L’avènement des Samouraïs

Ce samedi 20 juin 1998, la Croatie affronte le Japon, à Nantes, pour le compte de la seconde journée du groupe H, composé également de l’Argentine et de la Jamaïque.

Ce Japon intrigue bon nombre d’observateurs à l’époque, car ils sont peu connus au niveau international, méconnaissance peu étonnante car il s’agit de leur première participation à une Coupe du monde. Et cette dernière n’a d’ailleurs bien failli pas avoir lieu car c’est seulement à la faveur d’un but à la 118e minute de leur match d’appui contre l’Iran, comme on disait le plus souvent à l’époque, qu’ils se sont qualifiés.
Mais c’est aussi par leur style de jeu qu’ils surprennent : dès le match d’ouverture contre l’Argentine, qui est un poids lourd du football et qui compte dans ses rangs des légendes comme Batigol ou le délicieux Ariel Arnaldo Ortega, la séduisante équipe nippone a montré des qualités physiques évidentes, avec des courses incessantes et des accélérations de partout sur le terrain, mais également beaucoup d’audace, passé la première mi-temps d’observation et peut-être un petit peu, de déférence, face aux « aînés » du football. Score final 1-0 seulement.

De son côté, pour son premier match, la Croatie a disposé assez facilement d’une équipe de la Jamaïque vaillante, mais foncièrement limitée, score final : 3-1. Le pays a beau être fraîchement créé sept ans plus tôt, sur les cendres de la défunte Yougoslavie, l’équipe nationale s’avance sûre de sa force pour ce second match (un peu trop ?), et ce malgré l’absence de leur buteur vedette, Alen Boksic, blessé avant la compétition. Absence qu’on aurait pu croire préjudiciable, mais qui ne les empêchera pas d’aller jusqu’en demi-finale malgré tout.

Le match commence, et dès les premiers échanges on peut sentir que le Japon ne compte pas répéter l’erreur du premier match, ils ne sont pas intimidés pour un sou et ce sont les premiers à appuyer sur l’accélérateur.

Cela se traduit très vite par d’excellentes balles en profondeur sur l’aile droite, de la part de Nanami notamment, mais la dernière passe ou le centre n’arrivent pas encore à destination. Côté croate, on essaie de mettre le pied sur le ballon pour développer son jeu, mais avec peu de réussite.

A la 11e minute, c’est la première vraie occasion croate : Prosinecki s’avance sur l’aile droite, feinte son défenseur avec un râteau puis pousse un peu le ballon et centre fort pour son buteur, Davor Suker, attaquant star du Real Madrid, qui reste sur une saison mitigée. Ce dernier claque une demi-volée juste devant le défenseur au niveau du point de penalty, mais ça part au-dessus.

Après un coup franc dangereux (20 mètres, plein axe), que Suker envoie frôler le montant pour un de ses nombreux tirs à côté de la cage de la soirée, le Japon se retrouve soudainement bien placé suite à une belle balle en profondeur pour Jo qui feinte et enchaîne par un tir : celui-ci est contré à bout portant, mais le ballon revient sur Simic, l’arrière latéral du Milan AC, qui se le fait immédiatement dérober par Soma, arrière latéral nippon explosif, qui déboule à toute vitesse, contrôle dans la course et tire du gauche… ça fuse à quelques dizaines de centimètres du poteau droit…

 Les occasions s’équilibrent ensuite de part et d’autre, avec quelques ratés de Mario Stanic et de Robert Prosinecki, trop persos ou trop imprécis, et du côté japonais, un peu de naïveté malgré les bonnes intentions.

On sent malgré tout que Nakata commence à rentrer dans son match, via quelques gestes et tentatives sur coup-franc… et à la 34e minute, une récupération très haute de Nakata, quasiment au niveau de la ligne médiane, dans les pieds de Prosinecki, permet au Japon d’initier une remontée du terrain éclair, Nakata centre depuis son aile droite sur Nakayama, qui contrôle en pleine course, et enchaîne avec un tir en extension du pied droit, malheureusement dévié par la main ferme du gardien Croate, Dalic, qui était sorti en prévision pour couper court.

La minute suivante voit Davor Suker tenter de répliquer suite à un bon centre de Stanic (enfin !), mais le bon Davor s’emmêle les pinceaux, permettant au gardien japonais, le très bon Kawaguchi, de lui prendre le ballon dans les pieds.

Il ne se passera ensuite plus grand-chose d’intéressant jusqu’à la mi-temps, la Croatie cherchant à installer un faux rythme qui lui convient bien mieux que les fulgurances répétées du Japon, ce qui a pour effet de fortement perturber la méthode de leurs adversaires, qui multiplie les pertes de balles chaudes jusqu’à la mi-temps, heureusement pour eux sans conséquence.

En seconde période, les japonais reviennent avec l’intention de redémarrer comme au début du match, mais peinent à se créer des occasions dangereuses seuls quelques corners qui ne débouchent sur rien animent ces dix premières minutes.

A la 13e minute néanmoins, le Japon déroule une jolie partition : une-deux entre Soma et Nanami, ce dernier pique ensuite le ballon vers Jo seul dans la surface qui tente un improbable retourné, pas assez puissant et un peu trop à droite de la cage de Dalic.

Trois minutes plus tard, Nakayama sort pour Okano, qui se met en évidence derechef, avec un déboulé sur l’aile droite : il évite un tacle glissé rageur d’un défenseur croate et centre fort au second poteau, le ballon revient sur Nanami en bonne position aux 18 mètres, mais il se fait faucher le ballon.

Prosinecki répond en envoyant Jarni en profondeur sur l’aile gauche, ce dernier réussit à centrer pour une tête décroisée de Suker qui laisse Kawaguchi cloué au sol, mais ça passe encore de peu à côté.

Prosinecki est alors remplacé par Maric, et après un énième coup franc croate bien placé, envoyé au-dessus par Suker, ce dernier se retrouve à la conclusion d’une contre-attaque éclair et lobe du bout du pied en extension, mais la sphère s’écrase sur la barre transversale, avant de ressortir.

Les Japonais ont eu chaud, mais cela ne va malheureusement pas leur servir d’avertissement. En effet quelques minutes plus tard c’est la sanction : le très remuant Maric effectue une bonne percée au milieu de terrain, stoppée par un gros tacle d’un défenseur nippon. Le ballon revient dans les pieds de Nanami, qui transmet en direction de Nakata, malheureusement la remise de ce dernier pour Yamaguchi est trop molle et Asanovic surgit. Il chipe le ballon dans les pieds de Yamaguchi qui ne l’avait pas encore vraiment contrôlé, se propulse et tente une intelligente passe pour un coéquipier lancé dans la profondeur. C’est contré mais ça lui revient instantanément dans les pieds, il accélère donc sur l’aile gauche, se propulse en quelques foulées jusqu’aux abords de la surface, et centre vers le point de penalty. De son côté, après la première transmission ratée d’Asanovic, Davor Suker observe bien le déplacement de son coéquipier et comprend qu’il va centrer, il anticipe donc et se décale pour laisser de l’espace entre son défenseur et lui, ce qui lui permet ensuite de contrôler le ballon sans trop de souci, avant de tirer à ras de terre à gauche du gardien. Le jusqu’ici très bon Kawaguchi n’a pas la main assez ferme, et ça fait 1-0.

Malgré une dernière jolie tête plongeante du meilleur buteur de J-League, le brésilien naturalisé Wagner Lopes, rentré en jeu pour le dernier quart d’heure, le score ne bougera plus.

Les Japonais ont tout donné et il ne leur reste plus grand-chose pour essayer de renverser la situation.

L’apprentissage continuera donc au match suivant, et à la compétition suivante, jusqu’à pouvoir espérer un jour prochain, battre les équipes d’un standing prétendument supérieur.

Ce ne fut pas le cas en 2006 (phase de groupe deuxième journée, score 0-0), peut-être que ce sera le cas cette après-midi ?

En tout cas, après leurs victoires de prestige sur l’Allemagne et sur l’Espagne, ce Japon actuel n’a plus peur de personne. Et c’est une anomalie enfin réparée… car il s’agit tout de même des glorieux Samouraïs !

Bon match à tous !

16 réflexions sur « L’avènement des Samouraïs »

    1. Aïe aïe aïe les penaltys japonais… Après 2010 face au Paraguay, c’est la seconde fois qu’ils se plantent aux TaB. La Croatie semble au contraire être terriblement à l’aise dans cet exercice.

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  1. Merci l’ami! Petit souvenir du Japon Argentine dont tu parles puisque nous avons vécu au Stadium le premier match du Japon à la Coupe du monde!
    Une ambiance superbe, avec des fans japonais en nombre. Enthousiastes, respectueux. Ils avaient evidemment nettoyé tous les gradins à la fin du match. Ça nous avait fait bizarre.
    Et pourtant les Toulousains avaient bien profité du marché noir…
    Des milliers de Japonais s’étaient retrouvés avec de faux billets.
    Avec mon frangin, ils nous avaient décorés avec écharpes et drapeaux.
    En plus, Batigol marque…
    Juste avant l’entree au stade, on voit un petit groupe d’Argentins courir en direction d’un bus. On fait de meme. Et on se retrouve en face de Simeone, Zanetti, Veron qui tapent comme des dingues sur les vitres. C’etait la Bombonera.
    Là Passarella sort du bus et vient nous saluer. On était une vingtaine, pas plus. Un grand moment.

    Allez le Japon!

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    1. Pas musicologue mais ce que je sais c est que cette gamme de cinq notes se retrouve un peu partout dans le monde. Comme si cette suite de note tintait doux pour tout le monde.
      On la retrouve en asie (japon ++) au moyen-Orient et dans 99.9% des groupes de rock et cela a travers les ages.

      Voila ma maigre participation.

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      1. Sur So Foot un mec m’a dit que c’était en mode diatoniqe occidentale classique. J’ai cependant un doute.

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      2. Ben de ce que j’en sais justement non il me semble.
        Diatonique c est que les intervalles dans la gamme vont être soit d un ton ou d un demi ton.

        Dans la penta c est pas le cas, ce ne sont pas les meme intervalles justement.

        Meme si je pense que lorsque tu joues certaines gammes de penta tu dois pouvoir retomber sur du diatonique (comprendre la gamme majeur pentatonique que tout le monde connait do re mi fa sol la si).

        Enfin j serais intéressé si un musicien tombe la dessus. C est pas clair pour moi non plus. Et niveau solfège j’suis pas loin du 0 absolu.

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      3. J’ai trouvé ça sur internet:
        « Il faut vraiment chercher pour trouver des hymnes qui prennent pleinement en compte des traditions musicales non occidentales du pays concerné. En fait j’en n’ai trouvé que deux.
        Le premier est le Japon qui respecte, sur une mélodie traditionnelle, son mode pentatonique à la chinoise, mais qui cède tout de même à une harmonisation à l’occidentale en son milieu… »

        Mes oreilles ne m’avaient pas trompées, il y a bien des éléments pentatoniques.

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      4. J ai passé deux heures sur des articles de musico après mon message ahah.
        Mon dieu que c est compliqué…

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  2. Suker, quel super attaquant. Mes potes sevillans en étaient fous et il y avait de quoi. Reprise de volée, coups francs, petits lobs. Un regal. Le Sevilla FC a eu des attaquants etrangers sympas dans son histoire mais aucun n’a réalisé ce qu’a fait Suker sur plusieurs saisons. Sukerman!

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