Las seis caídas de Cali – partie 2

Buenos Aires 3, Cali 0… Pour le moment, la quête continentale de la capitale del Valle del Cauca est infructueuse. Mais patience, le vent finira bien par tourner. Il ne peut en être autrement…

Estadio Nacional, 1987…

En 1987, l’America recrute le gloire vieillissante péruvienne Julio César Uribe et s’amuse avec les formations boliviennes d’Oriente Petrolero et du Strongest, obtenant la première place de son groupe face aux rivaux du Deportivo aux tirs au but. Au second tour, la tâche est nettement plus ardue puisqu’ils sont confrontés au dangereux Cobreloa, qui avait dominé le São Paulo de Careca et Müller, et Barcelona de Guayaquil. Dès le début, América obtient un excellent résultat en faisant match nul avec les Chiliens à Calama par 2 à 2, avant de vaincre à l’extérieur en Équateur. Le chemin de la finale semble ouvert mais Letelier de Cobreloa arrache le nul à Cali. Los Diablos Rojos ont besoin d’une victoire 4 à 0 face au Barcelona pour passer, chose faite grâce à son trio magique Battaglia-Ortiz-Gareca…

Les Colombiens sont satisfaits. Pas d’Argentin à l’horizon cette fois-ci… Pas vraiment une sinécure non plus puisque se présente le Peñarol de los Milagros. La grande institution de Montevideo, qui se remet difficilement de l’arrêt de Fernando Morena, criblée de dettes, a confié les rênes à un coach jusqu’alors déconsidéré, Óscar Washington Tabárez. Elle n’a pas l’effectif le plus flamboyant de son histoire mais José Herrera, José Perdomo ou le buteur Diego Aguirre forment un groupe où la solidarité n’est pas un vain mot. Los Carboneros viennent de réaliser deux exploits, passer devant le tenant du titre, River Plate, et surtout infliger à l’Independiente de Ricardo Bochini sa première défaite à domicile face à une équipe étrangère en 34 matchs…

L’aller à Cali n’est pas exempt de polémiques. Les Uruguayens se méfient de l’arbitrage de José Roberto Wright, qui selon la rumeur, aurait été approché par la Cartel, et une étrange fumée envahit leur vestiaire avant le début de la partie, obligeant Peñarol à quitter en quatrième vitesse les lieux. Cabañas et Battaglia sont éblouissants, la victoire escarlata prometteuse. Au match retour, à Montevideo, Cabañas fait taire le Centenario dès la 19e minute mais Peñarol n’abdique pas. Diego Aguirre égalise et hurle sa rage au visage de Falcioni, avant que Villar n’offre une victoire inespérée à trois minutes de la fin. La Colombie et Cali, ou les 180 secondes de trop… A Santiago, lors du match d’appui, Battaglia vient narguer Peñarol en paradant devant eux avec un maillot du Nacional. Le match est tendu, Cabañas et Herrera sont expulsés, le score de 0 à 0 à la 119e minute. Un nul assurerait le titre à l’America. C’est à ce moment qu’Aguirre décroche une frappe croisée du gauche inattendue qui foudroie Falcioni. Un moment d’éternité… Peñarol gagne ainsi son cinquième titre continental, le dernier au palmarès, tandis Jairo Ampudia et Cali pleurent à chaudes larmes. « Ce n’était pas une défaite, mais un coup de poignard dans le cœur« , dira Falcioni…

Estadio Monumental, 1996…

America devra attendre neuf ans pour revivre une épopée en Libertadores et, suprême affront, verra l’Atletico Nacional de René Higuita et de Pablo Escobar devenir le premier club colombien à soulever le prestigieux trophée en 1989. Elle n’a plus les finances sans limite pour recruter ce qui brille sur le continent mais son effectif demeure néanmoins de qualité. Óscar Córdoba et Jorge El Patrón Bermúdez, gardien et défenseur qui feront bientôt le bonheur de Boca Juniors. Le virevoltant Giovanni Hernández, ainsi qu’une vieille relique, pont avec la génération 1980, Anthony De Ávila qui prouvera avoir de beaux restes.

Après un premier tour accessible, America se défait en huitièmes de finale du Minervén vénézuélien, avant d’arracher la qualification pour le dernier carré aux dépens du Junior Barranquilla d’Ivan René Valenciano grâce à un but tardif de son schtroumpf préféré… L’attend désormais le tenant en titre, Gremio. Ils souffrent le martyr à Porto Alegre, cédant sur un but de Luis Carlos Goiano. Le retour à Cali n’arrange rien, Mario Jardel ayant donné l’avantage aux Brésiliens à la mi-temps. Les fans poussent, Jorge Bermúdez décide de rester en attaque et, tel un Thuram possédé, marque un doublé, dont une tête rageuse qui scelle définitivement le passage en finale. Cali chavire…

Année finissant en six, l’ultime adversaire est forcément… River Plate ! Un River fantastique, pouponnière de talents où se côtoient les Crespo, Ortega, Gallardo et qui voit le retour du Principe Francescoli. Un Enzo miraculeusement rajeuni qui se joue successivement dans la competition de San Lorenzo et de l’Universidad de Chile de son futur buteur Salas. L’equipe dirigée par Ramón Díaz est étonnamment attentiste à Cali et c’est une nouvelle fois le vieux Anthony De Ávila qui transperce un Germán Burgos médusée. Les fans d’America restent néanmoins sur leurs gardes, certaines cicatrices ne disparaissent jamais totalement… Dans le chaudron du Monumental, les Colombiens ne feront illusion que six minutes et le premier but d’Hernán Crespo. Égalité parfaite… Pourtant personne ne se fait d’illusions, de Cali à Buenos Aires. Los Diablos rojos vont craquer, c’est écrit… Óscar Córdoba, d’habitude si flegmatique, sort à la hussarde, Crespo reprend de la tête et offre un deuxième succès continental aux Millonarios. Dix ans après et un transfert au Matra Racing qui l’avait éloigné de l’épopée victorieuse, Francescoli serre enfin contre lui ce trophée conquis aux bras de son club de coeur. Quant au pauvre De Ávila, il regarde passer le train de la gloire pour la quatrième fois…

Estádio Palestra Itália, 1999…

Mario Yepes a laissé de très bons souvenirs en France. Défenseur intraitable, comportement exemplaire, un guerrier que tout fan rêve d’avoir dans son équipe. Idem pour Victor Bonilla à Toulouse. C’est un peu moins vrai du côté de Nantes… Ce duo est le fer de lance du Deportivo Cali 1999. Bonilla sort d’une saison 1998 dantesque, le titre de champion et surtout 36 buts au compteur, tandis que le défenseur gaucher connaît la première de ses 102 sélections. Sous la direction technique du natif de Bogota José Eugenio Cheché Hernández, Deportivo se désintéresse rapidement des joutes nationales pour concentrer ses efforts sur la Libertadores. Et la mission ne paraît pas aisée puisqu’il faut croiser le fer avec Vélez Sarsfield et River Plate au premier tour. Los Azucareros démarrent pied au plancher, gagnant tous ses matchs à domicile et s’offrant le luxe de finir devant River.

Bonilla est dans la forme de sa vie, il sera d’ailleurs le meilleur buteur de la compétition, Colo Colo ne se remet jamais du premier quart d’heure tonitruant à Cali. Au tour suivant, C.A. Bella Vista est un adversaire inattendu mais coriace. Les Uruguayens céderont comme les autres sur une frappe de l’inévitable chauve Bonilla… En demi-finale, le Cerro Porteño croit à son étoile, à l’obtention de sa première finale. N’a-t-il pas réussi à remonter une défaite 3 à 0 à l’aller face à l’Estudiantes de Mérida? L’Estadio Pascual Guerrero avalera goulûment les Guaranis 4 à 0… 21 ans après la partie d’échec perdue face à Toto Lorenzo, le Deportivo Cali monte cette fois-ci sur le ring face au Palmeiras de la puissante Parmelat…

Victor Bonilla face au Cerro Porteño

Le club de São Paulo n’a plus vécu de finale continentale depuis 1968 et Ademir da Guia mais la prise de pouvoir de la Parmelat en 1992 ouvre une ère nouvelle où l’on ne se refuse rien, où les Rivaldo, Roberto Carlos ou Edmundo assoient leur domination sur la scène nationale grâce à un foot brillant et offensif. Une puissance économique et une capacité à conserver ses internationaux que le pays ne revivra plus jamais… Manque pourtant toujours au palmarès cette Libertadores. Luiz Felipe Scolari, récemment titré avec Gremio, construit un Verdão rusé et technique au parcours de conquérant : Vasco, Corinthians et River Plate finissent par hisser le drapeau blanc. Bonilla ne l’entend néanmoins pas de cette oreille et offre au Deportivo sa première victoire en finale continentale d’une superbe tête smashée…

La file d’attente pour obtenir le précieux sésame n’en finit pas au Palestra Italia. Les déçus seront nombreux le jour du match, des affrontements à l’extérieur du stade et deux morts viendront noircir le tableau. Scolari ordonne à ses joueurs d’exploiter les lacunes aériennes du gardien Dudamel, le Verdão étouffe son adversaire mais sans résultat en première mi-temps. « Jouons nos vies ! «  Le message de Zinho est limpide. Coup franc à l’entrée de la suface, Yepes touche la sphère de la main, Evair, tout juste entré à la place d’Arce, ouvre le score ! Les prolongations se profilent jusqu’à une faute grossière dans sa surface de Júnior Baiano ! Zapata le capitaine trompe Marcos, Cali voit enfin le bout du tunnel… Palmeiras lance ses dernières forces dans la bataille, et signe du destin, c’est Oséas, un autre remplaçant qui conduit les deux belligérants à la séance de tirs au but… Zinho, Bedoya ratent, la pression est énorme sur Zapata. Nous avons pu constater que la capitaine du Deportivo était habituellement hermétique à cela mais toutes les séries ont une fin…

Marcos est grand!

Six fois… Six fois, la ville de Cali a vu ses rêves s’envoler en fumée. Tragique destin, resté coincé dans l’ascenseur du XXe siècle. Les plus optimistes penseront qu’il n’est pas interdit d’y croire malgré tout. S’inspirant peut-être des déboires de Vitas Gerulaitis. Cet excellent tennisman, vainqueur de l’Open d’Australie et noceur de compétition, n’arrivait pas à passer l’obstacle Jimmy Connors. Jusqu’au jour, où après 16 défaites consécutives face à son Némésis, il réussit à le vaincre aux Masters, offrant à son sport une de ses citations les plus célèbres : « Et que ce soit une leçon pour vous tous. Personne ne bat Vitas Gerulaitis dix-sept fois de suite. » Ce que Vitas ne pouvait savoir à l’époque, c’est que Björn Borg le ferait mentir. Pauvre Cali…

Vitas Gerulaitis au tournoi de Monte Carlo
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14 réflexions sur « Las seis caídas de Cali – partie 2 »

  1. América manque clairement le coche en 1987, car ce Peñarol était vraiment prenable. Ça se joue à rien, Aguirre réalise les matchs de sa vie alors qu’en face, la peur d’une 3ème finale consécutive perdue fait douter certains de leurs moyens. Ils craquent dans le money time, comme Falcioni, jamais décisif quand il le faut. Comme Gareca (un des grands absents de l’Albiceleste 1986), décevant dans presque tous les matchs des finales.

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    1. Oui, surtout qu’un nul en match d’appui leurs offrait le titre. Celle de 85, perdue face à Argentinos, peut laisser quelques regrets également. Mais les autres finales présentées dans ces deux parties étaient face à des équipes supérieures en qualité.

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      1. Il etait a son firmament en 2000, 2001. Elu meilleur gardien sudamericain une de ces annees-là.
        Y’avait eu Navarro Montoya comme gardien colombien illustre à Boca au quelques années avant lui.

        Au passage, avoir un excellent et solide gardien c’était dans l’adn à Boca. Moins vrai depuis que le foot argentin est relegué a joue les seconds rôles forcement.

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      2. Y avait une belle concurrence dans les buts à cette époque en Colombie. Cordoba, Mondragon, Miguel Calero qui est une idole à Pachuca. La cas Higuita…

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      3. Higuita, je l’ai jamais vu impressionnant. Je me demande si ce n’est pas une pure escroquerie !

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      4. Tout lu! C’était du terra incognita pour moi, donc merci.

        Higuita : pas convaincu non plus..

        J’ai surtout focalisé sur le buste de sa copine, mais il a un drôle de pantalon, le Gerulaitis..

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      5. C’était un sacré fetard Gerulaitis quand tu écoutes les recits des Nastase, Villas et compagnie. Qui n’étaient pas les derniers pour la nouba. Après avoir trimé toutes les années 70 face à Connors, il aura par la suite largement le dessus sur sa fin de carrière, le battant même en demi-finale de Roland Garros en 81. Faut jamais désespérer!
        Il est tres bien ce pantalon!

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