrer l’apogée du club.

Beto Marcico, le bourreau de River Plate et l’idole de Khia

Ferro más que fútbol

Loin d’être rassasié, Ferro enchaîne lors du Metropolitano 1984, à la lutte pour le titre jusqu’à la dernière minute. Mais il vient mourir à un point d’Argentinos Juniors, non sans un dernier match polémique. Lors de l’ultime journée, Ferro s’estime volé après un dernier match nul contre Estudiantes La Plata qui le prive d’une finale contre le Bicho6. Les images avaient confirmé que le but des Pinchas était clairement hors-jeu. Ferro est encore performant au Nacional 1985, dans un des tournois à la formule la plus abracadabrantesque. Ferro fut éliminé en demi-finale du tableau des « gagnants », avant de perdre en demi-finale des « perdants » contre Independiente que Ferro avait battu en quart du tableau des gagnants… (vous ne comprenez rien, c’est normal !). Ferro Carril Oeste était l’équipe la plus régulière du pays sur la première moitié de la décennie. À partir de la saison 1985-1986, le Championnat se calque sur le format européen avec une saison unique. Le club obtient trois fois une 6ᵉ place dans les cinq saisons suivantes de la décennie. Griguol quitte Ferro en 1993, un cycle interrompu par une parenthèse à River Plate lors de la saison 1987-1988.

L’équipe de basketball

Ferro a connu sa meilleure période dans les années 1980 et les succès de la section football sont à mettre en parallèle des très nombreux succès dans les autres sports. Le club de Caballito a toujours été reconnu pour l’excellence de ses infrastructures et l’investissement de l’institution dans les autres sports. C’était loin d’être un club avec une section football, et non une institution du football. L’équipe phare était l’équipe masculine de basketball. Elle a remporté trois titres sudaméricains (1981, 1982 et 1987), en plus de remporter de nombreux trophées nationaux. Le volleyball était l’autre section à succès. L’équipe masculine a remporté de nombreux titres nationaux dans cette décennie ainsi que quatre sacres continentaux d’affilée de 1986 à 1989. Elle était à la base de la sélection nationale qui a obtenu ses premières médailles7. L’équipe féminine a été également sacré plusieurs fois championnes d’Argentine. Et même au même moment, les équipes de handball féminines et masculine gagnaient plusieurs titres nationaux.

Aux succès collectifs, s’ajoutent plusieurs succès dans les sports individuels. Les licenciés du club obtinrent de nombreux titres nationaux et internationaux, des participations aux compétitions internationales sous les couleurs argentines. Naturellement, les athlètes de Ferro Carril Oeste ont été élus à plusieurs reprises joueurs dans leurs sports respectifs en Argentine, par l’intermédiaire de l’Olimpia de Plata, la plus haute distinction sportive argentine. En football, Alberto Márcico a remporté le prix en 1984. Les années 1980 furent véritablement l’âge d’or de Ferro Carril au sommet du sport national, pas que du football.

Les Champions de Ferro

Le déclin d’un modèle et le retour sur terre

Les années 1990 seront synonyme de déclin en football et dans les autres sports. La crise économique avait mis à mal l’institution. Un changement de direction s’opère, les financiers prennent plus de place et sont plus intéressés par les potentielles plus-values immobilières des terrains de sports que par le développement des clubs. D’autant que la mauvaise gestion et la corruption seront monnaie courante. Le football décline et Ferro finit par descendre en 2000 en seconde division. Puis, il enchaîne une seconde relégation pour finir en troisième. Le club était au bord du gouffre et de la disparition. Quelques saisons au troisième échelon avant de remonter et se stabiliser en Primera B Nacional. Depuis, le club n’a jamais pu regagner la Première division.

Ferro était redevenu un club parmi les autres, mais qui avait connu sa période de gloire . L’idole du club Cacho Saccardi, capitaine de l’équipe championne 1982, résuma le sentiment de ces clubs qui parviennent au sommet, après avoir décroché son premier titre : « Cette semaine j’ai passé plusieurs nuits sans pouvoir dormir, en pensant à tout ce que nous jouions sur cette partie. Sans doute qu’un hincha de Boca ou de River ne peut pas comprendre ce que ça signifie pour Ferro. Nous avons eu deux opportunités d’être champion, et celle-ci sera la finale, pour ça, avant d’entrer sur le terrain, j’ai pris un par un mes gars et je leur ai dit qu’on ne peut pas perdre. Par chance tout est allé comme nous l’espérions, nous sommes champions enfin. Cela fait 17 ans que je suis au club et cette joie est la plus grande de ma vie »8.


1Le radicalisme en Argentine est un courant politico-idéologique qui est né à la fin du 19ᵉ siècle contre des régimes autoritaires et corrompus, exigeant plus de démocratie et des élections libres, avec un discours antiélitiste à l’époque. Regroupant divers partis et organisations, il a été porté essentiellement par l’Union Civique Radical (UCR), parti politique créé en 1891. Au cours de la seconde partie du 20e siècle, le « bipartisme argentin » – hors les nombreuses années des dictatures – était simplifié entre Péronistes et Radicaux, deux courants politiques formés d’une multitude courants qui brassaient large et dont il était difficile de les définir précisément.

2Surnommée les « Cinq mousquetaires » ou la « Pandilla », l’attaque était composée de l’ailier droit Juan José Maril, de l’ailier gauche Raúl Emeal, des avants, Alfredo Borgnia et Bernardo Gandulla. Tous avaient été formés au club. Seul l’avant-centre Jaime Sarlanga n’avait pas été formé au club, recruté à Tigre. Les 5 joueurs partiront tous vers l’un des « cinq grands ». Gandulla et Emeal partirent en 1939, d’abord à Vasco da Gama au Brésil, avant d’être recruté par Boca Juniors la saison suivante, où ils rejoignent leur camarade Sarlanga transféré pour la saison 1940. Maril rejoignit Independiente en 1940 et Borgnia San Lorenzo en 1941.

3Le Clásico del Oeste est le derby entre Ferro Carril Oeste et Vélez Sarsfield. La rivalité a surtout émergé à la fin des années 1940, car les deux clubs n’étaient pas spécialement rivaux au départ, et même encore aujourd’hui ce ne sont pas « les pires ennemis ». Dans les années 1940, Vélez s’est déplacé encore plus à l’Ouest, de Floresta à Liniers. Le terrain a été acheté à la société Ferrocarril Oeste. Pour les historiens de Ferro, l’histoire entre les deux clubs montre un avant et un après, d’autant que l’affrontement prit une tournure politique entre les hinchas du FCO qui penchaient nettement pour les Radicaux, au contraire de ceux de Vélez pour les Péronistes. Les années 1980 ont été la seule décennie où le Verdolaga a remporté plus de victoires sur le Fortín (12 victoires à 6, et 6 matchs nuls). Cependant le dernier Clásico del Oeste remonte actuellement à 25 ans, lors de la saison 1999-2000.

4Il sera connu par la suite comme préparateur physique de la sélection argentine de Marcelo Bielsa

5« Ils disent que nous sommes une équipe ennuyeuse / que nous spéculons, qu’on joue défensivement / qu’ils aillent se faire foutre, tous les journalistes / A Caballito chaque fois je l’aime plus »

6Une victoire de Ferro aurait mis les deux équipes à égalité. Dans ce cas, un match d’appui entre les deux équipes aurait été nécessaire pour attribuer le titre.

7L’équipe de volleyball masculine d’Argentine a obtenu sa première médaille mondiale, finissant 3e des Championnats du Monde 1982 à domicile. Elle obtiendra le bronze aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988.

8El Gráfico

Une réflexion sur « Ferro : star des années 1980 »

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