Ode à la Coupe des Coupes

Quel est le point commun entre les Rangers, la Fiorentina, Everton et le Sporting Lisbonne ? Ces clubs n’ont qu’un seul trophée européen dans leur vitrine[1], dernière trace d’une compétition aujourd’hui disparue : la Coupe des Coupes, de son véritable nom la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe.

Née en 1961, six ans après sa grande sœur la Coupe des clubs champions européens, elle est gérée pour sa première édition par le comité Mitropa. Celui-ci organise depuis 1927 la Coupe du même nom, opposant des équipes d’Europe centrale dans ce qui sera, jusqu’à la création de la C1, la seule compétition annuelle interclubs en Europe. Le mode de qualification pour la Coupe des Coupes est limpide : y accède le vainqueur de la Coupe nationale lors de la saison précédente, ou le finaliste si le vainqueur de la Coupe est déjà qualifié pour la Coupe des clubs champions. Ce mode de qualification permet à certains clubs ayant raté leur championnat d’avoir l’opportunité de sauver leur saison en se qualifiant pour une compétition européenne par le biais de la Coupe nationale. Le vainqueur de la Coupe des Coupes est qualifié d’office pour l’édition suivante, à supposer qu’il ne soit pas qualifié pour la C1. Manchester City en 1970, Barcelone en 1979 et Valence en 1980, par exemple, mettront cette règle à profit.

La naissance est difficile. L’édition inaugurale n’étant pas sous l’égide de la jeune UEFA, et toutes les fédérations n’organisant pas encore de Coupe nationale, certains pays n’engagent pas de représentants. Pire encore, certaines formations préfèrent décliner leur participation, bien que sportivement qualifiées, comme l’AS Monaco ou l’Atlético Madrid. L’édition 1960-1961 ne compte donc que 10 clubs inscrits, ce qui est un record négatif toutes compétitions européennes confondues. La finale se déroule sur le format aller-retour. C’est la Fiorentina, finaliste de la C1 en 1957, qui s’impose nettement (2-0, 2-1) contre les Glasgow Rangers.

Première finale de la Coupe des Coupes en 1961, Rangers-Fiorentina.

L’année suivante, devant le succès populaire et médiatique de la compétition, l’UEFA reprend en main l’organisation de la compétition (et instaure la finale sur un match unique, sur terrain neutre) et, dès la fin des années 1960, toutes les fédérations européennes affiliées à l’UEFA sont présentes dans la compétition. Le format de la compétition va être quasiment stable (entre 29 et 33 participants, de 1963 à 1991), avant une augmentation régulière due aux événements géopolitiques (dans l’ex-URSS et les Balkans) et à l’adhésion de nouvelles fédérations à l’UEFA[2].

Par sa nature même, une coupe nationale permet parfois à des formations de divisions inférieures de se hisser en finale, voire plus rarement de remporter le trophée et donc de décrocher une qualification inespérée pour une compétition européenne. La Coupe des Coupes voit ainsi certains clubs de deuxième ou troisième division réussir quelques performances en Europe. Les deux parcours les plus prestigieux sont réalisés par Cardiff City et l’Atalanta Bergame. Lors de l’édition 1967-1968, les Gallois, pensionnaires de Second Division anglaise et vainqueurs de la Coupe de Galles la saison précédente, éliminent successivement les Shamrock Rovers, les Néerlandais de NAC Breda, le Torpedo Moscou, avant de tomber en demi-finale face au Hambourg SV d’Uwe Seeler. Cette demi-finale est même à ce jour la meilleure performance d’un club gallois dans toute l’histoire des Coupes d’Europe ! Vingt ans plus tard, l’Atalanta, finaliste de la Coppa Italia face à Naples et relégué en Serie B l’année précédente, va également atteindre le dernier carré, écartant tour à tour Merthyr Tydfil, le représentant gallois, puis l’OFI Crète et le Sporting Portugal. Ce sont les Belges du KV Malines, futurs vainqueurs, qui mettent fin à la superbe campagne bergamasque.

Le match retour Atalanta Bergame-KV Malines, 20 avril 1988

La Coupe des Coupes, pour celles et ceux qui l’ont connue, dégageait un parfum, une aura, un sentiment de nostalgie qui lui était propre… Quelle autre compétition pouvait permettre à une formation de septième division de disputer une rencontre européenne (Merthyr Tydfil, cité plus haut, vainqueur de la Coupe du Pays de Galles mais engagé en septième division anglaise, faute de championnat gallois à l’époque…) ? Quelle autre pouvait offrir la première rencontre de Coupe d’Europe entre deux équipes de divisions inférieures (Southampton face aux Nord-Irlandais de Carrick Rangers en huitièmes de finale 1977[3]) ? Quelle compétition a offert le premier match de Coupe d’Europe (seizième de finale entre Aberdeen et Budapest Honvéd en 1971) ou même la première finale disputée aux tirs au but (Valence-Arsenal en 1980, avec une victoire des Espagnols) ? Quelle compétition a toujours empêché un club de la remporter deux fois de suite, bien que l’opportunité se soit présentée huit fois ? Quelle compétition a vu la première remontada de l’histoire européenne ? (Premier tour 1961-1962 : La Chaux-de-Fonds (Suisse) – Leixoes (Portugal), 6-2, 0-5)

Le palmarès de la C2 regorge de noms prestigieux. Outre le FC Barcelone, vainqueur record de quatre trophées entre 1979 et 1997, la Coupe des Coupes est passée entre les mains du Milan AC, d’Arsenal, de la Juventus, du Bayern, de Chelsea, de l’Ajax ou de Manchester United. Parmi les grands d’Europe, le Real (deux fois finaliste en 1971 et 1983), Liverpool ou le FC Porto n’ont pas réussi à la remporter. C’est la seule Coupe d’Europe remportée par un club de RDA (Magdebourg en 1974, année iconique du football est-allemand s’il en est) ou de Tchécoslovaquie (Slovan Bratislava en 1969, première équipe du bloc de l’Est à remporter une Coupe d’Europe). Parmi les meilleurs buteurs, beaucoup de joueurs emblématiques de leur époque aussi : Seeler, Heynckes, Roberto Baggio, Kempes, Panenka, Belanov, Blokhine, Stoitchkov, Vialli, Rensenbrink…

L’Ajax, emmenée par son capitaine Marco Van Basten (unique buteur en finale), avec le trophée, remporté en 1987

Et pourtant… Face à l’expansion galopante de sa grande sœur, plus prestigieuse, plus lucrative aussi, la Coupe des Coupes fait moins rêver les clubs européens. En 1997, l’UEFA décide de sa disparition, pure et simple, à l’issue de l’édition 1998-1999, remportée, comme la première, par une équipe transalpine, la Lazio Rome, qui s’impose lors de cette dernière finale face au RCD Majorque. Désormais, les vainqueurs des Coupes nationales sont reversés en Ligue Europa pour les 32 meilleures nations au coefficient UEFA, en Ligue Conférence pour les autres.

Notes et références

[1] La liste est complète en y ajoutant le Dimano Tbilissi, le Slovan Bratislava, la Sampdoria Gênes et Magdebourg.

[2] Les Îles Féroé, le Liechtenstein rejoignent l’UEFA alors qu’Israël demande son transfert depuis l’AFC (zone asiatique).

[3] Southampton et Carrick Rangers, alors engagés en deuxième division nationale, ont réussi à remporter respectivement l’année précédente la FA Cup et la Coupe d’Irlande du Nord.

26 réflexions sur « Ode à la Coupe des Coupes »

  1. Article top qui réhabilite une coupe à la fois disparue et injustement mésestimée de nos jours par les plus jeunes d’entre nous!

    Par contre hormis la photo d’illustration, on sent un petit rien de désintérêt pour un club qui y a brillé de mille feux !

    Un oubli sans doute ^^

    Je te charrie , merci pour cet article .

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    1. Merci ! Je ne sais pas si cette compétition est mesestimée par les plus jeunes, mais l’idée était de faire un texte de présentation globale pour celles et ceux n’ayant pas eu la chance de l’avoir connue…

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  2. Je me souviens parfaitement de cette dernière finale Lazio-Mallorque, au Villa Park il me semble (de mémoire) et avec Hector Cuper sur le banc côté espagnol… S’en suivra la Super Coupe soulevée face à Manchester United ainsi qu’un Scudetto pour les Laziale et leurs différentes « Dream Team » s’étant succédées durant leur âge d’or « fin Nineties~début 2000″…

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  3. Ça sent bon le foot de papa ça ! Une vraie coupe d’Europe « populaire » , de clubs de seconde zone ( sans manquer aucunement de respect ) . Même si certains grands l’ont remportée , ça sentait toujours soit la session de rattrapage pour des gros soit l’aboutissement d’une histoire pour des petits ( et parfois de tremplin comme pour Parma au début des années 90 ) . Nîmes , alors en 3ème division , y participe en 1996 si je ne m’abuse !
    Et rien que pour la finale 1986 avec un Dynamo Kiev stratosphérique, Blokhine quel joueur !, face à un Atletico médusé à Lyon , je crie et chante « vive la coupe des coupes! » . Elle me manque …

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    1. Le foot de Papa, ça me correspond bien, je suis plutôt calé en foot des années 90… La Coupe des Coupes est forcément une Coupe de rattrapage, pour les gros qui ont raté le titre de champion, mais pas la Coupe, et c’est aussi vrai que certaines petites équipes de seconde (voire troisième) division ont pu y briller.

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  4. Un beau vainqueur aussi le Werder Bremen qui pratiquait à l’époque un football offensif total.

    Et une finale inédite Dinamo Tbilissi v. Carl Zeiss Jena en 1981 avec la victoire des ex-soviétiques (aujourd’hui géorgiens) qui comptaient dans leur rang quelques attaquants très dangereux comme Shengelia, Gutsaev et des milieux très « Old School » comme Daraselia ou Kipiani.

    Enfin, mention spéciale au RSC Anderlecht, seul club ayant participé à trois finales consécutives en 1976, 1977 et 1978.

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    1. Lindo. Le Werder, en France, rappelle surtout l’apathie de Monaco ce soir là. Estadio de la Luz vide, Furiani quelques jours auparavant, Monaco fantomatique, alors qu’ils avaient superbement éliminé la Roma et Feyenoord… Un rendez-vous complètement foiré. D’ailleurs, Monaco sera aussi méconnaissable 12 ans après, face à Porto.

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  5. Merci Queix! Mon premier souvenir de la c2 est une lecture. Les chroniques de l’année 88 de L’Equipe. Avec la victoire du Malines d’Ohana sur l’Ajax. Qui avait lui-même éliminé l’OM de Giresse en demi-finale.
    Ce parcours européen de Marseille a tendance à être oublié puisque la suite sera encore plus glorieuse mais c’était la première fois que l’OM faisait quelque chose en Europe.

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  6. Dans les finales vues en live, je garde celle de 89, entre le Barça et la Samp. Mes premières finales européennes. Avec Victor qui retrouvait son Barça.

    Celle de 91, avec la revanche de Mark Hugues sur ce même Barça.

    L’édition 95 au Parc, avec ce but lunaire de Nayim face à Seaman…

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  7. Pour un club qui se considère comme le plus grand, l’absence de c2 pour le Real est une petite épine dans le pied. Surtout qu’ils étaient chaque fois favoris lors des finales jouées. Que ce soit l’édition 71 face au Chelsea de Osgood ou l’Aberdeen de Fergusson.

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  8. Pas mal de beaux souvenirs de cette C2 mais si je devais en retenir un, ce serait le Dynamo Kiev et ce pauvre Fillol crucifié à trois reprises à Gerland. Blokhine semblait avoir rajeuni de 10 ans ! C’était peu de temps avant la CM au Mexique et ça donnait un aperçu de ce que les Bleus auraient à affronter en phase de poules contre l’URSS.

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    1. Kiev 86 et Anderlecht 78 : je n’ai pas vu plus dominant, plus asymétrique, que cela.

      D’autres finales à sens unique, ça oui : 93, 87 aussi il me semble, celle remportée par le PSG également. Mais avec tel écart qualitatif : non. 86 et 78, c’est vraiment des one-team-shows.

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  9. Bel article !
    Belle épreuve, mais qui, les dernières années était dénaturée par le fait que la plupart des vainqueurs de Coupes nationales des « grands » pays ne la disputaient pas, étant qualifiés pour la C1.
    Mon plus ancien souvenir de l’épreuve est « l’épopée » de l’Olympique lyonnais du « Petit prince » Fleury Di Nallo (moi aussi je dîne à l’eau !), en particulier les fameux matchs contre le Hambourg SV de Uwe Seeler. Avant, c’est très flou.

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  10. L’Atalanta ne passa pas loin de la qualif face au Malinwa. Dans mes souvenirs : deux superbes manches, âprement disputées et dans un très bel esprit..qui d’ailleurs laissa des traces – les kops sympathisèrent durablement dans la foulée.

    Anderlecht, triple-finaliste? Oui..et possiblement spolié d’une quatrième en 79, je crois avoir évoqué leur scandaleuse élimination face au Barca ; à l’automne 78, cette équipe a largement encore l’envergure d’un vainqueur de C2, sans problème……..mais un mois plus tard??

    De tête, c’est en effet en décembre 79 que la carrière du joyau Rensenbrink prend officieusement fin, sur un tackle destructeur du joueur du FC Liège Philips.. Anderlecht parviendra à le refourguer, et Rensenbrink à faire croire que (alors que), histoire que chacun palpât encore ce qui pouvait l’être. Mais physiquement ce fut irrémédiable, il était fini.

    Anderlecht avait un noyau monstrueux à l’époque : Haan, Vercauteren, Nielsen et Coeck au milieu.. une attaque Geels, Rensenbrink, Vander Elst (et l’excellentissime Ronny Martens en soutien)…….. Même la défense, les gardiens.. ==> Il n’y avait pas cinq noyaux plus forts que cela en Europe à l’époque, sans doute pas même trois. Mais sans un Rensenbrink au top : plus du tout la même chanson..

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  11. Je ne sais vraiment pas ce qu’il faut penser de la disparition de cette Coupe des Coupes……………. Le prestige??? Mais alors, dans le même temps : pourquoi avoir ressuscité, puis même maintenu, la Coupe Intertoto???

    Même si je vois assez bien le genre de salopards qui présidait alors au (devenir du) cadre institutionnel des Coupes d’Europe, Il m’en faudra plus pour comprendre ce qui eut cours à l’époque – de prime abord, avis perso : une équation mêlant droits-tv et calendrier……et peut-être, aussi, l’horreur que d’aucuns nourrissaient à l’encontre de la glorieuse incertitude du sport (or cette C2 était la moins apprivoisable des CE).

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  12. La Sampdoria est évoquée.. A titre perso, sans trop d’illusions sur certaine pharmacopée (ça puait l’EPO – l’activité d’un Lombardo, par exemple : c’était inhumain) et cependant admiratif du duo Vialli-Mancini, de la qualité de jeu, du bel esprit d’entreprise affiché, du formidable travail de fond en amont……… : ben je trouve que c’est une anomalie qu’ils n’aient rien gagné d’autre en CE, cette C2 était bien le moins qu’ils méritassent.

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      1. Sacre catalan brin flatté en effet.

        Sinon j’ai revu la victoire malinoise il y a 6 mois, alors certes ça évolue longtemps à 11 contre 10, mais Preud’Homme n’a quasiment rien à faire dans cette rencontre (..et ne le fait pas toujours à propos..), même à 11 contre 11 Malines paraît mieux en place…….;mais bref : le mythe Preud’Homme, encore et toujours……..comme en WCs alors qu’il est quelconque en 90 (c’est le moins bon des DR), ni même si renversant que ça non plus en 94..

        Et c’est décidément la défense malinoise qui a mes faveurs : Clijsters, Rutjes (vicieux mais d’une redoutable efficacité, il avait largement sa place dans le onze NL à l’époque!), Albert plus tard, Emmers quand lui arriva de jouer back droit voire libéro……… ==> Top mondial, ça.

        Mais le top concernant cette finale de C2 88 : c’est Voldermort, éhéh.. ==> Encore et toujours des histoires de manipulations par voie de presse pour tracer sa carrière, écarter la concurrence..et cependant, au final, à Strasbourg : l’évincé de Mos (piètre individu, lui aussi) eut sa revanche!

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      2. Rutjes, sur la photo choisie par l’auteur : c’est le Malinois qu’on voit au marquage de Strömberg, la star suédoise de l’Atalanta – un des tout meilleurs Suédois des 80’s.

        Ledit Rutjes avait d’ailleurs inscrit un but incroyable en Italie – l’action de sa carrière, sans conteste possible. Et je crois me rappeler que c’est lui, aussi, qui avait marqué un but parfaitement valable lors de l’aller face à l’AC Milan mais bon, les arbitres du temps de Berlusconi.. : il avait été annulé donc, personne ne put jamais expliquer pourquoi mais c’est le genre de choses qui faisait partie du décor à l’époque.

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