Nicola, Davide contre Goliath

Piémont et Merveilles !

« Vigone », Piémont, altitude : 260 mètres en moyenne, 284 tout au plus… Autant dire un panorama plat, comme le calme proposé, imposé même, par ce petit village de campagne caché en province de Turin. Une plaine un petit peu perdue dans l’arrière-pays et parfaite pour accueillir, bien que cela puisse paraître prétentieux, la dernière étape du célèbre « Giro » ! Justement, un vélo apparaît au loin, timidement, tout au bout d’un horizon présentant tout de même, quelques silhouettes alpines en arrière-plan… La bicyclette s’avance alors, péniblement, dégageant ainsi le goût de l’effort et transpirant aussi, l’esprit persistant de la détermination. Un suspense qui s’accroche, jusqu’à nous laisser découvrir enfin, à l’approche des derniers mètres, le visage du coureur: tête dans le guidon et pédales empêtrées dans la « Polenta »… Davide Nicola ! Résident du coin, cycliste à ses heures et surtout : coach méconnu, excepté par les clubs de secondes zones composant souvent, le numéro d’urgence de ce pompier de service ! Pompe à eau, prise de pouls immédiate… extincteur accessible à tous et autres sauvetages en tout genre… Davide sait tout faire ! Interventions 24/24 et 7/7 ! Sa spécialité ? Réparateur d’ascenseur pour les équipes bloquées au sous-sol de l’infernale tour penchée du Calcio ! Polyvalent, multifonction… Raccourci direct et efficace de la définition d’un couteau suisse ! Pour finir pourquoi pas « San Nicola » ? Facile ! Saint-Sauveur ? Mieux : Saint-Bernard ! Chien d’aveugle ou d’avalanche, comparaison cohérente et image presque calquée pour cet « allenatore » de l’ombre, compagnon à la fois fidèle et courageux, à la foi infaillible en l’Homme et, par-dessus tout, bravant sans cesse les catastrophes et autres aléas rocambolesques, hélas coutumiers de notre beau « Campionato » : plaque sismique aussi sensible que capricieuse ! Davide Nicola enfin, regard concentré, yeux bleus profonds et cheveux blonds : tout simplement le « David Hasselhoff » du football transalpin ! Maillot de bain moulant, en bon italien… Bouée et bronzage en bonne et due forme pour veiller avec bienveillance sur les plages de « Serie A » les plus agitées, celles-ci habituées le plus souvent aux vents forts et sortant constamment, désespérément pourrions-nous insister : le drapeau rouge ! Nous sommes à l’été 2017 et en arrivant chez lui, le coach piémontais vient de tenir sa promesse : rallier à vélo Crotone et Vigone. Un marathon entamé pour fêter sa toute dernière réussite dans une autre de ses spécialités : le sprint final ! En effet, Crotone, petite ville calabraise nichée sur les rochers, club de football minuscule et donc, énième anonyme qu’il « Mister » Nicola (comme on dit en Italie) vient miraculeusement de maintenir en « Serie A », il y a seulement quelques semaines encore… Crotone-Vigone alors ? Rien que ça ! Un périple de 1300 km exactement, effectué à tour de roues et qui traversera notamment toutes les villes où le petit Nicola est passé au cour de sa carrière, aussi bien comme joueur qu’en tant qu’entraîneur… Un périple oui, et peut-être même bien plus que ça ! Ici une plongée en immersion, pourrait-on dire, dans ce qui ressemble étrangement à un incroyable parcours du combattant… Là la remontée spectaculaire d’un téléphérique presque bricolé sur place… Pour conclure une expédition compliquée à destination de sommets inatteignables ! Vous l’aurez compris, Davide Nicola, c’est bien plus que l’objectif de grappiller quelques points en cours de route… C’est bien plus riche d’ancrage et de convictions qu’un grimpeur acharné ! Le coach représenterait plutôt, ne craignons pas les comparaisons osées : une sorte de croisement de race réussi, pour la folle obtention d’un mulet au maillot à pois, résistant à souhait et chargé d’émotions ! Nicola pour conclure : l’escalade sans crochets des falaises de l’impossible ! À la force de mollets musclés, seul moteur des petites écuries de paysans, des « Scuderia » presque de pacotilles… Jouets cassés et autres bolides en plastique complètement cabossés, parqués sans aucune pitié sous le cagnard d’un parking de périphérie ! Bienvenue dans le Calcio des écuyers ! Des carrières poussiéreuses, bien loin des arènes prestigieuses accueillant les compétitions phares, courses de chars et autres jeux du cirque où concourent les plus grands constructeurs automobiles… Loin de ces avions de chasse et de leurs pointes de vitesse aux limites sans cesse repoussées, Davide Nicola, c’est d’abord et avant tout le premier pas d’une simple marche, cette dernière effectuée sans aucune autre attente que celle d’aller de l’avant et, éventuellement, de s’élever ! Spirituellement peut-être ? Sportivement c’est sûr ! Une procession… Une ascension… Aux allures de chemin de croix, que dis-je « chemin de croix »… de pèlerinage ! Particulier certes mais tout aussi important : celui de la noblesse du football pure, de l’acceptation complètement pieuse de sa condition… de la représentation du bas peuple et du respect des rêves inespérés des petites gens ! Petits contre les grands, combats déséquilibrés et esprit de Spartiates : Nicola, Davide contre Goliath !

Joli « Giro », « vélo village » et visite guidée !

Nicola alors affronte… fonce et roule à travers les méandres de l’Italie profonde, serpentant la partie pittoresque et insoupçonnée de cette splendide péninsule, pour nous mener, tout droit pourtant… à la découverte de son côté parallèle ! Un pont à emprunter, un passage secret… pourquoi pas un portail temporel ! Pour changer de dimension bien sûr, d’espace temps aussi ou encore d’époque… et accéder ainsi à la face cachée de ce sesterce historique ! Livorno, Bari et donc Crotone, entre autres… Ici clairement l’arrière du décor d’une scène d’ordinaire plus classique… Udinese ensuite, un Torino boiteux ou également le Genoa d’aujourd’hui, devenu presque gênant quant à lui… là encore les coulisses d’une Italie bien moins maquillée que d’ordinaire, méconnaissable en comparaison de celle que l’on connaît, cette Italie qu’on ne présenterait presque plus : mannequin magnifique ou actrice à succès, couronnée et célèbre dans le monde entier… Nicola revisite clairement ce cliché de carte postale, tombé petit à petit dans l’uniformité d’une photocopie, avec hélas, toute l’atroce tristesse indissociable de sa définition ! Le coach, clairvoyant sans aucun doute, nous exfiltre de cette image retouchée et nous guide alors, tel un ermite affranchi du peloton, hors des sentiers battus, à la rencontre de cette Italie boueuse, sans dents évidemment, pieds nus bien sûr… et absolument authentique ! Portrait argentique nous renvoyant à l’âge d’or de l’« Italie des miracles »… Une Italie romantique, star en couverture de l’album renfermant la nostalgie de ses plus belles années ! Un pays au ton touchant et plein de tendresse, comme tout droit sorti d’un photomaton de quartier partagé par deux tourtereaux inséparables ! Pour finir l’inimitable teinte sépia, comme développée par le temps, envahissant une photo de famille formidablement impérissable ! Autant de contrastes et de nuances, si expressives qu’elles sonneraient presque comme un vieux disque qui tourne en boucle, un refrain encastré en tête… un accent local, un bon dialecte ! Pont disais-je plus haut ? Passage ? Portail ? Peu importe ! L’important est d’avoir la bonne clé et pour ça pas de panique: Davide Nicola possède le trousseau complet ! Forgeron ou serrurier, aurions-nous pu ainsi ajouter à son CV… long celui-ci, comme ses cheveux lisses bien sûr, ou encore comme le papyrus improbable listant ses compétences infinies ! Ou peut-être est-ce l’inverse : un papyrus infini citant ses compétences improbables ? Passe-partout, mot de passe et formules magiques… « Italie, ouvre-toi » ! Précieux sésame et diverses incantations secrètes, nécessaires à l’accès de cette Italie troglodyte, presque sous-terraine ! Caverne d’Ali Baba, labyrinthe de Pan ou pied légendaire d’un arc-en-ciel… à rejoindre pour atteindre ce trésor préservé, quelques part pourrions-nous dire ce pays imaginaire ! Une terre aux frontières curieuses, fil de cuir et autres coutures bien ficelées, contournant ce qui sera enfin une Italie de savoir-faire et de traditions ! Artisanale ! Artiste aussi… Tannerie intemporelle et véritable « Botte de sept lieues » ! Sandales ailées, « Château dans le ciel » ou plus simplement Paradis ? Et pourquoi pas le vélo d’E.T. ? Un envol inutile… Parce que cette Italie utopique est juste là, bien réelle, presque terre-à-terre tant son superbe aspect céleste n’est en fait pour elle, finalement… rien de plus que la normalité ! Un Pays de Cocagne, une Italie de campagne pour conclure, populaire et peuplée de la plus simple des manières : par nos nombreux cousins de vacances bien sûr, aussi quelques coqs à crête fière, cabris chevronnés et autres têtes de cailloux en tout genre… Davide Nicola fait les présentations avec cette proximité semblant pourtant si éloignée. Ces clubs discrets, sensibles, solides… ciment, racines ou encore socle du Calcio. Aussi bien base que satellite dans la constellation de « Stars » que constitue la « Serie A » ! Ces clubs presque amicaux, pratiquement le « sympathique club du coin » ! Modeste étiquetage mais appellation absolument importante, noble, humble et directement héritée de la pureté de son ancêtre : l’amateurisme ! Bari, Livorno, Crotone et bien d’autres clubs encore… Coopératives, fermes ou origines protégées d’un football local persévérant… préservant sans cesse, à travers le temps et les saisons, la nature première de ce sport : la simplicité ! Davide Nicola alors agriculteur de métier, énième corde à son arc vous l’aurez constaté… Manches retroussées et chapeau de paille ! Retournant les entrailles des terres délaissées pour y planter, dans leurs sillons creusés, le germe de la résistance ! La graine de l’espérance ! Un champ d’espoir labouré laborieusement en l’honneur de tous les insectes du système ! Araignée tissant patiemment sa toile, abeille ouvrière ou fourmi travailleuse… et forcément ici : Nicola dans le costume parfait d’un infatigable petit scarabée, portant sa croix, son poids évidemment décuplé, et remontant tout son monde jusqu’aux plus hautes dunes de ce qui restera, quoi qu’il en soit, rien de plus qu’un désert de rêves ! Bienvenue au pays des mille et une pattes ! Autant qu’il en faut pour toutes ces petites créatures, étranges certes mais étonnement courageuses, tentant tant bien que mal de tenir tête, du haut de leurs quelques ridicules centimètres… aux multiples monstres dominant indéniablement ce Cosmos et demeurant, indéboulonnables presque, sur l’Olympe du football ! Davide Nicola, cet Héraclès de corvée contre Cerbère, face à une hydre peut-être ou enfin affrontant Chimère… Lilliputien installé à la table des Titans, roseau résistant à Typhon ou pourquoi pas, pour terminer, avocat de la défense dans l’antre de Tartare ! Polyvalent ? Multifonctions disions nous tout à l’heure ? Nicola sait tout faire c’est bien cela ? C’est exact en effet… jusqu’à la métamorphose ! Pour devenir cet insecte impeccable, incrusté et rampant dans l’étroit couloir d’un inconscient collectif craignant sa présence comme la peste ! Une terreur irrationnelle à en faire pâlir sociologues et psychiatres ! Cafard opiniâtre, moustique qui grésille dans l’oreille ou moucheron s’invitant dans vos pâtes… Nicola, Davide contre Goliath !

Départ parfait et pente raide

Une carrière de coach commencée en troisième division italienne, sur le banc de la Lumezzane plus précisément… là même où son parcours de joueur de champ vient de se clôturer ! Une première saison chez les professionnels et déjà, les play-off pour l’accès à la « Serie B » effleurés par celui qui n’était encore qu’un « Nicola à roulettes » ! Petit exploit et performance évidemment inespérée pour l’inconnue formation lombarde… Prémices prometteuses ? Signe annonciateur ? Message subliminal ou enfin dessin très distinct de la « ligne de travail » inscrite sur sa main… Quoiqu’il en soit, un premier exercice qui se présente comme un bon présage, proposant ici une interprétation assez simple de la trajectoire que connaîtra la route de Davide Nicola : inattendue, improbable… et aux surprises sans cesse croissantes ! Le tracé avant-coureur d’une ascension discrète, sans aucun raccourci hélas, pour hisser sa réputation jusqu’aux hauteurs inaccessibles de « Serie A ». Tyrolien, téléphérique avions-nous plus haut ? Ici ce sera Davide Nicola : ce véritable monocycle ! Un entraîneur trouvant constamment son équilibre sur le fil toujours plus tendu de l’instabilité du football ! Ainsi, après ce baptême du cirque réussi, place au vrai lancement du numéro de vertige réalisé par notre acrobate rocambolesque ! Alors si Nicola donc, a frôlé la « Serie B » à la tête de la Lumezzane, il découvrira tout de même la démence de la division cadette l’année suivante… En effet, dans la foulée de ses débuts encourageants, Livorno lui ouvre les portes de la « Serie B ». Livorno… sans aucun doute la cité la plus désoccidentalisée d’Italie, hier repère historique de la résistance italienne, étendard de l’antifascisme se soulevant face au « Dulce » Benito Mussolini… aujourd’hui caricature de « bastion communiste », étiquette collant à la nuque de la ville et, par conséquent, à celle aussi de son club… Un club à la « Curva », comprenez la « tribune », le « virage »… indiscutablement « anti-Berlusconi » ! Livorno, ici un pion bien placé qui repousserait le « Cavaliere », là une « prise en passant » audacieuse et insoupçonnée ! Contestée ? Cataloguée ? Livorno pour conclure : une case clairement contrastée sur le riche échiquier de la côte toscane ! « Le Laiton plutôt que l’Or » ! Telle pourrait être la devise officielle adoptée par ce club, pionner du travail à la pioche et Eldorado préservé, comme un secret, dans le « Grand Ouest » italien ! L’US Livorno, sorte d’étoile filante, de comète éphémère… Peut-être une exoplanète ? Un astre devenu hélas rarissime et difficile à observer, isolé dans cet immense système solaire de « Serie A », de plus en plus artificiel celui-ci et s’étendant, tristement, éperdument… dans un univers italien aux allures de « Little USA » ! Livorno, cet amateur en costume d’astronaute, comme tout droit sorti d’une boutique « farce et attrape »… un petit peu dans sa bulle, un petit peu dans son monde… la tête dans les nuages et les pieds posés sur les pelouses des terrains de football les plus cartésiens, tous situés bien sûr, à des années-lumière du « Scudetto » ! Livorno enfin, un satellite letton, constamment caché par diverses « Grandes Urss » en pleine conquête de l’espace ! « Kasparov toscan » ou plutôt ici, Mikhaïl Tal du football italien des années 2000 : romantique, imprévisible et génial ! Lorsque Davide Nicola déboule en ville, Livorno est alors un fervent partisan du passé, un passé récent ici, qui voyait les « Amaranti » (« Grenats »)… tenir tête au capitalisme du Calcio, jouer aisément les troubles fêtes aux nombreux bals musettes de « Dame Serie A »… et même, pour la première fois de son histoire, disputer une Coupe d’Europe (la Coupe de l’UEFA 2006/07)… Le Livorno de cette époque, c’était cette équipe déjouant tous les pronostics ! Une drôle d’idée, une idéologie nouvelle débarquée dans le championnat d’Italie, véritable sénat et Douma vénérée du pays ! Une idée donc, presque une invention, comme calquée, par exemple… sur les miracles de sa « jumelle de couleur » : la jolie Reggina de cette même époque ! Une philosophie exprimée sans complexe et née des excellents castings de son président, le splendide Aldo Spinelli ! Spinelli, peut-être pas une « Star » de « Serie A » mais très certainement : l’un des dernier Tsar du Calcio ! Un bon souverain, un prince proche du peuple, maîtrisant superbement bien l’art de la surprise et ayant construit, sans prétention, une petite « Datcha » aux fonctions désormais de palais, de temple dédié au culte du football pure ! Une paroisse faisant office d’auberge, réel refuge pour toutes personnes attachées aux foot sans artifices et aux valeurs premières partagées par ce sport : la simplicité et le naturel… Rien d’étonnant alors, à voir Davide Nicola enrôlé dans les rangs de cette armée de fourmis rouges ! Malheureusement, après avoir fait briller son étoile dans les nuits italiennes, ou plutôt dans le ciel clair des dimanches après-midi… c’est un Livorno maintenant éteint, que Nicola va découvrir. Un club tombant sans cesse de Charybde en Scylla, jusqu’à décrocher de justesse son maintien en « Serie B », l’année précédant l’arrivée du coach piémontais… Nicola arrive alors et pour sa première saison, ramène le club dans l’élite italienne ! Une conclusion directe, crue et sans transition, pour venir clore ce paragraphe, refermer ici cette étape toscane à l’aspect de parenthèse et, évidemment, en parallèle… souligner ensemble le lancement définitif de cette fascinante « fusée du pauvre », nous embarquant sans condition pour une mission spatiale presque accessible à tous ! « Nicola : Objectif Lune », « Apollo Nicola » ou encore, pourquoi pas… « Nicola Skywalker » ! Populaire comme « Stargate » ! Pirate comme « One Piece » ou « Albator » ! Alors ici facilement : Nicola, ce Marco Pantani magnifiquement remasterisé ! Fusée avions-nous juste au-dessus ? Pirate à l’instant ? Fusion parfaite pour finir sur le pont de notre frêle esquif du jour, faisant fièrement front aux plus puissantes des frégates ! Nicola, Davide contre Goliath !

Ascension contre-courant et contre la montre réussi

Atterrissage délicat dans l’élite italienne, tête un peu trop dans les étoiles et retour sur Terre très difficile pour les « Livornese », contraint hélas à un schéma classique, commun à toutes manipulations délicates devant être effectuées en cas d’urgence, comme pour éviter la chute libre et le « crash » : siège éjectable, parachute et changement de pilote… vous l’aurez compris : le licenciement du coach ! Un peu moins d’un an après son éviction du banc toscan, Nicola débarque à Bari, alors en « Serie B ». Contrairement à Antonio Conte quelques années auparavant (la saison 2008/09 exactement), il ne réussira malheureusement pas à ramener le club « pugliese » en première division. Un passage dans les Pouilles qui ne restera pas dans les annales malgré, à souligner tout de même : le deuxième meilleur total de points (35), obtenu par le club depuis 30 ans lors d’une phase « aller »… Six mois s’écoulent ensuite avant la signature de Nicola à Crotone, un défi aux commandes de l’écurie calabraise qui, concrètement, renforcera et terminera de ponctuer sa réputation. La confirmation après un baptême, la révélation véloce de notre jeune prodige du vélo ! Crotone en « Serie A » (pour la première fois de l’histoire du club évidemment), certainement ici la pente la plus raide d’Italie à remonter pour notre « pédalo des marécages », plus déterminé que jamais avec, comme si le supplice n’était déjà pas assez difficile… tous les espoirs du Sud à devoir remorquer ! « Nibali du Nord » ? Nicola alors « Squalo » ? Requin sur roues oui, rien que ça ! L’aileron tournant en spirale pour hypnotiser et aspirer, tel un tourbillon, les incontournables tourments de tout supporter méridional qui se respecte ! Espoirs du Sud à remorquer ? Parfaitement ! En effet, en cet été 2016, excepté Palerme (encore que, équipe déjà en fin de cycle à cette époque et club commençant alors inconsciemment sa descente, sur la pente glissante de la déchéance)… Excepté l’aigle blessé palermitain donc, et sans compter Naples, seul pont à emprunter et dernier point cardinal pour ne pas perdre le Nord… le Sud de l’Italie quitte indiscutablement les itinéraires classiques du « Map Calcio »! La Reggina vient de déposer le bilan, Lecce et Catania aussi, ou presque (les trois « società » seront suivies par Bari deux ans plus tard)… un trio disparaissant ainsi, ensemble, dans un désert du « Mezzogiorno », où épouser le statut de mirage représente le seul espoir de survie ! Tragédies dans l’ancienne « Grande Grèce » ? Grondements et coups de tonnerre d’un Jupiter mal luné ? Enfin un véritable caillou dans le fond de la botte ! Un mauvais œil, une malédiction qui ne cesse de s’accentuer et qui n’est certainement pas prête de s’arrêter… Effectivement, ça continu : Cosenza, Catanzaro ou encore l’Avellino peinent également à exister sous ce cagnard desséché… Inutile d’insister ici, avec les tristes sorts réservés à Foggia et Messine, sœurs disparues elles-aussi sans laisser de traces… Pour terminer, toujours en cet été 2016, la terrible chute au pied du podium d’un Trapani pourtant troisième de « Serie B » au terme de la saison régulière. Les lilliputiens siciliens passés hélas à la trappe dans le sprint final, les derniers mètres les séparant du sommet… l’ultime étape nécessaire à l’accès en « Serie A » : la finale de play-off face à Pescara ! Serse Cosmi et ses hommes manquant ainsi, la réalisation d’une ascension historique… Crotone donc, dernier panneau d’indication, le « S » de la boussole cette fois-ci ! Une piste, une trace de sang, pour tout chasseur ou prédateur instinctif souhaitant se rassasier ! Crotone, presque une empreinte préhistorique pour trouver l’entrée bien cachée de ce parc d’attractions, sorte de « Jurassic-Sud », relégué au rang de musée exposant les vieilles espèces footballistiques qui peuplaient jadis la région ! Crotone pour conclure : véritable dernier vestige d’une certaine civilisation… Le club vient d’être promu dans l’élite italienne sous la direction du très bon Ivan Jurić, parti dans la foulée rejoindre son club de cœur : le Genoa… C’est alors à Nicola que revient la magnifique charge de guider le club pour son initiation à la « Serie A ». Neuf points seulement sur la phase « aller », bonnet d’âne, cancre de la classe condamné au coin et bien sûr, place de bon dernier ! Cependant, et certes contre toute attente, le club maintien Nicola à son poste… Un signe de confiance et un esprit constructif, assez rare dans le football pour être soulignés ici et qui seront d’ailleurs, quasi immédiatement récompensés… Six mois plus tard en effet, Crotone est maintenu en « Serie A » et, avec 25 points pris sur la phase « retour » (dont 20 entre avril et mai) Davide Nicola vient de réaliser, à l’image d’une autre irréductible calabraise (la Reggina de Walter Mazzari 10 ans plus tôt)… l’une des plus incroyables « remontada » de l’histoire du Calcio ! Pompier de service disions nous plus haut ? Réparateur d’ascenseur ? Nous y sommes ! Et les diverses princesses de « Serie A », prisonnières en détresse de leur donjon en feu… se sont de toute évidence passées le mot, ainsi bien sûr, que le numéro d’urgence de notre prince d’astreinte ! Alors après une deuxième saison dans les montagnes de Calabre, n’ayant cette fois-ci en revanche, pas accouchée de miracle… Nicola continu sa ronde et dépanne, tour à tour, de plus vieux mécanismes, bien connus du Calcio et rayés, enrayés eux-aussi dans les rouages rouillés de la réticence tactique la plus conservatrice, aux antipodes de l’esprit de « Renaissance » italien, jadis bien plus propice aux méthodes innovantes et sans cesse réinventées… Ici plusieurs semaines à l’Udinese (novembre 2018-mars 2019), sortant tout de même l’équipe de la « Zona Salvezza » dans laquelle il l’avait trouvé… Là quelques mois chez le club doyen du championnat : le Genoa… Cartes redistribuées et rebelote pour notre magicien cachant encore un cinquième « As » dans sa manche ! Effectivement, lorsque Nicola débarque en « Liguria », fin décembre 2019… le « Grifone » a les griffes prises dans la moquette collante et poussiéreuse recouvrant le sous-sol de « Serie A » : dernier du championnat avec 11 petits points au compteur. Inconcevable pour cet emblème du football italien… 21 matchs et 28 points plus tard, tout est réparé ! La vieille pendule génoise est graissée, huilée… et le club sonnera de nouveau son gong ancestral au prochain départ du « Campionato » (sans Nicola, qui ne sera curieusement pas maintenu dans ses fonctions)… Pour terminer, une dernière étape à Turin, au Torino très exactement. Club phare et historique ici encore, touchant fatalement… Aujourd’hui toujours effigie principale du football italien, de la nostalgie de son premier âge d’or… enfin d’une certaine ambiance d’antan : douce, sucrée… et comme saupoudrée de tendresse. Une époque où l’excellence et l’élégance, enlaçaient ensemble la silhouette de la simplicité ! Le « Grand Torino » : l’Ange gardien du football pour toute une génération ! Des « Granati » (« grenats » également) en pleine zone rouge à l’arrivée de Nicola, comme toujours… et un maintien miraculeux accroché, ici encore « comme d’habitude », pourrions-nous pratiquement préciser… 24 points pris en 20 matchs : conditions similaires en effet, contrat rempli et prestation parfaite… presque un « service minimum » inclus dans chaque intervention ! Malheureusement une conclusion également identique : sourire de façade, cérémonie tristement protocolaire et pâles remerciements pour celui qui, ici encore et une fois de plus, ne sera pas conservé… Directions ingrates ? Système aux lois scélérates ? Destinée déjà tissée, menottes aux poignets et fil à la patte… Nicola, Davide contre Goliath.

Sprint final, arrivée à Salerne et sacre phénoménal !

Destin d’ange déchu ou Desperado désespéré ? Battant de l’aile dans un désert où Dieu aurait disparu… Davide Nicola, cowboy solitaire dans ce « Far West du football » sans foi ni loi ! Message vain dans une bouteille vide ? Vaurien ? Vraisemblablement… Enfin un vautour, condamné aux cadavres presque encore vivants ou aux carcasses dépecées qui gisent et cuisent sous le cagnard ! Véritable vagabond, roulant sans cesse sa bosse pour s’en aller encore, à travers cactus et poussières, cramer sa carne je ne sais où et gagner sa croûte, en cassant des petits cailloux avec sa simple pioche ! Le tout bien sûr, en traînant un lourd boulet aux chevilles, tel un fardeau : le poids de sa réputation riche d’exploits, de succès inespérés et surtout… d’efficacité ! Nicola alors aussi oasis, pour les caravanes inexpérimentées se laissant facilement troubler par les mirages du Calcio et s’enfonçant, toujours plus, dans les sables mouvant de « Serie A » ! Oasis ? Mirages ? Un vocabulaire commun à nombre de club de campagne, principalement du Sud comme cité au dessus… et nous menant sans détour à la notion d’espoir. L’espérance oui, absolument ! Celle-ci sans cesse embrassée par les paysannes insouciantes des provinces isolées, souhaitant avec insolence devenir princesse, peut-être même Déesse… dans toute l’indécence de leurs prières ! Paysannes… Sœurs, cousines… voisines aussi ou que sais-je encore… ici aucune distinction de races ni d’espèces pour ces équipes définissant à elles seules : l’exode rural des richesses, la disparition indéniable de la compétitivité et le déséquilibre, définitivement désolant, de ce sport… Ces équipes donc, là muses minutieusement muselées et ici, splendides statues de sel comme pétrifiées par un nouveau modèle de football, un moule maudit reprenant atrocement bien, presque à la perfection… les traits et les attraits de Medusa ! Muses, statues… Fées ou Nymphes soyons fous… et enfin ces équipes se révélant être, à l’ultime étape de leur fantastique métamorphose… de merveilleuses versions de Venus ! Toutes aussi diverses que magnifiques… et évidemment vénérées, aveuglément bien sûr, par des supporters véritables et invétérés, dans toute l’intensité de leur passion, de leurs pulsions… et de leur Amour ! Des Venus venues rêver ensemble, suivre leur voie… vivre, se réunir et ne faire finalement qu’une ! Une fusion des corps, un cocktail explosif… Pourquoi pas ici une possession imposée ? Presque de la sorcellerie ! Pour conclure une incarnation, une expression, à travers une cité aussi ancestrale qu’identitaire, parfaite pour porter à bien la vengeance de nos servantes indésirées… Cette cité vous la connaissez aussi, au moins autant que moi si ce n’est plus… et son nom le voici : Salerne ! Irréductible, impératrice du peuple et insoumise assujettie à nul autre que soi ! « Est-ce une révolte ? Non Sire… C’est une révolution » ! J’ajouterais ici : encore une résurrection ! Et c’est bien le moins que l’on puisse dire… Effectivement, lorsque Nicola débarque sur la côte amalfitaine, la petite barque campanienne est déjà à deux doigts de couler, résistant tant bien que mal aux terribles tourbillons, tsunamis incontrôlables… et autres tempêtes toutes droit sorties de l’impitoyable trident de Neptune qu’est le « Campionato » ! Raz-de-marée en pleine face, vague invulnérable… horizon voilé et bien sûr abysses obscurs… la « Serie A » : une expédition imprévisible ! Pourtant, au milieu de ce chaos, coach Nicola touchera encore la voie lactée du bout de son banc ! Miracles cycliques ? Résurrection ? Comme citée plus haut… Enfin renaissance ! En effet, la Salernitana, submergée, ensevelie, à seulement quelques kilomètres des plus célèbres cendres du monde… va, tel un Phénix, comme renaître de celles-ci ! Une équipe transformée, poussée par la fierté et la foi infaillible que l’on trouve facilement en province. La fierté, la foi… Ici fidèles ficelles et liens indissociables de toutes nos filles infortunées… Là faïence fiable façonnant formidablement chaque ville du soleil ! Un club ressuscité, appuyé pour finir par l’effort forcené de la foule, celle-ci soufflant tout son soutien dans les voiles vaillantes de la volonté, afin de hisser hors de l’eau : la belle proue de ce paquebot pourpre ! Une proue, un drapeau, un blason sur un maillot… particulier bien sûr, explicite aussi, à l’effigie d’un hippocampe fabuleux ! Nicola prend les commandes de ce vaisseau fascinant et, en bon capitaine, pratiquement en prince charmant encore une fois… arrive à la rescousse et sauve, de cette Odyssée alarmante, notre sirène amarante en détresse ! Nicola tient la barre, ayant troqué, vous l’aurez constaté, ses pédales contre des pagaies ! Insecte rampant disions nous tout à l’heure, grimpeur aussi à ses heures ou encore mage maîtrisant l’art de la métamorphose… C’est un « entraîneur rameur » que nous retrouvons presque naturellement ici, « allenatore alligator » ou saumon sauvage remontant la rivière, Davide Nicola rame de toutes ses forces, jusqu’à ce que la Salernitana refasse superbement surface ! Il rame, comme toujours, sans triche ni artifice, pour faire le travail consciencieusement… s’acharne à la tâche et s’efforce de bien faire, faisant ainsi ressurgir des profondeurs, presque des Enfers pourrions-nous ici insister… notre embarcation de fortune ! Navire fantôme ? Radeau romantique de Perséphone ou épave d’un football d’antan ? Après tout peu importe… Parce que, en quelques sortes… c’est surtout une cité toute entière que Davide Nicola, certainement maintenant très épuisé, aura repêché avec sa petite épuisette ! Une cité, un stade, et toute l’épopée qui va avec… engloutis ensemble par un Dieu possessif : ici les fesses assises sur le toit d’un Parthénon penchant comme la tour de Pise… là tranquillement installé à la tête d’un Panthéon paradoxalement aux antipodes du polythéisme ! Triste tableau d’une « Serie A », et de tout un football… dressé, dépeint rapidement et faisant ici parfaitement office de « Saturne contemporain » ! Salerne, la Salernitana plus précisément, véritable Atlantide enfouie tout au fond de l’océan et offrant, comme un trésor : les fantasmes les plus fous de ses « tifosi » ! Des supporters insaisissables, tous aussi sensationnels que sincères… Épris, éperdus… presque érotomanes ! Toujours présents, naviguant par dizaines de milliers jusque dans les mers méconnues, capricieuses… opaques ou encore inexplorées… des divisions inférieures les plus insignifiantes ! « Tifosi » incontournables, intemporels presque ! Intraitables peut-être ? Oserai-je ajouter ici « Titanesques » ? Et alors par conséquent : absolument insubmersibles ! C’est ce coffre magnifique que Nicola, cet Houdini incroyable, va décadenasser miraculeusement et faire remonter, du fond de cette « piscine Serie A » aux effluves de chlore insupportables ! Davide Nicola alors désormais « David Copperfield » ! Prestidigitateur star du cirque de Salerne qui aura une fois de plus impressionné les spectateurs par sa démonstration, définitivement authentique et sans trucage. Sensations fortes, numéros saisissants… surprises et suspens garantis pour un spectacle indiscutablement réussi ! Et quel spectacle ! Un nouvel exploit sportif et même carrément, crions-le clairement : un treizième travail d’Hercule pour notre héros local ! 18 points en 15 matchs pour une équipe qui n’en comptait que 13 en 23 journées avant l’arrivée, courant Carnaval très exactement, de coach Nicola, alors pourquoi pas Arlequin pour l’occasion ! Énième costume pour notre Napoléon démasqué, ce caméléon aux compétences professionnelles hélas, souvent camouflées par un « conservateurisme » de masse bien ancré. Davide Nicola vous l’aurez compris, selon moi l’un des meilleurs coachs du Calcio ! Rien que ça ! Sans cesse en immersion dans le monde passionnant de l’impossible ! Recordman d’apnée comme Enzo Maiorca ? Plongeur ? Pêcheur d’éponges imprégnées d’émotions… Sous-marin, scaphandrier ou que sais-je encore… Certainement un chasseur de coraux ! Pour conclure, indiscutablement un crabe, aux pinces d’or sans aucun doute, asymétriques et surprenantes de puissance, à l’image de sa carrière ou de son style atypique ! Combattant courageux, chaloupant curieusement sa carcasse de crevette sur les plages du Calcio ! Tortue trimballant doucement mais sûrement sa carapace, face aux lièvres fous du football italien et leurs morales inversées, car ici en effet : rien ne sert de partir à point, il faut courir vite ! Trait d’union parfait et transition toute trouvée pour terminer notre tour d’Italie. Nicola redevient ce cycliste ayant commencer cette course incomparable, aux allures de compétition, riche de challenge et s’appropriant presque les propriétés d’un pèlerinage… une aventure aveugle pour nous rappeler à tous les principes premiers de ce sport : l’imprévisibilité tout d’abord, l’impossible ensuite, celui-ci absolument dépossédé de sa définition ! Ici un Nicola philosophe, prophète peut-être, prêchant les sentiments, dans un désert dépourvu d’émotions ou au beau milieu d’une jungle de palmarès… Là un Nicola médecin, prêtant serment dans l’asile du football en pensant, insensé certes et avec l’optimisme comme obsession, pratiquement ici sa principale pathologie… pouvoir panser et soigner les blessures les plus superficielles de ce sport ! Prêche ? Serment ? Presque un sermon, prononcé chaque « dimanche 15h » durant la messe la plus suivie d’Italie ! Sermon ? Remontrance aussi, un sacré savon, un bon coup de balais, passé par cet homme à tout faire aux importuns qui piétinent, de leurs souliers sales… le plancher de « Serie A », le sous-sol du football que Nicola s’efforce de dépoussiérer avec soin et tente de nettoyer chaque matin ! Socrate, Hippocrate… Enfin cet incroyable et accessible concierge du rez-de-chaussée disponible 24h sur 24 ! Nicola, Davide contre Goliath.

32 réflexions sur « Nicola, Davide contre Goliath »

  1. « tel un ermite affranchi du peloton, hors des sentiers battus, à la rencontre de cette Italie boueuse, sans dents évidemment, pieds nus bien sûr… et absolument authentique !  »
    Merci pour cette belle découverte et cette bouffée d’air pur dans la tronche!

    Livourne, pour moi, ça reste le duo Lucarelli- Igor Protti.

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    1. Merci Khia !
      PS: le binôme Lucarelli-Protti à Livorno bien sûr, une vraie marque de fabrique et une sacrée efficacité ! On pourrait presque eux-aussi, les surnommer pourquoi pas « gemelli del gol » (avec des grosses pincettes tout de même)…

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    1. Merci Cebolinha, quelle référence ! Me concernant je ne connaissais pas avant de lire ton commentaire et d’aller logiquement jeter un coup d’œil par curiosité… Magnifique effectivement !

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    2. Ah ah Brancaleone, pour moi, c’est Zeman !

      Le Foggia dei Miracoli ou plus tard l’US Lecce et le Delfino Pescara entrainés par Zdeněk Zeman me font penser à ce film (de Mario Monicelli pour ceux qui ne connaissent pas), une vaste farce moyenâgeuse ayant eu son heure de gloire en Italie à la fin des années 60.

      Zeman est en effet Vittorio Gassman dans la fiction, un noble déchu suivi par une poignée de misérables convaincus par son éloquence bien plus que la profondeur de son propos. Ensemble, ils entreprennent de conquérir les Pouilles en vertu d’un parchemin, revisitant et désacralisant les mythes de la chevalerie avec outrance. Qui peut contester aujourd’hui que Zeman a envoûté le Mezzogiorno lors de ses croisades à la tête de ses bandes de va-nu-pieds, des joueurs de troisième zone avant qu’ils ne rencontrent leur guide ?

      Il faut la folle assurance de Zeman pour s’attaquer aux baronnies de la péninsule avec ses loqueteux, footballeurs a priori sans envergure, auxquels il promet un destin hors normes. Aux tactiques rigoureuses il préfère les offensives désordonnées de son armée de bras cassés, des vagabonds picaresques prêts à se frotter aux défenseurs de l’ordre établi. Leurs assauts furieux surprennent parfois les adversaires, décontenancés par ce qui ressemble à une hérésie, estourbis par des avalanches de buts. D’autres fois, cela occasionne de terribles massacres comme le 2-8 du Foggia-Milan de fin de saison 1992. Rien n’arrête Brancaleone-Zeman, même les pires déconvenues, hermétique aux humiliations, n’hésitant pas à sacrifier ses pouilleux, persuadé de mener le combat du juste.

      Condamné au bûcher par les Seigneurs, Brancaleone est sauvé par on ne sait quel miracle. Il en est de même pour Zeman, critiqué, vilipendé par les grands du calcio qui cherchent à le bannir définitivement. Mais sa bonne étoile lui permet de s’en sortir, trouvant toujours sur sa route quelque président illuminé, charmé par ses allures chevaleresques, jusqu’à l’année dernière encore, à Foggia bien sûr.

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      1. Magnifique Verano! Solaire, Apollonien, Icarien! Incandescent, candide, splendide et j’en passe… Je pourrais tout à fait ne jamais m’arrêter.

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  2. Il est des textes qui sont faits pour être lus. Il en est d’autres qui sont faits pour être déclamés à la radio ou, mieux, à la tribune d’une grand-place, sous les platanes, par un de ces caciques à la voix de stentor comme seuls les pays latins savent en produire. Ce texte magistral est de ceux-là. « Satellite letton, constamment caché par diverses Grandes Urss en pleine conquête de l’espace »… comment oser espérer soutenir la comparaison ? Je garde en tout cas « cafard opiniâtre » prêt à servir : voilà une insulte qui fera taire n’importe qui.

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      1. PS: « J’ai connu des cafards moins opiniâtres » petite réplique piquée dans « Kaamelott »…

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    1. Ç’a l’air d’un sacré poème, en effet.
      Pas encore pris le temps de le lire.
      Mais que certains textes sont faits pour être déclamés m’a rappelé une image lue chez Semprun. (Image lue, j’aime bien cette formule que je viens de créer car c’est bien de cela dont il s’agit : la lecture permet au cerveau de produire une image mentale.)

      Alors, trêve de palabres, la voici cette image. Je crois que c’est dans « L’écriture ou la vie ». Nous sommes au printemps, pas loin de chez Goethe et Eckermann, les Américains viennent de libérer le camp de Buchenwald. Progressivement, le camp se vide et des objets auparavant interdits entrent dans le camp. Parmi ceux-là, le dernier volume de René Char. Semprun met évidemment la main dessus et va le lire sur la place d’appel. Et là, il s’assied et commence à déclamer, à hurler les vers du poète. L’image est saisissante : d’imaginer un type assis par terre, au printemps, sur la place d’appel de Buchenwald (désormais dérisoire, après avoir été si effrayante) en train de déclamer à haute voix des vers de René Char.

      (Déclamer à haute voix : redondance, truisme, lapalissade, pléonasme ?)

      Je vais à la douche.

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      1. « Pas encore pris le temps de le lire ».
        Prévois quand même un bon moment Bobby😉

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      2. Merci Bobby.
        De Semprun, je me souviens surtout du « Mort qu’il faut » qui se déroule également à Buchenwald.

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      3. L’oeuvre de Semprun s’enroule autour de Buchenwald, point nodal.
        « Le grand voyage » est une expérience impressionnante…

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      4. Aller à la douche juste après avoir évoqué un lieu pareil, je n’aurais pas osé.

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    2. PS: lire à haute voix, réciter nos textes et autres articles serait très certainement intéressant. Me concernant, je pense que ça me plairait… Il faudrait organiser un événement de ce genre, sorte de café théâtre où, occasionnellement, une soirée serait dédiée à la narration de nos contes.

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      1. Apres, il faut évidemment trouver la « voix », mais tes textes sont particulièrement adaptés aux lectures publiques. T’as déjà pensé à les enregistrer?

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      2. Pour un texte lumineux comme celui de Calcio, il faudrait la voix chaude, l’accent délicieux et malicieux de Mastroianni. Pour ceux de Khia, un conteur frénétique, au phrasé un peu haché comme Lorant Deutsch. Et pour Bobby, le séreux de Robert Bobby Hossein ;-).
        Pour certains textes empreints de nostalgie, la voix et le ton affecté de Frédéric Mitterrand me semblent inégalable (bon, on aura des emmerdes avec ses tendances pédophiles).

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      3. Oh ! l’enfoiré, il me colle Robert Hossein…
        Ma vengeance sera terrible.

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      4. Tssss tssss, tu vois que tu adores Robert Hossein, tu connais tous ses rôles. Imagine le balafré, dans une salle surchauffée et saturée par la fumée des cigares, déclamant ton texte en hommage à Le Bidois, Michèle en pâmoison lui épongeant le front sans qu’il ne fasse attention à ses formes généreuses ?

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      5. Et l’auteur du texte aura-t-il, lui, le droit de faire attention aux formes généreuses de la Mercier ?

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      6. Verano
        Salaud hehe. Pour prendre un Toulousain, j’aurais préféré Laurent Terzieff. J’avais une prof de français au collège qui se disait cousine de Laurent Terzieff. Je connais que son nom marital qui sonnait plus breton que de l’Europe de l’Est mais je l’imagine mal pipeauter. Toujours enthousiaste. Elle sortait des  » c’est magnifique! » à nos pauvres redactions de quatrième.
        Une grande maigrichonne, tres théâtrale. Je l’aimais bien. Une chouette personnalité.

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      7. Parfois, je n’ai plus l’onglet « répondre », ici par exemple, au commentaire de Khia me demandant si j’ai déjà pensé à faire enregistrer…
        Du coup je réponds ici Khia: on m’a déjà lancé l’idée une fois mais je ne me suis pas encore penché sur la question. Pourquoi pas effectivement, ma froide relation avec l’informatique me frêne cependant considérablement…

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      8. Calico, quand j’ai lu ton texte, je l’imaginais débité par Garamond, l’éditeur fantoche du « Pendule de Foucault » que j’ai récemment relu. Eco le fait parler avec un débit comparable… mais beaucoup moins de finesse dans les jeux de mots !

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  3. Magnifique, calcio… bon, tu sais déjà ce que j’en pense 😉

    Je me permets un texte complémentaire au tien, que j’avais posté après le maintien de la Salernitana l’an dernier.

    Nicola semble touché par la grâce, certains diront qu’il est porté par Pégase, cheval ailé ayant servi de monture à plusieurs héros en quête d’exploits. Pourquoi pas puisque nous sommes en Campanie dont l’histoire se nourrit de récits mythologiques hérités des colonies grecques installées dans les environs de Salerno. Dans le cas présent, le Pégase en question est le nom de la société à l’origine de la fortune de Danilo Iervolino, président providentiel surgi du chaos dans les toutes dernières heures de l’année 2021.

    Pour la notte di Capodanno 2022, les feux d’artifice éclairant la baie célèbrent autant la nouvelle année que le sauvetage de la Salernitana par le fondateur de Pegaso, une licorne au nom de cheval surfant sur les nouvelles technologies pour promouvoir l’enseignement supérieur à distance. Le rachat des parts du Laziale Lotito éloigne le couperet de la Lega et rassure la tifoseria granata : la Salernitana va finir la saison même si cela doit être une longue procession menant tout droit à la Serie B.

    La tradition veut que la Salernitana se confie à des entrepreneurs locaux omnipotents parlant en cilentano et finissant empêtrés dans des procédures judiciaires alambiquées. Ces dernières années, au mépris des coutumes, elle s’est habituée à vivre en quasi-déshérence sous le contrôle d’administrateurs délégués venus de Rome ou du Nord, froids gestionnaires d’un actif devenu embarrassant pour Lotito. Avec Iervolino, les temps changent : sa double culture (c’est un Napolitain ayant construit sa success story aux Etats-Unis) lui permet de tenir une première conférence de presse au cours de laquelle ses mots font mouche, flattant la tifoseria, ne s’avouant pas vaincu dans la course au maintien et ouvrant des perspectives résolument novatrices autour des nouvelles technologies.

    En nommant Walter Sabatini à la direction sportive, visionnaire semblant avoir perdu son génie des affaires depuis des lustres, vieux charmeur n’ayant plus grand-chose pour séduire, Iervolino sème le doute : c’est ça la modernité ? Walter s’en moque, il profite du mercato pour bouleverser l’effectif avec les arrivées de Luigi Sepe, Ivan Radovanović, Simone Verdi, Diego Perotti et quelques autres routards revanchards de la Serie A.

    Puis il choisit Davide Nicola, un Mister en survêtement aux yeux cernés et aux cheveux blond filasse. Un solitaire sans grandes exigences auquel font appel les società en perdition et qu’elles s’empressent de congédier une fois la sale besogne réalisée, gênées par son manque de distinction. Expert ès sauvetages, on a de lui l’image exclusive d’un coach sachant exalter le courage de ses troupes comme si cela suffisait pour que les miracles se reproduisent à l’infini. Nicola est bien plus que cela, c’est un technicien capable d’imposer des schémas de jeu précis à des joueurs en état de mort cérébrale qu’il remet sur pied en quelques semaines.

    Ce qu’il a réalisé avec la Salernitana est un exploit comparable à celui obtenu avec Crotone en 2017. À l’époque, Nicola effectue un périple de mille trois cents kilomètres à bicyclette à travers l’Italie dont on ne sait s’il vise à remercier une quelconque aide céleste ou s’il s‘agit de tuer le mal par le mal en pédalant, exorcisme à la mort de son fils dans un accident de VTT. En mai dernier, il promet d’aller en marchant à la rencontre du pape, sans colère, apaisé par l’absolue harmonie de ses relations avec Sabatini (viré depuis) et Iervolino.

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    1. Verano Gracias encore! Tu sais aussi ce que je pense du tiens, je me souviens te l’avoir demandé à l’époque, via le forum SF il me semble, car je n’avais hélas pas eu le plaisir de tomber dessus seul… Un délice, des effluves, une effervescence ou que sais-je encore… Une fièvre, une ferveur ou une foule en folie, effrénée forcément, féerique facilement et pour finir fantastique !
      Oserai-je continuer ici ma réponse à ton premier commentaire plus haut…

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  4. Quel phénomène.. Quoique : l’auteur aussi, quelle verve! 🙂

    Je connaissais de nom, mais je n’avais pas mesuré la fréquence de ses exploits..et alors ce périple à vélo, qui d’ailleurs me fait penser à..ça me reviendra, pas grave.

    Une question me turlute-pinait, à mesure que je découvrais tout ce qu’il réalisa : les boards qui le virèrent durent sacrément se mettre à dos leur public….car j’imagine que la pilule ne passa pas? Virer un mec pareil à Feyenoord, je peux vous dire que les dirigeants du club seraient bons pour dormir quelque temps à l’hôtel..

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