Top 10 – San Lorenzo (1/2)

San Lorenzo est souvent vu comme le cinquième des « grands », du fait d’un palmarès et d’une popularité moindre à l’échelle nationale. D’autant que le club a dû attendre 2014 pour gagner sa première Libertadores, sacro-sainte compétition des clubs sud-américains. Il n’en reste pas moins que le club cuervo est un monument du football argentin depuis ses débuts. Les azulgranas ont forgé leur histoire à base de succès nationaux, d’avant-centres prestigieux, d’une tournée européenne mythique et d’une quête devenue la cause de tout le peuple sanlorencista. Car le peuple de San Lorenzo est obnubilé depuis des décennies par un retour dans son « barrio » populaire et carnavalesque, Avenida La Plata site historique de son Gasómetro. Et la prophétie est bientôt sur le point de se réaliser. Une juste récompense pour l’hinchada qui est sûrement la plus créative, festive et passionnée d’Argentine. ¡Bienvenidos à Boedo!

10. Alberto Acosta

Dans les années 1990, San Lorenzo retrouve peu à peu les sommets après une décennie de galères, qui a vu le club descendre pour la première fois de son histoire en seconde division à l’issue de la saison 1981. En plus, il était devenu « SDF » après la « perte » de son stade emblématique du Gasómetro1, un traumatisme qui va marquer durablement l’histoire contemporaine du club. Dans un football argentin en pleine mutation où les clubs se réorganisent sur du court terme, difficile de sortir un joueur des années 1990. « Beto » n’est certainement pas le plus talentueux, mais il est resté un buteur terriblement efficace au long de sa carrière, participant activement à remettre le club en haut de l’affiche tant sur le plan national que continental, et resté dans les mémoires des supporteurs.

Acosta débute sa carrière à l’Unión Santa Fe avant de rejoindre le CA San Lorenzo en 1988 pour remplacer le buteur Walter Perazzo. C’est déjà un premier exploit pour ce joueur à qui on ne prévoyait pas une grande carrière de footballeur. Le club se reconstruit et vient de finir à une surprenante seconde place, derrière l’intouchable Newell’s de José Yudica, au terme de la saison 1987-1988. Dès sa première saison, Beto convainc dans son rôle d’avant-centre en inscrivant 19 buts en 36 journées de championnat. Le ton pour la suite de sa carrière est donné : il enfilera les buts peu importe la manière. Seul le but compte pour le goleador qui ne s’embarrasse pas de considérations techniques ou d’une quelconque virtuosité dans le geste final. Toujours en 1988, emmené par le duo qu’il forme avec son pendant plus technique Néstor Gorosito, à eux deux 43 buts en 70 matchs sur la saison, San Lorenzo se hisse jusqu’en demie de la Libertadores (à cette époque la compétition se déroule en deuxième partie d’année), mais encore barré par Newell’s. Après deux saisons pleines où il s’est affirmé comme un buteur efficace, il part de San Lorenzo pour la France et le « Téfécé », bien que son choix initial était de rejoindre son club de cœur River Plate.

Son escapade toulousaine ne sera pas une pleine réussite, il revient au bercail après une saison et demie. Il reprend sa place dans le onze et participe à la campagne de Libertadores 1992 qui a été déplacé en première partie de saison (de février à juin). Beto reforme son duo avec son acolyte Gorosito. Une nouvelle fois c’est Newell’s qui sort « San Lo » en quarts cette fois-ci. Puis Acosta enchaîne avec l’Apertura 1992 qui le voit consacrer meilleur buteur du tournoi avec 12 réalisations. San Lorenzo finit troisième. Avec ses bonnes performances, Acosta est transféré à Boca Juniors, alors que lui et toute sa famille soutiennent River Plate, ce qui se passera non sans tumulte familial d’après l’intéressé. Avait-il le choix ? Boca était revenu une place forte, et les 2,6 millions de dollars du transfert ne pouvait se refuser pour San Lorenzo toujours officiellement « squatteur », et donc cet argent servit aussi pour se reloger au Nuevo Gasómetro.

Reconnu sur le sol sud-américain, avec quelques honneurs et accessits en termes de récompenses individuelles, il est sélectionné avec l’Albiceleste pour la première fois en 1992. Il participe à deux Copa América. En 1993 avec une victoire finale contre le Mexique et une place de titulaire dans l’équipe, et celle de 1995. Il revient à San Lorenzo en 1997, en provenance de l’Universidad Católica, où il est devenu une star du club chilien. Au Chili, son duo avec Gorosito avait été également reformé. Les deux sont inséparables et il est temps qu’ils remettent le couvert avec San Lorenzo. Entre-temps, San Lorenzo a remporté le titre avec le tournoi de clôture 1995, 21 ans après le dernier sacre. Acosta enchaîne de nouveau les buts, et repart en Europe à 33 ans pour le Sporting Lisbonne. Un nouvel exil qui le prive à nouveau d’être du titre en 2001. Il revient pour un troisième et dernier passage à San Lorenzo. Cette fois-ci il peut enfin remporter un titre avec le club, et mêmes deux Coupes continentales. D’abord la Copa Mercosur 2001 contre Flamengo, éphémère compétition pour le Cône Sud dont c’était la dernière édition, sans réel prestige mais assez dans le marasme argentin pour s’en vanter. Puis, la Copa Sudamericana 2002 contre l’Atlético Nacional, la nouvelle compétition lancée par la CONMEBOL qui remplace les autres. Un moindre mal pour San Lorenzo qui n’avait à cette époque toujours pas encore remporté de titre continental. Beto Acosta se retire en 2003, comme l’un des meilleurs buteurs de l’histoire du club avec 123 buts en 276 matchs officiels.


1. En 1978, en pleine dictature, San Lorenzo a des difficultés économiques et est endetté. Vendre son terrain constitue une opération foncière qui permettrait de renflouer les caisses, d’autant que le pouvoir municipal sous pression de la junte convoite le terrain et menace d’expropriation. Finalement, la dictature militaire oblige le club à lui céder le terrain pour une somme totalement dérisoire pour un tel lot. Au début, cet achat doit servir à la construction et l’aménagement d’un réseau autoroutier. Le club cède son terrain en 1983 pour 1,3 million de dollars… Et là est le cœur du scandale. Car finalement, plus de projet autoroutier de prévu, et moins d’un an après, le terrain est vendu à Carrefour pour 8 millions de dollars. Soit une énorme plus-value réalisée et une opération entachée de toutes les fraudes possibles. San Lorenzo a joué son dernier match en 1979 au Gasométro, qui était une enceinte mythique du football argentin (pour le club et la sélection) depuis 1916, et parfois surnommé le « Wembley » argentin. San Lorenzo déménage donc à Bajo Flores pour construire un nouveau stade qui sera inauguré… en 1993. Le rêve des socios de retourner à Boedo et de reconstruire le Gasométro est devenu une obsession et le ciment du club et de son identité. À la fin des années 1990, un mouvement unique va naître, celui de la “Vuelta a Boedo”. La volonté de ces quelques supporters au départ est simple : retourner à l’adresse historique du 1700 Avenida La Plata. Depuis le milieu des années 2000 le rêve prend forme de plus en plus, avec d’un côté la « Ley de Reparación Histórica » qui accélèrent les choses au niveau judiciaire et administratif ; et de l’autre des mobilisations populaires qui ne cessent de grandir, de quelques centaines à plus de 110 000 sanlorencistas réunit le 8 mars 2012, et médiatisent largement la lutte. Le 1er juillet 2019 le rêve aboutit avec la rétrocession officielle du terrain Avenida La Plata.

9. Ángel Zubieta

Le Basque débarque à San Lorenzo au gré des évènements historiques, conséquence de la guerre civile espagnole. En effet, le joueur de l’Athlétic Club – vainqueur de la Liga 1936 et déjà international à 17 ans – fait partie intégrante de la sélection basque de football mise sur pied pour promouvoir leur cause et récolter des fonds. Depuis 1936, elle a entamé une longue tournée et enchaîne les rencontres. D’abord en Europe, puis en Amérique Latine à partir de 1937, principalement au Mexique. La tournée arrive en 1938 en Argentine, mais c’est un fiasco sur place et aucune des rencontres prévues n’est jouées pour diverses raisons politiques (opposition de la FIFA qui ne reconnaît pas la sélection, car elle vient de reconnaître l’Espagne franquiste et menace le football argentin de sanctions ; de même que le pouvoir argentin ne voit pas cette sélection d’un bon œil). Finalement, la sélection basque repart au Mexique, qui sera leur véritable terre d’accueil où elle joue une saison dans le championnat. En 1939, Zubieta signe avec San Lorenzo qui l’avait déjà approché un an auparavant quand il était venu en Argentine. Le club signe plusieurs réfugiés, en plus de Zubieta, notamment son camarade de tournée Isidro Lángara qui empilera les buts (112 en 130 matchs) au début des années 1940.

Au sein du club cuervo, il s’impose durablement durant 13 années d’un exil argentin. Formé à l’école européenne, il n’impressionne pas d’abord par ses prouesses techniques mais par ses qualités athlétiques, sa prestance au milieu. En un mot : il en impose. Il s’adapte très vite au football rioplatense en gagnant individuellement en rapidité et en intelligence dans le jeu pour devenir un pion essentiel. Il apporte de son bagage européen ses passes longues, toujours précises, offrant une variante et un atout supplémentaire pour l’équipe de San Lorenzo. Zubieta déclara au début de sa carrière argentine au Gráfico, célèbre revue, que le football rioplatense ressemblait plus à celui des Tchèques, dont il avait pu s’y frotter, mais que le football criollo se démarquait par plus de maîtrise du ballon et de vitesse dans l’exécution des phases de jeu. Tactiquement, Zubieta occupe un rôle de milieu défensif, un roc solide qui couvre défensivement l’équipe qui était très portée sur l’offensive. San Lorenzo finit deux fois consécutivement vice-champions, 1941 et 1942, derrière River Plate emmené par sa terrible « Máquina ». Le Ciclón semble être la seule équipe qui puisse un tant soit peu rivaliser. Zubieta devient capitaine et emmène ses troupes jusqu’à la consécration de 1946, un titre national acquis de main de maître avec 20 victoires en 30 journées (six nuls et quatre défaites) et surtout 90 buts marqués ! San Lorenzo est champion en pratiquant à son tour un football qui enchante le pays et les observateurs. San Lorenzo élève le football au statut d’art, l’équipe championne restant une référence à tout jamais du football argentin et mondial. Dans les buts, Mierko Blazina, un gardien italo-slovène (originaire de Gorizia, sa famille a émigré en Argentine dans les années 1930) spectaculaire, aux « nerfs d’acier » et décisif ; en défense, de gauche à droite : Bartolomé Colombo, Oscar Basso et José Vanzini. Une ligne de trois, intraitable, dure et vaillante. Au milieu le capitaine Zubieta, accompagné de Salvador Grecco. Sur les ailes, deux flèches qui multiplient les débordements : Antonio Imbelloni (en alternance avec Francisco De la Mata) à droite, Oscar Silva à gauche. Devant le légendaire « terceto de oro » (56 des 90 buts du championnat 1946 pour le trio) : Armando Farro, plus discret et dévoué aux deux génies, le créateur Rinaldo Martino et l’avant-centre René Pontoni. L’équipe est entraînée par la doublette Pedro Omar et Diego Garcia, qui furent des joueurs importants du club.

Le titre acquit, San Lorenzo étrenne sa fabuleuse équipe de l’autre côté de l’Atlantique, en organisant une tournée en Espagne et au Portugal (décembre 1946-février 1947). Pour Zubieta, c’est le retour à la maison. À l’aéroport de Madrid, il est accueilli par sa mère et sa sœur qui ne l’avait pas revu depuis son départ. San Lorenzo joue dans son pays basque natal où on se rappelle du talent du jeune prodige et qu’il était appelé à dominer les pelouses espagnoles. Finalement, c’est avec le maillot azulgrana et commandant ses troupes argentines qu’il revient pour tout dévaster sur son passage. La performance proposée par San Lorenzo fut telle, qu’outre les nombreux éloges reçus, elle contribuera à changer le jeu et les mentalités espagnols. Les superlatifs ne manquaient pas devant un succès éclatant, une avalanche de buts et de prouesses techniques. Une démonstration de la supériorité qu’avait acquis le football rioplatense, malgré des conditions difficiles durant cet hiver (pluie, froid) et l’enchaînement infernal des matchs. L’exhibition avait atteint son summum avec une victoire 6-1 sur la sélection espagnole à Madrid et sous les applaudissements des locaux. Au total en 10 rencontres (huit en Espagne, deux au Portugal) – cinq victoires, quatre nuls et une défaite. Il retournera définitivement en Espagne au Deportivo La Corogne en 1952 laissant la cité portègne, et 352 matchs sous les couleurs de San Lorenzo, pour un joueur considéré parmi les meilleurs européens à avoir joué en Argentine.

8. Héctor Scotta

Héctor Scotta est entré dans les livres d’histoire du football argentin pour son record de buts sur une saison : 60 sur l’année 1975, surpassant largement la légende paraguayenne Arsenio Erico et sa marque de 47 buts avec Independiente en 1937. Un record qui tient toujours. Né dans une famille de footballeurs, « El Gringo » Scotta débute à l’Unión Santa Fe, club qui a formé pas mal de joueurs importants mais qui n’a jamais eu les moyens de les garder. Il évolue d’abord en tant que milieu de terrain. Une saison avec les Rojiblancos suffit pour rejoindre San Lorenzo. Il est repositionné attaquant droit à San Lorenzo. Sa première saison est d’abord compliquée puisqu’il s’adapte mal à son nouveau poste et ne fait pas l’unanimité. Mais il s’accroche inscrivant tout de même 20 buts, dont neuf dans le tournoi Nacional qui voit San Lorenzo finir vice-champion après avoir éliminé Independiente en demi-finale et échouer en finale face à Rosario Central (2-1). Scotta est même titulaire en finale et inscrit l’unique but de son équipe.

C’est avec l’arrivée de Juan Carlos Lorenzo qu’il prend son envol et s’affirme devant. En effet, l’ancien sélectionneur argentin lors des Coupes du Monde 1962 et 1966 est revenu à San Lorenzo (après un premier passage en 1961) et après avoir entraîné en Italie (Lazio et AS Roma). « Toto » qui considérait le franco-argentin Helenio Herrera, qu’il avait connu en tant que joueur à l’Atlético Madrid, comme son modèle, met en place un style de jeu pragmatique et efficace. Toto Lorenzo définit également des nouveaux rôles et modes de jeu pour l’équipe dans un 4-4-2 flexible et plus européen. Mais c’est d’abord Rodolfo Fischer et l’idole de retour José Sanfilippo qui occupent les postes d’attaquants. Avec le départ de Fischer et Sanfilippo qui fait son âge, Scotta devient titulaire au cours du tournoi et fait la paire avec Rubén Ayala devant. San Lorenzo remporte le Metropolitano 1972 (six buts en 24 matchs pour Scotta). Cependant, une fracture du tibia le freine et il est absent de la seconde partie de saison en 1972, qui voit San Lorenzo réalisé le doublé avec le titre Nacional, mais Scotta ne joue aucune rencontre.

Avec le départ du Ratón Ayala, il s’impose définitivement comme le buteur de San Lorenzo. Scotta est un travailleur, un joueur qu ne compte pas ses efforts. Sa persévérance, sa constance pour faire sa place au sein de l’équipe et sur le terrain sont appréciés. Mais il n’était pas le joueur le plus raffiné. Il était connu pour la puissance de ses frappes, de véritables « coups de canon » de loin, de près, il chassait le but tout en puissance. Scotta évolue dans une période qui voit l’émergence et la multiplication de buteurs argentins typiques et purs goleadores. Il continue sur sa lancée et remporte le Nacional 1974 avec 17 buts en 19 matchs. C’est désormais Osvaldo Zubeldia l’entraîneur au profil similaire à Lorenzo, qui met en place un football qui s’adapte avant tout à l’adversaire, une équipe solide et réaliste. Son nouveau partenaire d’attaque est Oscar Ortiz, parfait complément technique au buteur, avec qui il s’entendra à merveille sur et en dehors du terrain. Puis vient son année 1975. Dans le Metropolitano, il commence par inscrire 32 buts en 37 matchs. Le record est pas loin et à portée de fusil. Dans le tournoi Nacional, c’est sur la pelouse de Boca Juniors qu’il égale et surpasse Erico avec une mémorable victoire 5-3 des visiteurs et un doublé pour le buteur au numéro 7. Il finira le tournoi avec 28 buts (en 21 matchs). Il atteint finalement la barre des 60 buts en 48 matchs. Un record incroyable et à ce jour inégalé. Encore une fois, son camarade Ortiz met parfaitement son talent à son service (trois quarts des buts de Scotta où Ortiz est impliqué d’après leurs souvenirs).

Sa saison magistrale lui vaut les honneurs de la sélection. Avec la sélection, il est l’auteur de cinq buts en sept sélections, mais ne s’impose pas même s’il est souvent buteur et ne déçoit pas. Menotti lui préfère tout simplement René Houseman, peu importe le nombre de buts qu’il peut marquer. Scotta le sait et en profite pour négocier avec le FC Séville lors d’une tournée européenne de la sélection en 1976 au moment du coup d’État de Videla. Il signe en Espagne et s’éloigne définitivement de la sélection et du Mondial 1978. Scotta revient à San Lorenzo en 1981, mais c’est la saison de la descente en seconde division et quitte le club après avoir totalisé 140 buts.

7. Leandro Romagnoli

Il aura donc fallu attendre 54 ans pour que San Lorenzo s’adjuge enfin sa première Copa Libertadores. C’est le dernier des « cinq grands » à remporter le trophée. De plus, San Lorenzo n’avait jamais atteint la finale auparavant (trois demi-finales en 1960, 1973 et 1988). Celui qui soulève enfin la Copa, c’est Leandro Romagnoli, l’enfant du club arrivé à ses six ans, un numéro 10 à l’ancienne, un gamin du barrio de Pompeya (adjacent à Boedo) où se trouve le Nuevo Gasometro.

Pourtant son père est hincha des voisins et ennemis intimes d’Huracán et Leandro fait un passage éclair avec les petits du Globo. Mais Romagnoli est formé à San Lorenzo et sera un cuervo à vie. Il est très vite catalogué comme un crack. Ce petit gabarit et meneur de jeu débute à 17 ans en Primera en 1998. Le joyau du club s’impose dans l’équipe dès la saison suivante. Au sein d’une équipe compétitive, il ne tarde pas à gagner ses premiers trophées. L’enganche est le leader technique de l’équipe qui remporte haut la main le titre avec la Clausura 2001 (15 victoires en 19 journées avec une série de 11 victoires consécutives lors des 11 dernières journées) avec Manuel Pellegrini comme entraîneur. Il forme un duo dévastateur sur les pelouses argentines avec le buteur Bernardo Romeo, et « Pipi » (son surnom) enchaîne les assists (une quinzaine sur la saison 2000-2001). Sur le plan continental, il mène San Lorenzo à la victoire en Copa Mercosur 2001 et à la Copa Sudamericana 2002, étant à chaque fois le meilleur passeur de ces éditions. Le jeune et talentueux Romagnoli est également un joueur clé du succès de l’équipe des moins de 20 ans argentins qui remporte la Coupe du monde de la catégorie d’âge en 2001 en écrasant la compétition à domicile. Fin dribbleur, capable de partir dans un enchaînement de dribbles et d’éliminer plusieurs adversaires de suite, ce meneur de jeu ultra technique, un brin malicieux, aurait pu aller briller en Europe… mais il est fragilisé par plusieurs blessures dont une plus grave au genou. Finalement, Romagnoli ne rejoint pas rapidement l’Europe comme bon nombre de ses jeunes camarades. C’est seulement après cinq saisons et demi et déjà deux blessures importantes, qu’il part pour le Mexique et les « Tiburojones Rojos » de Veracruz. Une saison catastrophique en Liga MX, mais il réussit à trouver une porte de sortie pour l’Europe. C’est au Sporting CP Lisbonne qu’il se relance et se distingue par quelques belles performances. À l’été 2009, il revient dans son club de cœur.

San Lorenzo n’est pas au mieux sportivement avec des résultats médiocres. Moins de trois ans après son retour, le club flirte avec la relégation (qui se fait à la moyenne des trois dernières saisons). Romagnoli se mue en guide et sauveur pour le club avec toute son expérience et talent au service de la lutte pour le maintien. San Lorenzo se sauve in extremis à l’issue de la saison 2011-2012. Pour un petit point d’avance, San Lorenzo arrache une place de barragiste et se défait dans ce match couperet de l’Instituto de Córdoba pour se maintenir. Ni une, ni deux, tel un conte de fées, San Lorenzo retrouve rapidement les sommets. Tout va très vite dans le football, encore plus en Argentine. Alors que le club était parti pour jouer le maintien, ce que les premiers matchs confirment, l’objectif est d’accumuler le plus de points pour remonter sa moyenne, en se basant sur un jeu restrictif et attentiste. Sauf que l’arrivée de Juan Antonio Pizzi aux manettes au cours de la saison 2012-2013 offre une autre dimension à l’équipe et marque un tournant. Pizzi, un entraîneur plus ambitieux transforme l’équipe et lui assure un saut qualitatif. L’équipe progresse, remonte au classement et développe un jeu plus plaisant. Avec Ángel Correa et Ignacio Piatti notamment, Romagnoli emmène San Lorenzo vers un nouveau titre de champion en remportant l’Inicial 2013 (saison 2013-2014), ce qui constitue le quinzième titre du club et le dernier en date. Un titre inespéré donc, qui qualifie le club en Libertadores.

La victoire finale a été acquise avec beaucoup de sueur et de souffrance. Un groupe de joueurs dont la plupart étaient destinés à des seconds rôles, aux divisions inférieures, à lutter pour s’en sortir. Mais ainsi va le football argentin depuis des décennies, les meilleurs joueurs partent, désertent et ne reste plus que l’institution, le club et l’histoire au-dessus des stars. Après un parcours honorable faits d’intenses luttes sur le terrain plutôt que de prestations brillantes, et ponctué de la perte de joueurs clés au fil des tours (dont celui de Piatti entre les deux finales !), San Lo défie les surprenants Paraguayens de Nacional que personne n’attendait à ce stade là. Après un nul à Asunción (1-1), c’est un penalty d’Ortigoza, milieu paraguayen avec un léger embonpoint et au parcours jalonné d’obstacles, tout à l’image de l’équipe, qui suffit amplement à l’équipe d’Edgardo Bauza pour remporter la Coupe et plonger le peuple de Boedo dans la liesse. Il n’en faut pas plus ! Qu’importe le jeu proposé, les talents disparus, seule la victoire et l’émotion qu’elle procure est importante. Les héros malgré eux se nomment Ortigoza, Mercier, Cauteruccio, Buffarini, Matos, Mas, etc. Pour Romagnoli, moins flamboyant que par le passé, c’est la consécration ultime. Il reste quelques saisons de plus tout en déclinant sur le terrain mais en conservant son statut d’idole éternelle, terminant sa carrière avec San Lorenzo pour lequel il a joué 396 matchs (ce qui le place au troisième rang au niveau du club) et étant le joueur le plus titré du club, avec six trophées.

6. Rodolfo Fischer

L’artilleur en chef de San Lorenzo qui prit la succession de Sanfilippo. Il fait ses débuts en première division en 1965. Très vite, il se met en évidence avec un doublé contre Huracán dans un clásico gagné 4-2 au Gasométro. Surnommé « El Lobo », il gagne peu à peu sa place. Alors qu’il a failli être vendu en 1968 à River Plate, Fischer est l’avant-centre titulaire la saison suivante, auteur de 13 buts en 24 matchs. San Lorenzo termine le Metropolitano invaincu. L’équipe dirigée par le technicien brésilien Tim obtient le surnom de « Los Matadores » et séduit par son style de jeu offensif. Fischer inscrit le but du titre dans les prolongations en finale contre Estudiantes LP (victoire 2-1) d’Osvaldo Zubeldia, une confrontation entre deux styles du football argentin. Fischer est le buteur de cette équipe, bien entourée par les passes décisives de Carlos Veglio ou les débordements et centres de Pedro González.

Le loup devient un des hommes forts du club. C’est un buteur athlétique, puissant et terriblement efficace. Il sait s’imposer dans les duels de par sa force, son jeu de corps, sa protection de balle et face aux défenseurs adverses, notamment les plus rudes de ces années-là qui ne faisait pas dans la dentelle face aux attaquants. Un véritable « animal » dans la surface de réparation, un chasseur de buts redoutable, froid et létal. Il n’oublie pas de participer activement au jeu, en se projetant rapidement en contre-attaque et s’envoler sur le côté gauche de son équipe, mais aussi distribuant quelques passes décisives. Il n’était pas le plus réputé pour sa technique, même parfois maladroit dans ses mouvements balle au pied, mais il pouvait se distinguer tout de même pour quelques actions spectaculaires, car il fût aussi admiré pour ses nombreuses bicyclettes. Fischer avait un caractère bien trempé, n’hésitant pas à montrer son mécontentement envers ses coéquipiers si on n’avait pas satisfait son appétit de but, car il se donnait à fond sur le terrain que ce soit un amical ou un match important, avec la même envie et intensité de la première à la dernière minute.

L’année suivante, il est le co-meilleur buteur du championnat avec 14 buts lors du Nacional 1969. San Lorenzo termine sur le podium plusieurs fois jusqu’à un nouveau titre acquis avec le Metropolitano 1972. La saison sera parfaite avec le doublé Nacional 1972 (San Lorenzo est la seule équipe à avoir réalisé le doublé dans ce format). Une saison qui voit le retour de l’idole Sanfilippo avec lequel Fischer joue quelques matchs. Mais Fischer ne participera pas à la fête toute la saison car Fischer part sous d’autres cieux en cours de saison après avoir marqué 11 buts en 12 matchs.

C’est dans le championnat brésilien sous les couleurs de Botafogo qu’il poursuit sa carrière. Un retour aux racines paternelles puisque son père était un gaucho brésilien d’origine allemande, et Rodolfo est né dans la province de Misiones frontalière avec le Brésil. Botafogo aligne le chèque pour lui offrir un salaire conséquent, le paie comme une star (ce qu’il était sur le sol argentin). Ce départ lui coupe de la sélection argentine avec laquelle il a inscrit 12 buts en 35 rencontres depuis 1967. Durant quatre saisons à Rio, il continue à empiler les buts avec le Fogão, au point de devenir le meilleur buteur étranger du club carioca (68 en 180 matchs). Il jouait au côté de la star Jairzinho, avec lequel il s’entend bien sur le terrain. Il passe une année de plus au Brésil au Vitoria de Bahía, 31 buts en 41 match, avant de repasser à San Lorenzo pour une pige en 1977-78.

« El Lobo » reste dans les mémoires pour être ce buteur féroce et affamé, un véritable numéro neuf habité par le chemin des filets. Un pur buteur, souvent décisif dans les rencontres importantes face aux grandes équipes de son temps, comme Independiente ou River Plate, et également contre le rival Huracán qui fut souvent sa proie favorite. Fischer est décédé en 2020, à sa mort, il occupait toujours le troisième rang des meilleurs buteurs de l’ère professionnelle des Azulgranas derrière Sanfilippo et Martino, avec 141 réalisations en 272 matchs.

36 réflexions sur « Top 10 – San Lorenzo (1/2) »

  1. Pour une fois, je peux dire que j’ai vu un des mecs du top. Beto Acosta a été bon à San Lorenzo, a Catolica, au Sporting…. Il a ete fantomatique à Toulouse. Dans une equipe mauvaise comme pas possible. D’ailleurs, sans les relégations administratives de Bordeaux et Brest, c’était la d2 direct. Mais on se sauva finalement en barrages face à Lens, qui lui aussi profiterait des soucis des autres.
    Acosta, mon plus gros regret au Tef..

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      1. Exact. Ça fait parti des bons défenseurs toulousains de ces 15 dernières années. Mentalité irréprochable.

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  2. Ángel Zubieta a failli gagner le championnat mexicain avec son équipe d’Euskadi. Chez le rival de River, on retrouvait Leonardo Cilaurren qui fut son compagnon à l’Athletic et l’équipe basque.

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  3. J’ai l’impression de ne « connaître » (hum.. 🙂 ) que Romagnoli, c’est effrayant, lol. Quand c’est comme ça, à part dire merci et poser des questions, ben.. 🙂

    Je vais tout relire évidemment! Mais deux questions : c’est bien le club du Pape François, c’est ça?? Auquel cas : on sait pourquoi? D’où ça lui vient? Et si ce club en a joué?

    Sinon et à lecture du passage évoquant certain gazomètre, ce détail qui me parle un peu : voilà que me revient spontanément l’histoire, rapportée par Galleano, d’un joueur argentin reproduisant au geste près, sur une pelouse devenue parking ou grande surface commerciale, un but qui l’avait rendu illustre…………. ==> Ca parle à quelqu’un, ça? Raccord à San Lorenzo? (je ne crois pas, mais..?)

    Je dois toujours avoir ce livre et ce passage dans mon bordel, je regarderai demain.

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      1. DIp, j’ai du faire des choix.
        Désolé pour Kipiani ! ^^

        Honnêtement il y a 6 ou 7 gars meilleurs que Acosta, mais j’ai du faire un choix pour équilibrer un peu les époques…

        Par exemple, Albrecht n’y sera pas et c’est un des meilleurs défenseurs que l’Argentine ait connu.

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      2. De la période de « Los Matadores » entre 68 et 74 grosso modo, plusieurs figures majeurs du club restent sur le flanc. Qui valent plus que Acosta à mon sens.

        Albrecht à mon grand regret donc, le « Tucumano » était encensé par ses capacites offensives pour un DC et son rôle dans le jeu et sa position avancé sur le terrain, plus proche d’un 5/6 que pur defenseur central.
        Privilégié Scotta à Ayala, essentiellement pour son record.

        Avant qu on me demande, Bambino Veira est souvent mis en avant, bof.

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      3. Y à forcément Pontoni sur le podium. Avec Sanfilippo et un 3ème qui pourrait être Lángara.

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      4. Bambino Veira a pour lui d’avoir été de l’équipe des carasucias avec Doval au début des 60es et coach champion en 1995 avec Silas et Ruggeri. Entretemps, il a tâté de la prison pour une affaire de mœurs bien glauque.

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      5. @Verano
        Oui le » bambino » aimait aussi les bambinos… histoire glauque.

        Les carasucias de San Lorenzo émerge au milieu des 60’s juste avant Los matadores, j’en reparlerai demain également. Mais si sur le terrain ils ont laissé une bonne image, une équipe jeune, insouciante au jeu offensif , reste que la plupart n’ont pas confirmé ou se sont effacés progressivement à la fin des années 60 au profit d’autres comme Fischer, etc., qui étaient tout aussi agréables à voir jouer et en plus ça gagne des titres.

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      1. *dans la seconde partie, plutôt …
        (je parle du texte auquel tu fais allusion)

        Evidemment San Lorezo a bien mis en avant la figure du Pape, le club y a été à fond là dedans.

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      2. Ils ont été à fond dans le pape? Ben dis donc, c’est profond comme dévotion.

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    1. Oui c’est bien le club du pape François qui allait voir jeune San Lorenzo au stade et qui est socio.

      D’ailleurs l’histoire de San Lorenzo est lié aux cathos, puisque le club a été en grande partie fondé par un curé, le père Lorenzo.

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    1. Oui ! beaucoup de chants de San Lorenzo sont repris et réadaptés par les autres. comme je le dit en intro, les hinchas de San Lorenzo sont surement les plus inventifs et « locos » (dans le bon sens !)

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  4. Pour voyager en Espagne avec San Lo, Zubieta profite des lois d’amnistie votées par Franco deux ou trois ans plus tôt. Cette amnistie pour ceux qui étaient considérés comme des déserteurs (a minima) permet à Iraragorri de quitter le Mexique (après un passage à San Lo, lui aussi) pour revenir à l’Athletic où il croise Zubieta lors d’un match de la tournée 1946-47.
    Idem pour Isidro Lángara, revenu au Real Oviedo et qui retrouve la Roja lors d’un match conclu sur le score de 7-5 en faveur de San Lorenzo.

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    1. Champion avec l’Athletic de William Garbutt (coach historique du grand Genoa des années 1910 et 1920) à 17 ans, Zubieta est international au printemps 1936 contre la Tchécoslovaquie et la Suisse. Il est le plus jeune joueur de l’histoire appelé en sélection avant que Gavi ne lui succède 85 ans plus tard (record battu par Lamine Yamal récemment).
      Et pour finir, puisqu’il est question du trip 1946-47 en Espagne, « El Vasco » participe également aux tournées glorieuses à Rio fin 1939 (San Lorenzo est invaincu contre Botafogo, Flamengo, Vasco et leurs cracks Carvalho Leite, Zizinho, Leônidas) puis au Mexique en 1942, l’occasion de croiser quelques membres de la sélection basque installés à Mexico.

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  5. Tim, le coach des Matadores, sera également celui du Perou en 82. Un petit regret pour cette sélection qui promettait beaucoup mais a foncièrement déçu. Cueto, La Rosa, Barbadillo, Uribe… C’était une belle affiche.

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    1. Je vais m’attaquer à Tim un de ces jours, j’ai déjà une base et ce que je sais du personnage me plaît, que ce soit le joueur de Flu ou le coach. Il qualifie le Pérou 82 au détriment de la Colombie de Bilardo et de l’Uruguay vainqueur du Mundialito. Y a qu’un truc qui me gêne : quand il explique dans la presse les raisons de l’échec en Espagne en s’exonérant de toute responsabilité.

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