Le roman du Wunderteam par Rudi Hiden, gardien de but de l’ex-équipe d’Autriche (8/9)

Stamford Bridge a marqué la fin morale et presque matérielle du « Wunderteam »… Dès le début du match, l’Angleterre partit en trombe et marqua coup sur coup deux buts : 2 à 0 ! Après vingt minutes de jeu, le coup de l’Espagne va-t-il se reproduire ? Sindelar réduit la marge : 2 à 1… Puis ce fut un nouveau départ foudroyant des Britanniques. La mi-temps survint sur la marque de 3 à 1.

Le drame va se jouer : 3 à 2… 4 à 2 et 4 à 3, le « Wunderteam » est brisé. Il a cessé d’exister sur le plan moral. La « grande armée » a trouvé son Waterloo !

Hugo Meisl ne nous dit pas un mot dans les vestiaires. Il est anéanti, il a compris que le onze d’Autriche n’était pas le maître de l’Europe.

Cependant, Meisl nous répétait souvent : « Il n’y a pas de « Wunderteam », il n’y a que des équipes de football qui doivent savoir perdre et qui peuvent gagner… »

Tout cela m’apparaissait comme de la phraséologie au soir de notre défaite, si je tenais compte de la prostration et de l’abattement de notre manager-directeur.

Vienne = Wunderteam

L’équipe d’Autriche était constituée uniquement d’éléments de la capitale de notre pays. C’est pour cette raison que lorsque Vienne jouait à l’étranger, en réalité, c’était bel et bien l’équipe nationale autrichienne.

Pour la première fois de notre existence nous jouâmes à Bruxelles sous le nom de Vienne, un match en nocturne. Nous gagnâmes 1 à 0.

Newcastle United, Paris, Berlin, Varsovie, Bucarest, Cracovie, Riga, figurent à notre tableau de chasse. Nous étions comme les soldats de l’An II… battre l’adversaire chez lui.

– – –

Mais comment expliquer l’effondrement de notre « Wunderteam » ?

Gschweidl au retour de Londres, se fit opérer d’une hernie ; Vogl fut opéré du ménisque, et Zischek de l’appendicite. Ils avaient joué à Stamford Bridge sans conviction ; c’étaient, le jour de ce match, des footballers diminués ; ils redoutaient l’intervention chirurgicale. Braves et courageux devant une balle ronde, ils n’étaient plus que des « loques » devant les tables d’opération. Ces garçons n’avaient qu’un moyen de gagner leur vie : le football. S’ils n’étaient plus capables de jouer, ils redoutaient d’être réduits au chômage et d’être des épaves qui se promèneraient lamentablement de café en café.

Ils avaient mis, certes, un peu d’argent de côté, mais leur tempérament bohême de cigale l’avait maintes fois emporté sur le rigide bon sens de la fourmi…

Extrait de Ce soir, 17 février 1939.

Le « Wunderteam » réapparaît

Le 11 décembre 1932, c’est-à-dire quatre jours après notre match à Londres, nous devions, en retournant en Autriche, passer par la Belgique où l’équipe nationale devait nous être opposée.

Sans difficulté nous l’emportâmes à Bruxelles, par 6 à 1…

Une vive sympathie unissait à Hugo Meisl les onze membres du « Wunderteam ».

Un matin, il nous réunit et nous dit : « La France nous invite. J’estime infiniment cette nation… Voulez-vous que feu le « Wunderteam » aille rejouer à Paris ? Vous sentez-vous capables d’un nouvel effort ? Faites-le pour moi et pour les Parisiens ! Ce sera notre dernière représentation ».

A l’unanimité, nous avons accepté… Nous connaissions tous la capitale française. Chacun était heureux de se retremper dans l’ambiance de Paris et, tels de vieux camarades de promotion ou de régiment se retrouvant en un banquet, nous nous sommes fait nos adieux au Parc des Princes.

Ce ne furent pas des adieux de Fontainebleau[1], car nous repartions victorieux. Notre 4 à 0 sur la France marque très exactement (et historiquement, si vous me permettez ce mot) la FIN du WUNDERTEAM.

D’ailleurs, nous avons frisé la défaite au Parc des Princes, le 12 février 1933. A la mi-temps, nous étions 0 à 0… vingt minutes avant la fin, toujours 0 à 0, quand tout à coup le « onze » national français lâcha pied et encaissa quatre buts dans le dernier quart d’heure.

Le « Wunderteam » disparaissait en beauté…

Il n’y avait plus cette foi, l’union entre tous les membres n’était plus la même. Il y avait des étrangers qui guettaient la place d’anciens, d’ailleurs bons à mettre aux Invalides chacun de nous le comprenait. Pas de fausse coquetterie… Place aux jeunes, aux Hannemahn[2], aux Raftl[3], aux Platzer[4]

Propos recueillis par Louis-L. Monvoisin, Ce soir, 17 février 1939.


[1] Adieux de Napoléon à la Vieille Garde, après la première abdication en avril 1814.

[2] Willy Hahnemann, né en 1914, joua 23 matchs avec l’équipe nationale autrichienne.

[3] Rudi Raftl, né en 1911, joua 6 matches avec l’équipe nationale autrichienne.

[4] Peter Platzer, né en 1910, joua 31 matchs avec l’équipe nationale autrichienne.

10 réflexions sur « Le roman du Wunderteam par Rudi Hiden, gardien de but de l’ex-équipe d’Autriche (8/9) »

  1. J’ignorais que le Wunderteam avait joué sous l’appellation sélection de Vienne pour affronter des clubs. Volonté de la Fédération pour préserver le prestige de l’équipe nationale ? Public friand de matchs entre sélections de clubs ? Il me semble que les matchs de prestige avec des combinés parisiens étaient fréquents avant-guerre.

    0
    0
    1. De manière générale, les sélections représentatives de grandes villes étaient nombreuses : Paris, Londres, Vienne, Berlin, etc. Il y avait des sélections régionales, comme le Nord ou la Catalogne. Paris-Nord fut un derby de gala régulier pendant l’entre-deux-guerres.

      De fait, une formation viennoise ou une formation autrichienne, c’était blanc bonnet et bonnet blanc. Ces matchs intervilles sont néanmoins difficiles à identifier, comme le montre la coupure de presse : il y a les dates précises des matchs internationaux, mais pas celles des matchs intervilles.

      Mais cela rapportait, oui. C’étaient des matchs appréciés du public.

      0
      0
    2. Pas propre au Wunderteam. Le public en Europe centrale était friand de matchs contre des équipes étrangères. Le premier d’une « sélection » viennoise remonte à 1898 ou 1899. En général (notamment sous Meisl), on y trouvait des joueurs internationaux, titulaires du moment, remplaçants, 3ème ou 4ème choix, des anciens. Parfois, lors des tournées des gros clubs, on faisait un peu les fonds de tiroirs.
      Ça donne aussi une petite idée du foot viennois de l’époque.

      0
      0
  2. Zischek marque deux buts à Londres. Pas trop mal pour un gars avec un mal au bidou. Gschweidl joue avec le Vienna le premier match de 33 puis est absent jusqu’en mai. Vogl joue jusqu’en mars.
    Dans la presse, on évoque en général une mauvaise première mi-temps de l’équipe (Langenus va dans ce sens), mais une seconde meilleure, qui vaut à certains joueurs d’attirer l’attention des clubs locaux.
    En général, on considère que la défaite à domicile contre la Tchécoslovaquie en avril 33 marque la fin du Wunderteam. Le match suivant face à la Hongrie, Meisl effectue pas mal de changements.
    Une petite stat. Entre avril 31 et avril 34, l’Autriche joue 27 matchs et en perd seulement 3.
    Hahnemann ne débute sa carrière en sélection qu’en 35. Grand joueur. En 35/36, l’Admira remporte le championnat avec comme attaquants les Hahnemann, Bican, Stoiber, les deux Vogl, Durspekt et Schall.

    0
    0
    1. Première mi-temps, l’Angleterre mène 2-0. Les Autrichiens sont crispés, n’arrivent pas à développer leur jeu correctement. Meisl avait mis en place des ajustements tactiques qui n’avaient pas encore parfaitement pris.
      La deuxième mi-temps est remportée 3-2 par l’Autriche.
      Nous reviendrons plus en détail sur ce match le 21 novembre.

      0
      0
  3. Si affronter Riga en foot dans les années 30 ne devait pas être un défi, c’était différent en basket puisque la Lettonie est la première championne d’Europe de l’histoire, en 1935. Sa voisine lituanienne remporte l’édition deux ans plus tard et les deux pays baltes se jouent la belle en finale en 39, avec une victoire des gars de Kaunas. Preuve que ce sport était bien implanté dans la région. Avant de se faire engloutir par l’URSS.
    Faut dire que la Lituanie avait allègrement pioché dans sa diaspora aux États-Unis. Des mecs venus de Chicago, comme Pranas Talzūnas ou Mykolas Ruzgys, trop forts pour le basket européen. D’ailleurs Mykolas Ruzgys va aider au développement du basket français puisqu’il est l’unique coach étranger de l’équipe de France qui chopera l’argent aux J.O 48. Il a également participé à la libération de Buchenwald. Une sacrée histoire.
    [REDIFF] Michael Ruzgis – L’incroyable histoire du premier Américain qui a révolutionné le basket français (1/4) – Basket Europe https://share.google/4I4q8c8VftDjsCOmX

    0
    0

Laisser un commentaire