11 du Cercle (1/4) – Le clubman, le gentleman et le pionnier

Cinq clubs belges, cinq clubs néerlandais… et 10 « Onze du siècle »!

Point commun à ces 10 heureux élus ? Aux antipodes de plupart des grands clubs oligarchiques, aucun d’entre eux ne bénéficia de soutiens anticoncurrentiels sur la longue durée. Ce qui, au gré parfois de leurs hauts mais plus souvent de leurs bas, rend particulièrement précieuse la diversité de leurs Histoires, aux allures toujours de montagnes russes, et à quoi se devrait raisonnablement de ressembler le destin de tout club si les corruptions de tous ordres ne venaient hélas s’en mêler.

Premier sur la liste : les Belges du Cercle de Bruges. Club d’essence catholique, riche de trois sacres nationaux et de deux victoires en Coupe, lauréat de moult trophées internationaux au début du XXe siècle…mais connu surtout pour son caractère familial et sa modestie, l’excellence de sa gestion, son culte de la jeunesse, la sympathie qu’à peu près partout il inspire, et son souci permanent de chaleur humaine. Ou ainsi que le martèlerait son joueur du siècle : « Le Cercle, c’est un mode de vie. Une philosophie de vie »… mais c’est aussi, Belgique oblige, une bonne pincée de trading…

En très précisément un demi-siècle de football professionnel en Belgique, et quoique composant toujours avec des bouts de ficelle, de surcroît à l’ombre d’un puissant voisin : le Cercle aura réussi l’exploit de se maintenir 40 saisons dans l’élite de son football national. Mieux : avec 83 saisons passées en première division, il figure tout bonnement le cinquième club le plus assidu dans l’élite du football belge, dans la roue des milliardaires du Sporting d’Anderlecht.

Club de tradition s’il en est, plongeons donc dans l’Histoire de ce Cercle qui, dans la foulée récente de ses 125 ans, devrait boucler la saison dans le top 5 de l’actuel huitième championnat au ranking européen, et qui officialisa à cette occasion l’équipe-type de son Histoire – une équipe péchant par sentimentalisme voire par diktat du présent, et dont nous nous écarterons dès lors d’un peu, au gré d’un dispositif en 2-3-5 respectueux tant d’une salle des trophées garnie surtout il y a un siècle, que de l’inflexion pérenne du Cercle pour un football résolument direct et énergique, pubère et généreux, et où ne manquèrent (presque) jamais les puncheurs de talent.

Aujourd’hui : le clubman, le gentleman et le pionnier.

1) Arrière gauche : le clubman

« Le Cercle n’a pas besoin de devenir le meilleur,

il se suffit à rester le plus propre. »

Jules Verriest

La belle ville de Bruges, deux fois au moins par an, se pare à la moindre de ses fenêtres d’écharpes de laine où le noir, lui unanime, se mêlera tantôt de vert et tantôt de bleu, suggérant sans ambiguïté aucune, au pékin de passage, la nature profonde de la maison, de ses aspirations politiques, de ses goûts footballistiques… et des codes que la bienséance entendra ces jours-là d’y adopter.

Oh, il n’y a là rien des excès voire violences d’Argentine, car à Bruges le derby est une joute codifiée, certes. Mais une joute paisible, pacifiée à mesure qu’elle devenait asymétrique et où, plutôt que d’en venir aux mains avec son frère, Caïn passât son dépit sur le sable, ou Romulus sur les eaux voisines qui absorbent tout.

Et cependant c’est une chose sérieuse, que de naître Groen-Zwart ou Gazelle. Ainsi que pourrait l’illustrer, dans la plus pure acception de ce dont est significative l’appartenance à un club, la vie du toujours exemplaire Jules Verriest, fraîchement âgé de 78 ans, et clubman parmi les clubmen.

Les conserveries Marie Thumas, muse du chanteur ostendais Arno.

« Juultje », ainsi qu’on l’appellerait bien vite dans le quartier, découvrit le football à deux pas de la tour de la cathédrale Saint-Sauveur : sur les pavés du logis familial de la Dweerstraat où, des années durant, il s’ébroua avec ses camarades et un ballon fabriqué à partir de cordes et de papier journal. Ses parents tenaient un petit commerce ambulant, vendant des fruits et des légumes de porte en porte, à l’aide d’un cheval et d’une charrette. Puis, « un jour, j’ai appris que Marie Thumas, notre fournisseur de conserves, avait fait don d’un ballon de football en cuir à mes parents, pour les féliciter de leurs ventes… L’un des plus beaux jours de ma vie : j’étais devenu l’heureux propriétaire d’un vrai ballon, avec lequel je passai des heures à essayer de marquer dans des buts improvisés, entre les lampadaires ou dans l’encadrement des portes d’entrée. »

La cathédrale Saint-Sauveur de Bruges, depuis la Dweerstraat…et l’un des lampadaires où, probablement, « Juultje » Verriest trouva enfant à s’exercer.

Bien qu’il jouât en pantoufles, le petit Jules serait repéré à ses douze ans par deux légendes du Cercle, les entraîneurs de jeunes Tuurtje Ruysschaert et Marcel Pertry. Impressionnés, ceux-ci lui remettraient une carte de membre et un reçu, avec lequel lui était loisible de retirer une paire de chaussures au Stade Edgard Desmedt, antre alors du Cercle. « Mais ce seront des chaussures de football d’occasion. Et si elles deviennent trop petites, il te reviendra de te débrouiller avec. Par exemple en les revendant, comme ça tu pourras t’offrir une autre paire d’occasion. »

Petit mais rapide, et doté d’un dribble du gauche exceptionnel, Jules se ferait à tel point remarquer, lors des tournois de jeunes disputés, qu’il se déciderait deux ans plus tard à quitter pour de bon l’école, de sorte de pouvoir se consacrer pleinement à sa prometteuse carrière de footballeur. Au Cercle! Cinq ans de plus, et cet enfant des quartiers populaires de Bruges y effectuait enfin ses débuts. Pendant les seize années qui suivirent, il ne quitterait plus jamais l’équipe première. Au total, et au cours de ces 21 saisons passées au Cercle, son père ne le verrait jouer qu’une seule fois : à l’occasion du premier match, un derby contre le Club de Bruges…dont le public avait été tant hostile envers son fils, menaçant de lui « casser la jambe », qu’on ne l’y reprendrait jamais plus.

Mises à l’épreuve

La première saison de Verriest en équipe première serait toutefois épouvantable : relégué tant sportivement que règlementairement, des suites d’une affaire présumée de corruption, le Cercle passerait sans crier gare de la première à la troisième division. Verriest s’accrocherait pourtant, bien qu’il ne cessât jamais de descendre dans le jeu, d’abord d’inter à demi gauche… puis même encore un cran plus bas quand, à son plus vif mécontentement, le jeune entraîneur Urbain Braems lui pressentit un avenir comme wing back. Au terme de cinq années de purgatoire, enfin : le Cercle renouait avec l’élite, en 1971. Quatre ans de plus, et Verriest glissait pour de bon au poste de libéro, d’où il écolerait celui qui, une décennie plus tard, serait tenu pour plus grand spécialiste mondial de la fonction : le Danois Morten Olsen.

Cercle de Bruges, saison 1970-71, Champion de Division 2. Debout de gauche à droite : Jules Verriest, Franky Simon, Urbain Braems, John Bogaert, Patrick Albert, Rudolf Van Poucke et Albert Antjon. Assis de gauche à droite : Raf Lapeire, Carlos De Steur, Joris Bogaert, Willy Van Acker, Jurgen Todebusch et Pierre Hanon.

Au total, Jules Verriest aura disputé près de 500 matchs pour le Cercle. Et durant toutes ces années, il ne cessa jamais de travailler comme électricien pour la société EBES, qui à compter de 1990 deviendrait le plus grand producteur et fournisseur d’électricité de Belgique. Malgré les moult sollicitations reçues, et du fait sans doute de l’interminable conditionnement amateuriste infligé aux footballeurs belges, des décennies durant : Verriest se refuserait toujours à une carrière internationale et même professionnelle, et y gagnerait d’être durablement tenu pour un authentique héros de la classe ouvrière – une légende qu’il s’emploierait lui-même à démonter :

« J’aurais pu gagner dix fois plus quand Urbain Braems a voulu que je le rejoigne à Anderlecht, à l’été 1973. Mais je m’étais fixé deux objectifs dans la vie : jouer dans l’équipe première du Cercle, et travailler pour la compagnie d’électricité EBES. A l’adolescence, je me souviens que l’un de ses employés habitait dans la même rue que moi : toujours tiré à quatre épingles, avec une belle voiture de sport… Moi aussi je voulais un travail comme ça : bien payé et agrémenté d’un treizième et d’un quatorzième mois… Et puis il y avait ces horaires, parfaitement compatibles avec mes heures d’entraînement… Sans compter que les membres du conseil d’administration ne manquaient jamais à leurs engagements ; je n’avais aucune raison de leur faire faux bond. Mais surtout, surtout : j’avais cette ville dans la peau. »

Jules Verriest, dans les bureaux du Cercle.

Ce n’est pas faute, pourtant, que Verriest et les siens fussent alors tiraillés par des difficultés financières, après que des placements hasardeux l’eurent durablement contraint à d’imprévisibles et insoutenables investissements. Et cependant, même l’intérêt du FC Bruges n’y changerait rien. « Gilbert Bailliu, John Moelaert, Roger Simoens et Luc Sanders avaient déjà quitté le Cercle pour le Club… Je me voyais vraiment mal faire la même chose au Cercle. Aussi je refusai leur proposition, quoique en insistant auprès de la direction du Cercle pour qu’ils fassent un geste, mais tout ce que j’obtins fut un prêt avec un taux d’intérêt minimum. »

Faiseur et défaiseur de rois

Faute de Verriest, le Club se rabattrait donc sur son plan B : le joueur de Beringen Julien Cools, meilleur joueur de la saison 1977, et capitaine de la sélection belge vice-championne d’Europe en 1980. Les clubs éconduits, il est vrai, pouvaient toujours retomber sur leurs pattes. Mais il en irait autrement des politiques qui, à compter de 1976, s’emploieraient coûte que coûte à attirer ce poisson sur leurs listes.

« En 1976, je fus directement approché par le chrétien-démocrate Michel Van Maele, homme-fort du FC Bruges et bourgmestre en exercice. Dans l’opération, qui ne consistait guère qu’à apporter mon soutien symbolique à son parti, j’aurais pu gagner un petit magasin au Zilverpand, dans la rue parallèle à celle où j’avais grandi : une affaire en or, qui d’ailleurs vaudrait plus tard quelques millions. Mais le politique et moi n’avons jamais fait bon ménage, alors je le remerciai, en dépit des deux appels téléphoniques que m’adressa aussi son Président de parti, le Premier Ministre Léo Tindemans. »

Lors des élections précédentes, Van Maele avait remporté la majorité absolue. Mais cette fois-ci, il échouerait avec 43% des voix, si bien que l’écharpe mayorale revint au leader socialiste Frank Van Acker. Au mois de mars 1981, quand Verriest remporta le trophée du Mérite sportif de la ville de Bruges, celui-ci lui fut exceptionnellement remis en mains propres par ledit bourgmestre : « Vous vous souvenez, Jules? En 1976. C’est en partie grâce à vous, si je suis devenu bourgmestre. »

Plus encore populaire quand sonna la fin de sa carrière dans le football d’élite, son attractivité grandirait à tel point que, pour les élections de l’automne 1981, ce furent cette fois trois partis qui lui proposeraient d’intégrer leurs listes ! Mais ces histoires d’élections, décidément, n’étaient pas faites pour lui – sinon bien sûr pour les choses du football : en 2000, Jules Verriest était officiellement élu Joueur du siècle…et en 2024 il se livrait de bonne grâce, pour une fois, à l’élection de son 11 du siècle…

2) Arrière droit : le gentleman

« Faites en sorte que le vestiaire

soit un bon endroit après le match. »

Morten Olsen

Pour comprendre le destin de Morten Olsen, lui-même fondamental du destin du football de son pays, et plus encore qu’à évoquer l’influence de son premier mentor Jules Verriest : il est indispensable de passer par Ajax – et plus particulièrement par la figure de Han Grijzenhout qui, à Amsterdam, avait été l’assistant de Rinus Michels pendant près de sept ans.

C’est aux lendemains du second sacre continental d’Ajax, en 1972 face à l’Inter, que Grijzenhout accepta de devenir l’entraîneur principal du Cercle de Bruges, en remplacement d’un autre et très prometteur débutant : le Belge Urbain Braems, qui 12 mois plus tôt y avait fait venir le dynamique attaquant danois Benny Nielsen.

Dérégulé quelque 20 ans plus tôt, le football néerlandais était alors bien plus professionnel que ne l’était son homologue belge, officiellement toujours amateur. Aussi avait-il été des plus naturel que le dénommé Gérard Versyp, qui siégeait au conseil d’administration du Cercle et était un ancien arbitre de la FIFA, appelât l’un de ses amis néerlandais, le célèbre arbitre Leo Horn, de sorte qu’il pût lui recommander l’un de ses compatriotes…

« Han Grijzenhout! », lui répondrait sans hésitation Leo Horn. Ce qui bientôt signifierait le début d’une carrière belge longue de quelque vingt ans, au cours de laquelle Grijzenhout prendrait place à quatre reprises sur le banc du Cercle. Première de ses décisions, à l’été 1972 : le transfert de l’ailier danois Morten Olsen. Lequel, des années plus tard, se rappelait :

« Lorsque je l’ai rencontré à l’occasion de la parution d’un livre, il y a quelques années, Grijzenhout m’a dit que Stefan Kovacs l’avait contacté, après ma première saison au Cercle, parce qu’il souhaitait absolument que je rejoigne l’Ajax. Mais Grijzenhout lui avait répondu que je n’étais pas à vendre. En 1972, le Cercle ne comptait qu’une poignée de joueurs professionnels à plein temps, les autres avaient un travail à côté. Cela ressemblait beaucoup au football danois de jadis, à ce temps heureux où nous étions tous amateurs. Mais Han Grijzenhout changea la donne dès le premier jour. Ainsi, lors de l’entraînement qui se déroulait toujours dans l’ancien stade du club, l’un des joueurs courut soudain hors du terrain, ouvrit sa braguette, et urina… Bien que cela se fût produit hors de la ligne de touche, Han Grijzenhout interrompit aussitôt l’entraînement, le temps de nous faire comprendre que ce type de comportements était désormais révolu. »

« Contrairement à son prédécesseur Urbain Braems, que j’eus également l’occasion de rencontrer et qui était quelqu’un de très doux, Grijzenhout était doté d’une personnalité bornée, plutôt dure. Il avait été marqué par son séjour à Ajax, qui avait fait de lui un entraîneur moderne et tactiquement accompli, dont d’ailleurs je ne manquai jamais de reproduire plusieurs des exercices quand, à mon tour, je fus passé sur le petit banc. Mais plus que des exercices, c’est fondamentalement à Han Grijzenhout que je dois d’être devenu un joueur complet. Je suis arrivé au Cercle comme ailier droit mais, sous sa direction, j’ai occupé tous les postes de l’équipe – tous sauf un, celui de gardien. Cela m’a un peu ennuyé à l’époque, mais plus tard cela m’a été très utile. »

Olsen Dynamite

Et de fait Morten Olsen tâterait-il du moindre bout de terrain, lors de son passage en Belgique : ailier droit de formation au Danemark, mais engagé par le Cercle pour y évoluer comme wing-back droit, il passa en 1976 au RWDM où, retrouvant son compatriote Benny Nielsen, il fut pour l’essentiel aligné dans le coeur du jeu, dans un rôle de pur balayeur qui, plus d’une fois, lui fit menacer de quitter le club. Obtenant enfin son bon de sortie, et fort d’une autorité naturelle que servaient un jeu panoramique et une forme physique exemplaire, le Danois deviendrait tout bonnement, quatre ans plus tard à Anderlecht, le pion central du système Ivic…

A Ajax, Han Grijzenhout avait entretenu une relation très étroite avec Rinus Michels, non moins qu’avec Bobby Haarms, un autre entraîneur adjoint qui occuperait encore cette fonction des années plus tard à Ajax, quand Morten Olsen en devint l’entraîneur à la fin des années 1990. Les liens de Michels et de Grijzenhout se confirmeraient lors des débuts de Johan Cruyff au FC Barcelone, et tout particulièrement de la rencontre amicale expressément montée pour l’occasion : à la surprise générale, l’invitation fut en effet adressée à Han Grijzenhout, et incidemment à son Cercle de Bruges qui, malgré Olsen et Nielsen dans l’équipe, serait sèchement battu 6-0 dans un Camp Nou à guichets fermés. Sur cette photo, datée du 5 septembre 1973, Morten Olsen est le troisième accroupi à partir de la droite.

Ledit Croate, issu de Split puis d’Ajax et perpétuellement agité, était un grand innovateur dont l’approche frôlait constamment la révolution, et qui à Anderlecht annonçait ce que, sans scrupule aucun, un certain Arrigo Sacchi reprendrait des années plus tard à son compte. Mais c’était aussi un homme têtu, qui obligeait les joueurs à répéter les mêmes schémas et exercices ad nauseam. Et qui les rendait fous. Son football controversé, que d’aucuns qualifièrent d’ailleurs d’« anti-anderlechtois », s’avéra toutefois assez rapidement très réussi : attaquer ensemble, défendre ensemble, courir, presser. Le football total. Avec une double-obsession, pour laquelle il ne reculait devant aucune forme d’innovation : il fallait coûte que coûte aboutir à une collectivité souveraine et étanche, et récupérer le ballon le plus rapidement possible, c’est à dire dans le camp adverse.

Dans cette optique, et quand bien même cette fonction lui pesait, le Danois serait initialement aligné comme essuie-glace, voué à récupérer le moindre cuir qui passât au travers des mailles des premières lignes du pressing bruxellois. Mais il avait déjà passé la trentaine, et une blessure au tibia le tiendrait soudain écarté des pelouses, durant l’essentiel de l’année civile 1982.

A son retour, soucieux de ménager son fragile et impérieux Danois, Ivic croirait plus sage de lui confier la place du Yougoslave Peruzovic : dans l’axe de la défense, certes. Mais à distance respectable de la férocité des duels et, a contrario du sage Peruzovic, dans une fonction de libéro totalement affranchi qui, s’il laissait à l’esthète Coeck de devoir redoubler de travail défensif, le déchargeait au moins de devoir presser encore dans le camp adverse, puisque désormais le bloc attendrait plus bas, beaucoup plus bas… de telle sorte que le Danois Olsen, jaillissant de sa défense, pût alors et lumineusement cisailler les lignes adverses, en des séquences de contre-charges de cavalerie qui, infailliblement, taillaient en pièces tout adversaire par trop naïf ou présomptueux.

Opportunément affublé du numéro 10 bien qu’il fût positionné en défense, c’est dans ce schéma félon mais spectaculaire, qu’avec le Gantois Søren Busk il s’empresserait de recommander au sélectionneur du Danemark, qu’Olsen exprimerait le meilleur de sa vista verticale et de son élégance, disputant coup sur coup deux finales européennes avant d’être élu Footballeur danois de l’année, repris dans l’équipe-type de l’Euro 1984, et même désigné titulaire des sélections mondiales du magazine World Soccer, au terme des saisons 1984, 1985 et 1986.

Mais quand il fut entré au panthéon du football mondial, le gentleman Olsen se rappela-t-il que, dix ans avant d’être par trois fois désigné meilleur libéro au monde, c’est aussi par trois fois qu’il avait remporté le trophée dudit Pop-Poll d’Echte, que chaque année le peuple Noir et Vert délivre à son Joueur de la saison? Et se rappela-t-il que ce fut au Cercle, devant des assistances feutrées mais sympathiques, qu’il apprit à devenir un footballeur-total accompli, dont décisivement ensuite il enseignerait les codes à ses équipiers et compatriotes ? Oh, cela ne fait aucun doute : il est certain qu’il s’en rappela – lui qui, à réception de son premier trophée de Joueur danois de l’année, en 1983, s’empresserait de tempérer : « Si votre équipe se porte bien, alors vous serez remarqué. »

3) Ailier droit : le pionnier

« Benny Nielsen était mon idole. »

Per Frimann, international danois de 1983 à 1989

C’est à l’été 1971 que débarqua à Bruges ledit Jörgen Benny Nielsen, natif de Frederikstad au Danemark, et qui de la sorte précédait d’un an au Cercle son inséparable compatriote Morten Olsen, avec qui il composerait deux ans durant un flanc droit de très grande classe. Mais à dire vrai, par l’entremise de ce transfert et plus que la constitution d’un simple binôme : c’est une longue et fertile tradition de joueurs danois de Belgique qu’inauguraient les très inspirés dirigeants du Cercle, qui culminerait un jour dans le redoutable Anderlecht des Frimann, Arnesen, Brylle, Andersen, Mortensen et Olsen, avant de connaître un spectaculaire revival ces dernières saisons, au gré des arrivées des internationaux Kasper Schmeichel, Thomas Delaney, Anders Dreyer et autre Kasper Dolberg.

Au cours de ses trois saisons passées sous le maillot du Cercle, l’ailier voire médian offensif Nielsen inscrirait 21 buts en 79 rencontres avant de s’en aller animer, aux côtés des formidables Polleunis et Boskamp, la ligne médiane de l’ambitieux club bruxellois du RWDM, qu’il venait précisément de priver d’un premier titre, et avec lequel il serait aussitôt champion de Belgique en 1975. 88 matchs et 25 buts plus tard, après qu’il y eut ouvert la voie à son compatriote et ex-équipier du Cercle Morten Olsen, Benny Nielsen obtenait un beau contrat au service du Sporting d’Anderlecht, l’un des clubs alors les plus puissants d’Europe.

Benny Nielsen, en 1972. Au duel avec le Soulier d’Or belge 1973, son…futur équipier Maurice Martens, du RWDM.

Si féroce fût la concurrence au sein du noyau bruxellois, où bien sûr le rejoindrait encore l’inévitable Morten Olsen, Nielsen disputerait quasiment tous les matchs, marquant régulièrement, et faisant plus encore marquer ses coéquipiers. Déterminant durant toute cette campagne européenne, il remporterait en 1978 la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe, puis même un second sacre national en 1981. Cent matchs et 34 buts plus tard, il signait enfin pour le club français de Saint-Etienne, où une blessure mettrait hélas presque aussitôt un terme à sa carrière.

Excellant dans le changement de rythme, techniquement doué, Benny Nielsen était un attaquant moderne bien qu’il travaillât plutôt peu, et dénué de réel point faible bien qu’il fût parfois trop statique. Joueur de couloir, il préférait repiquer dans l’axe et rôder dans la surface pour tirer au but – sa frappe des deux pieds étant excellente -, plutôt qu’il ne goûtait à dribbler et à déborder pour centrer ensuite. Retiré du football professionnel après 28 sélections et sept buts sous son maillot national, où 10 ans durant il côtoya encore le Prince danois des libéros, Benny serait un temps employé par Chelsea, avant de veiller sur le développement footballistique de son fils, passé professionnel lui aussi, et que par probable conditionnement il avait tenu à prénommer… Morten, ça va sans dire.

(…à suivre…)

30 réflexions sur « 11 du Cercle (1/4) – Le clubman, le gentleman et le pionnier »

      1. TP pour le coup est un enfant du monde!
        Papa américain , maman néerlandaise, né en Belgique, grandit en France .
        Je trouve ça cool!

        Et hall of famer s’il vous plaît !
        C’est pas mon joueur pref mais…respect!

        Ce serait chouette, vu son implication dans des biz, qu’il fasse quelque chose en Belgique .

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    1. Merci.

      Yep, sûrement le meilleur basketteur né sur le territoire belge, lol.

      Le père dut jouer dans le coin mais, curieusement : pas de souvenir d’un Parker à Ostende (place-forte du basket belge) ni à Damme (magnifique bourg à 10 minutes à vélo de Bruges, et qui compta un club de D1 dans les..80’s, si ma mémoire est bonne??)

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      1. D’ascendance belge chez les Américains, on a Kiki VanDeWeghe
        https://en.wikipedia.org/wiki/Kiki_VanDeWeghe
        Une machine à scorer des années 80, entre Portland et Denver. 2 fois all-stars.

        Et surtout Dave DeBusschere, deux fois champions NBA avec les Knicks et membre des 75 meilleurs joueurs de la Ligue.

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      2. Y a plein de Belges d’origine dans le sport US. Ils sont généralement flamands, mais..mais le plus important d’entre tous fut assurément un Wallon, Curly Lambeau (ses parents venaient de la région de Nivelles, je crois).

        Le type a donné son nom au stade du plus atypique et plus cultissime des clubs de foot US, les Packers.. Une envergure/importance hors-normes.

        Grosse présence wallonne dans le Wisconsin, à Green Bay en particulier. Mais c’est une très vieille histoire!, New-York tiens.. ==> Avant le NL Pieter Stuyvesant, Nieuw-Amsterdam (qui devint New-York, donc).. : ce furent des colons français et wallons huguenots, sous la direction du « Belge » (il provenait des terres belges, Tournai) Pierre Minuit.

        Wall Street, étymologiquement : c’est Waal street, la rue des Wallons.

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    1. Merci, c’est sympa 😉

      J’ai bricolé, ça ne se voit sans doute pas super bien..mais en 2-3-5, ma sélection!, je ne voyais pas plus raccord avec l’Histoire et la psychologie de ce club.

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    1. Y a deux mois je disais préférer Gand, mais.. En fait tout est beau à Bruges, parfait, harmonieux.. C’en est agaçant.

      Mon kif : les quartiers où personne ne va.. Tout, absolument tout dans cette ville est beau bref : combo calme + beauté assuré..et laisser au flux dominant le centre (de fait extraordinaire..mais le reste vaut le coup d’oeil aussi!).

      Une préférence pour le Nord-Est, du côté de la Carmerstraat, avec ses deux troquets vraiment typiques qui se trouvent à son extrémité, l’église de Jerusalem, la Kruispoort et ces..moulins dont le tourisme de masse ignore tout.. ==> Y a que des Brugeois là-bas, zéro stress..et c’est beau!

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      1. Ah oui, j’ai pensé kif-kif en voyant que vous citiez celui-là.

        Ascendance flamande, assurément.. Vous savez ce qu’on dit des Flamands au Congo? « Méchant comme un Flamand », lol..

        Bon.. A chacun ses passifs et contentieux, car pour ma part : jamais eu de problème avec eux.

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    1. Je ne suis pas même maître chez moi, lol..

      Je vais peut-être changer d’avis mais, normalement : il sera question de (petit) maître flamand dans la partie..3?? Verrai bien.

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    1. C’est à peu de choses près la même histoire : les deux premiers pays où l’on jouât football sur le continent (mais le premier semble bel et bien avoir été la Belgique, dont le plus vieux club fut contemporain des..tout, tout premiers clubs brits), deux footballs à la pointe du football continental au début du XXème siècle..puis cet amateurisme borné, qui les fit tous deux rentrer dans le rang voire l’oubli, deux Bruges-la-Morte en somme, à mesure que les autres pays se professionnalisaient, eux..

      Les mentalités DK et flamande, en particulier, se marient bien ; ce fut toujours constructif..et sans l’Anderlecht d’Ivic, sans Morten Olsen (et Soren Busk, j’oublie toujours de citer le Gantois) pour jeter un pont entre ces cultures : pas de Danish Dynamite. Pour les besoins de cet article, je relisais il y a peu un article danois le confirmant : Piontek ne fut pour rien là-dedans (sa patte, son apport : la discipline, sonner la fin de la récréation).

      A l’Euro 84, ce fut une rencontre de feu que VanderEycken s’employa à pourrir (grand professionnel, il est incontestable qu’il crut devoir le faire pour son équipe, pour rappel décapitée quelques semaines plus tôt), ce qui laissa des traces dans le vestiaire anderlechtois.

      J’ai souvenir d’une petite phrase du grand Morten Olsen, en substance : « Mon seul regret en 84, c’est de n’avoir pu découper VanderEycken en rondelles », un truc du style.. ==> Ambiance, lol..et la formidable connexion Anderlecht-DK ne survécut pas à cela.

      Il y a une anomalie énorme dans la carrière d’Olsen : n’avoir jamais entraîné Anderlecht……………. Plus belge que moi, il réside à 10 minutes du stade!, fut régulièrement approché par le board bruxellois..mais cela ne se fit jamais, kif-kif Gerets et le Standard, deux rendez-vous à jamais manqués.

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  1. Que ce soit sous le pseudo Bota, Alex, Marcelin, Pénélope (on s’y perd) les articles de cet auteur aux vies multiples sont toujours d’une richesse folle.
    Morten Olsen, quel joueur, quel patron ! Je ne l’ai vu évoluer qu’en fin de carrière mais il dégageait une autorité que personne n’imaginait contester.

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  2. ..et la dernière journée du championnat vient de commencer, 3 équipes peuvent encore être sacrées :

    L’Union qui a fait la course en tête en saison régulière, mais essuya certaines décisions hum-hum..

    Anderlecht dont le jeu est peu emballant, et qui aura inversément bénéficié de décisions hum-hum tout au long de la saison..

    Et le FC Bruges, dont la saison régulière fut aussi médiocre..que ses play-offs ne furent à temps T hors-normes.

    Bruges est en position de force, avant d’aborder sa dernière rencontre..face au Cercle, un derby! (attention : le Cercle ne fera pas de cadeaux)

    L’Union se tient à l’affût du moindre faux pas brugeois, et joue un Genk plus guère mobilisé..

    Anderlecht, face à l’Antwerp, requiert un concours de circonstances extrêmement favorable : défaite brugeoise, et faire mieux que l’Union..

    Pour l’heure 0-0 partout après 12 minutes de jeu.

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      1. Anderlecht : c’est mort..

        On approche la 100ème minute par contre pour les deux autres, avantage à l’Union pour l’instant mais..

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      2. Si, mal vu (distrait). Et en l’espèce ils sont champions, encore raté pour l’Union.

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      3. Je lis et entends un peu partout que l’arbitrage aurait été particulièrement orienté à Bruges, notamment un but annulé pour le Cercle dans les 10 dernières minutes??

        Je regardais autre chose, curieux de découvrir ces images-là.

        Ceci dit, l’Union fut déjà bien bien handicapée par les institutions durant la phase dite « régulière », on n’est plus à ça près pour parler d’une édition des plus orientées.

        Prémonitoire? L’entraîneur du Cercle avait déclaré ceci en avant-match : « Le Club de Bruges sera soutenu dimanche par les supporters et recevra également le soutien des arbitres. Nous savons ce qui nous attend. »

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      4. Je découvre les images, pour moi la décision est bonne.

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