Le 13 octobre 1972, l’équipe de France entame sa campagne de qualification à la Coupe du monde 1974 en recevant l’URSS, finaliste sortante de l’Euro. En pleine traversée du désert, elle n’est pas favorite, loin s’en faut, mais va passer tout près de l’acte fondateur que réussira la génération Platini quatre ans plus tard. Retour sur un match tombé dans l’oubli qui aurait pu être le début d’une grande aventure.
C’est une époque et une ambiance que les moins de 60 ans ont peine à imaginer. L’optimisme est partout, la croissance semble ne pas avoir de limites, la France se modernise à pas de géant. Les rayons bien garnis des premiers hypermarchés ont fait oublier les privations de la guerre. Les autoroutes toutes neuves canalisent un flot sans cesse croissant de voitures et de vacanciers. Les dernières locomotives à vapeur partent à la ferraille, les derniers standardistes disparaissent des centraux téléphoniques. Barrages, centrales nucléaires, stations de ski, résidences secondaires poussent presque à vue d’œil. De leurs salons où la télévision règne désormais sans partage, les Français admirent les essais du Concorde et de l’aérotrain sur la nouvelle troisième chaîne. Les couleurs vives et les plastiques de la mode et de la déco dépoussièrent les rues grisâtres et les intérieurs confits. Mai 68 a débloqué les esprits et des avancées sociétales autrefois impensables – divorce par consentement mutuel, avortement, majorité à 18 ans – sont désormais à portée de main. C’est l’euphorie des Trente Glorieuses, dont on ne sait pas encore qu’elles n’ont plus qu’un an à vivre. Nous sommes en 1972.
Le sport est le grand laissé pour compte de cet élan général. Hormis les rugbymen, les skippers de la course au large, et quelques médaillés olympiques qui confirment rarement leurs succès d’un jour, la France des stades patauge dans une médiocrité désespérante. Le football, loin d’être épargné, traverse sa période la plus noire (en temps de paix) depuis la naissance du professionnalisme. En crise depuis la retraite de ceux de 1958, l’équipe de France a vécu des années 1968 et 1969 infamantes, humiliée par la Yougoslavie (1-1, 1-5) en quart de finale de l’Euro 68, battue à domicile (0-1) en QCM 1970 par une Norvège en grande partie amateur, et laminée par l’Angleterre (5-0) en amical à Londres en mars 1969.
Georges Boulogne, parachuté sur le banc tricolore juste avant Wembley, semble avoir trouvé une jeune pousse dans ce tas de cendres. Il a fait monter en A tout un groupe de ses anciens Espoirs (Chiesa, Floch, Huck, Larqué, Molitor…) qui, mêlés aux meilleurs des « anciens » (Bosquier, Carnus, Loubet, Michel…), ont inversé la tendance. Les Bleus n’ont certes pas réussi à se qualifier pour l’Euro 72, dominés par une excellente Hongrie, mais ont montré de nets progrès.
Ils savent déjà que la qualification à la Coupe du monde 1974 ne sera pas une mince affaire. Le tirage les a placés dans le groupe 9 (un seul qualifié) avec une République d’Irlande jamais facile à manier et une URSS qui vient d’atteindre la finale de l’Euro. C’est justement avec ces Soviétiques que les Tricolores vont ouvrir le bal, le 13 octobre 1972 à Paris. 30 000 spectateurs, davantage que de coutume ces années-là, sont venus pour ce match de l’espoir.
Comme le reste du pays, le cadre a fait sa cure de modernité. C’est le premier match officiel de l’équipe de France dans le nouveau Parc des Princes, inauguré cinq mois auparavant. À la pelouse près (un problème qui durera dix bonnes années), les éloges sont unanimes sur cette magnifique enceinte, très en avance sur son époque[1], même si les 90 millions de francs (un peu plus de 100 M€ en 2024) déboursés pour sa construction ont fait tousser. Les Bleus, tout en blanc pour l’occasion, étrennent aussi les célèbres bandes bleues et rouges des maillots Adidas qui les accompagneront dans leur marche vers le sommet du monde, une génération plus tard.
Georges Boulogne est privé de Jacky Novi en défense centrale et de Georges Lech en attaque parmi ses titulaires habituels. Il aligne un 4-3-3 avec faux ailiers que l’on n’appelle pas encore 4-3-2-1 : Carnus – Broissart, Quittet, Trésor, Rostagni – Adams, Michel, Larqué – Bereta, Chiesa – H. Revelli. Si une moitié de l’équipe (Carnus, Trésor, Michel, Larqué, Bereta, Hervé Revelli dans un bon jour) a le niveau international, le reste a souvent du mal face à des gros calibres, à l’exception de Serge Chiesa. Le petit lutin de l’OL, de retour en Bleu après trois ans d’absence, est l’égal des meilleurs balle au pied mais passera à côté d’une grande carrière par la faute d’un mental fragile.
Côté soviétique, il n’y a que cinq vice-champions d’Europe sur le terrain. Le sélectionneur Alexandre Ponomarev, qui cumule les casquettes A et Olympique, a en gros gardé la défense de l’Euro et pris l’attaque des Jeux de Munich, six semaines avant le match de Paris, qui ont vu l’URSS décrocher le bronze. En 4-4-2 avec Rudakov – Dzodzouashvili, Kaplitchny, Khourtsilava, Lovtchev – Semenov, Fedotov, Oltchansky, Kolotov – Blokhine, Ishtoyan, c’est du costaud. On a découvert Oleg Blokhine aux Jeux, à vingt ans ; l’Europe entière ne va pas tarder à le craindre.
Henri Michel déclarera après le match que les Soviétiques étaient venus chercher le nul. Si l’observation est bonne sur l’ensemble de la partie, ce n’est pas le cas au départ. Dès le coup d’envoi, l’armée rouge vient occuper le camp tricolore, histoire de jauger la bête. Mais les Bleus en blanc font tout de suite bonne impression derrière, rigoureux en défense et efficaces à la récupération.
Au bout de dix minutes, ce sont eux qui commencent à pointer le nez au-delà du rideau de fer tandis que l’URSS choisit effectivement de laisser venir. Il y a certes plus de passes dans le vide qu’il faudrait, mais ce n’est pas mal du tout au milieu. Larqué et Michel varient intelligemment les attaques, Bereta et surtout Chiesa exploitent bien les ailes jusqu’aux seize mètres avant de remettre dans l’axe ou d’y partir. Ce n’est toutefois pas suffisant pour prendre en défaut une défense qui en a vu d’autres et Revelli, esseulé en pointe, ne touche que peu de ballons.
Vers la demi-heure, les affaires s’équilibrent, mais sans grand danger pour les gardiens : on tire peu au but et, hormis un gros coup franc de Quittet bien arrêté par Rudakov (41e), rien n’est cadré. Au repos, le public du Parc peut être satisfait : par rapport au précédent match officiel des Bleus contre un poids lourd, la défaite à Colombes face à la Hongrie (0-2) en octobre 1971, la prestation est beaucoup plus aboutie.
En seconde mi-temps, Henri Michel disparaît tôt des radars au milieu mais Georges Bereta, au four et au moulin, fait mieux que compenser. Vers l’heure de jeu, le rythme s’accélère d’un coup, comme si les deux équipes voulaient faire la décision. La balle va d’un but à l’autre et voilà Larqué qui lance une bonne contre-attaque, sur laquelle Khourtsilava concède un coup franc à 20 mètres plein axe. Jean-Mimi décale sur la gauche pour Bereta, lequel envoie une mine au pied du poteau de Rudakov (1-0, 60e).
Les Soviétiques sortent un peu de leur coquille ; la fatigue aidant, les Tricolores sont moins souverains. Derrière, ça flotte parfois mais ça tient toujours, en particulier les centraux qui font des matchs de patrons. Claude Quittet, peut-être transcendé par son premier capitanat bleu, règne sur sa surface et tient Blokhine puis Pouzatch en échec. Marius Trésor, du haut de ses huit sélections, éteint aussi bien Ishtoyan que son remplaçant Evrioujikine et vient porter le surnombre au milieu avec l’aisance d’un Facchetti. Sur l’une de ses montées, il lâche un joli tir de 25 mètres qui finit sur le poteau de Rudakov battu (73e).
La fatigue a gagné les deux camps maintenant ; on combine toujours bien mais les pieds sont un peu trop lourds à la finition. Les Tricolores obtiennent encore un coup franc à 20 mètres, légèrement sur la droite cette fois-ci. Larqué décale de nouveau pour Bereta, c’est fort et cadré à mi-hauteur, Rudakov s’envole et boxe en corner (82e). L’URSS pousse dans les cinq dernières minutes pour égaliser, Vladimir Fedotov se retrouve libre aux 16 mètres dans l’axe et prend le temps de placer une bonne frappe que Carnus capte impeccablement (88e).
Deux minutes encore et M. Scheurer, l’excellent arbitre suisse, siffle la fin du match. Au-delà du réel exploit que représente une victoire sur les vice-champions d’Europe en compétition, c’est la manière qui enthousiasme. À l’exception de Michel et d’un Revelli à vrai dire peu gâté, tous les joueurs ont évolué à leur meilleur niveau, sans les erreurs bêtes qui plombent d’habitude ce groupe en mal de confiance. Leur capacité à produire du jeu, leur cohésion, et leur combativité de tous les instants ont agréablement surpris. Quittet, Bereta, et surtout Trésor se sont particulièrement distingués. Pour tout dire, on ne pensait pas cette équipe de France capable de faire aussi bien.
On avait espéré vivre un match-référence, on aura en fait vu un feu de paille. Un mois plus tard, les Bleus perdront le défi physique à Dublin (1-2) face à une Irlande combative mais limitée. Entretemps, l’URSS y sera allée prendre deux points précieux (2-1) avant de s’imposer de nouveau (1-0) au retour, le 13 mai 1973. Le 19 suivant, au Parc des Princes, des Irlandais qui jouent leur dernière chance rattraperont les Bleus en fin de match (1-1) sur une erreur de défense mais ne pourront pas éviter l’élimination.
Il faudrait un exploit à l’équipe de France le 26 mai au stade Lénine, et il n’aura pas lieu : Blokhine et Onichtchenko scelleront en fin de match (2-0) une « qualification » (en fait l’accès à un sinistre barrage contre le Chili, dont l’URSS refusera de disputer le retour à Santiago juste après le coup d’État de Pinochet) que les Tricolores, timorés dans le jeu et dominés physiquement, ne pourront contester que pendant 80 minutes.
Alors, pourquoi ? Comme dans un accident d’avion, les causes sont multiples. Les joueurs, d’abord : talentueux pour beaucoup, pas au niveau international partout. L’erreur de France-Irlande, le manque de percussion devant, l’inefficacité offensive des latéraux n’étaient pas des cas isolés. L’encadrement, ensuite : Georges Boulogne, homme de méthode et organisateur compétent, n’avait ni le sens du risque, ni la souplesse d’esprit nécessaires pour libérer ses troupes et s’adapter en cours de match. Le physique, en outre : sans même évoquer des histoires de dopage plus ou moins avérées, on ne voulait pas voir le retard pris dans ce domaine sur les voisins, surtout ceux du Nord. Le mental, enfin : entre un complexe d’infériorité patent chez les joueurs et un brin de nombrilisme velléitaire dans les sphères dirigeantes, les conditions n’étaient pas réunies pour former de vrais compétiteurs. Quand tout fonctionnait, il y avait de quoi de battre un poids lourd… mais cela n’arrivait pas assez souvent sur la durée d’une phase qualificative.
Au vu d’un match comme ce France-URSS, le début des années 1970 des Bleus laisse un goût amer. Avant même l’émergence des grands Verts de Robert Herbin, il aura manqué nettement moins qu’on le croit aujourd’hui pour remettre le football français sur la carte. Avec une victoire sur l’Irlande, un nul à Moscou – dont ces joueurs étaient capables, au vu du match aller – aurait résulté en une égalité parfaite et un pré-barrage… et qui sait ? P2F a déjà évoqué ce qui aurait pu être si la génération Hidalgo-Platini n’avait pas eu à partir de zéro… mais ceci, comme Waterloo ou les Plaines d’Abraham hors du terrain, appartient pour toujours à ces regrets qui font l’Histoire que les peuples heureux n’ont pas.
Le match en intégralité sur la première chaîne qui est encore en noir et blanc et ne s’appelle pas encore TF1, commentaires de Michel Drucker : https://www.youtube.com/watch?v=1dsYunpwViQ
Interviews d’après-match dans le vestiaire du Parc : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf95010125/football-coupe-du-monde-france-urss, dont celle de Jean-Pierre Adams qui serre le cœur.
La fiche du match
Qualifications à la Coupe du monde 1974, zone Europe, groupe 9.
Paris, Parc des Princes, vendredi 13 octobre 1972, 20 h 30.
France – URSS : 1-0.
France (4-3-2-1) : Carnus – Broissart, Quittet (cap.), Trésor, Rostagni – Adams, Michel, Larqué – Bereta, Chiesa (Loubet, 85e) – H. Revelli. Entraîneur : Boulogne.
URSS (4-4-2) : Rudakov – Dzodzouashvili, Kaplitchny, Khourtsilava (cap.), Lovtchev – Semenov, Fedotov, Oltchansky, Kolotov – Blokhine (Pouzatch, 66e), Ishtoyan (Evrioujikine, 54e). Entraîneur : Ponomarev.
29 746 spectateurs. Arbitre : Rudolf Scheurer (Suisse).
But : 1-0 Bereta (60e).
Avertissements : Semenov (29e), Kaplitchny (81e). Expulsion : aucune.
[1] Aucune modification ou presque ne sera nécessaire jusqu’à la fin du XXe siècle malgré le fort durcissement des normes de sécurité et d’homologation UEFA, entre autres au sujet des places assises. Ce n’est qu’en réponse à la demande croissante d’espaces VIP (salons, loges, etc.) que des aménagements seront nécessaires dans les années 2000, trente ans après l’inauguration.
La garde noire Trésor – Adams en défense centrale avait été testée durant la tournée d’été en Argentine. Sais tu pourquoi Boulogne ne la reconduit pas face à l’URSS ?
J’ai regardé la 1ère mi-temps. Comme l’indique le dispositif précisé par g-g-g, Adams joue ici et incontestablement comme demi-défensif – une fonction que je ne lui connaissais pas.
Il arrive toutefois de le retrouver sur la même ligne que Marius Trésor.
Le public me semble mettre plus d’ambiance que désormais.
C’est Kovacs qui a installé la garde noire. Adams jouait effectivement 6 sous Boulogne.
Adams jouait 6 à ses débuts à Nîmes avec Firoud, donc pas illogique qu’il soit aligné à ce poste en EDF. Mais avant Kovacs – qui a répandu la formule « garde noire – Boulogne teste cet attelage contre l’Albi en juin 1972 lors de la Coupe de l’Indépendance. Ça marche plutôt bien puisque le score est de 0-0. Et pourtant, il ne reconduit pas le dispositif contre l’URSS.
Tout à fait. Les titulaires en Bleu au début des années 70 en défense centrale étaient Jacky Novi (pas mauvais, champion avec Strasbourg en fin de carrière) et Bernard Bosquier (sur le déclin). Bosquier est parti à l’arrivée de Trésor. Quittet jouait à Nice, qui jouait l’Europe à l’époque, et il était le numéro 3 désigné au centre.
Ah l’Aérotrain ! La structure de béton sur laquelle devait glisser l’Aérotrain est toujours visible sur des kilomètres le long de la RN 20 au nord d’Orléans. Gamin, j’avais eu l’occasion de voir l’engin stocké dans un hangar, avant qu’un incendie ne fasse disparaître le prototype créé par un ingénieur dont j’ai oublié le nom.
Zut, grillé! M’apprendra à faire deux trucs en même temps.
J’avais pensé à toi en lisant ça, c’est obligé que tu connaisses.
Quant à moi, c’est con mais, après les documentaires vus et revus sur la question : ça m’a fait quelque chose de voir enfin cette structure. Etonnant..surtout au milieu d’un paysage pareil!
Bertin.
Pendant de longues années, lorsque je prenais le Corail entre Tours et Paris, je me demandais ce qu’était que cette longue structure de béton n’allant nulle part et courant au milieu de nulle part. Je n’ai découvert sa signification qu’au début des années 2010. Elle est quand même encore en bon état malgré son âge avancé !
Toujours très bon.
Je vais m’attarder sur le sociétal, car contrairement à toi je n’ai pas vu ce(s?) match(s?) :
L’aérotrain, piste toujours visible du côté d’Orléans, ça a fait tilt tout de suite depuis l’autoroute, en voyant ce long ruban surélevé en béton. Parfois c’est juste une question de timing ; vraiment aucune chance que le concept aboutisse un jour, fût-ce sous une autre forme?
Croissance et construction, gros mots, éh.. : combien y avait-il d’humains en 72, même pas 4 milliards..or nous en sommes à plus de 8 désormais, à peu près tous (légitimement) avides des mêmes standards de vie, le reste du monde s’est conséquemment « développé » d’ailleurs, les ressources disponibles ont d’autant (et salement) morflé.. Ce n’est plus le même monde, g-g-g.
Question du candide : comme deuxième du groupe, l’Irlande ne pouvait être invitée à disputer le barrage en lieu et place des Soviets??
Histoires de dopage? Concernant NL (80% des joueurs..et ce sont eux qui l’affirment) et Allemands (pas tous), elles furent totalement avérées : joueurs, médecins du sport, enquêteurs.. ==> C’est archi-documenté. Et je ne me fais plus trop d’illusions sur les Britanniques, fussent-ils plus hypocrites que leurs cousins du continent.
Les Italiens avant eux aussi, où des cas systémiques célèbres ont été relevés ; plusieurs footballs de l’Est également.. C’est dommage car, du talent : il est indéniable que ces Français en avaient – mais probablement pas à tous les postes, comme tu l’écris.
Il n’y avait pas de raison réglementaire de repêcher le deuxième du groupe de l’URSS : un barragiste était forfait, l’autre devenait automatiquement vainqueur. Si l’URSS et le Chili avaient tous deux déclaré forfait, la question se serait en revanche posée.
Que le dopage ait été avéré, soit, mais la simple mise à niveau de la préparation physique à Saint-Étienne a vite suffi à faire tenir le rythme de la C1 aux Verts là où un Lyon ou un Marseille finissaient 90 minutes carbonisés et avec 5-6 buts dans la musette à Gladbach ou à Cologne… La France des entraîneurs ne voulait tout simplement pas voir le problème avant Robert Herbin.
Ben précisément : le dopage institutionnel/systémique stéphanois est avéré à compter de Herbin (dont le modèle se trouvait d’ailleurs être Ajax). A Lyon et OM, par contre??
J’insiste : je vise ici le dopage institutionnel/systémique, c’est-à-dire un levier de développement transhumaniste des ressources-joueurs, et qui soit encadré au niveau institutionnel ( = club, ministère et/ou fédération) par la cellule médicale voire psychologique voire R&D (le cas à Ajax..et le cas aussi à l’échelle du foot allemand – Cf. institut du sport de Freiburg). Un dopage professionnalisé et vertical qui procède de choix stratégiques définis par la hiérarchie.
Et non pas du dopage isolé à l’ancienne, artisanal, sans encadrement ni suivi médical, et souvent même contreproductif. Lequel, même avec des entraînements plus poussés, s’était toujours avéré incapable de repousser les limites humaines du pressing d’une vingtaine à septante minutes : tous azimuts et même en privilégiant des forces de la nature, même en développant les entraînements, ça faisait un demi-siècle que les multiples traditions de pressing et de foot-total pré-existantes buttaient un peu partout sur les limites naturelles du corps humain.
Tu parles de l’Aérotrain, du Concorde, des autoroutes.. A cet égard, relativement à cette course à la « modernité » (j’y mets des guillemets, tant bien de ces marqueurs auront au fond fait long feu) : le Saint-Etienne de Herbin s’y inscrit précisément en plein, et en fut probablement même LE marqueur pour le foot français.
L’OM des années 70 c’est avant tout Marcel Leclerc, un fanfaron, un Tapie avant l’heure avec la folie des grandeurs. Il profite d’une évolution du statut contractuel des joueurs pour rafler les meilleurs stéphanois Bereta, Keita, Bosquier. Ces joueurs seront moins performants une fois sous le maillot olympien (début de réponse concernant le dopage?). Leclerc s’est contenté d’aligner des grands noms. Sur le banc, c’est la valse des entraineurs. Ils ont rien construit de durable, ça s’est cassé la gueule aussi vite que ça s’est construit et je doute qu’ils aient eu recours à la trousse à pharmacie.
Lyon, aucune idée. Ca jouait pas les premiers rôles de toute façon. Nantes était le contre-modèle crédible comparé à St Etienne.
Yep, pour l’OM c’est ce que j’aurais d’instinct dit aussi, merci. J’ai visionné il y a bien longtemps le Ajax-OM de 71, quel gap..
Pourquoi les clubs belges allèrent-ils chercher des entraîneurs NL à compter des 70’s, pour les idées?? Ils n’avaient strictement rien à en apprendre rayon idées et pensée du jeu ; en ne disposant que de ces leviers cérébraux et en composant avec l’amateurisme borné de ses institutions nationales, un Goethals fit toujours joujou avec Michels.. Mais la pharmacopée par contre..
La première victoire d’un club belge en Coupes d’Europe le fut sous la direction d’un NL, Hans Croon.. Un type bizarre, sorte de mage ésotérique..que la cavalerie anti-dopage ne tarderait bien vite à rattraper..
Le fer classique a fait de tels progrès qu’on verrait mal l’aérotrain revenir. Déjà, pendant les essais de celui-ci, le prototype du TGV (encore à turbine) dépassait les 300 km/h, soit presque aussi vite que l’aérotrain et sans besoin d’investissements en infrastructure aussi lourds. Converti à l’électrique après le choc pétrolier de 1973, le TGV a porté le record du monde à plus de 500, avec un rendement énergétique bien meilleur que celui de l’aérotrain. La sustentation magnétique n’a pas réussi à détrôner le fer non plus, pour les mêmes raisons.
Une impasse donc, merci.
J’ai lu entre-temps que Bertin avait produit aussi des aéroglisseurs?? J’en ai vu « atterrir » une fois à Calais, très saisissant mais j’ignore si c’était l’un de ses modèles. Par contre, ce dont je me rappelle bien : c’est que le prendre semblait impayable pour mes parents, un rêve aussi lointain que d’embarquer sur un Concorde.
Bertin a effectivement produit un aéroglisseur pour le service trans-Manche avant la construction du tunnel. Il est resté quelques années en service au début des années 1980, sans suite en raison de coûts d’exploitation élevés et d’une fiabilité aléatoire. En parallèle, le constructeur anglais Saunders-Roe en a construit quatre, plus économiques et plus fiables grâce à des choix technologiques plus simples, qui ont assuré un bon service jusqu’à l’ouverture du tunnel. J’ai fait deux aller-retour avec pour des vacances en GB en famille. Ça marchait fort bien, et vite, avec un trajet Calais-Ramsgate de l’ordre de 45 minutes.
Broissart, Quittet et Rostagni, je ne connaissais pas.
Je ne les avais jamais vu jouer, mais ce sont des latéraux à l’ancienne, type Vogts ou Höttges, sans grandes capacités offensives. C’était d’ailleurs le désert en France à ces postes jusqu’à Janvion et Bossis. En tout cas, Georges Boulogne semblait avoir trouvé une bonne parade avec son 4-3-2-1 où Bereta et Chiesa prenaient le relais dans les couloirs. Il avait aussi essayé de vrais ailiers de débordement (Floch et Loubet), mais ça ne marchait pas bien sans un bon 9 pour conclure. Un peu après ce France-URSS, on a cru que Marc Molitor pourrait être l’homme de la situation, mais il n’a pas confirmé.
Un type qui s’appelle Molitor, au Parc des Princes, il ne pouvait que se noyer.
Mais Quittet toi pour ne pas connaître ces joueurs ?
Quittet, c’était, toutes proportions gardée, le Laurent Blanc de l’époque.
Vous pensez que les Bleus seraient allés jouer le Chili à la place de l’URSS ?
Dans mes souvenirs de lecture, la FFF n’avait pas semblé des plus scandalisée quand Belges et Néerlandais proposèrent, début 1974, de supplanter l’Argentine des..Peron! pour l’organisation de la WC78. Ni ne fut vraiment troublée par le basculement de ce pays dans le Plan Condor deux ans plus tard..ni donc par la tenue subséquente, finalement, de cette WC dans un régime putschiste et pour le moins sanguinaire.
Alors bien sûr le pouls politique de 74 n’est pas forcément celui de 78, mais dans le cas d’espèce, je doute qu’il y eût jamais grand-chose suggérant que la France eût pu envisager de boycotter une rencontre face au Chili de Pinochet.
C’était un de nos alliés, non ? (au moins indirectement)
Le Chili? Assurément..
Lien qualitatif, que j’avais gardé parmi mes favoris : https://shs.cairn.info/revue-le-mouvement-social1-2010-1-page-27?lang=fr
Il y est question de la WC78, mais bon : le cas n’est pas bien différent. Et il avance des positionnements surprenants.
C’était une question rhétorique.
Argentine et Chili sont, a minima indirectement (via les Etats-Unis), nos alliés. Pas de raison politique ou diplomatique, donc, de les bouder. Nous avions aussi avec eux d’importants contrats commerciaux. Pas de raison économique, non plus, de les bouder.
Donc, oui, nous sommes allés en Argentine en 78. Nous serions assurément allés au Chili en 73. Difficile d’imaginer les choses autrement. Mais sait-on jamais ?
L’URSS, en revanche, pouvait jouer au parangon de vertu en snobant un Etat qui n’était pas dans ses sphères politique et économique d’influence.
La France coopérait en coulisses avec les dictatures chilienne et argentine, militairement. Elle était au courant du plan condor. Parait que la France avait acquis une certaine expertise dans les interrogatoires et le contre-terrorisme, fallait bien recycler tous les anciens d’Algérie dans ce domaine là. Documents, témoignages, preuves à l’appui, tout est à disposition maintenant.
Donc il n’y a jamais eu l’ombre d’un boycott dans les institutions françaises ou dans les couloirs de l’Etat.
Pour 78 ? Non, personne n’a douté.
Il y a bien eu 2-3 guignoleries de gens sans réelle importance…
Il y eut des comités et des manifs tout de même, d’ailleurs beaucoup plus importants qu’aux Pays-Bas!
Assez curieusement pourtant, on fit (et fait de plus en plus, absurdement) tout un fromage de la prétendue « mobilisation » NL.. Pas faute qu’il n’y eût là-bas décidément pas grand-chose, mais comprenne qui pourra/voudra..
Ce qui m’interpelle, pour la France : c’est la position du PC.
J’en avais fait un bref texte.
Je pourrais peut-être le ressortir.
« Le fascisme c’est la gangrène
À Santiago comme à Paris »
Sans l’ombre d’un doute, et sans même rentrer dans les barbouzeries genre Gladio. L’opinion n’aurait pas pardonné qu’on prive les Bleus d’une qualification à ce moment de leur histoire. C’était fin 1973, Pompidou était déjà gravement malade, tout le monde le savait (on voyait à la TV son cou bouffi par la cortisone de son traitement), et tout le monde savait aussi qu’une présidentielle anticipée n’était qu’une question de mois. L’échéance nominale était 1976, Pompidou est mort en fonction en avril 1974. Vu que l’élection s’est jouée à 1% près et que les états-majors le pressentaient, il est logique de supposer que personne dans les sphères du pouvoir n’aurait pris de risque avec les Bleus.
Mon petit coup de cœur récent en matant les matchs des Verts et des Bleus est pour Bereta. Connaissais evidemment mais je l’imaginais pas aussi incisif. Belle frappe, vitesse très convenable et charisme au sein des groupes. Un très bon.
Le grand 10 de la première moitié 70s. Elu meilleur joueur français une année par FF je crois.
Il fait l’erreur de partir à Marseille, dès lors il laisse le champ libre à Larqué, moins fin mais plus complet, à St Etienne et en équipe de France.
Bereta a coexisté avec Larqué et Henri Michel jusqu’aux qualifications à l’Euro 76. Ces deux-là sont devenus indiscutables, et Jean-Marc Guillou est aussi venu compliquer la donne à la faveur des succès du SCO d’Angers, venu jouer l’Europe. Et puis Hidalgo et Platini sont arrivés… et c’est Larqué qui est monté sur le siège éjectable. Guillou et Michel, eux, ont fait la CM 1978.
Moins de 30 000 personnes pour un match de gala et encore moins d’habitude. Cela illustre la place du foot et du sport en général à cette époque.
Les affluences de la D1 étaient également loin des standards actuels même pour des grands clubs comme Nantes.
(exception notoire, Delaune faisait davantage le plein qu’aujourd’hui^^)
https://www.stades-spectateurs.com/affluences,France,1972.html
C’est réellement une époque noire pour le sport français. 17ème au tableau des médailles aux JO de Munich. Guy Drut, meilleur athlète tricolore du moment, décroche l’argent et Morelon une des deux médailles d’or. Le cyclisme sur piste étant un des très rares sports où les français existaient. Sur route, alors qu’ils avaient écrasé les deux décennies précédentes, ils ne récoltent que les miettes des belges (toutes courses confondues). Papy Poulidor se contentant de sauver les meubles et masquer le creux générationnel. Les meilleurs tennismen de l’époque Barthes et Dominguez n’iront jamais au delà d’un quart en grand chelem en individuel. Les espoirs nés aux JO d’hiver de Grenoble en 68 disparaissent bien vite. Killy et Goitschel n’ont aucun successeur lors de la décennie suivante.
Période maigre pour les sports mécaniques également. La victoire de Beltoise au GP de Monaco 72 pèse peu comparé aux succès répétés des années 80 (Prost, Laffitte, Arnoux,…).
Les autres sports co sont encore peu développés. Même en rugby, ils ne remportent aucun tournoi entre 70 et 77.