Quand vint le temps de prendre la lourde succession de l’immense Piru Gaínza sur son aile gauche, deux noms semblaient tenir la corde parmi les partisans en Espagne. Celui de Paco Gento et celui d’Enrique Collar. Deux styles diamétralement opposés. Gento avait pour lui une vitesse exceptionnelle quand Collar misait sur le changement de rythme et un art consommé du dribble. Real contre Atletico, une fidélité sans faille à leurs couleurs, un duel qui alimenta les palabres des terrasses de café de Madrid pendant des années. Question de goût… Un point important les différencie néanmoins. Noyé dans un effectif pléthorique, Gento n’a jamais été qu’un valeureux lieutenant alors que l’on peut clairement parler d’une ère Enrique Collar chez les Colchoneros…

Un Sentimiento
Collar et l’Atletico étaient faits pour s’entendre. Ayant quitté son Andalousie natale à 11 ans pour rejoindre les promesses de la Capitale, Enrique le teigneux rejoint l’Atletico trois ans plus tard, au moment où jaillit la première génération dominante des Colchoneros. Celle du maître tacticien Helenio Herrera et de Marcel Domingo, celle de delantera de cristal de José Juncosa, José Luis Pérez-Payá, Larby Ben Barek, Adrián Escudero et Henry Carlsson. A cette époque, le Real Madrid n’est que la cinquième roue du carrosse du foot espagnol, Collar s’imagine régner sur le Metropolitano, un rêve qui prend forme en 1952 lorsqu’il signe son premier contrat professionnel en échange de 15 000 pesetas. Jugé encore un peu vert, Enrique est envoyé en prêt à Cadix où il retrouve ses trois frères, Antonio, Juan et Pepe et obtient une promotion au second échelon, avant de parfaire sa formation du côté de Murcie qu’il aide à accéder à l’élite. Ayant furtivement goûté au strass de la Liga, Enrique est désormais prêt à affronter la rudesse des défenseurs espagnols.
Le coup de foudre est immédiat avec le passionné peuple colchonero. Dribbles fulgurants, centres millimétrés, inventif et élégant, le jeune Enrique devient le dueño de la bande gauche, combinant constamment avec ses coéquipiers, ne se cachant jamais lors des phases défensives. Car Collar ne triche pas et c’est certainement ce dévouement total à la cause, plus que son brio naturel, qui en fait le premier fils préféré d’une institution si attachée aux valeurs de solidarité et de dépassements. Enrique, à peine sorti de l’enfance, devient le symbole de la résistance face à l’ogre merengue et en assume le poids, le derby madrilène atteint des niveaux d’intensité inégalés. L’Atletico, cornaqué par Fernando Daucik et José Villalonga par la suite, ne craint personne. Sa défense, magnifiée par Rivilla, Calleja et Jorge Griffa, est un mur, Collar et son double maléfique Joaquín Peiró sont des bouffeurs de craie habiles et malins quand l’attaque est peuplée par les carcasses encombrantes des Vavá ou Jorge Mendonça. En 1959, le Real de Di Stefano se sort par miracle d’un duel fratricide en Europe, avant de mordre la poussière en finale de Copa les deux années suivantes. Le départ du génialissime Luis Suárez pour l’Italie ayant définitivement scellé le sort du Barça, l’Atletico demeurera le rival exclusif des Merengues pendant plus de 15 ans.
La troupe de Collar, rythmée par le duo infernal du Niño et du Galgo de Cuatro Caminos Peiró, excelle dans les éliminations directes. Roi de la Copa, l’Atletico s’octroie la Coupe des Vainqueurs de Coupe 1962, aux dépens de la Viola de Kurt Hamrin, avant de prendre une raclée mémorable lors de la finale suivante face au Tottenham de Danny Blanchflower et Jimmy Greaves. Peiró ayant rejoint la Serie A, les Colchoneros se défont enfin de la malédiction de la Liga, en remportant le titre en 1966, bien aidé par l’éclosion des Ufarte, Luis Aragonés et Adelardo qui porteront haut l’héritage de Collar. Ce sera l’unique sacre national d’Enrique… Adulé à Madrid, sa relation avec la Roja sera frustrante. Convoqué dès 1955, Enrique assiste en spectateur à la calamiteuse phase de qualification pour le Mondial 1958 et en victime aphone au retrait de l’Euro 1960 décidé en haut lieu par Franco. Concurrencé à son poste par Paco Gento, il grappille quelques capes avant le Mondial chilien mais n’apparaît sur le terrain qu’au devant du Brésil de Garrincha. Pourtant titulaire lors des premiers tours de l’Euro 1964, son ancien mentor José Villalonga ne le convoque pas pour la phase finale à domicile qui voit ses coéquipiers Rivilla, Calleja et son remplaçant attitré, le maño Carlos Lapetra, remporter le premier titre international du pays.

Dans un foot espagnol qui perd peu à peu de son prestige et qui s’englue dans la violence crasse, notre capitaine exemplaire survit comme il le peut et quitte sa maison de toujours en 1969, pour quelques apparitions à Valence. Mauvaise pioche, l’Atletico d’Eulogio Gárate remporte le titre et va patiemment s’approcher des cimes continentales jusqu’à la cruelle frappe de Hans-Georg Schwarzenbeck. Retraité, Enrique Collar ne s’éloigne néanmoins jamais de son amour de jeunesse, si fier d’avoir porté le brassard d’un club que sa famille chérissait depuis sa plus tendre enfance. L’oublier dans un onze historique des Colchoneros serait une faute de goût. Voire un affront car il est plus qu’un légende surranée ou un palmarès. Collar est un Sentimiento…

Khiadiatoulin, l’homme qui écrit plus vite que son ombre.
T’es gentil mais ça manque de préparation. Collar aurait mérité un texte plus fourni.
Un je ne sais quoi suggère qu’il soit décédé..?
Je sais que le 4-3-3 en Espagne précède l’arrivée des techniciens NL, toute la billevesée habituelle Michels-Cruyff-gnagnagna…………….mais ça remonte à quand, concrètement? Et l’Atletico de Collar le pratiqua-t-il? (j’en doute, mais??)
Et outre de le dater : comment explique-t-on son développement au sein du football espagnol?
Oui, Collar vient de décéder. Pour tout ce qui est stratégie, étant une quiche à ce jeu, je laisse le champ libre à Verano.
Me demande à qui peut être comparé Collar en termes de popularité à l’Atletico. Aragones est profondément aimé mais autant pour sa carrière de joueur que de coach. Et il était un joueur efficace mais franchement pas très esthétique. Futre peut candidater mais il est très loin d’avoir le palmarès de Collar. Le Niño Torres, pour le début de carrière, la remontée de d2 mais son pic est ailleurs et quand il revient, il est archi cramé. Griezmann est important mais il n’est pas un enfant du club et il s’est barré et foiré au Barça. J’ai tendance à voir les stars d’antan plus belles qu’elles ne le sont parfois, je le reconnais, mais cette fois-ci, je ne pense pas être loin du compte.
J’oublie Simeone. Mais même raison qu’Aragones. Joueur et coach. Oui, ils sont plus importants mais pas sur la pelouse uniquement.
Koke Resurreccion c’est pas mal aussi…
Merci pour cet article