Le jour où Saint-Marin a gagné un match de football

Ou comment la pire équipe du monde se cherche une reconnaissance footballistique.

Au fil des années, c’est devenu l’un des défis les plus appréciés dans les jeux vidéo de football : faire gagner Saint-Marin. Sur FIFA comme sur Football Manager, la Serenissima est considérée comme la pire équipe du monde. Sa dernière place actuelle au classement FIFA confirme ce statut peu envié. Et au-delà de ce classement au mode de calcul pas toujours clair, il y a les chiffres : 203 matchs officiels, neuf matchs nuls et 193 défaites, avec 32 buts marqués et… 816 encaissés.

Un peu plus de quatre buts encaissés par match, donc, et seulement sept matchs sans prendre le moindre but. L’équipe ne semble pas à la hauteur des rencontres internationales et a, depuis sa reconnaissance par la FIFA en 1988 et son premier match en 1990, forgé sa réputation de paillasson du football européen. La Norvège, la Belgique, l’Allemagne, la Pologne, les Pays-Bas et l’Angleterre ont déjà inscrit au moins 10 buts en une rencontre face à la Serenissima. Une sérénité qui doit être toute relative du côté des joueurs saint-marinais et qui doit rapidement laisser place à un certain abattement au fil des rencontres.

Pour vaincre le signe indien, la fédération saint-marinaise a affronté des pays non européens à plusieurs reprises. Le bilan ? Trois nuls et trois défaites, lors de différents matchs amicaux face au Cap-Vert, à Sainte-Lucie, aux Seychelles et à Saint-Kitts-et-Nevis. Si elle n’a pas gagné, la sélection saint-marinaise a tout de même pu montrer que ses résultats catastrophiques sont en partie dus à sa position géographique, à savoir dans la confédération où le niveau est le plus élevé.

Une victoire pour l’histoire

Pourtant, Saint-Marin a bel et bien gagné un match. C’était en 2004, il y a 20 ans jour pour jour, face au Liechtenstein. Il s’agissait d’un match amical, disputé à domicile dans le stade olympique de Serravalle. Déjà à l’époque, les matchs amicaux étaient organisés face à des équipes de niveau plus proche. Les deux équipes s’étaient affrontées en août 2003, à Vaduz, et déjà Saint-Marin avait réalisé une performance historique : inscrire deux buts en 90 minutes. La rencontre s’était soldée par un match nul (2-2). Saint-Marin n’a réédité cette performance offensive qu’une fois par la suite, lors d’un match amical perdu contre Malte en 2012 (3-2).

Mais le 28 avril 2004, à Serravalle, Saint-Marin réussit à ne pas prendre de but. C’est la deuxième fois que cela arrive dans son histoire. Mieux, à la sixième minute, Andy Selva tire un coup-franc en deux temps et trompe la vigilance du gardien du Liechtenstein. L’attaquant inscrit alors son quatrième but en sélection. Celui qui sera champion de Serie C avec Sassuolo en 2008 entre dans l’histoire de son pays en offrant la victoire à sa sélection avec ce but dès le début du match. Il est actuellement le meilleur buteur de la Serenissima (huit buts).

Des lendemains qui déchantent

Historique, ce succès est malheureusement sans lendemain. La faute peut-être à un calendrier mal géré, qui a empêché la sélection de surfer sur cette victoire. Saint-Marin ne dispute pas de match amical en juin 2004, à une période où les équipes nationales non qualifiées pour l’Euro auraient pu constituer une opposition abordable. Ensuite, la Serenissima dispute la campagne de qualification pour la Coupe du monde 2006, où elle parvient à ne perdre que 1-0 contre la Lituanie et 2-1 contre la Belgique, à chaque fois à domicile. Mais il faut attendre août 2006 pour voir un nouveau match amical. Saint-Marin est nettement battu par l’Albanie à Serravalle et la minuscule parenthèse enchantée de 2004 est déjà oubliée. En septembre 2006, l’Allemagne balaye la petite république (13-0), lui infligeant la plus large défaite de son histoire.

Les joueurs ne le savent pas encore, mais ils sont en train de subir la plus longue série de défaites de l’histoire du pays, mais aussi du football international. Au total, 61 défaites consécutives (dont une série de 20 matchs sans marquer, record d’Europe), jusqu’à un match nul inespéré en 2014 face à l’Estonie (0-0) dans le cadre des qualifications à l’Euro 2016. Un nul qui sera suivi d’une nouvelle série de défaites (39 en tout), avant que Saint-Marin ne croise la route du Liechtenstein en Ligue des Nations et arrache un match nul à l’extérieur (0-0), en octobre 2020.

Dans ce groupe de la Ligue D, Saint-Marin décroche au total deux matchs nuls et concède deux défaites. La Serenissima termine dernière, derrière Gibraltar, invaincu, et le Lichtenstein.

De l’espoir pour le futur ?

Saint-Marin retrouvera justement ces deux équipes à partir de l’automne prochain, pour l’édition 2024-2025 de la Ligue des Nations. Et s’il est trop tôt pour établir des pronostics, il est intéressant de se pencher sur le parcours de Gibraltar. N’ayant disputé son premier match officiel qu’en 2013 et n’étant doté que d’un unique stade de football, le rocher de la péninsule ibérique n’a pas vraiment les armes pour exister footballistiquement dans l’UEFA. Et pourtant, en 86 matchs officiels, Gibraltar en a remporté huit, à chaque fois contre des sélections européennes. Les deux pays ont des populations de taille similaire (environ 33 000 habitants) et peuvent difficilement compter sur l’arrivée d’une génération dorée qui leur permettrait d’obtenir de meilleurs résultats.

Pour Saint-Marin, la stratégie consiste à multiplier les oppositions amicales contre des nations mineures de confédérations au niveau moins relevé. En espérant que cela finisse par payer, ne serait-ce que pour quitter la dernière place du classement FIFA.

6 réflexions sur « Le jour où Saint-Marin a gagné un match de football »

  1. Merci Modro pour cet article, qui donne espoir à tous les suiveurs san-marinais ! Sinon, ça serait intéressant de savoir pourquoi Saint-Marin n’y arrive pas, en comparaison avec les autres petites nations (en terme de population) européennes, c’est la question qui est posée en fin d’article… Pourquoi des équipes comme Gibraltar, les îles Féroé et dans une moindre mesure Andorre et le Liechtenstein parviennent à accrocher plus des résultats ? L’encadrement, des joueurs qui s’expatrient pour mieux performer en sélection ?

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    1. Je pose la question en fin d’article car je suis totalement incapable d’y répondre. J’aimerais avoir le temps et l’occasion de me pencher sur la stratégie des petits pays pour exister footballistiquement.

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    2. Je dirais que, par rapport à ce que j’ai pu voir, il semble exister une différence d’approche footballistique entre Saint-Marin et ses adversaires équivalents lorsqu’ils s’affrontent : les Saint-Marinais jouent naturellement plus défensif que leurs opposants, comme s’il était ancré dans leur esprit que peu importe qu’ils affrontent, ils doivent subir le jeu et laisser la possession, avec guère peu d’initiatives dans la prise de risques.

      À l’inverse, Gibraltar est un tantinet plus joueur, et cela se ressent statistiquement : 8 victoires, 9 nuls en 86 matchs et déjà 30 buts inscrits. Et quelques résultats face à des adversaires à priori bien supérieurs comme des victoires contre l’Arménie et la Lettonie ou des nuls contre la Bulgarie et la Slovaquie.

      Actuellement, le Liechtenstein est au fond du trou : ils ont atteint la 204ème place en juin 2023 (pire classement de leur histoire), n’ont pas gagné de match depuis octobre 2020 et restent sur 37 matchs sans victoires dont 24 défaites consécutives (voir ici : https://en.wikipedia.org/wiki/Liechtenstein_national_football_team_results_(2020%E2%80%93present).

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    1. Oui je trouve que les faibles nations européennes, il y a un réel intérêt que de pouvoir se mesure à des équipes de niveau plus ou moins équivalent et qui plus est, de jouer la montée en Ligue C ; ça doit tout de même les motiver.

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