Au début des années 1980, les fans d’Hammarby, lassés par l’exposition médiatique de l’IFK Göteborg, commencèrent à entonner ce refrain dans leurs propres virages. Petite saillie bon enfant visant ces rivaux qui ne cessaient de les martyriser sur le terrain, les Glenn Schiller, Glenn Strömberg ou Glenn Holm. Sans oublier le quatrième larron, Glenn Hysén, dont ils admiraient secrètement les coups de boutoir. Chez notre jeune lectorat, s’il existe, le nom d’Hysén n’évoquera certainement pas grand-chose. Les plus vieux se souviendront vaguement de ses épopées européennes avec Göteborg, de son titre 1990 avec Liverpool, qui demeurera si longtemps sans héritier, mais guère plus… Ce matin, puisque nous sommes entre personnes curieuses et de bonne compagnie, laissez-vous tenter par ce chaleureux frukost suédois, qui n’a d’autre vocation que de vous ouvrir l’appétit sur ce football trop souvent mésestimé…

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Glenn Hysén grandit à Hisingen, un quartier de Göteborg, au sein d’une lignée de footeux. Son grand-père et son frère ont joué pour l’IFK Göteborg, tandis que son père, Kurt, a disputé quelques matchs avec l’équipe réserve. Son prénom, apparemment fréquent sous ces latitudes, est un tendre hommage au tromboniste Glenn Miller et Hysén, qui a une sœur jumelle, espère devenir pompier, concours qu’il ratera en deux occasions. Adolescent, il hésite un temps entre football et handball, avant d’intégrer l’IFK qui vient de retrouver l’élite en 1978. La prise de fonction de Sven-Göran Eriksson, un an plus tard, est une révolution. Glenn, élève consciencieux, est repositionné en défense centrale et franchit immédiatement un palier.
Si il est admet ne pas être un talent naturel, le jeune Hysén a déjà les qualités qui feront sa renommée. Athlétique, rapide, n’hésitant jamais à jouer des coudes, Glenn le travailleur acharné s’impose comme l’un des centraux du futur et fait ses débuts en sélection contre le Danemark, en 1981. Orgueilleux, il symbolise une plèbe scandinave qui ne tend plus la joue, ça va trancher sec du côté de l’Ullevi… Comme le suggère le documentaire Fotbollens sista proletärer, sorti en 2011, les joueurs de l’IFK Göteborg sont alors les va-nu-pieds de la scène continenale. Plombiers, animateurs de colos ou électricien dans le cas d’Hysén, des gamins assoiffés de vie, rêvant à de folles aventures mais qui demeurent assujettis au diktat salarial : « On avait gagné contre Åtvidaberg à Stockholm, 6-1 ou quelque chose comme ça, et on avait fait la fête tout le trajet du retour en train de nuit. Une nuit arrosée. Je n’étais pas censé travailler le lendemain, mais j’ai reçu un appel : un de mes collègues, un jeune, s’était électrocuté. Il avait fait une crise cardiaque et était à l’hôpital. Du coup, j’ai dû enfiler ma combinaison de protection pour finir le boulot. Ce jour-là, j’osais à peine toucher aux câbles. Mais il fallait bien que je prenne mon courage à deux mains. Un truc pareil n’arriverait pas de nos jours. »
Quand il n’est pas d’astreinte, Hysén joue donc au football et le fait plutôt bien. Aux côtés des Strömberg, Dan Corneliusson et Torbjörn Nilsson avec qui il partage le même humour potache, Glenn gravit les échelons à vitesse grand V et se défait sans difficulté du Dinamo Bucarest et de Valence dans cette édition 1982 de la Coupe de l’UEFA. Seul le Kaiserslautern de Hans-Peter Briegel lui aura donné du fil à retordre, l’histoire est belle mais selon les experts, elle se finit là. Ils se fourrent profondément le doigt dans l’œil… En finale, l’archi-favori Hambourg de Kaltz, Hrubesch et Magath ne voit pas le jour et en prend quatre dans le buffet, sans répliquer une seule fois. Eriksson a complètement phagocyté les plans d’Ernst Happel…

Souvenirs aigris de voyage
« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » Blaise Pascal
En 1983, Hysén est élu dans le onze mondial de l’année par Guerin Sportivo, à la suite d’une splendide victoire suédoise, 3-0 en terres napolitaines, et signe pendant l’été au PSV Eindhoven. Cette première expérience à l’étranger ne le comblera nullement… La concurrence féroce de la charnière Huub Stevens-Ernie Brandts et l’absence de titre n’en sont pas la cause. Ce qui chagrine Glenn, ce sont l’organisation brinquebalante du club batave et l’inconnue quant à son rôle sur le terrain. Tour à tour arrière droit, milieu, voire attaquant, Hysén peste sur la qualité des kinés, erre tel un poulet sans tête sur la pelouse et rejoint la cohorte des remplaçants. Dégouté, il quitte Eindhoven avant la fin de son bail de deux ans et jure de ne plus jamais se laisser marcher sur les pieds : « Avec plus de maturité, j’aurais dit que ce n’était pas normal. J’ai marqué 14 buts en deux saisons, je crois, mais finir sur le banc parce que j’étais un attaquant médiocre, ça me suffisait. J’ai dit à l’entraîneur que je ne voulais plus cirer le banc parce que j’étais mauvais en attaque, alors je suis rentré chez moi. »

Revenir à Göteborg en 1985, est une bénédiction. Bien qu’orphelin d’Eriksson, parti chercher gloire et fortune au Portugal et en Italie, l’IFK n’a cessé de grandir et s’impose désormais comme une des grandes formations du continent. Ayant éliminé Aberdeen en quart de finale et giflé le Barça de Bernd Schuster 3-0 à l’aller, Hysén n’est qu’à 90 minuscules minutes d’une inespérée finale de Coupe des clubs champions européens à Séville… Cloué devant son poste de télévision, lors du retour à Barcelone, pour cause de varicelle, Hysén n’en croit pas ses yeux. Qui sont ces spectres qui portent le maillot de l’IFK ? La défaite lors de la séance de tirs au but est cuisante mais en coulisses, surgit aussitôt la rumeur de prostituées gracieusement offertes par les Catalans, la veille de la rencontre. Victimes consentantes, nos Suédois se sont faits avoir comme des bleus… Sa revanche, il la prend un an plus tard, en 1987, en s’adjugeant sa deuxième Coupe de l’UEFA, aux dépens de Dundee United. Reconnu par ses pairs et à nouveau choisi dans le onze de l’année, par le magazine World Soccer cette fois-ci, Hysén est prêt à se confronter à la rudesse de la Serie A.
Repoussant les avances du Manchester United de Ferguson, Glenn signe à la Fiorentina, dirigée par son vieux compère Eriksson. Un club qui vient de perdre coup sur coup Passarella et son emblème de toujours, Antognoni. Pas le meilleur des présages. Et comme à Eindhoven, Hysén navigue de désillusion en désillusion… Dans son autobiographie, Glenn ne fait pas dans la demi-mesure, il n’a quasiment rien apprécié de son passage dans la Botte. Stupidité crasse des tifosi, matchs truqués, simulations, Glenn ne partage aucun centre d’intérêt avec ses partenaires, ces fonctionnaires du football, sans passion et uniquement guidés par l’appat du gain. Le désordre ambiant l’indispose au plus haut point et que dire de ces enveloppes circulant de main en main, après une victoire de prestige… Hysén n’a aucun proche à Florence et perd peu à peu goût au jeu. Un Maradona, dont il jalouse le talent, mais qui s’évertue à tout gâcher par son côté vicelard, un Baggio énigmatique, qui ne s’adresse qu’à Bouddha, des résultats anonymes, rien ne va… Seule éclaircie sous le frog toscan, une prestation époustouflante à Wembley, dans le course au Mondial 1990. Qui marquera autant ses compatriotes que ses hôtes du soir…

La troisième, c’est la bonne !
Sa performance contre l’Angleterre, en 1988, où il musèle cliniquement les Lineker, Barnes et Waddle, est un véritable petit bijou. Alex Ferguson revient à la charge, à l’été 1989, mais doit à nouveau s’avouer vaincu face aux arguments de Liverpool. Hysén évolue enfin chez un cador, bien que privé d’Europe, l’entente est immédiate entre les deux parties : « J’ai demandé à sortir avec mon agent deux minutes, car nous n’avions pas encore discuté du montant à demander. Nous avons convenu d’un montant et sommes rentrés. Il s’est avéré que Liverpool avait déjà un contrat. Je l’ai consulté avant de dire quoi que ce soit et le salaire était trois fois supérieur à ce que nous allions demander ! Ce contrat valait environ 200 000 £ par an, avec des primes de victoire et des primes de trophée en plus. »
Meurtris par le drame récent d’Hillsborough et ayant cédé le championnat à Arsenal dans les derniers instants, les Reds entament la saison 1990, le couteau entre les dents. Introduit au sein du groupe par Steve McMahon et se liant à Ronnie Whelan, Hysén y trouve instinctivement sa place. Les poignées de mains sont franches, les entraînements sont le prolongement de l’apéro et Liverpool survole le championnat. La plus belle des récompenses selon lui : « On me demande souvent quels sont les souvenirs les plus précieux de ma vie. Bien sûr, j’étais heureux d’être devenu père, mais ce n’est pas la même chose que de remporter le titre. Nous nous sommes battus pendant un an pour réussir… »
A l’aise dans ses pompes et recevant de Dalglish l’honneur de porter le brassard, Glenn tombe des nues à l’annonce inattendue du départ de l’Écossais, en février 1991. Si le taulier Alan Hansen tente de réchauffer l’ambiance, en déclarant que, lui aux commandes, il n’y aurait plus une goutte d’alcool dans les vestiaires, quelque chose s’est cassé au sein de la belle cylindrée… Liverpool boîte et lâche un titre qui lui tendait les bras, l’arrivée de la tempête Graham Souness n’augure rien de bon : « L’ambiance dans le groupe a changé à son arrivée. En tant que joueur, c’était l’un des meilleurs de tous les temps. Mais en tant qu’entraîneur ? Je le trouvais arrogant envers nous et il prenait de mauvaises décisions. Il ne m’aimait pas. Il ne m’aimait pas du tout. Pourquoi ? Je ne sais pas. Il a mis Nicky Tanner à ma place. Je ne comprenais pas pourquoi j’étais sur le banc. » Ostracisé par l’assassin moustachu, Hysén se contente désormais des miettes et quitte définitivement les spotlights en 1992…

Glenn Hysén, personnage complexe, qui ne fit pas toujours l’unanimité, ne reste pas longtemps éloigné du monde du football. Il exerce de longues années en tant que consultant et n’hésite jamais à balancer quelques piques bien senties sur le foot italien, preuve que la plaie n’est pas totalement refermée. Un temps jeté en pature pour avoir frappé un homme qui essayait de le peloter dans les toilettes pendant qu’il pissait, Hysén soutient son fils, Anton, un des rares footballeurs à avouer publiquement son homosexualité. Un des enfants qu’il eut avec sa deuxième femme, Helena, et qui refuse désormais tout contact avec lui. Ayant récemment convolé en justes noces pour la troisième fois, souhaitons-lui d’enfin trouver la paix intérieure, comme ce fut le cas lors de son troisième erasmus à Liverpool…

Merci Khiadia, c’était un crack celui-là, on aurait possiblement gagné à le mettre en avant pour le top des défenseurs, ce n’aurait pas été volé.