Crimes et châtiment (2/3) : Faire parler les morts

(Rappel des faits : A l’hiver 1982-1983, après des décennies d’amateurisme obstiné et mortifère, la Belgique est parvenue enfin au faîte de la confiance et des ambitions placées dans son football. Mais c’est un maigre réconfort pour un pays traversé soudain par des crises politiques systémiques, et qui fera curieusement l’expérience du terrorisme de masse à mesure que sa population se prononcera contre l’installation sur son territoire de missiles de croisière de l’OTAN. Directement liée à cette vague de terreur, la mise à mort sordide du dénommé José Vanden Eynde, concierge de l’ancienne star d’Anderlecht Jef Jurion, suscitera en particulier bien des rumeurs et hypothèses… La trop pacifiste Belgique, à l’instar du Liban, serait-elle devenue la cible d’une méthodique stratégie de la tension ? Des crimes crapuleux perpétrés par des marginaux… aux méthodes paramilitaires ? Comme en Italie, se pourrait-il que des factions d’extrême-droite, dont au sein de la gendarmerie, y aient entrepris une sanglante campagne de déstabilisation ? Un entrelacs de cadavres exquis et de crimes à tiroirs, sur fond de trafics internationaux d’armes et de devises ? Ou bien plutôt un stay-behind qui a mal tourné, tout simplement ?)

Le cas Van Camp

Guido Bellemans, dit « le Sheriff ». D’un caractère acide et déterminé, placardisé après avoir voulu aller trop loin dans une enquête aux forts relents politiques : il se recyclerait la retraite venue dans l’élevage de coqs de combat, dont il était « friand de la chair ».

Ces éternelles hypothèses, toutefois, étaient loin encore en 1983 de pouvoir troubler le juge d’instruction Guy Bellemans, Brabançon aussi abrasif qu’opiniâtre, et à qui parmi d’autres avait été confié de mener l’enquête sur les premiers méfaits de la Bande de Nivelles… Et Bellemans donc, à compter du meurtre de Vanden Eynde, de concentrer progressivement ses efforts sur le milieu du football… Car outre que l’infortunée victime travaillât au service du si trouble Anderlechtois Jef Jurion ; outre que ce-dernier, sitôt un verre à la main, se montrât parfois trop bavard quant aux agapes qui se déroulaient en son Auberge du Chevalier, où se mêlèrent notoirement plus d’une hautes-figures de la bonne société bruxelloise (parmi lesquelles des dirigeants de la Fédération belge de Football et du Sporting d’Anderlecht… et même le susmentionné Ministre Vanden Boeynants) ; outre que José Vanden Eynde connaissait la troisième victime officielle des Tueurs du Brabant wallon, le chauffeur de taxi Constantin Angelou (exécuté trois semaines précisément après Vanden Eynde, et non moins familier de l’Auberge de Jurion) ; et outre enfin qu’une perquisition au domicile de Jurion mît aussitôt à jour un calepin faisant état d’une commission occulte de 100 000 francs belges, perçus dans le cadre du transfert de l’international belge Czerniatynski de l’Antwerp à Anderlecht : des indices accablants rapprocheraient en effet bientôt la sordide mise à mort de José Vanden Eynde, le 23 décembre 1982, de celle près d’un an plus tard du dénommé Jacques Van Camp, notable dira-t-on familier des eaux troubles du Grand-Bruxelles, froidement assassiné sur le parking de son restaurant des Trois Canards par la Bande de Nivelles, la nuit du 2 octobre 1983… et tout bonnement fils de l’ancien Vice-Président du Sporting d’Anderlecht Alfred Van Camp !

Sans atteindre encore au tsunami d’hémoglobine de l’année 1985, la Bande de Nivelles n’avait toutefois pas été en reste, entre le 23 décembre 1982 et ce 2 octobre 1983… puisqu’ainsi et parmi d’autres, en sus de l’exécution le 12 janvier 1983 du susmentionné Angelou, de la mise à mort à Nivelles de deux civils et d’un policier, abattus dans la soirée du 17 septembre 1983, ou encore, une semaine plus tôt à Temse, du gardien de nuit d’un entrepôt où étaient secrètement stockés des gilets pare-balles dernier cri, d’évidence convoités par les criminels…

Et l’histoire soudain de s’emballer quand, le 3 décembre 1983, dans un restaurant voisin de celui dit des Trois Canards, la gendarmerie arrêterait bientôt quatre individus porteurs d’armes, parmi lesquels le dénommé Francis Van Binst : malfrat bruxellois qu’accompagnait la sœur du truand Vincent Louvaert, mieux connu encore des services de la justice, mais décédé trois semaines plus tôt d’une curieuse overdose aux forts accents de mise en scène…

Le toxicomane et truand Vincent Louvaert (1963-1983) dont, quelque 20 ans après les faits, un témoin affirmerait qu’il avait fait laver un trench Burberry couvert de sang, la nuit même de la tuerie de Nivelles, survenue sept semaines à peine avant sa fatale overdose. Dès le 7 mai 1984 toutefois, le dénommé Adriano Vittorio (lui-même dans le collimateur des enquêteurs) avait déjà fait une déclaration dans laquelle apparaissait le nom de Louvaert : « A l’époque, j’étais détenu à la prison de Forest. Je me souviens qu’un après-midi, alors que nous étions au préau, un type que je ne connaissais pas a marché vers moi et m’a dit : C’est toi Vittorio, qu’on soupçonne d’avoir fait le Colruyt de Nivelles? Je sais que tu es innocent, car le Colruyt de Nivelles, c’était Louvaert. » Ainsi qu’il tiendra à le préciser, Vittorio n’avait jamais encore entendu ce nom, ni moins encore rencontré Louvaert. Il poursuivrait : « Ce type m’a affirmé qu’après la tuerie du Colruyt de Nivelles, Louvaert avait fait des confidences, et dit notamment qu’il avait fait une très grosse connerie. Je sais que, le lendemain, Louvaert est allé chercher les journaux pour voir ce qu’on écrivait. Il s’intéressait à ce qui était écrit sur les tueries. On m’a dit qu’il était mort bizarrement le mois suivant. C’était un camé. Son problème, c’était qu’il ne se contrôlait plus quand il avait pris de la drogue. A l’époque, j’étais le suspect numéro 1. Alors j’ai fait cette déclaration et cité son nom en pensant que ça allait détourner l’attention. Ce type qui m’a parlé de Louvaert à Forest, je ne sais plus comment il s’appelait. Je ne sais même plus si j’ai connu son nom. »

Durant sa préventive, et outre qu’il reconnaîtra rapidement avoir été impliqué dans divers hold-ups armés (tout en niant farouchement la moindre responsabilité dans les massacres des Tueurs du Brabant wallon), Van Binst affirmera à la gendarmerie que ledit Vincent Louvaert lui avait confié avoir été l’auteur, au mois de septembre 1983, de l’attaque sanglante du supermarché de Nivelles, marquée du tribut de trois tués, officiellement attribuée aux Tueurs, et à laquelle eussent également concouru certain Willy De Schepper, spécialiste bruxellois du vol et du trafic de véhicules de grand luxe, ainsi que le fraîchement disparu et décidément troublant… Jacques Van Camp.

Mais Van Binst n’en avait pas fini de ses confidences, qui attribueraient encore à Van Camp d’avoir tuyauté la Bande quant à l’existence, au fin fond d’une usine à Temse, de cet entrepôt même où les Tueurs avaient pu dénicher, dans la nuit sanglante du 10 septembre 1983, ces fameux gilets pare-balles dont plupart des employés ignoraient pourtant l’existence… et dont la Bande, précisément, avait désormais cruellement besoin pour poursuivre son œuvre de terreur, depuis que les surfaces commerciales du Grand-Bruxelles avaient drastiquement été sécurisées par le ministère de l’Intérieur ! Et comme pour conforter les dires de Van Binst : la rumeur entendra bientôt que la belle-sœur de Van Camp, cadre de formation, était elle-même employée au sein de la société Wittock-Van Landeghem, à laquelle précisément appartenait l’ensanglanté et secret dépôt de gilets pare-balles susmentionné…

Van Binst enfin, et rapportant toujours les prétendues confidences de feu Vincent Louvaert, affirmera que Jacques Van Camp avait finalement été exécuté par certain Robert Becker et par Louvaert en personne, tant la Bande semblait redouter que Van Camp, susceptible de céder à la panique, ne finît par cracher le morceau devant l’ampleur des massacres perpétrés.

Les déclarations de Van Binst, fermement condamnées par la famille du défunt, ne feraient jamais l’objet de la moindre commission rogatoire, qu’importât même que la justice belge fût dit-on informée, par son homologue libanaise, de la possible découverte au Liban de l’arme du crime de Van Camp. Tout au plus ces déclarations empêtreraient-elles un temps bonne part de l’enquête sur la voie de ladite « connexion libanaise » (l’arme étant supposée avoir été revendue au diplomate libanais Hage Maroun : membre des Phalangistes Chrétiens impliqués dans la guerre civile au Liban, actif dans les milieux bruxellois de la drogue et dont l’on retrouverait, avec celui de sa compagne, le corps criblé de balles à son domicile de Molenbeek, le 26 décembre 1994), et en définitive noieraient les massacres des Tueurs dans un inextricable entrelacs d’hypothétiques réseaux internationaux, où se mêlassent trafics d’armes et de diamants, Afrique du Sud et Proche-Orient, voire CIA et grands projets de déstabilisation des démocraties occidentales…

Une de la presse belge, exemplative du climat dominant lors de la première moitié des années 1980.

S’accrochant plus prosaïquement à cette conjonction primaire d’éléments, où s’entrecroisaient meurtres insensés et juteux marchés noirs, autant que les noms de Jef Jurion et du Sporting d’Anderlecht, le Juge Bellemans se persuada pour sa part, à ce stade des événements, que l’ex-icône du Sporting n’était guère plus que la figure centrale d’un vaste circuit d’argent sale, auquel recourussent l’un ou l’autre clubs au moins pour éluder l’impôt, et que confirmeront d’ailleurs certaines pratiques de l’employeur du dénommé Léon Finné : assassiné par la Bande le 27 septembre 1985, et jusqu’alors gérant de l’agence de banque via laquelle, parmi d’autres activités douteuses, le Sporting Anderlecht rémunérait frauduleusement les plus illustres de ses vedettes ! Et, de fait, Bellemans lèverait-il bien vite l’existence d’autres commissions occultes, auxquelles fut certes mêlée encore la personnalité sulfureuse de Jurion… mais étrangères cette fois à l’univers du football, car liées bien plutôt à la vente d’appartements appartenant à l’ancien footballeur, lequel s’était diversifié aussi dans le secteur de la construction.

Les Trois Canards et le vieux Crocodile

L’odeur de l’argent sale restait palpable toutefois, aux noms de Vanden Eynde et de Van Camp, dont fuita qu’ils se connaissaient et avaient fait affaire, via la fiduciaire Office de représentation fiscale, au sein de laquelle Vanden Eynde avait jadis travaillé… Et l’ampleur des combines prêtées au fils d’un ex-dirigeant du Sporting d’Anderlecht de sembler se préciser quand Aldo Vastapane, industriel d’envergure qui avait géré les affaires du Ministre Vanden Boeynants au cours des années 70, et ami de 30 ans de feu Jacques Van Camp, en remettrait bientôt une couche en affirmant que ce dernier, sembla-t-il de tous les mauvais coups, prêtait régulièrement de fortes sommes d’argent au dénommé Ronald Rossignol, escroc notoire arrêté à Menton en 1984, spécialiste ès banqueroutes frauduleuses (jusqu’à la somme faramineuse de 800 millions de francs belges pour une seule opération !), bénéficiant çà et là de prêts du susmentionné banquier Léon Finné (assassiné par la Bande à l’automne 1985), et propriétaire parmi d’autres de compagnies d’assurance et aérienne aux dettes d’évidence savamment gonflées.

A la même époque, et comme pour parachever le tableau de ces troubles accointances, le conseiller fiscal du susmentionné Rossignol était alors suspecté de meurtre… Mais ce qui singulièrement intriguerait le juge Bellemans était que ledit Rossignol, quoique marié à une banquière, semblât parfois préférer s’en remettre au restaurateur et architecte de formation Jacques Van Camp, possiblement proche par son père (non moins que par l’infortuné concierge de Jurion) des pratiques opaques du football belge, pour obtenir les prêts requis à la poursuite de ses frauduleuses activités.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, rien ne prédestinait le piètre étudiant Paul Vanden Boeynants dit « VDB », « le boucher de Bruxelles » ou plus tard « le vieux Crocodile », à devenir un jour Premier ministre, mais surtout ministre de la Défense tout au long des années 70. Soldat sans fait d’armes particulier, il s’était auréolé d’abord d’un internement imaginaire dans un camp de concentration jusqu’à l’hiver 1941-1942, alors qu’il avait bien plutôt joué de ses origines flamandes pour être prématurément délié d’un stalag de Prusse-Orientale, où lui avait été confiée l’appréciable fonction d’interprète. Avant de s’inventer également un passé de résistant qui fût prétendument torturé par la Gestapo, Vanden Boeynants passerait le reste de l’occupation à développer les activités de son père boucher sur le marché noir, ce qui leur gagnerait à la Libération d’en diriger la fédération bruxelloise, de devenir les fournisseurs attitrés des troupes états-uniennes, et singulièrement au jeune Paul de connaître une ascension politique fulgurante au gré de ses contacts avec les cercles anti-communistes d’extrême-droite, puis d’un programme politique aussitôt qualifié de « néo-rexiste », du nom du parti réactionnaire du collaborationniste Léon Degrelle. Acteur-clé de l’américanisation du tissu urbain bruxellois, figure incontournable de l’ultra-droite catholique et petite-bourgeoise d’après-guerre, familier de la tribune d’honneur du Sporting d’Anderlecht (bien qu’il jouât plusieurs années à l’Union), mécaniquement cité dans le moindre scandale d’Etat et directement lié à moult suspects ou victimes des tueries du Brabant wallon : Paul Vanden Boeynants, donc, serait même directement désigné, par l’un de ses ex-membres, comme véritable dirigeant de l’organisation terroriste et néo-nazi du WNP. Précédant de plusieurs années ces accusations du dénommé Michel Libert, lui-même fortement soupçonné d’avoir été « le Géant » de la Bande, moult policiers, avocats, et journalistes avaient déjà livré leur conviction depuis les années 1980 : l’ex-Premier ministre Paul Vanden Boeynants était a minima mouillé, voire tout bonnement responsable des tueries du Brabant wallon. Pour d’autres spécialistes du dossier toutefois, le profil de Vanden Boeynants était à ce point sulfureux qu’il en faisait un suspect décidément trop commode : une diversion parfaite, dont restait d’ailleurs difficile de définir les intérêts personnels dans l’affaire… Cadavres exquis pour faire disparaître l’un ou l’autre associés gênants, tel ce Jacques Fourez qui le tenait dans une affaire immobilière frauduleuse ? A moins qu’il ne se fût plutôt agi de faire disparaître les témoins de partouzes impliquant des enfants? Devant, notamment, ladite « Commission d’enquête parlementaire sur le banditisme et le grand terrorisme », voilà bien le point pourtant que Vanden Boeynants s’employa toujours à contester avec la plus grande fermeté : « Les ballets roses ? Ah non ! Moi, Messieurs, je ne pédale pas dans la confiture ! VDB (sic) a beaucoup de défauts, mais il n’a pas de fantasmes sexuels! » En somme : un coupable probable, quoique un suspect trop parfait. Ou ainsi que l’expliquerait son compatriote Pierre Mertens, prix Médicis en 1987 : « Vanden Boeynants exorcise tous les problèmes du pays. »

De ce tableau inextricable, du tout exhaustif et où selon d’aucuns se mêlèrent jet-set et milieu bruxellois, trafics d’armes et de diamants, blanchiment d’argent et grandes familles de la noblesse ou de la finance belges, s’avéra en outre qu’Elise Dewit et son partenaire Jacques Fourez, proche pour la première du Ministre Vanden Boeynants, et tous deux tués par la Bande lors de l’attaque du supermarché de Nivelles du 17 septembre 1983, fréquentaient régulièrement (et à l’instar, là encore, de l’omniprésent ministre d’Etat) l’inévitable Jacques Van Camp en son établissement des Trois Canards, décidément non moins couru que ne l’avait été l’Auberge du Chevalier de l’auguste Jurion…

Ledit Jurion, entre-temps, avait décidé de reprendre, avec le dénommé Maurice Florizoone, le bail de la villa du fils Vanden Eynde, pour sa part parti tenter sa chance au Lesotho, six mois après que les assassins de son père l’eurent mis en croix, puis scrupuleusement fouillé dans les affaires du vieil homme et de l’ex-Anderlechtois… Comme par enchantement, la nouvelle acquisition de Jurion ferait presque aussitôt l’objet d’un méticuleux cambriolage, voisin dans son mode opératoire des trois précédemment commis en l’Auberge du Chevalier, quelques semaines à peine après que Florizoone se fut installé en les lieux…

Mais le plus troublant serait encore à venir quand, quelque six mois après l’épouvantable bain de sang survenu le 9 novembre 1985 dans un supermarché alostois (huit morts et neuf blessés graves), pinacle et chant du cygne officiels des Tueurs fous du Brabant wallon, serait arrêté le dénommé Philippe De Staercke : manouche mieux connu sous les savoureux surnoms de « Johnny » ou « Baron la Frite » (fritier le jour, il avait en effet coutume de s’habiller pompeusement le weekend, pour s’en aller parier aux courses hippiques), ex-légionnaire et chef de la Bande de Baasrode, et que d’aucuns croiront identifier à Alost aux jour et lieu de la tuerie…

Condamné, durant l’été 1987, à 20 ans de prison sur base exclusive des méfaits commis par la Bande de Baasrode, laquelle s’était spécialisée dans les attaques de convois blindés ; auteur, en 1991, d’aveux quant à son implication personnelle dans le massacre d’Alost (mais qu’il rétractera le 8 janvier 1997) ; libéré sous conditionnelle le 12 juillet 2001 et seul suspect, à ce jour, à avoir véritablement été jugé et condamné (fût-ce pour d’autres crimes) parmi la prodigieuse galerie de portraits qu’épuisèrent en vain les enquêteurs affectés aux Tueurs du Brabant : le caïd bruxellois Philippe De Staercke, vague connaissance d’ailleurs du fils Vanden Eynde, se trouvait aussi être un excellent ami du susmentionné Maurice Florizoone, associé régulier de l’ancien footballeur du Sporting d’Anderlecht… Jef Jurion…

(A suivre, dans le prochain épisode : les découvertes du juge Bellemans et ses conséquences, décisives du devenir du football belge)

7 réflexions sur « Crimes et châtiment (2/3) : Faire parler les morts »

  1. Pffff, comme tu l’écris, c’est inextricable ! Quel boulot ce dut être pour compiler et ordonner toutes ces infos.
    Après le 1er épisode, j’ai lu un peu à propos de l’ex-Premier ministre Paul Vanden Boeynan. Sacré politicard ! Accusé de fraude fiscale et secoué par un juge lors d’une audience au tribunal, il avait lâché aux journalistes une phrase formidable 😉 « Là, ce n’est pas comme en politique, il ne suffit pas de parler pour être cru ! »

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    1. Inextricable? C’est encore bien pire que cela!

      L’objet du présent article étant les conséquences de l’enquête-Tueurs sur le foot belge, je n’ai évoqué ici que les faisceaux de l’enquête convergeant, directement ou indirectement, vers le Sporting Anderlecht.

      Mais à côté de cela, pouillouille…………. C’est plus encore la bouteille à encre que ce que cet article suggère (!), et surtout ordonne, déjà!

      Parmi les pistes qui firent / font le plus l’actualité : celles dites « boraine » (évoquée sans l’être ouvertement parmi ces pages), « française »………. Il y eut aussi l’idée de chantages exercés par la mafia US sur certaine chaîne de supermarchés belges, de fait particulièrement ciblés.. J’en passe et des meilleures, une dinguerie.

      J’eus jadis, sans les chercher, des contacts indirects avec l’une ou l’autre familles de victimes ; la Belgique ..et Kinshasa! sont de gros villages..et je reste marqué par l’histoire de Temse/Tamise, cette usine où furent volés des gilets pare-balles.. A Kinshasa je vécus pendant des années chez un vieil Anversois qui, des années plus tôt, avait fait affaire avec la veuve de cette page des Tueurs : son mari, le concierge, y avait été abattu comme un chien……..mais, moins connu : il y avait eu leur chien aussi, massacré à bout portant, l’oeuvre de fous manifestes (le récit témoignait d’un sadisme certain)..ou de types extrêmement rationnels qui voulaient se faire passer pour fous??, allez savoir..

      Quant à elle, la veuve : laissée pour morte, handicapée à vie, prévisiblement laissée à elle-même par les autorités belges.. ==> elle avait donc dû vendre leur bien immobilier anversois – en l’occurrence à cet ami. Son récit faisait froid dans le dos : mon ami disait avoir rencontré « un spectre », une femme détruite qui parlait constamment de chien, de masques.. Les masques des Tueurs, c’est quelque chose ça aussi.

      A Overijse en 85, il y eut parmi les victimes un gamin de 12-13 ans sur son vélo, abattu à bout portant au riot-gun.. A vérifier (mes recherches pour ce papier datent, près de 20 ans déjà) mais, cette fois-là, il me semble que les Tueurs portaient ce type de masques : https://i.ytimg.com/vi/6QHIzNsJjMU/maxresdefault.jpg , comme une farce macabre..

      A côté de cette « esthétique »/psyché de thugs, de sociopathes finis : des techniques éprouvées, paramilitaires…….et qui mettaient en fuite voire décimaient les flics! ; ces Tueurs avaient assurément bénéficié d’entraînements soutenus, des toxicos genre Louvaert pourquoi pas, mais il fallut autre chose que ce genre de profils pour expliquer Alost, Overijse ou Nivelles.

      Je garde toujours à l’esprit l’une des rarissimes confidences de l’ancien N°1 du Stay-Behind belge, dans la foulée des déballages survenus en Italie, selon quoi cette organisation avait été l’objet d’instrumentalisations mafieuses.

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    2. VDB est vraiment illustratif de ce n’importe nawak auquel aura abouti la Belgique post-WW2……. Médiocre mais malin comme un singe, et jouant ouvertement de sa (..populaire..) chafouinerie, il copine (comme certains dirigeants illustres du foot belge post-war..mais no more comment!) avec les Allemands, puis avec les US.. Roi du marché noir avant de devenir le distributeur officiel de viande (un milieu particulièrement glauque au sortir de la guerre) auprès des troupes US, le début de la fortune..et de sa carrière en politique puisqu’il était, parallèlement, opportunément anti-communiste…… Le genre de profils vus, revus et archi-rerevus en Belgique, Italie, RFA post-war…., dont parmi (pour ne pas dire à la tête de) ces scènes footballistiques respectives, des salopes/fripouilles opportunistes…. mais VDB était rigolo au moins!, une conscience de farce à défaut de conscience de classe, on va dire.

      De son enlèvement, étrange parmi les étranges? Et dont plus d’un avancèrent qu’il fut arrangé par VDB himself? Voici ce qu’il inspira aussitôt en Belgique : https://www.youtube.com/watch?v=bMhn8woIgHI

      Un tube new-beat!, parodie de la conférence de presse qui suivit sa libération.. Un succès immédiat, et à dire vrai voilà désormais l’à peu près tout que les gens en retiennent au pays, autant en rire, comme résignés………… ==> A certains égards et à force de ne plus rien prendre de sérieux au sérieux, mes compatriotes ont ce qu’ils méritent.

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      1. Toute proportion gardée, cela m’évoque l’affaire Matesa (fraude aux subventions à l’export de la part d’un industriel, président ambitieux de l’Espanyol à la fin des 60es) et ses ramifications invraisemblables, Opeus Dei, flics liés à l’extrême droite française jusqu’à l’assassinat de l’ancien ministre Jean de Broglie, chargé du finalement de la campagne de Giscard en 1974.

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      2. Oui, cette histoire impliquant le dénommé Juan Vila Reyes..que je ne « connais » que pour ça, à dire vrai. Opus Dei? Tu ne crois pas si bien dire, ça revient régulièrement dans les Tueurs aussi.

        Dans le cas d’espèce, ce que je crois de ces plus que troublantes occurrences « Sporting Anderlecht » observées parmi la première vague de tueries (jusqu’à 1983, donc) : elles durent pour l’essentiel tenir à la matrice idéologique de ce club, catho-conservateur-atlantiste-anticommuniste (NB : c’était moins son essence avant 45..que sa raison d’être ce qu’il devint après 45)…..bref et par pure filiation idéologique, Anderlecht se retrouva à mobiliser les mêmes valeurs, individus et filières (la banque/agence dite « Copine », c’est flagrant) que celles à l’oeuvre dans ces tueries ; un recours commun aux plus opaques des canaux de l’anticommunisme (qu’il fût clandestin ou officiel). Et puisque l’on devait assez bien vite avoir fait le tour des acteurs de ce dark-side du conservatisme social-chrétien à la belge….

        Par ses proximités avec ces canaux, le Sporting dut en somme être une victime collatérale??……..mais que dire alors du Standard, car eux, en termes de collatéralité dans l’affaire.. Ce sera la troisième partie.

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    1. Une vie de roman..

      Comme joueur il refusait ostensiblement de jouer avec tout rival potentiel ou fantasmé, multiplia les trafics au gré des déplacements européens du Sporting Anderlecht (j’ai notamment vague souvenir d’une histoire de..lampadaires!!), chantage permanent pour être toujours le mieux rétribué, ordonnateur de bonne part des matchs truqués du Sporting dans les années 50.. Finalement rattrapé par la cavalerie lourde pour faits de corruption, quand il fut passé entraîneur à La Louvière.. Officiellement banni du foot belge, il se mêle toutefois de transferts de joueurs (la commision ci-évoquée, perçue pour le passage de Czerniatynski de l’Antwerp à Anderlecht, fut décisive de cette histoire vous-narrée en trois volets), à côté de quoi il magouille aussi sur le marché des devises (une histoire de fous sur laquelle j’essaierai de revenir), dans l’immobilier………..et il trouva donc encore le temps d’être actif dans la restauration, l’Auberge du Chevalier donc..

      C’était compulsif chez lui : l’argent l’argent l’argent! A bien des égards la figure qui, pour la Belgique, se rapprocha le plus de celle de Cruyff. A ces « détails » près que Cruyff aura surtout été une devanture derrière quoi s’agitait un Empire, bénéficia de méthodes industrielles, redoutablement professionnelles…….. Chez Jurion : tout est artisanal, du bouche à oreille, du réseau personnel.. ==> En soi, Jurion aura été un self-made-man, qui pour s’enrichir ne s’embarrassait pas trop des méthodes ni des accointances, magouilleurs de +/- grande envergure et en tous genres………. ==> Je présume que, dans la foulée de la mise à mort de son concierge : tout cela dut soudain lui paraître moins rigolo..

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