Top 10 – Sporting Clube de Portugal (Deuxième partie)

Numéro 5 – Manuel Fernandes

Le Benfica avait Nené, le Sporting, Manuel Fernandes. Pendant 10 ans, les deux rivaux se disputeront élégamment la place d’avant-centre de la Seleçao, Nené ayant régulièrement le dessus. Et pourtant… Fernandes est un Sportinguista de naissance, qui a toujours vibré pour ces couleurs, n’hésitant pas à se cacher sous les draps pour écouter les retransmissions radiophoniques. Découvert chez le modeste CUF qu’il conduit en Europe, il débarque en 1975 au Sporting, comme le lui avait prédit sa mère, avec la délicate mission de faire oublier Hector Yazalde. Résultat ? Il inscrit un triplé pour ses débuts face à Coimbra ! Pendant 12 saisons, cet attaquant de surface complet, réactif, adroit et bon de la tête, va symboliser la flamme d’Alvalade en compagnie de son alter ego Rui Jordão.

Des titres, plus de 400 matchs et 246 buts, Manel est un homme de combat et de matchs de légende. Une démonstration à Milton Road face à un Southampton de Kevin Keegan complètement dépassé par la technique lusitanienne, un quadruplé, à 35 ans tassés, face au Benfica lors d’un triomphe 7 à 1 en 1986. Moments aussi chers à son cœur que peut l’être son but face à l’União de Leiria qui offrit son premier titre de champion en 1980.

Reste malgré tout en travers de la gorge ce rendez-vous manqué avec la sélection. Exclu sans plus d’explication de la liste pour l’Euro 1984 et surtout du mondial 1986 alors qu’il est le meilleur buteur du championnat avec 30 buts, il se console comme il peut en constatant qu’il a au moins échappé au scandale de l’affaire Saltillo. Mais l’amitié, comme lorsqu’il invite Jordão à rebondir à Setubal, et la fierté d’avoir réalisé son rêve de gosse l’emportent sur l’amertume car « honnêtement, plus que n’importe quel but ou n’importe quel match, mon plus grand moment d’accomplissement a eu lieu lorsque j’ai porté le maillot du Sporting pour la première fois. » Fernandes, fidélité de meute, coeur de lion…

Numéro 4 – Vítor Damas

L’Histoire du Sporting est remplie de gardiens de but emblématiques. De João Azevedo, ultime rempart de l’équipe des cinq violons, à Rui Patricio, ils sont nombreux à avoir marquer au fer rouge le cœur des sportinguistes. Le hongrois Meszaros champion en 1982, Peter Schmeichel champion en 2000 ou Carlos Gomes et ses quatre titres de champions dans les années 50 .

C’est ce dernier qui va inspirer un jeune de 14 ans tout juste arrivé au club, Vitor Damas. Celui-ci ,qui se rêvait attaquant, est fasciné par une photo placée sur la fameuse porte 10A où entraient les joueurs : « Carlos Gomes était le gardien de but auquel je voulais succéder. Il y avait une photo de lui, avec une casquette, en train de faire un arrêt de grande classe et chaque fois que je passais devant – le vestiaire des jeunes était à droite – je la regardais et je me disais ‘je vais voir si un jour je peux faire quelque chose comme ça' ».

A 21 ans il devient le titulaire indéboulonnable du Sporting, son style de félin, agile et intrépide, son charisme et son élégance en font vite un chouchou du stade Alvalade. Il brille tellement que l’on surnomme l’« Eusebio du Sporting » mais ses coéquipiers et notamment Pedro Gomes préfère l’appeler l’homme-araignée. Ses duels « Marvelien [1]» avec Eusebio sont mythiques, notamment une parade « à la Banks » face à une tête lobée de la légende du Benfica.

Avec lui le Sporting gagne deux titres, en 1970 et 1974. Mais alors qu’il est indiscutable en sélection et chez les Leões, la fin de la dictature lui permet, comme à beaucoup d’autres joueurs, de quitter le pays. Il se tourne vers le modeste Racing de Santander[2] et même s’il brille, il perd sa place en sélection au profit de son concurrent et ami Manuel Bento. Bloqué par le président du Racing[3] il retourne au Portugal au Vitoria Guimarães puis à Portimonense. Il retourne en 1984 à 37 ans dans son club formateur où il retrouve même la sélection[4]. Il y jouera jusqu’à 41 ans. Par la suite il ne quitte jamais le club, étant notamment adjoint ou entraineur des gardiens.

A l’âge de 55 ans alors qu’il est atteint d’un cancer il déclare: « Je veux assister à l’inauguration du nouveau stade et, si cela se produit, je pourrai mourir heureux. » Il assistera au match avant de décéder un mois plus tard. A jamais le gardien de cœur des amoureux du Sporting…

L’homme-araignée contrecarrant les projets de la Panthère noire.

[1] En Anglais Spiderman VS Black Panther

[2] Alors qu’il est sollicité par le FC Porto de l’ambitieux Pedroto

[3] Qui refuse notamment un transfert vers l’Atlético.

[4] Il joue deux matchs au Mondial 86 suite à la blessure de Bento

Numéro 3 – José Travassos

« Zé da Europa » a été le premier joueur portugais à jouer pour une sélection européenne, lors d’une grande victoire en 1955, aux côtés de Kopa et Vukas, face à la Grande-Bretagne. La presse britannique est extatique et n’hésite pas à affirmer que Travassos « vaut désormais plus de 50 000 £ ! » Mais c’est prendre le train en marche, José régale Lisbonne depuis 10 ans déjà… Né en 1926, Travassos travaille sur les chantiers navals dès l’âge de 16 ans et intègre le CUF où il fait la connaissance de Manuel Vasques. Ses qualités sont indéniables. Feintes, tir puissant et surtout cette capacité à changer le tempo d’une offensive qui feront sa gloire par la suite au Sporting.

Mais son arrivée chez Os Leões n’a rien d’une évidence pour la direction. On lui propose bien une place mais pour intégrer l’équipe d’athlétisme ! Déçu, José se laisse un temps charmer par un émissaire du FC Porto qui lui promet monts et merveilles. Le Sporting, voyant sa pépite prête à succomber, l’envoie dans un trou perdu pour se faire oublier mais Porto retrouve sa trace et exécute la même manœuvre en expédiant Travassos à la campagne afin de le signer ! Pantin entouré de prétendants, le problème est que José est mineur, a disparu de son travail au chantier depuis plusieurs jours et que ses parents menacent de poursuivre juridiquement Porto pour séquestration ! Finalement, après avoir été licencié du CUF, Travassos signe au Sporting en 1946.

Dès son premier match, il crève littéralement l’écran puisque son but sera immortalisé dans le film « O Leão da Estrela ». Travassos, le chef d’orchestre des Cinco Violinos gagnera huit championnats en 12 ans, considérant qu’ils auraient du tous les remporter. Plus à la page que les Anglais, le Vasco da Gama lui fera une offre tandis que Santiago Bernabéu l’invitera à Madrid pour rejoindre son grand projet. Devant le refus de son président Ribeiro Ferreira, conscient de rater l’opportunité d’une vie, Travassos obtiendra en contrepartie une part dans une usine de réfrigération, comme son ami Manuel Vasques à qui on avait également refusé un départ en Italie. De concerto en concerto, Travassos, un des plus grands cerveaux de l’histoire du foot portugais, aura joué 457 matchs officiels pour les verts et blancs et marqué 172 buts. Une mélodie indémodable…

Numéro 2 – Hilário

Le 15 Mai 1964 à Anvers, le Sporting gagne sa seule coupe d’Europe en battant en match d’appui le MTK Budapest du presque retraité Sandor.  Le but victorieux, un magnifique corner direct de Morais, rentrera dans la légende comme le parcours des Leoes. En effet après un premier tour très serré contre l’Atalanta[1], deux matchs resteront dans l’Histoire du club et de la C2. D’abord une victoire record contre Nicosie, 16 buts marqués en un match (16-1) dont six par le meilleur buteur de cette édition Mascarenhas. Ensuite une victoire 5-0 à Alvalade contre l’ogre de la compétition, le Manchester United de Law[2], Best et Charlton. En demi le Sporting aura besoin de son troisième match d’appui[3] pour venir à bout du Lyon de Combin et Di Nallo.

En rentrant de Belgique la première destination des joueurs fut la maison de Hilario, le grand absent de cette finale, qui s’était fracturé la jambe trois jours plus tôt à Setubal.

Celui qui va devenir le joueur le plus capé du Sporting[4] est déjà un patron et un des meilleurs joueurs du club.

Comme beaucoup d’autres, il est né dans une des colonies, au Mozambique à Lourenço Marques, trois ans avant Eusebio. A la différence de la légende du Benfica avec qui il joua à Lourenço Marques[5], il rejoindra le Sporting . Il y jouera 15 saisons en tant qu’arrière gauche, poste dans lequel il s’avère être un des meilleurs joueurs au monde. A tel point qu’il devient le deuxième joueur du Sporting à jouer dans la sélection européenne[6].

Et si l’absence de la finale de 1964 est son plus regret, le grand moment de Hilario fut la Coupe du monde 1966 où il brilla et fut souvent considéré le meilleur latéral de la compétition. Celui qui est souvent considéré comme le plus grand arrière gauche de l’Histoire du foot portugais finira sa carrière au Sporting auréolé d’une C2, trois titres de champions et trois coupes du Portugal. Des 11 légendes du Sporting qui orne les portes du stade, il est la dernière encore vivante.


[1] Victoire 3-1 après prolongations en match d’appui à Barcelone

[2] Auteur d’un triplé à l’aller dont deux pénaltys contestés par les joueurs et dirigeants du Sporting

[3] Victoire 1-0 au Metropolitano

[4] 475 matchs (Mais cela varie selon les sources)

[5] Club filial du Sporting au Mozambique.

[6] Défaite 2 à 0 contre une sélection d’Amérique du Sud en 1972 à Bâle. https://www.11v11.com/matches/europe-v-south-america-03-october-1972-232155/

Numéro 1 – Fernando Peyroteo

Il n’y aura jamais plus grand buteur portugais que Peyroteo, comme il n’y aura jamais symbole plus puissant au Sporting. Peyroteo, dont le grand-oncle fut le 93e gouverneur de l’Inde Portugaise, est né à Humpata, en Angola, en 1918. Son père disparu tôt, sa mère élève seule un fils qui intègre à 18 ans, le club phare du coin, le Sporting Luanda. Il ne s’y attarde pas longtemps, sa mère devant revenir au Portugal pour se faire soigner. Malgré les avances lucratives du FC Porto, Fernando, homme de parole, signe au Sporting qui fut le premier à avoir fait une proposition. Nous sommes en 1937, Peyroteo marque un triplé pour son match inaugural…

La presse est dithyrambique, saluant ses « excellentes capacités physiques et son coup de pied precis » , Fernando ne déçoit pas et marque 34 buts en championnat en simplement 14 matchs ! Soit autant de buts que le champion, le rival Benfica… Le buteur insatiable est récompensé d’un doublé en 1941. Homme de records, il inscrit une fois neuf pions face au pauvre Leça avant que sa carrière ne connaisse un virage décisif avec la constitution des Cinco Violinos en 1946. Ce quintet, chorégraphie envoûtante où chaque note est sa place, enchaîne les titres dont une fameuse saison 1947 où le Sporting inscrit 123 buts en 26 matchs, 43 rien que pour le seul Peyroteo !

En 1948, blessé et criblé de dettes, Fernando décide de prendre sa retraite pour récolter les fonds de son jubilé. Touché par le soutien du public, il rempile finalement pour une dernière saison, 39 offrandes. Après quelques matchs pour le Belenenses, il retourne quelques temps en Angola, à 31 ans. Peyroteo n’a pas eu la même réussite en sélection, son apogée correspondant aux heures sombres du conflit mondial. Il marque à domicile lors de sa dernière cape en 1949 face à l’Espagne mais ne sera pas présent quelques mois plus tard pour épauler Travassos sur le chemin du Mondial brésilien. C’est bien Telmo Zarra qui aura le scalp des Anglais… Les bons comptes faisant les bons amis, Fernando aura marqué 635 fois en 393 matchs, amicaux compris. Je vous laisse calculer sa moyenne. Inatteignable…

Les fameux « cincos violinos » au complet, de gauche à droite: Correia, Vasques, Peyreteo, Travassos et Albano (le seul non présent dans ce classement)

En collaboration avec l’ami Khia !

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20 réflexions sur « Top 10 – Sporting Clube de Portugal (Deuxième partie) »

    1. C’est celui qui a posé problème mais j’ai insisté pour le mettre pour 3 raisons. Il est le deuxième joueur avec le plus de match au club, c’est le meilleur gardien de la sélection et comme le disais g.g.g sur l’autre partie il est très complet. Au Sporting tout le monde préfère Damas car il est bien plus charismatique et élégant. Mais Patricio c’est comme Mandanda pour l’OM, c’est pas celui que j’ai envie de mettre mais objectivement il mérite sa place.

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  1. J’avoue avoir de la tendresse pour les trois gros au Portugal. Histoires riches mais une préférence malgré tout pour le Sporting. J’aimais beaucoup la période Balakov, Figo, Yordanov, Naybet, Amunike…

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    1. C’est aussi ma période préférée, j’en ai passé des heures à jouer des Sporting-Benfica à cette époque sous la fournaise du terrain du village. Juskowiak m’a marqué aussi de cette époque, peut-être son nom qui claque dit par un Portugais!
      Hadji était cool aussi lors de son passage!

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      1. Ah, nous, on refaisait des derbys Betis Sevilla sur la plages avec des copains sevillans. Un peu grâce à eux que je suis devenu Betico

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      1. Oceano et Balakov, très forts et très marquants, oui. Parmi ceux que j’ai vus : Balakov sans hésiter.

        Quid s’il avait fallu y épingler l’un ou l’autre entraîneurs ou dirigeants décisifs, au-dessus de la mêlée?

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  2. Merci pour cette belle série, toujours instructif.

    Ca me fait bizarre d’apprendre que Damas, vu live en 86 sans avoir jamais rien soupçonné de son passé, avait déjà été champion du Portugal en 70, une autre époque quoique pas tout-à-fait encore un autre football.

    Je ne m’attendais pas à retrouver Manuel Fernandes si haut, ni tout bonnement Rui Patricio. Mais je connais mal ce club qui a pourtant ma sympathie.

    J’ai fini par voir les oeuvres picturales de Jordao.. Je le préfère à l’oral 😉 , dommage qu’il n’ait plutôt opté pour l’écriture.

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    1. Merci Alex. Damas, c’est un peu une carrière à la Jennings. Avec plus de concurrence au poste, je précise! Deux ans de moins que le gars d’Ulster qui commença en selection à 17-18 ans. Donc de la période 64-86!

      Damas fera de 69 à 86, ce qui est pas mal!

      Manuel Fernandes est le deuxième buteur historique du club. Et les titres 80 et 82 étaient les derniers avant l’ère Andre Cruz, Acosta, Schmeichel…

      Jordao, je trouve ça quand même meilleur que Canto! Après sa carrière, il a fait diverses etudes supérieures, preuve d’une certaine curiosité.

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      1. Merci à vous, dis!

        J’avais d’instinct pensé à Jennings, lequel toutefois était encore d’une autre catégorie. Son Mundial 86 n’est certes pas fou-fou, mais en qualifs et à +/- 40 ans il était toujours hors-normes (alors qu’il ne jouait plus du tout en club!), ses prestations décisives en Roumanie et en Angleterre font partie de la légende du football nord-irlandais.

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