Robby Langers, Jeanne d’Arc, passions orléanaises

Au printemps 1989, Orléans s’éveille. Une nouvelle équipe municipale suscite de grands espoirs, les fêtes johanniques s’annoncent somptueuses et l’US Orléans ridiculise le Paris Saint-Germain au Parc des Princes.

Le 19 mars 1989, avec quatre mois d’avance sur les commémorations du bicentenaire, Orléans entame sa révolution, ne craignons pas les mots : à la surprise générale, le socialiste Jean-Pierre Sueur s’impose aux élections municipales après une trentaine d’années de somnolence consciencieusement entretenue par une succession de maires plus ou moins de droite. Durant ses deux mandatures, il va s’attacher à poursuivre le travail d’enlaidissement entamé par Jacques Douffiagues – l’impardonnable Douffiagues à qui on doit l’inesthétique Place d’Arc – tout en menant de grands projets susceptibles de réveiller une ville aux mœurs étriquées et aux allures de cité dortoir pour travailleurs parisiens.

Jacques Douffiagues (à gauche) et Jean-Pierre Sueur lors d’un débat dans les locaux de la République du Centre.

La nouvelle équipe dirigeante prend possession de l’Hôtel Groslot le 24 mars et Jean-Pierre Sueur prononce un long discours d’investiture au ton professoral, celui d’un linguiste expert ès lettres et illusions[1]. Un sans-faute, tous ceux qui font la fierté d’Orléans sont cités, de Jeanne bien sûr – « l’irruption de la ferveur dans l’histoire » – à Pierre Ségelle, en passant par Jean Zay et Charles Péguy. Son programme tente de réconcilier les valeurs de solidarité et les exigences de rigueur après plusieurs années de gestion erratique des finances publiques. Alors qu’il développe chacun des thèmes de sa feuille de route, il survole la politique sportive – « elle donnera lieu à une concertation associant les représentants des clubs » – ce qui témoigne de la dépriorisation du sujet et n’annonce rien de bon pour des dirigeants prompts à se tourner vers la mairie quand il s’agit d’éponger les dettes dont ils sont à l’origine.

A l’époque, le sport orléanais de très haut niveau est incarné par l’USO Judo des frères Delvingt, plusieurs fois championne d’Europe des clubs avec ses cracks, Marc Alexandre, Fabien Canu, Stéphane Traineau… L’engouement pour le judo est tel que les finales européennes transforment en chaudron le palais des sports à la devanture de prison. En dehors du judo, quelle misère… Le rugby et le basket vivotent alors que le football plafonne. Créé en 1976 à la suite de la fusion de la section football de l’USO et de l’Arago, un très ancien patronage catholique ayant eu son heure de gloire en Coupe de France au sortir de la guerre, le club stagne en 2e division. Les espoirs d’accession entrevus au milieu des années 1980 s’évanouissent avec les départs successifs de Guy Stéphan, Serge Chiesa, Marc Berdoll, Jean-Luc Arribart, Henryk Agerbeck, Alain Noël ou Gérard Soler, conséquences d’une cure d’austérité budgétaire. Même Jacky Lemée se résout à quitter le club à l’automne 1988, après une décennie de mainmise sur le football orléanais, laissant orphelins ceux qui ont tant de fois refait le match avec lui dans sa pizzeria de la rue Chappon[2].

Jacky Lemée, entraineur-joueur durant presqu’une décennie. L’USO lui doit tant.

En nommant le duo de coachs Károly Krémer – Jean-Baptiste Bordas, le président Claude Fousse rompt avec les préceptes rigoureux de Lemée au profit d’un football plus généreux susceptible de séduire l’exigeant public orléanais. Bordas, ancien milieu de l’Arago et de l’AS Saint-Etienne, dirige les séances alors que Krémer s’écoute parler. Riche de son passé de joueur en Belgique, le Hongrois étale doctement ses certitudes sur le football total auprès de Patrick Paumier, le jeune journaliste sportif de La République du Centre, et de Martial Cure, le reporter de Radio France Orléans. Cruyff au Barça, Sacchi au Milan et Krémer à l’USO, une sorte de Sainte-Trinité du totaalvoetbal.

Dans les faits, les grands principes de Krémer permettent aux nouveaux attaquants Joël Germain (sans lien de parenté avec l’immense Bruno, enfant du pays parti conquérir Paris et Marseille) et Robby Langers[3] d’inscrire de nombreux buts mais la défense prend l’eau. Plongée dans l’anonymat de son groupe, l’USO peine toujours à attirer plus de 2000 spectateurs pour les affiches de Division 2. Difficile d’en vouloir au public car il lui faut parcourir une douzaine de kilomètres depuis le centre historique pour se rendre au stade de La Source, sa piste d’athlétisme et ses tribunes latérales ouvertes à tous les vents, alors que le tramway n’est encore qu’un projet de la nouvelle équipe municipale. Rêverie d’urbanistes et de politiciens idéalistes, La Source allonge la liste des villes nouvelles se rangeant dans la catégorie des fiascos. Les larges et froides avenues bordées de cubes défraichis et l’insécurité naissante sont des repoussoirs alors que le campus – conçu pour être le futur Oxford-sur-Loire, eh oui ! – cloître les étudiants dans une prison de verdure, loin des maigres tentations de la vie nocturne orléanaise.

Photo d’avant-saison 1988-89. Jacky Lemée est encore présent, assis, au centre.
En cours de saison 1988-89. Krémer est à gauche, Bordas à droite.

Le 22 mars 1989, trois jours après l’élection de Sueur, ils sont malgré tout plus de 5000 à se rendre à La Source pour les 16e de finale aller de Coupe de France contre Brest, prétendant à l’accession en Division 1. Depuis la finale de 1980 perdue contre l’AS Monaco (1-3), Orléans rêve de revivre une épopée en Coupe et espère trouver des successeurs à Jacky Lemée, Bruno Germain, Roger Marette ou encore Patrick Viot, le gardien de but carrossier aimé de tous, désormais remplaçant de Jean-Yves Le Maux. Grâce à Langers et Germain, l’USO s’impose 2-0 contre le Stade Brestois, certes privé de Roberto Cabañas, mais fort des présences de Patrick Colleter, Paul Le Guen et Dragiša Binić, futur vainqueur de la Coupe des clubs champions européens avec l’Etoile Rouge. Au retour, une semaine plus tard, les Guêpes se qualifient en ne s’inclinant que d’un but, 3-2.

Cette excellente performance ne détourne pas encore Orléans et ses associations, y compris sportives, de la priorité du printemps : les fêtes johanniques. Depuis qu’elle a été délivrée du siège anglais le 8 mai 1429, Orléans manifeste sa gratitude vis-à-vis de la Pucelle en organisant des célébrations annuelles au cours desquelles le religieux, le profane et le militaire se disputent les faveurs de la foule descendue dans des rues pavoisées pour l’occasion. Et comme toujours à cette période, les Orléanais s’interrogent sur l’identité de l’invité à qui reviendra l’immense honneur de présider les fêtes. Certains jeunes hommes douloureusement pubescents se demandent également si le choix de la lycéenne incarnant Jeanne d’Arc est conditionné à un test de virginité. Année après année, la seconde question demeure une fantasmagorie de puceau alors que la première trouve toujours une réponse concrète. Pour cette édition 1989, le président de la République[4] François Mitterrand est annoncé, en dépit des affinités rocardiennes de Sueur.

Jack Lang, Jean-Pierre-Sueur, le Président, Jeanne sur le parvis de la cathédrale.

Quand le sort désigne le Paris Saint-Germain comme adversaire en 8e de finale, un début d’agitation parcourt la cité ligérienne. En tête du championnat de Division 1, le PSG de Tomislav Ivić ressemble à un monstre froid, assis sur une défense de fer et des contrattaques assassines, le roi du 1-0. Un adversaire théoriquement hors de portée de l’USO mais puisqu’il s’agit d’une année de célébration révolutionnaire, pourquoi ne pas imaginer renverser ce PSG souverain ? Ce serait le triomphe du football total sur les tactiques mesquines d’Ivić ! Samedi 8 avril, plusieurs dizaines de bus partent à l’assaut de la Beauce – point culminant, 150 mètres – et parcourent les 120 kilomètres séparant Orléans du Parc des Princes, un pèlerinage pour certains supporters ayant vécu la finale de Coupe de France 1980. Dans une enceinte aux trois quarts vides, les jaunes et rouges font résonner le guerrier « hu hu USO » (ce sont les seules paroles de ce chant) jusqu’alors réservé aux adeptes de la très rustique tribune Vagner de La Source[5].

D’emblée, le 4-4-2 parisien se heurte au système de jeu orléanais : disposées en 5-3-2 ou 3-5-2 selon les circonstances, les Guêpes quadrillent parfaitement le terrain, défendent ensemble et se projettent en bloc vers l’avant à la récupération du ballon. C’est le football total à la sauce Károly Krémer avec Robby Langers dans le rôle de Johan Cruyff, numéro 14 dans le dos pour que le mimétisme soit (presque) parfait avec l’Ajax des années 1970. Tout cela serait formidable si ces admirables principes ne s’accompagnaient pas d’un déchet technique effarant : il faut bien le dire, le spectacle qu’offrent les deux équipes est navrant. « Hu hu USO » scandent les Orléanais. Malgré des accents belliqueux difficiles à déceler, il faut croire que cette rengaine terrorise le PSG et ses hommes forts, Joël Bats, Philippe Jeannol, Gabi Calderón, Christian Pérez, Safet Sušić, Daniel Xuereb… A la 39e minute, surgi du néant, un coup d’éclat survient enfin. La défense parisienne dégage sommairement un ballon aérien, Gérard Bacconnier le remet dans l’axe, Germain le prolonge de la tête dans la course de Langers, plein de sang-froid face à Bats (1-0).

Au Parc. Debout, de gauche à droite : Henri Zambelli, Robby Langers, Bruno Poucan, Martial Sesniac, Simon Boyer, Jean-Yves Le Maux. Accroupis : Gérard Bacconnier, Joël Germain, Christophe Soyer, Stéphane Béasse et Manu Lerat.

En seconde période, Paris déploie un peu plus d’énergie et libère des espaces dont profitent les Orléanais, de plus en plus justes dans leurs combinaisons. Peu avant l’heure de jeu, Manu Lerat s’échappe dans le dos d’une défense s’ouvrant complaisamment. Bats intervient hors de la surface mais est contré par le petit ailier droit. Lerat centre à ras de terre pour Germain au point de pénalty. Sa frappe se loge au fond des filets malgré les retours de Pilorget et Jeannol, 2-0. A la 72e minute, Jean-Yves Le Maux, jusqu’alors peu sollicité, s’interpose devant Calderón au moment où Krémer, toujours aussi à l’aise devant un micro, annonce au journaliste de FR3 Centre le remplacement du milieu gauche Christophe Soyer « qui a fait un match fantastique, il a beaucoup couru et c’est Lionel Hénault qui va entrer pour assurer un petit peu ». Soyer, 19 ans, c’est un gamin du cru, un de ceux formés par Jean-Baptiste Bordas. Avant de sortir, il veut inscrire son nom dans l’histoire de l’USO. Langers feinte Pilorget, s’infiltre côté droit, redresse le ballon pour Germain qui le prolonge au second poteau d’une délicieuse talonnade[6], là où se trouve Soyer, libre de tout marquage, 3-0. Dans les derniers instants, Langers, tête haute, plus cruyffien que jamais, lance Lerat en profondeur seul face à Bats, 4-0.

Joël Germain vient d’inscrire le 2nd but de l’USO.
Károly Krémer et Jean-Baptiste Bordas.

Tomislav Ivić relativise l’échec, il sait que le grand rendez-vous du PSG aura lieu au Vélodrome dans une sorte de finale du championnat contre l’OM[7] : « Je ne suis pas en colère mais désolé pour les joueurs. On apprend davantage dans les défaites que dans les victoires ». Beau perdant, le président Francis Borelli accepte de dire un mot à la télévision régionale : « le score est édifiant et parle de lui-même, 4 à 0, c’est mérité et bravo à Orléans ». « Un match exceptionnel, comme on en joue qu’une seule fois dans une vie » dira plus tard le héros luxembourgeois, Robby Langers. Passées les échauffourées avec les énergumènes de la tribune Boulogne, la délégation rouge et jaune reprend la route et se donne rendez-vous place du Martroi pour une fête improvisée avec les nightclubers tout juste sortis du George ou du Gardel’s. Les plus audacieux escaladent la statue de Jeanne d’Arc puis vont enfin se coucher alors que « les travestis vont se raser, les strip-teaseuses sont rhabillées, les traversins sont écrasés, les amoureux sont fatigués, il est cinq heures, Orléans s’éveille. »

Pour le match retour, une semaine plus tard, le stade de La Source fait sa mue. Ce n’est pas le Maracanã, n’exagérons pas, mais l’assemblage de tribunes tubulaires derrière les buts porte sa capacité à environ 12 mille places que s’arrachent les Loirétains, soudainement séduits par le football. Ce 15 avril 1989, dans l’après-midi, la catastrophe d’Hillsborough provoque la mort d’une centaine de personnes mais à Orléans, l’heure est encore à l’insouciance. Une partie du public s’assied sur la piste d’athlétisme comme s’il s’agissait d’un match de Division d’honneur, les vibrations et les craquements émanant de la charpente métallique des gradins éphémères n’inquiètent personne – le drame de Furiani survient deux ans plus tard – et les services de sécurité laissent entrer les supporters avec leurs glacières remplies de bières fraiches. L’alcool aidant, l’ambiance monte gentiment et durant l’échauffement, les chants du public – doit-on parler de chants ou de blagues de carabins ? –  prennent pour cible Joël Bats, maussade et susceptible.

Apôtre du calcul, Ivić renie ses convictions contraint et forcé. Il titularise Amara Simba à la place de Sušić et fait de Philippe Jeannol un étonnant avant-centre en pivot. Ce PSG ambitieux s’empare de la direction du jeu, le durcit également. Il aurait dû ouvrir le score à la 15e minute par Xuereb puis à la 21e par Simba si Jean-Marie Lartigot n’avait pas signalé d’hypothétiques fautes et hors-jeu. Déjà agacé par la présence d’un coq dans sa surface de réparation, Bats prend un coup de sang et traverse le terrain à grandes enjambées pour protester auprès de l’arbitre et s’attire de nouvelles gouailleries des spectateurs. Le temps passe, l’USO ne propose rien mais Jean-Yves Le Maux, avec l’assistance de ses poteaux, frustre les Parisiens. Simba marque enfin de la tête sur une remise de Jeannol, peu avant la pause. 0-1, c’est un miracle pour les Guêpes. Steeve-Henry Peeters sur FR3 Centre n’est pas rassuré, « une équipe d’Orléans ballottée et une équipe du Paris Saint-Germain qui a montré qu’elle pouvait réussir cet exploit de gagner 5 à 0 ».

Henri Zambelli, Jean-Yves Le Maux et Daniel Xuereb.

La seconde période démarre tambour battant mais avec une différence fondamentale : les Orléanais sortent de leur coquille. A la 60e minute, ils égalisent sur un exploit de Robby Langers. Dos au but, il contrôle le ballon de la poitrine, se l’emmène en pivot et l’expédie puissamment dans la lucarne parisienne (1-1). Un chef d’œuvre. Dans le dernier quart d’heure, les dés étant jetés, les défenses se relâchent. Bacconnier lobe Bats de loin (2-1), Jeannol égalise en renard des surfaces qu’il n’est pas, Lerat redonne de la tête l’avantage à l’USO avant que Calderón n’inscrive sur pénalty le but du 3-3 final. Au coup de sifflet, une partie du public envahit la pelouse et accompagne les Guêpes pendant leur tour d’honneur. Dans les vestiaires, Francis Borelli vient les féliciter chaleureusement alors que Joël Bats s’enfonce dans l’aigreur et la paranoïa, définitivement hors sujet.

En quarts de finale, le 3 mai, les Orléanais se rendent à nouveau à La Source pour soutenir les leurs face à l’AS Monaco. Glenn Hoddle, un félon venu d’outre-Manche, règne sur la rencontre (défaite de l’USO 1-2 dont un but de l’ancien Spur) et brouille l’image de Jeanne libérant la cité du siège anglais alors que les fêtes johanniques ont débuté avec la cérémonie de remise de l’épée et la chevauchée de la Pucelle entre la place du Martroi et l’île Charlemagne.

Le 8 mai, les fêtes atteignent leur acmé et pour l’occasion, Jean-Pierre Sueur rompt avec les discours de ses prédécesseurs. Il inscrit la Pucelle dans la mémoire républicaine, une réplique à l’appropriation de l’héroïne par l’extrême-droite : « Jeanne d’Arc appartient au peuple de France tout entier. Nul ne peut se l’approprier. Nul n’a le droit de l’annexer, et surtout pas les adeptes de la xénophobie. » Puis vient le moment tant attendu de l’allocution de François Mitterrand. Moins politique, plus subtil, il exalte les valeurs transmises par Jeanne d’Arc : « elle était, comme le dira un écrivain contemporain, Joseph Delteil, « cet atome d’air pur qui mettait en débandade les microbes du calcul ». Les uns et les autres finirent par avoir raison d’elle. » Le lendemain, au stade Louis- II, les bactéries monégasques finissent par avoir raison de Robby Langers , « cet atome d’air pur » coiffé comme Jehanne la Pucelle et léger comme Johannes Cruyff, (0-2 à la pause, 2-3 puis 3-3 à la 78e minute).

Robby Langers
Milla Jovovich dans Jeanne d’Arc de Luc Besson.

Pour l’USO, l’embellie ne se prolonge pas au delà ce ce mois de mai. Le public déserte à nouveau La Source, Langers quitte Orléans pour de plus grands défis et déjà les nuages noirs s’amoncellent. Sportivement relégué, le club se maintient en 1991 grâce aux dépôts de bilan de Reims et Niort. Ce n’est que partie remise : sept millions de francs de dette (un peu plus d’un million d’euros) entrainent une liquidation judiciaire en mars 1992 sans que la mairie n’intervienne, conformément à ses avertissements préalables. L’USO 45 redémarre en Division d’honneur et va mettre deux décennies à s’extraire des championnats amateurs. Débarrassé du coûteux football professionnel, Jean-Pierre Sueur se consacre aux grands travaux de son programme et modifie profondément la physionomie d’Orléans. Douze années de projets : médiathèque, salle de spectacles, rénovation du quartier de La Source, tramway, nouveau pont sur la Loire, redéfinition des entrées de ville, tout cela en faisant appel aux plus fameux cabinets d’architectes du moment. Des réussites et des échecs, des choix esthétiques audacieux et de plus douteux et un centre historique négligé. Les Orléanais le sanctionnent en 2001[8] au profit du chiraquien Serge Grouard, ce dernier s’attachant à revitaliser le cœur de ville et le réconcilier avec la Loire. Sa politique sportive privilégie le basket et les amateurs de sport prennent plus facilement le chemin de la flamboyante Arena CO’Met que celui du rudimentaire stade de La Source où se déroulent invariablement les matchs de l’USO Loiret Football, actuellement en National. Un point d’ancrage pour ceux qui reviennent à Orléans sur les traces de leur jeunesse. Car pour le reste, la quête d’impressions sensorielles et affectives les renvoie aux vers de Baudelaire, « La forme d’une ville change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel »[9].


[1] Avant de se consacrer à la politique, il est maître de conférences en linguistique à l’université d’Orléans.

[2] Jacky Lemée entraine à nouveau le club de 1994 à 1998.

[3] 27 buts, meilleur buteur du championnat de France de D2 lors de la saison 1988-1989.

[4] Traditionnellement, chaque président de la République se rend aux fêtes de Jeanne d’Arc dans l’année qui suit son élection. C’est le cas pour Mitterand en 1982 et en 1989, année suivant sa réélection.

[5] Depuis quelques années, l’hymne est « Allez l’USO », composé et interprété par le groupe local La Jarry.

[6] Joël Germain révèle plus tard que sa talonnade est un geste manqué, une « Madjer » mal exécutée que le hasard transforme en passe décisive.

[7] Le PSG perd le titre dans les derniers instants sur une frappe lointaine de Franck Sauzée (1-0 pour l’OM).

[8] Jean-Pierre Sueur poursuit sa carrière politique en qualité de sénateur jusqu’en 2023. Très actif à la tête de la commission des lois constitutionnelles durant 10 ans, reconnu pour son engagement, son nom est cité dans une affaire de sextape tournée dans un bureau du Palais du Luxembourg !

[9] Le Cygne, dans Les Fleurs du mal, 1861.

24 réflexions sur « Robby Langers, Jeanne d’Arc, passions orléanaises »

  1. L’auteur s’est-il jamais autant livré que dans cet article? On est tenté de deviner ici plus que des lieux que tu dus fréquenter.

    En fait de Place d’Arc, j’entrevois sur Google un complexe bunkerisé ; une sorte d’Euralille du pauvre, c’est bien ça?

    Pas moi qui le blâmerai, mais il n’avait guère foi en ledit progrès, Baudelaire!

    Sur le terrain, le Krémer que tu évoques semble avoir directement succédé à un Ballon d’Or en Belgique, transféré pour pallier son départ……… ==> Un cas unique pour mon pays!

    « un félon venu d’outre-Manche », lol.. Ce papier a d’ailleurs un je ne sais quoi de divertissant, les « uh uh USO » par exemple..

    Mitterand et le foot, ça donnait quoi? On jurerait qu’il parle d’Ivic ici, cette « débandade (d)es microbes du calcul », éhéh..

    J’ai beaucoup aimé et en ignorais tout, merci.

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    1. Content que ça te plaise car c’est que j’ai fait de mieux eh eh !

      Dans l’ordre :
      Place d’Arc, au départ, c’est une bonne idée : prolonger naturellement la rue de la République, une des principales artères commerçantes, jusqu’à la gare tout en masquant cette dernière, insignifiante depuis la destruction des structures métalliques de l’ancienne gare. Place d’Arc devait également obstruer la vue sur les immeubles des années 1960 et la prison en moellons, de hauts bâtiments tout proches du centre. Bonne idée, donc, mais la réalisation est un échec esthétique et Place d’Arc n’est qu’une galerie commerciale de plus, sans aucun charme.

      Le Ballon d’or que tu évoques, c’est Masopust ?

      Mitterrand et le foot, il y a quelque chose d’incompatible, non ? Bref, un passage obligé que d’assister à la finale de la CdF comme ses prédécesseurs, l’occasion de soigner sa popularité, ce n’était pas encore une séance d’humiliation publique pour les politiques, le public se tenait encore à peu près eh eh. On se souvient de la bise à JPP, je crois que c’est justement en 1989 à l’occasion de la finale OM-Monaco (les félons d’Anglais monégasques ont été vaincus !).

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      1. Yep : il succède à Masopust chez les « Ânes » (leur surnom) du Crossing. Club nomade et que je trouve attachant, qui a désormais (..des fusions à n’en plus finir..) posé ses pénates à Elewijt, lequel bled est pourtant un haut-lieu de l’Histoire du FC Malinois.

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    1. J’ai trouvé un article dans Le Monde (pour les abonnés) qui explique les raisons de l’attractivité de l’USO dans les années 1980. Une direction sportive crédible (l’un des frères Delvingt était champion d’Europe), des infrastructures ultra modernes pour l’époque, la proximité d’Orléans avec l’Insep, un club conciliant performance et caractère familial, un budget dopé par les partenaires locaux (peu de sports concurrents) et les collectivités permettant de rémunérer les judokas (de 800 à 1000 francs officiellement, donc pas grand chose) même si manifestement, les clubs parisiens payaient déjà mieux.

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  2. Je ne connais pas Orléans. J’étais intrigué par « La Source », je suis allé voir la carte municipale. Eh ben, la verrue spatiale … Donc ce « nouveau » quartier au Sud de la ville, éloigné et enclavé, est rattaché par un fin bras de terre pour toucher le sud de la ville. Je comprends qu’il fallait trouver du terrain libre dans les années 1960, mais de là à vouloir le rattaché obligatoirement à plus de 10 km du centre-ville, vu la surface et la démographie d’Orléans, c’est une sacré erreur géographique. Certes, la métropolisation n’étais pas à l’ordre du jour à cette époque, mais quitte à aller si loin pour aménager un nouveau quartier, il aurait fallu le rattacher à des communes existantes qui l’encercle, ou carrément, passer par une ville nouvelle. Le boulet que ça doit être ce truc en terme de gestion municipale, et surtout pour les habitants.

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    1. Au départ, il s’agit de trouver de la surface pour attirer des entreprises (notamment publiques) engagées dans un grand mouvement de décentralisation et qui pourraient être séduites par la mise à disposition de terrains et la proximité d’Orléans avec Paris. Trouver de la surface n’est pas simple : il faut une commune acceptant de céder une partie de son territoire, que cela ne nécessite pas d’expropriations trop importantes, donc pas des terres agricoles… Au Nord, c’est compliqué, les villes sont sous administration communiste, donc pas très conciliantes, et la forêt d’Orléans limite l’extension. Plus au Nord, en Beauce, ce sont des terres agricoles. Donc direction le Sud. Saint-Cyr en Val accepte le deal avec la mairie d’Orléans (à l’époque, le maire centriste est également à la tête du journal local, ça facilite bien des choses) et cède des parcelles en entrée de Sologne, des terres pauvres et boisées.
      Des entreprises s’installent en effet à La Source : le BRGM, le CNRS, les PTT, l’Université, l’hôpital, créant des milliers d’emplois. Mais tout est fractionné : l’Université d’un côté, les entreprises d’un autre, un quartier pavillonnaire plutôt chic parmi la forêt et au milieu de grandes barres HLM. Aucune unité, pas de cœur ou ce qui pourrait y ressembler, des transports déficients pour rejoindre le centre d’Orléans. Et évidemment, ça se ghettoïse, ça vieillit mal… Sueur habitant à La Source quand il enseignait à la fac, il a tenu à réhabiliter et désenclaver le quartier avec un relatif succès. Succès car le tramway dessert La Source, une voie rapide a été créée. Relatif car La Source conserve une mauvaise réputation et demeure sans unité.

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  3. Robby Langers ou le cauchemar du RC Strasbourg…. Pour avoir vécu deux longues années dans cette cité catho, je confirme les nombreux actes d’architecture manqués qui sont pointés ici. Au niveau footballistique c’est effectivement navrant… le club n’est pas soutenu par la ville, le stade de la source une punition pour les amoureux de foot, comparable à celui de Villeneuve d’ascq du temps où le LOSC attendait la livraison de son nouveau stade Mauroy….et sur la pelouse c’est navrant aussi : j’ai notamment vu plusieurs matchs de l’équipe coachée par Casoni l’année dernière (lequel a été viré pour des propos plus que maladroits) et j’ai davantage vu des bourdons que des guêpes.. , pour finir, en fin de saison le nouveau board annonce la suppression de la section féminine pour alléger les finances de l’USO .. Las, j’ai eu envie d’aller voir ailleurs, dans la région : à Tours ? le club est liquidé, à Châteauroux ? en National aussi… à Bourges, récemment repris par Sadio Mané ? pas mieux. Chartres ? JPP n’y arrive pas…. Résultat : la Région Centre Val de Loire est la seule à ne compter aucuns clubs en Ligue 2 et en Ligue 1 !! Pardon pour cette digression…. Mais c’était douloureux 😉 Je ne me souviens bien de la D2 avec deux groupes mais je ne me souvenais plus des matchs allers et retours pour la coupe de France. Bel article !

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    1. Merci Belo. J’ai vu de nombreux matchs dans les années 1980, en D2, on ne s’amusait pas souvent au stade ! J’ai une grande tendresse pour Jacky Lemée, mais c’était pas un apôtre du beau jeu ! En revanche je garde de formidables souvenirs car j’ai vu ce match retour contre le PSG et celui contre l’AS Monaco. Et en 1980, minot, j’étais au quart de finale retour contre Angoulême sous une pluie battante, quand l’USO avait retourné une situation difficile avec Lemée double buteur de la tête en dépit de sa taille modeste.
      J’en profite pour dire un mot sur Jacky. Je ne l’ai vu jouer qu’en D2 mais il était vraiment fort et très complet. Excellent de la tête, je l’ai dit, mais aussi redoutable sur coup franc, magnifique relanceur et un très grand leader. Vers 1983-84, il était encore joueur, capitaine, entraineur et dirigeait une défense extraordinaire avec lui même au poste de libero. A ses côtés, un stoppeur très très physique ayant joué à Bastia, Didier Knayer. Les latéraux étaient de beaux bébés qui jouaient très durs, José Soriano (un Espagnol arrivé à Orléans je ne sais comment) et le chouchou de La Source, Daniel Léopoldès. Pour compenser, le milieu était très technique : Olivier Trassard, un gars du coin qui fera un passage au RC Lens, Alain Noël (Rennes), Guy Stéphan et Serge Chiesa, encore très beau à voir.

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    2. La région Centre est un peu le parent pauvre du foot professionnel, c’est vrai. Assez peu de grands joueurs issus de la région aussi. Hormis Thauvin, j’en ai aucun en tête de contemporain (Cafaro ça compte pas^^).
      Ils ont tous été formés ailleurs (forcément). Dans le passé c’était déjà le cas. Presque toujours à Nantes d’ailleurs (Pedros, Gravelaine, Pécout, Baronchelli).
      Orléans par contre a eu des bons cyclistes: le mythique Florian Rousseau et (attaque de) Pierre Rolland.

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      1. J’arrive tard mais Bourges à un champion du monde dans la personne de Bernard Diomède, son père était maçon et bien connu de tous mes tontons portugais 🙂
        Aujourd’hui il y a aussi Morgan Sanson, qui comme Valère Germain ou Thauvin est passé par le centre de pré-formation de Déols.

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  4. Première saison que j’ai suivie donc me souviens bien de Langers et Orléans. D’ailleurs dans la lutte pour le titre, j’étais plus pour Paris que Marseille, Susic oblige…

    Et sinon, pour un top 5 luxembourgeois, je me lance ! Pilot, Nurenberg, Nico Braun, Hellers et Langers. In that order. J’ai tout donné…

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    1. Langers, très très chouette joueur. Et très étonnant que le Standard l’ait raté : il était fait pour ce club……….mais il explosa positivement à l’heure même où le Standard explosait négativement ; son affirmation fut concomitante de la quasi-liquidation post-Waterschei du Standard, c’est d’autant plus regrettable qu’il y avait son formidable compatriote Hellers – joueur sans chichis et pas exempt de maladresses, mais dont Anderlecht (alors un grand d’Europe encore) fit régulièrement sa priorité, offres-record à gogo que le Standard refusa toujours…………….avant de finir par virer ce très grand professionnel comme une merde.. Son seul tort? Il était capitaine, le groupe ne supportait plus les méthodes Ivic.. ==> Il assuma donc son rôle de capitaine en relayant ces doléances en haut-lieu ==> L’agent D’Onofrio (et ses méthodes borderline) était aux manettes du club et ne voulait pas de tête qui dépasse ==> Hellers le paya.

      Jef Strasser aura été un sacré bon joueur aussi.

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    2. Je connais pas bien ceux passés par la Belgique, mais le plus décisif en D1 française c’est Nurenberg, légende de Nice et essentiel dans leurs titres gagnés.

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  5. Mon Dieu ! quel texte…
    Est-ce que ce ne serait pas, là, ce que le site a produit de mieux ?
    Récit virtuose, qui dépasse le football pour voisiner avec les questions sociales, urbanistiques, culturelles et politiques d’alors, ironie brillante, et le tout qui se conclut sur une citation de Baudelaire…
    Bref, n’en jetez plus ! me voilà convaincu : il faut décerner à cet article la médaille d’or de P2F.
    Merci, Verano, simplement merci pour cela. Pour le reste aussi, mais particulièrement pour cela.

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    1. Et puis j’oubliais, bien sûr, cette sorte d’intimité avec l’événement, de plongée dans le réel. Alors qu’habituellement tu écris sur des sujets mis à distance, ici on sent que c’est du vécu, qu’il y a des tripes et de la moelle, des boyaux allongés sur le comptoir… tes boyaux.
      Bravo !

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      1. Ah ah ah, pour une fois, j’écris sur ce que je connais et je suis d’accord, c’est ce que j’ai fait de mieux ici. Les compliments de l’autoproclamé GOAT de P2F me bouffissent d’orgueil 😉

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      2. Ah ! oui, c’est grandiose.
        Et c’est l’intimité avec le sujet qui rend cela possible.
        Bravo ! Vraiment.

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      3. Il faut avoir des tripes pour se dévoiler ainsi.
        Fini de rire, vous allez entendre parler de moi…

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  6. Ah zut! Je n’ai pas eu le temps de lire cet article avant aujourd’hui, pourtant sans avoir la même connaissance d’Orléans que Verano je suis un local. J’ai vécu deux ans à la Source, j’allais chaque année à la fête de Jeanne d’Arc (une horreur pour l’enfant que j’étais) et j’y étais d’ailleurs en 89 (pas quand Mitterrand y était).
    J’ai même fait des entrainements avec l’USO car des potes de fac y jouaient.
    J’ai eu peur dans la place d’Arc, le coupe gorge par excellence. L’Argonne la cité du centre étant encore plus flippante que la Source. J’ai connu l’éloignement géographique de la Source avec le centre dans un développement urbain complètement ubuesque. Mais le centre était un tel coupe-gorge que les étudiants restaient à la Source dans la partie université/zone commerçante, pas dans celle remplie de HLM.
    Quand je vivais à Orléans de 2001 à 2003, la ville était extrêmement moche, la pire où j’ai vécu mais il faut reconnaitre que Grouard, un homme qui ne m’inspire aucune sympathie, a vraiment fait du bien à la ville. Du moins pour ceux comme moi qui ne font que d’y passer. Le centre est redevenu accueillant, les tours de la Source ont été détruites.
    L’USO a reconnu quelques belles saisons en L2 notamment en 2018-2019 avec une 8ème place et un 1/4 de CDF battus par Rennes futur vainqueur de l’épreuve. feu Emiliano Sala y aura fait une de ses plus belles saisons et Gaetan Perrin qui brille à l’AJA y aura fait ses armes.

    Mon père avait son meilleur pote espagnol (Angel Sanchez c’est très original) qui était chez les jeunes de l’USO, de l’âge de Bruno Germain, et qui devait finir en équipe première avant de connaitre la trop traditionnelle blessure fatale. Il nous parlait souvent de cet USO de Jacky Lemée. Je me souviens qu’il me racontait souvent que Bruno était « le nul » technique de la bande qu’ils le chambraient souvent mais que physiquement il était deux niveaux au-dessus. De ses collègues de l’époque c’est le seul qui aura une carrière.

    Mon père qui était de Bourges préférait le FCB, et gamin c’est le seul stade où j’ai pu aller. Mais à l’image de Orléans le foot a vite périclité laissant place au basket (féminin) et à la musique. Ce qui m’a fait devenir supporter d’un club plus au sud et qui brillait à l’époque.

    En tout cas heureux d’avoir lu un texte de Verano où j’avais toutes les références !

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