Top 10 – Racing Club (deuxième partie)

On continue la suite de ce top, avec toujours dedans la spécialité du Racing : les ailiers de classe mondiale. Désolé pour les fans d’avant-centres et les jeunes romantiques : pas de Diego Milito et de Lisandro López, fallait faire de la place pour « El Equipo de José ».

Numéro 5 – Juan Carlos Cárdenas

Juan Carlos Cárdenas a inscrit le but le plus important de l’histoire de Racing en 1967. Une fulgurance du pied gauche, de 35 mètres, nettoyant la lucarne du pauvre gardien du Celtic, John Fallon. Une flèche lumineuse au milieu d’une mêlée de coups et d’insultes qui fait du Chango une figure mythologique de l’Academia. Né en 1945, dans le nord du pays, Cárdenas peaufine ses gammes dans sa province d’origine, au sein de petites formations. Attaquant brillant lors d’un tournoi juvenil en 1961, regroupant les différentes provinces du pays, il devient aussitôt l’objet de convoitises de la part des Cinq Grands du foot argentin qui font, tour à tour, le pied de grue devant sa porte ! Suivant les conseils avisés de ses parents et étant, grâce à un voisin maraîcher, fan du Racing depuis l’enfance, Cárdenas part déterminé pour Avellaneda en 1962, à 16 ans à peine.

A l’instar d’un Roberto Dellacha 10 ans auparavant, il débarque au sein d’un groupe rodé et récemment couronné. Si il n’ose parler longuement dans les vestiaires à Pizutti ni à l’idole Corbatta, dont il avait la figurine dans sa chambre, Juan Carlos fait peu à peu sa place et joue son premier match face à Nacional, à 17 ans. Avant d’être prêté un an à Nueva Chicago afin de s’aguerrir. Titulaire à partir de 1965, vif et volontaire, il joue un rôle primordial dans la conquête du titre de Racing en 1966 et entame un tour du continent qui fera date en Argentine. Pizutti désormais aux manettes, le Racing se transforme en épouvantail, soudé par un pacte de vie qu’ils furent bien proches de perdre lors d’un vol terrifiant pour Medellín. Nacional ayant cédé en finale de la Libertadores, le Racing affronte le Celtic en Intercontinentale, dans une confrontation qui ne fera rien pour rapprocher les deux peuples. Qualifiés de sauvages par la presse britannique, Racing ne doit la possibilité de jouer la belle à Montevideo qu’à une inspiration salvatrice de Cárdenas. Un but que Juan Carlos considérera toujours comme son plus décisif… Montevideo assiste donc, quelques jours plus tard, à un pugilat à vous dégoûter de ce sport quand Cárdenas reçoit la balle, à bonne distance du but adverse : « J’ai pensé à tirer dès que Rulli m’a passé le ballon. Le gardien est resté immobile parce qu’il croyait qu’un coéquipier parviendrait à me contrer, mais j’ai dégainé un coup d’épée barbare… » Juan Carlos, ivre de joie, sprinte et enlace son coach Pizzuti. Cet ancien coéquipier, ce père sportif dont il fut éternellement reconnaissant. Ce match de la honte se finira par cinq expulsions…

N’ayant jamais réussi à s’imposer avec l’Albiceleste, Cárdenas jouera jusqu’en 1972 pour Racing, avant de s’envoler pour le Mexique. Il est encore, de nos jours, un des buteurs historiques de l’Academia et demeure le seul joueur de champ à avoir arrêté un penalty, lors d’une rencontre face au Rosario Central, en 1971. Ayant permis à son pays et surtout son club de connaître son premier triomphe de club à l’étranger, Juan Carlos et son but uruguayen seront rejoués par des comédiens au Cilindro, lors du cinquantenaire du sacre…

Numéro 4 – Pedro Ochoa

Pedro Ochoa était unanimement reconnu comme un magicien du ballon rond. Pour beaucoup, le virtuose est l’expression même de ce « fútbol » surpassant le « football ». Sous l’impulsion déterminante du Racing, le foot en Argentine se définit un nouveau style criollo indépendant et en rupture avec celui hérité des Britanniques. Le malabarista Ochoa est un ambassadeur de choix. Cet artisan du dribble, qui a forgé son style sur les potreros de la rayonnante Buenos Aires du début du siècle dernier, a acquis très vite le surnom d’ « El Rey de la Gambeta » (le roi du dribble). Ses contemporains font tous état de leur réel plaisir à le voir sur le terrain, à chaque fois que c’est possible il gratifiait les parties d’actions et gestes qui rendaient heureux le public, la définition même du joueur spectaculaire pour lequel on achète une place, peut-être le premier du genre en Argentine.

Au Racing, Ochoa y débute en 1917 à 17 ans. Il est pourtant passé par des équipes inférieures liées au rival Independiente. Le Racing est alors en pleine domination dans les années 1910. Profitant du départ de l’Uruguayen Zoilo Canavery pour Boca Juniors, deux jeunes pousses émergent : Pedro Ochoa donc, et Natalio Perinetti lui aussi 17 ans. Ils seront les visages du club pour les années à venir. Ceux qui vont prendre le relais des pionniers et premières idoles, Alberto Ohaco et Juan Perinetti (le grande frère de Natalio donc). Ochoa gagne les trois derniers titres du septuplé, même s’il n’est pas encore titulaire sur ses deux premiers, il ne le devient pleinement qu’en 1919. Le Racing échoue dans sa quête d’un huitième titre d’affilée en 1920, River Plate mettant fin à cette incroyable série. Mais Ochoa, 20 ans, est déjà l’objet des attentions de par ses prestations sur la pelouse.

Il devient le joueur majeur du club pour la décennie 1920, avec son camarade le wing droit Natalio Perinetti, qui se mue en un formidable copilote, l’acolyte parfait de Pedro. Le duo prend la relève et permet au Primer Grande de remporter deux titres supplémentaires en 1921 et 1925, dans ce dernier le Racing termine invaincu. Les deux collègues mettent au supplice leurs adversaires sur leur côté droit. Ochoa est l’homme qui déséquilibrait les adversaires, amenait la folie et le danger, ce n’était pas un buteur, mais plutôt un fantasque et génial créateur. Il enchaînait les raids solitaires, et quand on pensait qu’il allait faire la passe, après avoir éliminé un ou deux joueurs, il continuait à dribbler les adversaires, avec la balle qui collait à ses jambes. Si tout cela était calculé, Pedro répond simplement que ce sont ses jambes qui dictent son jeu : « Si pienso las jugadas? A veces sí: pero cuando se pasa a un jugador y sale otro y otro, ya no se puede pensar nada porque la cabeza no da. Entonces las piernas se encargan de seguir haciendo las gambetas »1. Un spectacle à lui tout seul. Des chevauchées endiablées de dribbles qui soulevaient les foules, les hinchas ne parlent plus que d’Ochoa pour ses actions prodigieuses, de même que les conteurs du football argentin. D’un physique loin d’être athlétique, plutôt mince et le dos légèrement courbé, mais on le décrit agile, rapide, toujours la tête haute et avec un contrôle total du ballon.

C’était le secret de son talent, la balle ne quittait pas ses pieds. Il était capable de changement de rythme brusque et de soudaines accélérations brutales qui désorientaient complètement ses adversaires et les défenses. Son petit gabarit l’aider à s’infiltrer dans les espaces réduits, à passer dans les trous de souris et à se faufiler entre les adversaires. Lancé plein pot, il était difficile de l’arrêter, développant une résistance de sa part face aux assauts des rivaux prêts à tout pour le faire tomber. Un défaut est qu’il jouait pour son plaisir et selon son envie. Des critiques s’élevaient dans les matchs où il était absent, inoffensif. Quand on est l’attraction du match, il faut faire face à un public capricieux et parfois frustré quand il estimait qu’il n’en avait pas pour son argent… Et partant de là, on exhibait ses excès hors du terrain pour expliquer ses contre-performances, en narrant les soubresauts de sa vie nocturne. Car Ochoa était l’ami des tangueros. Ses dribbles et sa popularité ont fait de Ochoa le protagoniste de chansons populaires, dont un tango très connu, dans lequel il est cité, de l’icône Carlos Gardel, Patadura : « burlar a la defensa con pases y gambetas y ser, como Ochoita, el crack de la afición »2. Etre comme Ochoita, surnom affectif donné par ses amis tangueros, Gardel en tête, car Ochoa est un personnage populaire et on se rêve d’être comme lui, transperçant les défenses à coup de dribbles passionnés.

A contrario, avec le maillot albiceleste, Ochoa ne connut pas de grandes heures. Même s’il a été sélectionné, on ne peut pas dire qu’il fut un des joueurs les plus importants de la sélection, si on se contente de l’ère amateure. Même s’il a gagné le Campeonato Sudamericano 1927, il n’était pas titulaire, ne jouant qu’un seul des trois matchs. L’année suivante il est inclus dans l’équipe argentine pour les Jeux Olympiques d’Amsterdam, mais il ne joue aucun match dans le tournoi qui verra l’Argentine décrocher la médaille d’argent. Ochoa se retire à 31 ans en 1931 au moment même de la transition vers le professionnalisme, après que ses ultimes années furent contrariées par des blessures. C’était un joueur typiquement des années 1920, le plus populaire et un des meilleurs de sa génération.


  1. « Si je réfléchit à ce que je vais faire avec le ballon ? Des fois, oui; mais quand tu passes un joueur et arrive un autre, et encore un autre, là tu ne penses plus à rien parce que la tête ne fonctionne plus. Donc les jambes prennent le relais et se chargent de continuer à dribbler. »
  2. « tromper la défense avec passes et dribbles et être, comme Ochoa, la star des supporters »

Numéro 3 – Juan José Pizzuti

Juan José Pizzuti était un joueur aimé des hinchas de Racing. Il va devenir plus qu’un mythe en tant que coach… Pizzuti est un enfant de Banfield dont il partagea la formation avec son ami de toujours, Eliseo Mouriño. Sous la conduite d’Emilio Baldonedo, qu’il considérera toujours comme son mentor, il devient meilleur buteur du championnat argentin en 1948 et permet à son club modeste de sortir de l’ombre. Transféré par la suite à River, il vit une saison galère mais qui lui ouvre les yeux sur les exigences d’un grand club. Ayant malgré tout appris quotidiennement auprès des Walter Gómez et Felix Loustau, il signe au Racing en 1952. Sans se douter le moins du monde qu’il a enfin trouver son toit…

Pizzuti a toujours trouvé grotesque une répartition des tâches trop stricte. Joueur hyperactif, il n’hésitait jamais à dézoner et à prendre sa chance. Avec succès puisqu’il est à nouveau meilleur buteur de la ligue sous la tunique de Racing en 1953. Il passera neuf ans à Avellaneda, entrecoupés d’une pige à Boca. Neuf ans à supporter le lourd héritage du Tucho Méndez avant d’acquérir la maturité nécessaire aux succès. Celle qui lui permit de lancer les folles cavalcades de Corbatta ou d’utiliser pertinemment le punch imparable de Manfredini. Champion en 1958 et 1961, Pizzuti garde une expérience frustrante de la sélection. Ne s’entendant pas avec Stábile, il est régulièrement oublié des convocations et rate le Mondial 1958. Miraculeusement inclus dans l’effectif, il prend sa revanche en 1959, lors de la Copa America, en signant le but du titre face à Gilmar. Un but qu’il célèbre avec Mouriño évidemment…

Ayant arrêté sa carrière en 1963, Pizzuti débute en tant que coach à Chacarita et réussit ses premiers miracles. A nouveau charmé par Racing, il s’attelle dans un premier temps à regonfler le moral de joueurs brisés par les échecs successifs. Ici nait la légende del equipo de José, cette escouade prête à suivre aveuglément son coach où qu’il aille. Libéral dans son fonctionnement, il laisse à ses défenseurs la liberté de prêter secours à leurs attaquants et persuade une direction sceptique de recruter l’ancienne gloire, Maschio. C’est un coup de maître, Racing est champion en 1966 et gagne successivement la Libertadores, la première du pays, et l’Intercontinentale dans des ambiances que l’on qualifiera sobrement de houleuses. Fervent supporteur de l’Albiceleste et fidèle en amitié, il soutiendra contre vents et marées Roberto Perfumo à la suite la catastrophique qualification pour le Mondial 1970 et prendra les rênes de la sélection pendant deux ans.

Numéro 2 – Oreste Osmar Corbatta

Poursuivant la tradition des ailiers de grande classe passés par le Racing, voici celui qui a était le plus adulé : Oreste Osmar Corbatta. Un virevoltant ailier, mêlant magie et romantisme. « El dueño de la raya » (qui peut se traduire par le maître de la ligne de touche en référence à son poste d’ailier qui domine son couloir) est une idole du Racing Club, et incontestablement reconnut par tous pour être l’un des meilleurs footballeurs argentins à son poste d’ailier droit. L’histoire du jeune Oreste, commence dans la misère : il fait partie d’une fratrie de huit, vivant dans la pauvreté, avec un père décédé quand il était encore enfant. Il restera analphabète toute sa vie. La famille peine à survivre et rejoint la grande ville de La Plata. Le football apparaît comme bien souvent dans son cas le seul échappatoire pour sortir de sa condition misérable. Corbatta fait des essais pour le club de la ville, Estudiantes, mais il n’est pas retenu. Pourtant tous le monde voit le talent de ce génie précoce.

Finalement, le Racing lui donne sa chance et il débute en 1955. Très vite on se presse pour voir le nouveau génie de la Academia. On parle de ce  flaquito comme nouveau phénomène des pelouses. Au même moment, le Racing est l’une des meilleures équipes argentines retrouvant de sa superbe d’antan depuis 1949. Corbatta évolue avec les confirmés Humberto Maschio, Pedro Dellacha, Juan José Pizzuti. Le Racing est un prétendant sérieux au titre chaque saison de cette décennie 1950, mais River Plate la domine et est encore bien au-dessus sur ses premières saisons. Très vite, Corbatta se démarque sur le terrain, de par ses performances et ses prestations techniques. Et l’ailier sait aussi être un buteur, avec 15 buts lors de sa seconde saison. Et les sirènes de la sélection se font pressantes, au fur et à mesure que le pays découvre le phénomène.

Il est précocement sélectionné dès 1956. Mais c’est par la grande porte qu’il entre au panthéon argentin. Inoubliable souvenir pour beaucoup de nostalgiques, le Sudamericano 1957 est remporté de brillante manière par l’Argentine et sa sélection rebaptisée « los carasucias » qui restera célèbre pour sa légende éphémère. La ligne d’attaque que tous le pays regardait avec envie : Corbatta donc, son coéquipier Maschio ; plus Antonio Angelillo, Omar Sívori et Osvaldo Héctor Cruz. Corbatta inscrit deux buts lors de cette victoire en Copa América. Mais la joie fût de courte durée. Les départs de Maschio, Sívori et Angelillo pour le championnat italien stoppe brutalement l’ascension de cette équipe, et la sélection fera naufrage en Suède l’année suivante. 24 ans après la dernière participation de l’Argentine, le pays plein d’espoirs et de certitudes intérieures se ratent complètement lors de cette Coupe du Monde vécue comme une tragédie nationale. Corbatta est l’un des rares à surnager, il inscrit 3 buts lors des 3 matchs. Avec l’Argentine, il retrouve des couleurs et obtint de nouveau la Copa América 1959 devant le Brésil de Pelé dans une équipe très « marquée » Racing, il inscrit 3 buts dans le tournoi. Au total, il jouera 27 matchs internationaux pour 18 buts, laissant une profonde trace avec le maillot albiceleste, avec lequel il réalisera d’excellentes performances et inscrivant quelques buts inoubliables.

Parallèlement avec le Racing, il joue un rôle de premier plan dans la conquête de deux nouveaux sacres de champion national. En 1958 d’abord, un premier titre pour Corbatta entouré du fidèle Pizzuti, et des « nouveaux » Pedro Manfredini, Raúl Belén et Rubén Sosa en attaque. Puis un second en 1961 devant le San Lorenzo de José Sanfilippo. Sur le terrain, Corbatta a toutes les qualités du parfait ailier de classe mondiale : d’une grande habileté, d’une maîtrise absolue du ballon, dribbleur hors-pair, une sacrée pointe de vitesse, de la précision dans ses gestes, pouvant se transformer en un buteur décisif et il était aussi un remarquable tireur de pénalty. Il est la référence à son poste, imprimant un style et une manière de jouer propre, marquant une époque entière. Imprévisible sur le terrain avec le ballon, parfois comparé à son homologue brésilien Garrincha, autant pour leur talent que leurs ressemblances dans le jeu et à leur poste, ainsi que sur leur physique d’apparence fragile et « déformé ».

C’était aussi un personnage avec un fort caractère, qui traînait un problème d’alcool. Plusieurs anecdotes sont racontées à ce sujet, des matchs joués en état d’ébriété ou avec une « gueule de bois », même si ce n’avait pas l’air d’altérer ses performances. Corbatta était aussi capricieux, nonchalant, il jouait selon son envie, et séchait souvent les entraînements, mais comme le public le réclamait, on ne pouvait pas le laisser sur le banc. Ses cuites, son éternel sourire qui laissait voir ses deux dents en moins (perdues sur un terrain de foot), ses excès nocturnes, ses provocations et farces ainsi que ses déboires dans sa vie privée, font de lui un personnage haut en couleurs, attachant et qui resta toujours populaire auprès des supporteurs pour la joie qu’il apportait sur un terrain de foot. Mais cela aura aussi pour conséquence de le consumer rapidement.

Il quitte le Racing sept ans après ses débuts. Alberto Armando le flambeur président de Boca Juniors claque 12 millions de pesos pour l’attirer. Mais entre condition physique et problèmes d’alcool, son passage n’est pas à la hauteur du transfert, ni de son aura et de ses qualités qui ont fait de lui une star du ballon rond. C’est le début de la fin pour Corbatta qui décline années après années. Il meurt en 1991 de par des problèmes de santé causés par son alcoolémie. Il finit assez tristement, pauvre et abandonné dans un petit logement à l’intérieur du stade, loin des fastes de sa carrière, mais à côté du lieu de ses exploits dont il fut aimé. Aujourd’hui encore, il est idolâtré par les hinchas du Racing qui le place volontiers comme l’un des meilleurs joueurs de leur histoire, de même que le football argentin le place souvent sur le podium des meilleurs ailiers droits qui ont porté les couleurs albicelestes.

Numéro 1 – Roberto Perfumo

Implacable, féroce à l’extrême. Intelligent et gentleman en dehors de la pelouse. Roberto Perfumo est un des plus grands défenseurs argentins de l’histoire. Pefumo ne faisait pas de sentiment. Et sa fougue était telle qu’on lui inventa un tacle assassin sur la poitrine du juvénile Maradona alors que les deux ne sont jamais rencontrés sur un terrain. Le Mariscal, le Maréchal, dictait ainsi les lois et les rebelles étaient irrémédiablement châtiés… Né dans une famille modeste, à Sarandi, Roberto vivait dans une maison sans eau courante ni électricité. Fan du Racing depuis son plus jeune âge, il tente sa chance auprès de divers clubs, dont Independiente, sans succès, avant que les portes de l’Academia ne s’ouvrent à lui. Positionné au départ au milieu, par le coach Néstor Rossi, il fait ses premiers pas dans l’élite en 1964, face au Ferro Carril Oeste. L’arrivée de Pizzuti change le cours de son destin. Celui-ci entrevoit un avenir doré au sein de sa défense centrale, Roberto est sceptique mais la suite donnera raison au technicien argentin.

Formant un duo d’époque avec Coco Basile, Perfumo remporte en quelques mois tous les trophées de club envisageables et devient un patron de sa sélection. Il réalise un Mondial 1966 de bonne facture et est appelé à jouer pour une sélection mondiale en 1968, aux côtés des Yachine, Beckenbauer, Florian Albert ou Pedro Rocha. Individuellement, Perfumo est à son zénith… A contario, son Racing négocie très mal son court virage victorieux. Les résultats sont décevants, les salaires disparaissent dans la nature, Perfumo, meneur dans l’âme, organise illico une grève ! Et les ennuis n’arrivant jamais seuls, l’Albiceleste échoue dans les qualifications pour le Mondial 1970 face à une grande équipe du Pérou. L’Argentine est abasourdie…

Pointé du doigt par une partie de la presse et du public, le Mariscal tombe en profonde dépression qu’il ne réussira à vaincre qu’en quittant son pays. Cruzeiro lui propose un pont d’or, Perfumo découvre alors un autre football qui lui permettra d’enrichir ses compétences : « C’est plus difficile pour un défenseur ici qu’en Argentine. Au Brésil, le défenseur doit être calme, se concentrer davantage sur le ballon que sur son adversaire, avoir une vision du placement et des réflexes rapides. » Secondé par Procopío et émerveillé par la classe de Dirceu Lopes, Perfumo domine l’etat de Minas Gerais pendant trois saisons et fait de Cruzeiro un valeureux finaliste du Brasileráo en 1974. Nommé capitaine lors du Mondial 1974, Perfumo va souffrir comme jamais. Mauvaise préparation, valse des sélectionneurs, stratégie désuète, l’Argentine offre un piteux spectacle en Allemagne. Le Mariscal est désespéré par la manque d’ambition et d’envie de ses compatriotes, il quitte la sélection sur une démonstration néerlandaise, non s’en avoir traité son gardien Carnevali de crétin ! Transféré à River, sous les recommandations de Labruna, il forme certainement la paire de centraux la plus mythologique du foot argentin avec Passarellla, avec qui les embrouilles seront fréquentes, gagne un championnat attendu depuis 16 ans et n’est pas loin de s’offrir une seconde Libertadores en 1976 face à son ancien club, Cruzeiro. Perfumo, une noblesse en dehors mais un animal sur une pelouse, usera de tous les moyens pour faire sciemment péter les plombs de Jairzinho. Les deux seront brillamment expulsés ! Exténué après moults combats, Perfumo arrête sa carrière en 1978, étant naturellement intégré au onze de légende du Racing, Cruzeiro et de son propre pays et deviendra un analyste reconnu de son sport…

En collaboration avec l’ami Ajde !

25 réflexions sur « Top 10 – Racing Club (deuxième partie) »

  1. Bon, bon, bon, El Mariscal… sur le seul critère du joueur, pourquoi pas, même si Pizzuti pour son après carrière est au-dessus de tous.
    Sinon, El Chango 5e, ça me semble généreux. Il est le héros de matchs prestigieux mais pour le reste, le joueur n’a rien d’extraordinaire.
    PS : « La patrie de Jorge Luis Borges n’a encore jamais été couronnée en Libertadores en 1967 », c’est une provocation vis à vis d’Independiente ?

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    1. L’histoire du penalty stoppé par Cárdenas : le Racing mène 2-1 sur la pelouse de Rosario Central quand l’arbitre accorde un pénalty aux Canallas. Le milieu international Landucci le frappe mais le gardien du Racing Rubén Guibaudo le stoppe. L’arbitre considère que le portier a trop anticipé et le fait retirer. Landucci se présente et tout se reproduit à l’identique : arrêt de Guibaudo que l’arbitre juge à nouveau illégal. Mieux encore, l’homme en noir expulse le gardien du Racing. Contre l’avis de tous, c’est le petit « Chango » qui se positionne dans les buts. Sans gants et dans un maillot beaucoup trop grand, il stoppe la tentative de Gramajo, Landucci ayant renoncé. Malgré les assauts de Central et sa petite taille, Juan Carlos Cárdenas préserve la victoire du Racing.

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      1. Plus fort qu’Alain Giresse dans le but des Girondins à Saupin en 1982 !

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    2. Vu l’estime prêtée par Borges aux choses du football, c’est tout comme si l’Argentine n’avait jamais remporté de Copa America.

      Je « connaissais » Pizzuti, le reste, lol.. Merci!

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    3. Généreux au vu de son talent, mais pas au vu de son dévouement et de sa légende sous ce maillot … Pizzuti je suis d’accord mais le règlement officiel interdit de prendre en compte les carrière d’entraîneurs pour établir les tops hehe

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      1. Tu le mets au-dessus de Passarellla ? Pas certain de te suivre sur ce coup…

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      2. Passarella était moins bon défenseur mais en termes d’apport au jeu, bien plus décisif. Profils très différents.

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      3. Moi aussi je mets Perfumo au dessus de Passarella.
        Sans doute le plus grand défenseur argentin. Le plus grand que j’ai pu voir jouer en tout cas. A son apogée il était intraitable, Ayala avait un peu de Perfumo en lui dans le style.
        En 74 il est cuit par contre.

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  2. Pour illustrer ce qu’était Perfumo, un mot sur la finale de Libertadores 1976. Surclassé à l’aller par le Cruzeiro de Nelinho (l’ancien club de Perfumo), River Plate doit s’imposer pour espérer jouer un match d’appui. Le score est de 1-1 et Jairzinho met la misère à la défense des Millonarios. C’est alors que Perfumo se blesse. Angel Labruna se prépare à le remplacer mais Perfumo refuse. Dans un acte sacrificiel, il décide de résoudre le problème Jairzinho : il l’agresse délibérément, le Brésilien se rebelle et l’arbitre tranche dans le vif : Perfumo et Jairzinho sont expulsés. En fin de match, River inscrit un second but et obtient un (inutile) match d’appui.

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    1. Ah oui, je connaissais cette histoire.

      Jonquet aurait peut-être dû faire ça en 58, ce genre de petit calcul utilitariste dont la carence vous aura fait autant d’honneur (mais qui s’en souvient? en a conscience?) que de mal.

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      1. Jonquet, c’est la blessure la plus mythique du foot français, non ? Du moins pour l’importance du match…

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  3. En complément, un ancien texte sur Oreste… Oreste (ou Orestes, personne ne sait trop) Omar Corbatta, une histoire argentine où se mêlent la misère, l’espoir et le génie. Un diable sur un terrain, un innocent sans défense en dehors. Sur une photo publiée en 1961 par El Grafico, on le voit en tenue de l’Albiceleste, allongé en chien de fusil sur un banc en bois du vestiaire du Stadion Za Lužánkami de Brno, les mains jointes entre les jambes. Il dort. Dans à peine 10 minutes, la rencontre entre la Tchécoslovaquie et l’Argentine va débuter. Corbatta sommeille paisiblement, comme un enfant qu’il est définitivement.

    Peut-on encore parler de pauvreté quand il s’agit d’évoquer les origines de Corbatta ? La Providence et le foot le sortent de l’indigence. Quand le Racing Club le recrute en 1955, il a 19 ans. Il arrive sans rien, seul, aucun bagage, rien de rien. C’est un analphabète de la vie au sens littéral, une faille qu’il tente de masquer en se promenant avec un livre ou un journal à la main, misérable subterfuge qu’il s’empresse de révéler à quiconque l’interroge sur ses lectures.

    Pedro Dellacha, le défenseur et capitaine de la Academia, le prend sous son aile. Il lui apprend à gribouiller son nom en guise de signature. Il lui présente également « l’amie de tous les joueurs », une poule qui gravite autour de l’équipe, une championne dans sa catégorie. Elle est là pour le déniaiser, il en tombe éperdument amoureux, l’épouse jusqu’à ce qu’elle se tire avec tout ce qu’il possède. Trois enfants naissent d’unions successives qui se terminent toutes mal. Qui voudrait d’un ivrogne ? Car El Loco Corbatta boit. Beaucoup. Il lui arrive de jouer embrumé par les relents d’alcool, à peine dégrisé par un seau d’eau froide jeté au visage par Tita Mattiussi, la lavandière du Racing, sorte de maman fétiche des joueurs.

    Les quelques vidéos existantes sont édifiantes, aucun doute, Corbatta est un artiste. Alors on lui pardonne tout. El Bocha Maschio l’affirme depuis toujours, Sívori et Corbatta sont les deux virtuoses de l’Albiceleste 1957. Néstor Pipo Rossi, le vieux routier qui a joué avec la Máquina de River et les Carasucias est formel : « le crack de cette équipe est Corbatitta ». Il est d’ailleurs un des seuls à ne pas décevoir lors de la CM 1958 quand l’Argentine s’effondre, trop affaiblie après les départs en Italie de Sívori, Angelillo et Maschio.

    Comment ne pas voir Charlie Chaplin dans ce petit personnage maigrichon au jeu saccadé et à l’équilibre incertain semblant narguer ses adversaires, capable de sortir des limites du terrain pour se cacher derrière un policier et mieux surprendre son défenseur en revenant sur la pelouse ? Pour ajouter au comique de Corbatta, quand il sourit, il lui manque deux dents, cassées par l’Uruguayen Sasía après qu’il l’a fait danser par ses feintes et ses crochets.

    Immensément aimé des hinchas du Racing et de l’Albiceleste, il devient le Garrincha argentin, son génial contemporain. La comparaison n’est pas dénuée de sens tant leur fragilité est grande loin des stades. Comme Mané, il étend sa carrière dans l’espoir d’éteindre une soif tantalienne, indifférent à la déchéance physique et à la tristesse qu’il inspire à ceux qui le côtoient.

    L’après-football est évidemment synonyme de précarité, il subsiste grâce aux aides du Racing et de quelques anciens joueurs. Et puis un jour de 1991, les journalistes doivent écrire que Corbatta est définitivement parti. Celui qui les a enchantés s’est envolé comme il était apparu, dans le plus grand dénuement, hanté par l’alcool et l’anémie, comme un poète maudit, un poète analphabète.

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    1. Les fans du Racing aiment à dire qu’ Atalhualpa Yupanqui était hincha de leur club. Je n’ai jamais trouvé de citation du chanteur l’affirmant mais j’ai vu un photo de lui, célébrant un titre de Racing dans les vestiaires. Je ne sais plus si c’était l’époque Corbatta ou celle de Perfumo…

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  4. Racing 2001, vu que la photo de couverture est celle de la célébration de l’Apertura 2001: fin de l’attente interminable pour les racinguistas 35 après le dernier; le contexte particulier: en pleine crise Argentine, au plus fort des mobilisations sociales; un raz de marée pour fêter le titre; le Racing avait encore frôlé la faillite quelques mois plus tôt; une équipe qui n’était franchement pas un plaisir à voir jouer; une équipe de besogneux; du cœur et de la volonté sur le terrain ; Diego Milito tout de même (je l’aurais mis dans les 10 perso hehe).

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  5. Autre petite histoire en lien avec le Racing : la vraie-fausse arrivée de Lothar Matthäus sur le banc du Racing à la fin des années 2000. A l’époque, la Academia est en difficulté et son président, un de ces types mégalos qui pullulent dans l’univers du foot, annonce en grande pompe la signature imminente de Matthäus. Attendu par les journalistes à l’aéroport d’Ezeiza, l’Allemand ne vient finalement pas en raison de désaccords financiers, d’exigences de sécurité impossibles à satisfaire et de l’épouse de Lothar dont la carrière de mannequin suppose une présence en Europe. Un gros coup médiatique suivi d’un gros couac. Sur le plan sportif, je ne suis pas certain qu’il faille regretter cet échec !

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  6. Dans la liste élargie, nous avons pensé à Maschio, Jose Solomon, Cejas, Basile, Enrique Wolf, Milito, Lisandro, Mendez… Pas simple. Le Piojo Lopez explose également au Racing.

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      1. Pour la période amateure: Olazar, Reyes, Croce, les frères Perinetti, Marcovecchio, Hospital
        Pour le triplé: Tucho Méndez, Higino Garcia, Ernesto Gutierrez
        entre deux: Barrera, Salomon, Della Torre-Paternoster (la paire du Mondial 1930)
        de 1958 à 1966: Sacchi, Basile, JJ Rodriguez, Maschio, Ruben Sosa, Rulli, Bélen, Cejas, Dominguez, Diaz..
        Après 1966: Costas, Milito, Lisandro

        voilà un peu ceux qui comptent dans le panthéon racing

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