Luc Briand, Le brassard, Plein Jour, 2022, 19€
Le cas Villaplane est aujourd’hui bien connu de l’historiographie, mais il n’avait pas encore eu droit à un récit détaillé. C’est désormais chose faite grâce à Luc Briand et aux éditions Plein Jour.

L’auteur, magistrat de formation, s’est livré à un remarquable dépouillement des archives qui permet au récit de dépasser le cadre de la biographie romancée et de s’inscrire ainsi comme une véritable œuvre d’histoire. Certes, parfois le lecteur hésite et se demande ce qui relève de la fiction ou de la réalité, mais l’ensemble se lit avec plaisir et offre de précieuses informations.
Ne se contentant pas d’écrire une biographie de Villaplane, Luc Briand éclaire aussi, par moment, le contexte global de l’époque. A travers le parcours du footballeur international devenu gestapiste, se dévoilent donc des pans de l’amateurisme marron, des débuts du professionnalisme, de l’Occupation.
A côté de Villaplane, des personnages secondaires se font aussi jour. L’auteur met ainsi en parallèle les destinées contraires de Villaplane et d’Etienne Mattler, footballeur international devenu résistant. Les avanies ultérieures du Conte Verde, paquebot qui conduisit les joueurs de l’équipe de France en Uruguay en 1930, sont aussi contées. Les agissements de Bonny et Lafont, chefs de la Carlingue, sont mis en lumière.
Bref, c’est un récit complet et intéressant que propose Luc Briand. En particulier, il se montre brillant lorsqu’il donne dans la chronique judiciaire et a le bon goût d’épargner au lecteur de vaines explications psychologiques au moment de décrire les glissements successifs de Villaplane, de joueur de football à criminel puis à collaborateur actif avec l’occupant. Plutôt que de spéculer, l’auteur serre alors les archives. C’est tout à son honneur.
Note : 3/5
Fabien Archambault, Coups de sifflet, Flammarion, 2022, 18€
Sorti opportunément quelques semaines avant le début de la Coupe du monde au Qatar, ce petit livre de Fabien Archambault entreprend de relier l’histoire du football à celles de la mondialisation et de la modernité. Structuré en 11 récits indépendants, il permet de voir le football conquérir le monde.

Ainsi, s’inscrivant dans un long XXe siècle (1870-1998), l’ouvrage dépeint d’abord l’enracinement du football comme sport d’hiver en Grande-Bretagne. Puis on voit le football être le support des revendications indépendantistes ou autonomistes en Inde. On assiste aussi à son développement dans l’espace danubien (Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie), en URSS, en Allemagne, en France. Le rayonnement mondial de la figure de Pelé est étudié, tout comme la mise en place de derbies (notamment à Glasgow, Rome, Milan ou Turin).
Spécialiste de l’histoire du football en Italie, Fabien Archambault est évidemment le plus intéressant lorsqu’il aborde ce pays, notamment les rapports entre Pasolini, le PCI, la gauche intellectuelle et le football. Mais les remarques sur le rôle du football en RDA, essentiellement à travers la rencontre avec la RFA en 1974, sur le miracle de Berne ou sur les matchs de propagande organisés à Leningrad pendant le siège sont aussi fort intéressantes.
Néanmoins, c’est sans doute le chapitre consacré à la Coupe du monde en Uruguay qui marque le lecteur. S’appuyant sur la récente thèse que Lorenzo Jalabert D’Amado a consacrée à la compétition, Fabien Archambault propose une histoire précise et actualisée de la première Coupe du monde. Si tout le chapitre est magnifique, les dernières lignes méritent d’être citées in extenso tant elles sont justes et montrent l’importance de l’Amérique du Sud dans le succès de la Coupe du monde : « que ce soit dans la joie ou dans le chagrin, l’intensité des émotions provoquées par les Coupes du monde de football indique la centralité de celles-ci dans les systèmes symboliques des sociétés sud-américaines. En comparaison, les éditions organisées en Europe jusque dans les années 1960 font pâle figure, au point qu’on s’y interrogeait même sur la viabilité de l’épreuve. Rien de tout ça, bien au contraire, en Amérique du Sud, qui voyait dans cette compétition le moyen de se mesurer avec le Vieux Continent et de traiter d’égal à égal avec lui. Ce sont bien les nations sud-américaines qui, parce qu’elles en éprouvaient un besoin impérieux, créèrent la Coupe du monde de football et réussirent à l’installer dans le paysage sportif mondial. »
Très stimulant et bien écrit, l’ensemble souffre tout de même de quelques limites. Tout d’abord, l’approche par touches impressionnistes manque certainement de cohérence et ne garantit pas un traitement global de la question. Sous-titré « une histoire du monde en onze matchs », le livre n’aborde ainsi jamais l’Amérique du Nord, l’Afrique et l’Océanie. L’Asie n’a le droit qu’à une seule occurrence, l’Amérique du Sud à deux. L’Europe se réserve donc le gros du propos.
Ensuite, chaque chapitre est assez court. Heureusement, une petite, mais fort précieuse et à jour, bibliographie en fin d’ouvrage permet de creuser chaque thème. Pour cela, le lecteur peut remercier chaleureusement Fabien Archambault !
Note : 4/5
Dimitri Manessis et Jean Vigreux, Rino Della Negra footballeur et partisan, Libertalia, 2022, 10€
Directement édité au format poche, le livre des historiens Dimitri Manessis et Jean Vigreux revient sur le parcours tragique de Rino Della Negra, footballeur et résistant, figure mémorielle majeure du Red Star.

Dépassant le cadre strict de la biographie sportive, le livre s’inscrit aussi comme un morceau d’histoire sociale éclairant l’histoire et les mémoires de la Résistance, de l’immigration, des cultures communistes.
A travers Della Negra, c’est donc un pan de l’histoire du groupe Manouchian et de sa répression qui s’éclaire, c’est un instantané de l’immigration italienne en France et de la ville d’Argenteuil qui s’offre au lecteur, ce sont enfin des enjeux mémoriels anciens et immédiats qui sont mis en lumière.
L’ensemble, fondé sur un important dépouillement d’archives (publiques et privées) et sur une solide bibliographie, constitue un bon travail d’historiens. Il s’appuie aussi sur 30 photos et reproductions de documents d’époque rassemblés en fin d’ouvrage.
Néanmoins, lorsque la documentation manque, les auteurs sont parfois réduits à des hypothèses qui n’apparaissent pas incontestables. Ainsi en est-il de la volonté de faire de Rino Della Negra un antifasciste et un résistant dans l’âme, bien avant que son engagement ne soit attesté.
Certes, de cette façon, Manessis et Vigreux entendent répondre, à près de 80 ans de distance, à la propagande allemande et vichyste qui fit de Della Negra un simple footballeur apolitique, piégé presque à son corps défendant dans une sale affaire.
Ainsi, affirment les historiens, si aucun témoignage ni document n’atteste l’engagement politique de Rino Della Negra avant qu’il ne devienne réfractaire au STO en février 1943 puis s’engage dans les FTP-MOI, « il n’en demeure pas moins que sa culture politique est marquée par l’antifascisme, l’horizon de solidarité et d’émancipation d’Argenteuil et du Front populaire. »
Les parents de Della Negra furent-ils antifascistes ou résistants ? Non, mais l’« atmosphère » dans laquelle vivait le jeune footballeur à Argenteuil l’aurait conditionné à devenir résistant : « son acculturation à la cause antifasciste et patriote est alors un processus cumulatif d’imprégnation qui éclate au moment de sa convocation au STO. »
Note : 4/5
Merci pour ces résumés. En plus du lion de Belfort, y avait-il d’autres résistants parmi les internationaux français ? Est-ce que d’autres internationaux d’autres pays ont combattu les nazis ? Il y a un très beau livre qui parle de sport et des nazis mais c’est à propos de l’aviron et de l’équipe des USA aux JO 1936 de Berlin. Cela s’appelle The Boys in the Boat.
Parmi les internationaux français, outre Etienne Mattler, je ne vois guère que Oscar Heisserer. Le cas d’Eugène Maës, dont nous parlerons le 30 mars, est un peu différent.
A l’étranger, il y a, je crois, l’international polonais Antoni Lyko à propos duquel nous aurons sans doute prochainement un article ici même.
Il y en eut beaucoup et partout (..et réciproquement parmi les collabos).
En Belgique Joe Maca fit partie de la résistance avant de quitter la Belgique pour les Etats-Unis, et d’y compter donc parmi les 11 joueurs qui l’emportèrent sur l’Angleterre au Brésil en 1950.
Guy Thys, quant à lui, fut un résistant plus passif. Qui se mit toutefois en sérieuse difficulté en refusant obtusément de prendre part à des rencontres opposant des équipes belges à des allemandes.
Autres noms qui me viennent spontanément à l’esprit, parmi la famille Cools : l’on y joua pour le Standard..et était farouchement anti-fasciste, d’essence anarchistes même (ledit Marcel finit par être dénoncé à la Gestapo, envoyé en Allemagne..puis l’on ne sait trop de quoi il mourut, d’épuisement et/ou des tortures subies et/ou par décapitation).
Beaucoup de résistants, aussi, parmi les joueurs du club que je supportais gamin, le FC Tilleur, etc etc etc.. A dire vrai il y avait un pourcentage singulier de résistants parmi les clubs issus des bassins sidérurgiques – par inflexion idéologique, d’abord..mais aussi parce que lesdits bassins industriels furent les plus durement touchés par l’occupation.
Ah, au temps pour moi en relisant et la question, et la réponse de Bobby : parmi des internationaux, donc?
Ca fait déjà bcp moins de monde en effet!
Thys ne devint international qu’après-guerre, je doute que Maca le fût avant de jouer pour les USA………. Spontanément je ne vois plus personne :), et cependant, je ne doute guère qu’on en trouverait parmi les joueurs des bassins industriels liégeois voire carolo.
Jean Petit, frère du « big man » historique du Standard?? C’est certes un bombardement qui eut sa peau, tandis qu’il multipliait les visites parmi ses patients (il était médecin). Mais son activisme était connu..et je crois en avoir déjà vu l’une ou l’autre photos sous le maillot national??
Maintenant, faut voir aussi ce que l’on entend par « résistant »?
Si l’on vise aussi par là de grandes figures qui s’engagèrent spontanément sous le drapeau, ça fait alors beaucoup de monde. Je vais rester sur ce que je connais le mieux mais, ainsi et à l’instar de ce qui avait cours en Angleterre, il arrivait que..toute une équipe de football s’enrôlât volontairement pour lutter contre l’ennemi, cas par exemple des joueurs du susmentionné Standard en 1914.
Ou au FC Liège, qui avait d’ailleurs fait construire un monument à ses héros devant son stade désormais disparu (le monument aussi). Y figurait notamment le nom de l’international Evrard, leur vedette des années 1910 : enrôlé..blessé..démobilisé.. il parvient alors en France pour poursuivre le combat, comme pilote de chasse (il y laissa la vie). J’ignore si beaucoup de supporters de ce vénérable club en ont conscience : la « marche du FC Liège » fut créée en son honneur.
Au FC Tilleur et malgré les interdictions çà et là, les joueurs multiplièrent les matchs/actions de bienfaisance tout au long de l’occupation.
Au total pour la Belgique, en 14-18 : plus de 500 footballeurs morts pour la patrie (parmi lesquels celui qui était probablement le plus fort d’entre tous : le joueur du Cercle Alphonse Six – qui avait d’ailleurs fait un malheur en France). Ce fut le sport qui paya le plus lourd tribut, alors même que le cyclisme restait le plus populaire.
Le cyclisme ne fut pourtant pas en reste : plusieurs champions y périrent aussi..et je pense à la résistance passive du champion de Belgique liégeois Dethier qui, durant ses années de captivité en Allemagne et malgré les brimades rapportées par ses camarades de détention, se faisait fort d’arborer en toutes circonstances son maillot de champion de Belgique, aux couleurs nationales (il est debout, au milieu de la photo) : https://www.1914-1918.be/photos2/photo_sans_album/ramaekers_0013.jpg
Précision : + de 500 footballeurs..des divisions nationales! Ce qui est énorme.
Merci à Bobby et Alex pour toutes ces réponses détaillées. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup (le grand-père de Berti et moi-même était dans la résistance avec des livres qui racontent ses exploits). Quid d’Oskar Rohr ? Cet Alphonse Six m’intrigue (cela serait super si un grand connaisseur faisait un article sur lui…). Il est aussi assez anecdotique qu’un autre Six (Didier) joua aussi au Cercle Bruges bien des décennies plus tard.
Didier Six, une demi-saison à peine..mais une empreinte inoubliable, les supporters du Cercle le tiennent en très haute estime..et ce n’est pourtant pas faute que ce club méconnu ait vu passer de sacrés bons footballeurs.
Son homonyme Alphonse était avant tout une force de la nature, intenable devant..et même injouable derrière quand il y fut aligné ; c’était le grand talent belge des années 1910. Il eût pu jouer en Angleterre, joua en France avec beaucoup de succès.. puis fut tué dès août 14 lors des manoeuvres de défense du fort d’Anvers, en essayant de freiner l’avancée allemande.
De tête, le Cercle perdit aussi l’un ou l’autre internationaux de rab’ au combat..et même au total 22 joueurs, tous disparus durant le conflit – pour 14-18, on peut parler de club-martyr.
Le cas des sportifs combattant pendant la Première Guerre mondiale est bien documenté. Pour la France, le livre de référence est sans doute encore celui de Michel Merckel : https://lepasdoiseau.fr/14-18-sport/
En revanche, pour la Deuxième Guerre mondiale, la documentation est plus incomplète. D’une part, la mémoire des combattants de 39-40 est mal entretenue parce que peu prestigieuse (au contraire de celle de 14-18). Ensuite, il y eut sans doute assez peu de sportifs résistants en 40-44 ou combattants en 44-45. De ce fait, la mémoire vaut sans doute moins la peine d’être entretenue. Mais le dossier mérite d’être repris et synthétisé. Peut-être cela sera-t-il fait au moment du centenaire, d’ici une quinzaine d’années…
Concernant le cas spécifique d’Ossi Rohr, il fut combattant (sous deux uniformes) mais non résistant. Alors qu’il aurait pu demander la nationalité française (il suffisait alors de 3 ans de résidence sur le territoire) avant la guerre, Rohr est encore Allemand en 39. Il s’engage alors dans la Légion étrangère pour combattre les armées du IIIe Reich. Fait prisonnier, il est ensuite envoyé sur le front russe dont il revient.
Punaise je ne connaissais pas ce Rohr, quel parcours……… Merci!
Et désolé pour la digression (car c’en était une), mais en cherchant des débuts de réponse (?) à la question de Sindelar, ben je me suis dit que des volontaires méritaient peut-être aussi d’être cités?
Au Danemark, il y eut cette histoire (véridique parmi tant d’autres), un stade qui se soulève soudain contre l’occupation : https://videnskab.dk/forskerzonen/kultur-samfund/oproer-paa-grundlovsdag-fodboldfans-udfordrede-nazisterne-for-80-aar-siden (google trad fera peut-être des miracles?)
C’est au bas mot par dizaines qu’il y eut là-bas des démonstrations de résistance de cet acabit, mais le Danemark fut vraiment un cas à part, un climat à peu près univoque et permanent de résistance passive, voire..
Ossi est l’oncle de Gernot.
La plus ou moins grande coopération/résistance des populations et des gouvernements dépendait plus du régime d’occupation mis en place par les Allemands que d’un prétendu caractère national. Si les Danois manifestèrent largement leur opposition à l’occupant, c’est parce qu’ils bénéficièrent (avec la France) du régime d’occupation le plus « cool » de tous les territoires sous domination allemande.
Le gouvernement danois collabora avec l’Allemagne nazie. Mais, au contraire de la France, il ne mit pas en place de politique antisémite. Lorsque les Allemands ordonnèrent en 1943 la déportation des 6500 juifs danois, la population et l’administration s’organisèrent afin de les sauver en les faisant passer en Suède. Je ne crois même pas qu’il y eut de mesures de rétorsion des Allemands suite à cela…
C’est tout à l’honneur des Danois d’avoir fait ça. Mais ils pouvaient le faire. Quelque chose d’équivalent était impensable en Pologne, par exemple. Non pas à cause du caractère national polonais, qui aurait été plus antisémite ou plus porté à la collaboration que le caractère national danois, mais parce que le régime d’occupation n’était absolument pas le même.
Je crois que c’est Richard Kohn aka Dombi, qui fait venir Rohr au Bayern.
Tout-à-fait exact!
Ils jouèrent tout de même çà et là avec le feu ; dans l’article que je propose plus haut, par exemple, on peut lire qu’un bain de sang fut probablement évité de fort peu, quid si la police danoise n’était intervenue pour séparer militaires allemands excédés et civils danois?
A ma connaissance pas de mesures de rétorsion particulière, non. Il y eut aussi, quitte à devoir lâcher leurs juifs, ce souci danois à ce que ce ne soit pas n’importe où ni n’importe comment. Au final : l’écrasante majorité survécut à la guerre.
Il y a un danois qui aimait beaucoup le foot et qui a fait beaucoup pour les juifs danois. C’est Niels Bohr, prix Nobel de physique, et dont une discussion avec le roi de Suède a sûrement permis l’arrivée de milliers de juifs danois en Suède. Il est maintenant connu que Niels Bohr était un consultant dans le projet Manhattan (construction de la bombe atomique aux USA). Un de ses anciens élèves est l’allemand Werner Heisenberg qui était lui à la tête du programme de développement de bombe pour les nazis. Le rôle d’Heisenberg est très obscur. Il a fait une énorme erreur de calcul à propos de la masse critique d’uranium qu’il fallait pour construire une bombe atomique, ce qui rendait sa construction impossible. Certains disent qu’il a fait exprès de faire cette erreur (indigne de son niveau de prix Nobel) pour empêcher l’Allemagne nazie d’acquérir la bombe atomique. Le sujet fait toujours débat de même ce qui s’est dit entre lui et Bohr quand il l’a visité à Copenhague pendant la deuxième guerre mondiale.
Le Niels a joué avec son frère Harald à l’AB Copenhague. Harald, grosse tête et médaillé olympique.
Mais ce qui permet de briller en société, c’est de savoir qu’Olivia Newton-John était la petite-fille de Max Born.
Xanaduuuu, Xanaduuuu-uuuu.
Je ne savais pas pour Max Born (très grand physicien) et Olivia Newton-John. Pour briller encore plus en société, peut-être aussi indiquer que Sacha Baron-Cohen (qui joue Borat) est très loin d’être bête (il a un diplôme de Cambridge) et que son cousin (Simon Baron-Cohen) est un spécialiste mondial de l’autisme et est professor a Cambridge (où est née Olivia Newton-John).
J’ai découvert, un brin médusé, le cousin Baron-Cohen dans un docu sur le « paradoxe norvégien ».
Tiens, une autre sur Wolfi Pauli. Il avait une soeur écrivain (a raconté l’histoire de Silent Night aux chtis enfants américains et êcrit une biographie de Nobel entre autres) et actrice, une mère journaliste et écrivain, et une grand-mère chanteuse d’opéra.
Je reviens sur ton intervention, Bobby : tout ce que tu écris là me paraît décidément très juste et opportun, mais tout au plus ajouter, en amont de ceci (« le régime d’occupation n’était absolument pas le même ») que, s’il fut différent, c’est aussi (voire surtout?) parce que le jugement porté, par l’idéologie/stratégie nazi, sur ces populations occupées était différent aussi.
En Pologne : des Untermenschen! 🙂 (ça n’a évidemment rien de drôle, je souris simplement, tant ce concept..)
Au Danemark et aux Pays-Bas (lesquels, quoi qu’en affirmât certain sofootiste batavolâtre 🙂 , et contrairement à la Flandre et à la Wallonie, ne furent jamais un Reichsgau), en Flandre aussi : des cousins auxquels un brin d’ingénérie sociale suffirait pour en faire de bons nazis comme les autres, à les faire entrer dans la case « Herrenklasse », la « race des Seigneurs »..et le nazisme d’y aller conséquemment plus mollo.
Schématiquement : c’était ça.
Le traitement fut donc beaucoup plus modéré qu’à l’Est, c’est incontestable. Il y avait davantage de marge de manoeuvre pour ces populations germaniques (et même occidentales) sous occupation. Et, oui : le mérite des Danois fut de saisir cette fenêtre ouverte, cette forme de (relatif) laisser-fairisme, pour protéger leurs concitoyens juifs.
Mais je crois que cela n’explique pas tout, car il y a aussi la question des antisémitismes respectifs au sein de ces sociétés.
C’est difficilement concevable aujourd’hui car, selon l’image d’Epinal, NL = tolérance, ouverture et blablabla…, mais la société NL était alors terriblement tribalisée d’entre catholiques (plutôt au Sud), protestants et communauté juive ; raison d’ailleurs historique à la tribalisation (aujourd’hui encore) de leurs médias : à chaque « chapelle » (religieuse ou politique) ses propres canaux médiatiques. Et l’antisémitisme y était bien plus prégnant que ce que voulurent faire ensuite croire des décennies de suturation/réconciliation/cécité institutionnelles. Je ne me suis jamais intéressé en profondeur à ces questions, je suis peut-être à côté de la plaque mais je n’ai jamais rien lu qui approche, pour le Danemark d’avant-WW2, du profond climat antisémite NL des années 20, 30..
Même en football par exemple, on trouve sans difficulté des archives NL des années 30, antérieures donc à l’occupation, y accusant les juifs de pervertir les compétitions, des histoires (attestées ou pas? aucune idée) d’arbitres juifs sifflant systématiquement en faveur des clubs de leur communauté..à l’instar d’ailleurs de ce que l’on pouvait lire aussi dans l’Allemagne des années 30. Le ton de ces archives est souvent haineux, communauté mal vue, une espèce d’ennemi intérieur.. Il y avait ainsi tout un climat que je crois moins marqué dans le cas danois, et que je n’ai jamais retrouvé à ce point développé parmi les archives belges (où l’on pouvait lire des « belles », pourtant).
Je crois aussi voire surtout que le côté très procédurier de la psyché NL a dû jouer, certain goût de la perfection/fluidité systémique souveraines. Dans son « Ajax, the Dutch, the War » (ouvrage grand-public qui secoua le bananier de la mauvaise conscience NL), c’est un peu le souvenir que je garde de la lecture/interprétation en-faite par son auteur Simon Kuper : une mécanique froide, où l’exclusive préoccupation tint à ce que tout roulât comme sur des roulettes, sans le moindre état d’âme..et qui arrangeait pas mal de monde.
Je ne voudrais pas essentialiser plus que cela mais, quoique nordiques et très efficaces, les Danois (les « latins du Nord », dit-on) sont bien plus souples voire bordéliques dans leurs modes dominants d’action.
« s’il fut différent, c’est aussi (voire surtout?) parce que le jugement porté, par l’idéologie/stratégie nazi, sur ces populations occupées était différent aussi. »
Il y a le rôle de l’idéologie, mais il y a aussi des considérations militaires stratégiques, le maintien ou non d’un gouvernement local (ce fut le cas au Danemark ou en France, pas aux Pays-Bas)… Les Pays-Bas subirent un régime d’occupation plus dur que ceux de la France ou du Danemark.
« Mais je crois que cela n’explique pas tout, car il y a aussi la question des antisémitismes respectifs au sein de ces sociétés. »
Bien sûr et c’est pourquoi je signalais que le gouvernement danois, bien que collaborateur sur de nombreux points, n’appliqua pas de politique antisémite et, encore mieux, contraria celle que les nazis voulurent lui imposer. Au contraire, le gouvernement français non seulement mit en place sa propre politique antisémite, mais aida les Allemands à appliquer la leur.
Aux Pays-Bas et quand des internationaux optaient pour l’activisme : ce fut en 40-44 résolument pour la voie de la collaboration, les premiers noms qui me viennent à l’esprit sont ceux des (!) Pelser pour Ajax.
Très compliqué d’y trouver de grandes figures sportives engagées dans la résistance, active ou passive. Le dénommé Wim Peters réclame certainement d’être cité : certes non pas un footballeur mais champion en athlétisme, il concourt à 3 JO consécutifs et cependant, après-carrière, il devient dirigeant du club de.. football de Zwolle, l’un des deux seuls (avec le plus modeste club de « Unitas ») à avoir résisté aux lois antijuives voire, surtout, à l’entrée en fonction de dirigeants du NSB (c’est le NSDAP NL) au sein de leurs structures. Ledit Peters est interné, torturé..mais survivra à la guerre, contrairement à son homologue d’Unitas.
Merci Alex
Le seul Unitas qui je connaisse avait pour prénom Johnny et est des plus grands QB de tous les temps. Avec les Colts.
https://youtu.be/R8OGOYyzsZo
Au Danemark, ça oui : tu trouveras pas mal d’internationaux à s’être mouillés sous l’occupation.
Mais le Danemark est assez singulier : là-bas, c’est l’à peu près tout de la société qui entra dans une forme de petite résistance du quotidien.
@Sindelar_et_Bartali
Parmi les footballeurs résistants, il y a eu :
– Yvan Beck, international yougoslave puis français dans les années 30, est entré dans la Résistance (clandestinité à partir de 1942, je dirais) Il a notamment oeuvré dans le sud de la France, dans les Alpes de Haute-Provence où il dirigé un maquis (à Bayons), puis participé à la libération de la citadelle de Sisteron (qui servait aux allemands de prison pour les politiques) le 21 juillet 1944.
– René Gallice, joueur des Girondins de Bordeaux (1 sélection en 1951), est un résistant de la première heure puisqu’il rejoint les FFL dès le 11 juillet 1940 (et est dans la foulée condamné à mort par Vichy pour désertion quelques jours après)
Ses premiers combats ont lieu en 1941, en Afrique de l’Est face aux troupes italiennes qui occupaient l’Erythrée et la Somalie. Puis il participe à la campagne du Levant à l’été 1941, sous gouvernance vichyste qui « accueille » les FFL à coups de canon (à méditer pour les révisionnistes défendant la thèse du glaive et du bouclier…) et où René Gallice est blessé par un obus.
Après sa convalescence, il est de toutes les grandes batailles des FFL, à Bir Hakeim en Libye (juin 1942) où ils retardent l’avancée de l’Afrikakorps de Rommel. Puis à Monte Cassino (début 1944) où la manoeuvre de débordement des FFL surprend les allemands, avant de participer à la libération de la Provence.
– Jean Grumellon, 10 sélections entre 1949 et 1952, a également rejoint les FFL à 19 ans. Je n’ai pas de trace de son parcours.
Il me semble également que Julien Darui avait combattu dans l’armée française défaite en mai-juin 1940 et avait était fait prisonnier à Dunkerque, mais il avait réussi à s’évader.
L’affiche rouge de Ferre
https://youtu.be/1nqyPVPDtcY
Le texte d’Aragon
Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.
Un autre texte d’Aragon sublime
EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT
Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c’est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m’éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j’ai cru trouver un pays.
Cœur léger cœur changeant cœur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes nuits
Que faut-il faire de mes jours
Je n’avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m’endormais comme le bruit.
C’était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d’épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j’y tenais mal mon rôle
C’était de n’y comprendre rien
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Dans le quartier Hohenzollern
Entre La Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un cœur d’hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m’allonger près d’elle
Dans les hoquets du pianola.
Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent.
Elle était brune elle était blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Elle travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n’en est jamais revenu.
Il est d’autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t’en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur
Un dragon plongea son couteau
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Louis Aragon, Le Roman inachevé
La version de Marc Orgeret
https://youtu.be/x_c-vMFLVhI
Merci, Bobby!
Déjà lu Archambault (l’une ou l’autre publications en ligne), je l’avais trouvé des plus intéressants, et son style effectivement très agréable.
Chouette d’apprendre qu’il soit sorti (ou sorte enfin?) de la confidentialité de la recherche académique.
Belle fournée, ça me donne envie de lire celui sur rino della negra!
On attend donc que tu nous en livres prochainement tes impressions.
Ouhlala.
K