Série sur la Coupe du monde 1982 (2/8) – Mágico González, né à Cadix, capitale du Salvador

Hommage à Mágico, un joueur dont personne (ou presque) ne connaît le vrai prénom.

Il faut aimer les fables pour apprécier Mágico González, footballeur d’un autre temps, quand la vie des joueurs est encore entourée de mystère et que les récits des chroniqueurs servent à nourrir l’imagination des plus crédules. A la lecture de certains papiers, on pourrait penser que Mágico est un des héros de la Coupe du monde 1982, l’égal de Falcão, Giresse ou Boniek, à peine devancé par Rossi et sa destinée miraculeuse. Il est également de bon ton d’affirmer qu’il figure dans l’équipe type du tournoi. Ah bon, qui l’a composée ? Dans les faits, il surnage tout juste parmi les Salvadoriens et s’il éveille l’attention des plus perspicaces, c’est sur la foi d’une seule action, une fulgurance faite de deux dribbles électriques alors que la Hongrie a déjà cinq buts d’avance. Non, ce n’est pas au Martínez-Valero d’Elche ou au José-Rico-Pérez d’Alicante durant ce Mundial incandescent qu’il se révèle au monde, c’est à Cádiz dans un club relégué en Segunda División, là où son instinct le mène.

Mágico lors de la signature de son contrat à Cádiz.

On prétend aujourd’hui qu’il préfère l’Andalousie au romantisme du Paris des années 1980, le PSG de Francis Borelli, et d’autres sollicitations plus prestigieuses encore. Peut-être, après tout. Mais en cédant à l’offre de Cádiz, il ne peut mieux choisir, comme s’il s’agissait d’un retour sur ses terres après un long exil dans un pays lointain ravagé par la guerre civile[1]. Ses cheveux de jais en bataille, son torse étroit d’enfant mal nourri et ses jambes effilées, brunies par les soleils andalous, le lient irrépressiblement au Gitan écorché vif et vagabond mis en scène par le flamenco et magnifié par Camarón de la Isla.

Avec Juan José, alias Sandokán, autre idole andalouse des années 1980.

Jorge devient Mágico

Mágico ! Qui se souvient qu’il s’appelle Jorge, le prénom choisi par ses parents avant qu’un journaliste éberlué par ses gri-gris ne l’affuble de cette particule lourde à porter ? Son aura plane éternellement sur l’estadio Ramón-de-Carranza, fût-il lui aussi rebaptisé Nuevo Mirandilla dans une vaine tentative d’effacement de l’histoire du lieu[2].

Dès le 5 septembre 1982, lors de ses débuts face à Murcia, les spectateurs découvrent un joueur lumineux au regard concupiscent, de ceux qui ont quelque chose à cacher, une vie licencieuse, une fainéantise chevillée au corps, des travers pardonnés par la magie de son jeu.

Avec ses mollets noueux, révélés par les chaussettes tirebouchonnées, et son maillot amarillo, il convoque l’image du cycliste affrontant les cimes inaccessibles de la Vuelta[3], un soliste n’ayant que sa classe et sa bravoure à opposer à l’adversité. Ses défaillances, nombreuses, ne parviennent pas à gâter la saveur de ses chevauchées, des initiatives que l’on pense vouées à l’échec et qu’il convertit en moment de grâce d’une ultime fantaisie. Huit saisons durant, Mágico construit des légendes à sa démesure et 30 ans après sa fin de carrière, les aficionados de Cádiz continuent d’en entretenir le souvenir dans une idolâtrie quasi-mystique.

En guise d’épilogue, voici ce que prétendent certains Andalous. Selon eux, Camarón de la Isla et Mágico González sont les plus prestigieux enfants offerts par la terre bénie de Cádiz. Quand on leur fait remarquer que Mágico vient du Salvador, ils répondent : « bien sûr, tout le monde le sait, mais un natif de Cádiz naît où il lui plaît de naître. »


[1] La guerre civile salvadorienne dure de 1979 à 1992.

[2] Le stade est renommé en 2021  dans le cadre de la Loi sur la Mémoire historique de l’Espagne, l’ancien maire de la ville Ramón de Carranza étant associé aux persécutions et violences durant la Guerre Civile.

[3] Jusqu’en 1999, le leader de la Vuelta portait un maillot jaune. Depuis, pour se singulariser du Tour de France, le maillot est rouge.

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47 réflexions sur « Série sur la Coupe du monde 1982 (2/8) – Mágico González, né à Cadix, capitale du Salvador »

    1. Elle est magnifique cette photo, c’est le football à papa, des mecs sans fards, ignorant ce qu’est la gonflette, des types normaux qui n’ont pas de comptes Instagram. Que vivan Mágico y Sandokán !

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      1. ‘Fin, Magico, plus que la gonflette, fallait juste qu’il oublie pas de manger… Qu’il est maigrelet, cet hombre !

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      2. Oui, dans les 80’s on pouvait encore s’identifier physiologiquement voire sociétalement aux joueurs.

        D’ailleurs plupart des stars de cette époque sont très accessibles, va-t-en par contre rencontrer ce qui a suivi, lol.. Ils vivent désormais dans un autre monde, et pour plupart des types déconnectés et vides, qui toutefois semblent émarger à quelque Herrenklasse / race de seigneurs, je hais cette époque.

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      3. Ils sont dégueulasses et puis c’est tout!!!

        On peut être un très bon joueur de foot et être très moche c’est tout à fait compatible…

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      4. Ah ben oui, si Môssieur aime les joueurs bien coiffés, manucurés et épilés, c’est sûr que ça colle pas. Y a des photos de Ronaldo pour toi sous l’article le concernant 😉

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  1. Le Salvador de 1982, ses 20 joueurs sélectionnés à la place des 22, la Hongrie de Kalman Meszoly et Laszlo Kiss, Ludo Coeck et son coup franc de titan, Luis Mora aux fraises…

    N’empêche que je me demande comment ils ont pu en prendre 10 de cette manière face à la Hongrie pour ensuite être bien plus consistants face aux Belges et Argentins.

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      1. Il était fini pour le foot de haut-niveau quand survient l’accident fatal..dont tout le monde de serait certes bien passé car c’était un chic type en sus d’un footballeur assez miraculeux, son talent avait quelque chose d’assez solaire.

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    1. Je n’ai aucun souvenir du match contre la Belgique mais j’ai vu celui face à l’Argentine : les Salvadoriens ont défendu comme des chiens, pourri le match et joué très dur, déterminés à ne pas prendre une raclée

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    2. Deux choses expliquent cette déroute :
      1) Le Salvador joue l’offensive contre la Hongrie. Ensuite, il se calme…
      2) C’est le premier match de l’équipe et je crois me souvenir que les gars étaient arrivés d’Amérique centrale sur le tard, fatigués.

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    3. La Belgique gardait un mal fou à faire le jeu, son core-business c’était hors-jeu à outrance et probablement ce qui se faisait de mieux en termes de jeu de contre. Mais face à une formation en mode tortura, hum..

      Pour ça que Goethals avait dès les 70’s fait des pieds et des mains pour régulariser la situation administrative de Lozano, lequel était vraiment LE profil manquant pour faire de la Belgique un prétendant des plus sérieux à une victoire en grand tournoi.

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      1. Goethals voulait deja Lozano en sélection du temps de Beerschot? C’etait pas Bernard Tapie qui faisait les compos belges de l’époque? Hehe
        Quel coach fantastique ce Tapie. Champion en France et Belgique. Vainqueur de la c1 en 93 et double c2 et supercoupe avec Rensenbrink.
        Et meme un podium à l’Euro.
        Il a meme gagné des tours de France!

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      2. Oui oui, dès ses débuts au Beerschot, c’était déjà un phénomène.

        J’aime bien prendre la défense de Goethals car on faisait très très difficilement mieux sur le plan tactique, voire impossiblement mieux comme dénicheur de talents, parce qu’il fut régulièrement cocufié, qu’il se construisit tout seul, fut confronté à des difficultés qu’on ne peut plus s’imaginer aujourd’hui.. parce qu’il fut outre-sali aussi (à part Waterschei : il n’y a rien contre lui), alors que les vrais salopards étaient à chercher parmi ceux qui hantent les top 20-30 de médias-pharisiens type Sofoot, Worldsoccer & Co..

        Mais double-vainqueur de C2, nein : la première glanée par Anderlecht le fut sous le NL Hans Croon. Lequel n’était pas un foudre de guerre, a fini en espèce d’apôtre new-Age..et fut assez incroyablement des rarissimes acteurs du foot NL des 70’s a être finalement rattrapés par l’aimable plaisanterie de la cavalerie anti-doping NL (probablement parce que, contrairement à un Michels, son parcours d’entraîneur/dealer NL n’avait rien apporté au palmarès du foot NL).

        L’arrivée de Croon à Anderlecht : ça relève purement et simplement du transfert de technologie/doping. Pour le reste, une bonne dizaine de techniciens belges lui étaient incontestablement supérieurs à l’époque (les Waseige, Braems, Goethals, Thys.. – sur le plan de la tactique pure, si on y ajoute Happel et Ivic : c’était un âge d’or en Belgique).

        Tapie? Avis de Goethals : coach mental hors-pair…………….mais pour le reste des considérations footballistiques : c’était un crabe et un beau parleur qui ne jurait que par le bling-bling. Des Völler, Boksic, Sauzée.. : c’est grâce à Goethals et..malgré Tapie!, lequel ne voyait aucun intérêt à un joueur qui coûta moins de 5 millions de USD.

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      3. Hehe
        Je sais bien. Elle me fait rire cette rumeur de Tapie super coach. Je pensais que Raymond etait de la 1ere c2 d’Anderlecht. Merci!

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      4. La rumeur pourtant a gagné en popularité, finira peut-être même par supplanter la réalité.. C’est dingue mais c’est plupart du temps comme ça que ça marche, plus c’est gros..

        Il y a un élément qui put le suggérer il est vrai : Goethals, quasi-70 ans à son arrivée à l’OM pour rappel, avait entrepris depuis 10 ans environ de se muer d’homme de terrain pur et dur en superviseur/coordinateur, prenait toujours plus ses distances avec le terrain (et ce à compter de son expérience brésilienne, où il avait été engagé pour chapeauter Carlos Alberto + imputer des idées nouvelles dans le foot brésilien), délégua de plus en plus les entraînements..

        Pour tout observateur qui ne pouvait considérer que le quotidien aux entraînements, il pouvait y avoir matière à croire que le vieux Goethals faisait pot de fleur.. sauf que concernant les transferts il manipula tant et plus Tapie, genre Louis XI vS Charles le Téméraire.. et concernant la tactique ce fut et resta toujours sa ligne rouge : lui et personne d’autre..avec (la complicité probablement inconsciente de) Bernès pour faire avaler la pilule à Tapie, que Goethals renvoya très régulièrement à ses études..et à sa place.

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      5. Et donc Lozano a joué plusieurs saisons avec notre ami Sanon dont on parlait la dernière fois. J’avais jamais fait le rapprochement.

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      6. Le chef d’œuvre de Goethals à l’OM a lieu lors du match aller à Milan en 1991 : le peu que je connaissais et admirais du foot belge, à savoir la science du hors-jeu, venait d’être transposé en France où la discipline tactique n’avait jamais été un point fort.

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      7. Et Tomaszewski, Tolsa..

        Tolsa, ça ne doit pas parler à grand-monde, mais ce fut un très grand défenseur du football européen des 70’s, un crack!

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      8. Effectivement Tolsa m’était complètement inconnu. Tomascewski. Ils se sont bien débrouillés les belges pour récupérer les magnifiques polonais des 70′!

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      9. Mid-60’s, l’équipe « de village » de Saint-Trond, drivée par Goethals, fut précisément invitée par la fédé espagnole, tant ce qu’il y accomplissait/imputait tactiquement relevait du miraculeux.. et même du « révolutionnaire » (je n’aime pas le mot, mais..) rayon pratique défensive comme offensive du hors-jeu.

        Jouer la ligne à 30, 40 mètres de son but.. voire au milieu de terrain!.. Multiplier fausses pistes / faux appels en possession.. Goethals faisait tout cela dès le mitan des 60’s, et l’avait peut-être même expérimenté déjà en divisions inférieures liégeoises, à Hannut et Waremme.

        Ce fut un maître absolu du football, archi-complet et en avance sur son temps!

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      10. Verano, Goethals-OM-91.. : et cependant, Goethals eut toujours l’élégance d’honorer la mémoire d’un..Français, Pibarot..

        Bien qu’il expérimentât et innova énormément par la suite : à l’en croire, c’est au contact de ce Français qu’il avait tout appris, comme quoi.. Ah, le football français et ses occasions manquées..

        Malheureusement l’Historiographie consumériste préfère retenir des beaux parleurs et escrocs style Michels………..mais on en reparlera!

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      11. Sinibaldi, avec Anderlecht, ne jouait-il pas aussi le hors-jeu ?

        Sinon, faudra qu’on parle (à l’occasion) de la naissance du catenaccio en France au mitan des années 30. Je vous promets du croustillant…

        Sinon, le père Goethals, keskil est allé fiche à Sao Paulo ?

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      12. @Bota, si Firoud est évidemment dans la lignée de Pibarot, j’ignorais la « filiation » Goethals – Pibarot. J’ai d’ailleurs la sensation que Pibarot est tombé dans l’oubli. Même Fred en parle peu quand il se souvient du Racing. A cause de ses échecs à Paris ? Et peut être l’image de violence qu’on s’attache à perpétuer vis-à-vis du Nîmes Olympique, grand mal-aimé du foot français ? Me demande s’il n’y a pas matière à écrire le concernant (faut voir si tout n’a pas déjà été écrit)

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      13. Bobby,

        Citations de Goethals himself, puis compléments persos :

        « (Avec Saint-Trond) Nous avons été promus dès ma première saison. Pendant les vacances j’ai suivi les cours de formateur au Heysel, mais aussi le cours Pibarot à Macolin en Suisse et le cours Weisweiler à Cologne. Pibarot a introduit la défense en une seule ligne, Sinibaldi à Anderlecht et moi à Saint-Trond avons pris le relais. Mes hommes à Saint-Trond – Van Oirbeek , père Polleunis , père Boffin , Lemoine et Vandenboer – , c’étaient les bêtes noires d’Anderlecht. Le grand Anderlecht, hein . Champion cinq fois de suite, s’il vous plait ! De 1959 à 1966, nous les avons battus encore et encore. Parfois, ils pouvaient même jouer à rien. Lors de ma dernière saison à Saint-Trond, nous sommes devenus vice-champions . »

        « A cette époque, un Brésilien de Bruxelles m’a parlé de l’intérêt que Sao Paulo portait pour moi. Sao Paulo, tu te rends compte ? Je suis parti dans le même avion que Rik Coppens , qui est allé chercher des Brésiliens pour le Beerschot. Un riche Suisse, membre du conseil d’administration du club – il cultivait des roses Baccarat, ce sont des choses que les gens n’oublient pas – est venu me chercher à l’aéroport, m’a nommé directeur technique. (…) J’ai dû prendre un chauffeur là-bas : si vous êtes au Brésil sur l’autoroute, mais que vous ratez la sortie, il faut rouler cinquante kilomètres jusqu’) la sortie suivante, à devenir fou! Sao Paulo, une ville de six millions d’habitants. Et un stade, Morumbi, pouvant accueillir 162 000 personnes. Nous sommes devenus champions de la zone Paulista et ils ont proposé de prolonger mon contrat, mais je ne me sentais pas chez moi au Brésil. »

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      14. Compléments fissa :

        Plusieurs raisons participèrent de son départ pour le Brésil :

        Beaucoup de coups encaissés, il s’est quand même bien fait baiser en 70, 72, 73, 79..et même quand il finit vice-champion avec Saint-Trond il y a à redire, hum.. Il y avait une forme de dégoût, de lassitude – ce type a, a minima, été spolié de la moitié de son palmarès.

        Fraîchement divorcé, il y perd face au juge..le peu qu’il était parvenu à capitaliser, repartir de zéro à 60 ans (une fragilisation qui vira à la paroïa..et au Waterscheigate)..mais l’occasion aussi de rattraper le temps perdu peut-être.

        Il n’apprenait plus rien en Europe, semblait avoir fait le tour de la question.

        Au Brésil : invaincu durant tout son séjour, champion pépère du championnat paulista.. mais Carlos Alberto vécut mal la présence de cette belle-mère, conspira peut-être contre lui.. Le board n’en avait cure et s’employa à le convaincre de rester, mais Sao Paulo était trop démesurée pour ce provincial, il rentra en Europe.

        Démesure paulista laissée de côté, et malgré Carlos Alberto : il n’eut jamais que du positif à dire de son périple brésilien.

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  2. Merci Verano.
    J’adore le Carranza. On peut voir la pelouse des immeubles qui le jouxtent. Un petit match calé sur son balcon!
    Dans cette génération, on peut parler d’Enrique Montero qui est une petite perle de l’histoire du Sevilla Fc. Et pour finir, Sandokan ira, complètement ruiné, bosser sur les docks de Cadiz.

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    1. Mouille pas tout de suite ta petite culotte, BB.
      Ça viendra.
      Tu crois que je vais, impunément, laisser la genèse du béton à un Autrichien notoirement antisémite et nazi fanatique ? Ce serait mal me connaître…

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  3. Pibarot = Firoud ? le beau jeu à la Parisenne inspirateur de la furia nîmoise ? j’ai du mal à comprendre, j’ai mal à mon football. Au Racong il n’y a jamais eu de bouchers comme le poète marocain Mustapha Bettache. D’ailleurs à l’époque il y avait une blague qui circulait, à moins que je ne vienne de l’inventer:

    « La boucherie Bettache est ouverte toute l’année, même le dimanche. »

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      1. Je n’ai pas écrit que les deux coaches étaient identiques (la nuance Fred, la nuance…). Pibarot a entraîné Firoud avant d’être coach du Racing. Je crois même que Firoud est le successeur de Pibarot à Nîmes.

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