Violette Morris, « la plus intrépide et la plus éclectique des sportives de notre pays »

« Un maniaque s’intéressera peut-être, dans quelques années, à cette histoire. Il se penchera sur la « période trouble » que nous avons vécue, consultera de vieux journaux. Il aura beaucoup de mal à définir ma personnalité. »

Patrick Modiano, La ronde de nuit, 1969.

Le pantalon de Violette Morris

« Ah que ne suis-je un homme ! Mon sexe est le grand malheur de ma vie. »

Madeleine Pelletier, lettre à Arria Ly, 7 novembre 1913.

Le jeudi 27 février 1930, les lecteurs parisiens du Petit Journal découvrent en première page un article de Georges Martin intitulé « Le pantalon de Mme Violette Morris devant les juges ». En sous-titre, le journaliste ajoute sur un ton badin : « Ceux-ci vont délibérer sur ce problème palpitant ». Puis il débute son récit : « Rarement on vit pareille affluence dans la petite salle de la troisième chambre du tribunal civil. Et quelle affluence ! De charmantes jeunes filles à manteaux de cuir et à cheveux très courts ; des jeunes gens à knickerbockers et à pull-overs ; bref, un public sportif. […] En effet, Mme Violette Morris allait soutenir contre la Fédération féminine sportive de France le « combat de sa vie ». Elle allait revendiquer à la face du ciel et à celle de Thémis le droit pour les femmes de porter… non point la culotte au sens figuré, mais le pantalon au sens propre. Vous pensez bien qu’elle en portait un, hier, comme d’ailleurs tous les jours de la semaine. Il était – en plus élégant peut-être – tout pareil au vôtre, monsieur, et au mien : de drap bleu marine, surmonté d’un veston de même, au col et aux manches duquel apparaissait la plus élégamment virile des chemises de soie. Pochette, stylo vert vif, une trace de tabac à ses doigts bagués, un bon sourire sur son visage à cheveux plats : telle était, hier, Mme Violette Morris, championne en tous sports et amazone connue qui se fit couper, naguère, un sein, non pour tirer à l’arc, mais pour mieux conduire en auto. Contre le sein coupé, personne ne protesta et c’est sans doute dommage. Mais le pantalon – oh ! paradoxe ! – a alarmé la pudeur de la Fédération féminine sportive de France, dont Mme Morris faisait partie et qui l’a radiée pour indignité. Du coup, presque tous les clubs féminins se trouvent interdits à la championne olympique. Comment ne protesterait-elle pas contre l’entrave qu’on apporte à l’exercice de ses goûts et de ses talents ? Aussi, hier, devant les magistrats de la 3e chambre, son avocat, Me Henri Lot, qu’assistait Me Jeanne Girard, réclamait-il l’annulation de la radiation qui frappa Mme Morris et 100 000 francs de dommages-intérêts. »

Violette Morris, « championne de lancement du poids », Le miroir des sports, 3 juin 1925.

Laissons-là cet intéressant article et tâchons d’en savoir plus sur cet étonnant événement qui semble tenir en haleine le Tout-Paris. Que s’est-il donc passé pour que Violette Morris assigne la Fédération féminine sportive de France (FFSF) devant le tribunal civil de la Seine ? En fait, il faut remonter en 1925, lorsque Alice Milliat est contrainte à la démission de la présidence de la FFSF. Née en 1884, Alice Milliat a participé à la création de la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF) en 1917, devenue la FFSF en 1921. Dès 1919, Alice Milliat accède à la présidence de la FSFSF. Contrainte donc à la démission en 1925, Alice Milliat laisse la place à la doctoresse Legrand. Dans cette passation de pouvoir au sein de la FFSF, il faut voir le choc de deux conceptions du sport féminin. D’un côté, Alice Milliat est partisane de la compétition et cherche à valoriser le dépassement de soi des athlètes. De l’autre côté, la doctoresse Legrand a une vision prophylactique du sport, centrée sur la préparation à la maternité. Legrand remporte donc la première bataille entre les deux femmes. Et Violette Morris sera la victime désignée du changement de politique au sein de la FFSF.

La championne bénéficiait en effet de la bienveillance d’Alice Milliat. Mais, dans les années 1920, sa masculinité et son homosexualité font mauvais genre. Sans compter qu’elle a une fâcheuse tendance à accumuler les faits d’indiscipline : insultes envers l’arbitre, violences envers les spectateurs, dopage et incitation au dopage… De plus, selon ses coéquipières Marie-Louise Chatelut et Yvonne Groussert, interviewées dans les années 1980, « elle se baladait souvent à poil dans les douches et elle distribuait facilement ses appréciations sur la plastique des unes ou des autres. » Inciterait-elle à l’homosexualité les jeunes sportives ? « Nous qui ne partagions pas du tout ses inclinations », poursuivent Chatelut et Groussert, « nous n’avons jamais été importunées par elle pour tenter de nous persuader. Le plus souvent d’ailleurs, si elle se montrait sans équivoque auprès des jeunes athlètes, certaines d’entre elles la recherchaient plutôt qu’elles ne la fuyaient. »

Bref, Violette Morris fait scandale et donne une mauvaise image du sport féminin. Déjà la proie de l’antiféminisme, celui-ci peine à se développer. Dès 1926, la championne est avertie qu’il lui est désormais interdit de fumer et de paraître sur les terrains de sport en tenue masculine. Mais elle refuse de respecter ces interdictions. Elle est donc suspendue par la FFSF en 1927. Puis, pour l’année 1928, Violette Morris se voit refuser le renouvellement de sa licence, officiellement pour « port du costume masculin ». Mais 1928 est l’année des Jeux olympiques d’Amsterdam, où les femmes peuvent concourir lors de certaines épreuves d’athlétisme pour la première fois. En ce qui concerne Violette Morris, elle pouvait espérer participer à la compétition de lancer du disque. « Atteinte dans sa chair par une sanction disproportionnée, maximale, Violette Morris, désespérée plus encore qu’écœurée, meurtrie au plus profond d’elle-même, « tuée », Violette Morris répond à la mort sportive qu’on lui inflige par le suicide radical de sa féminité », écrit Christian Gury en 1999. « Suicide radical de sa féminité » ? Elle se fait couper les deux seins en février 1929. Mastectomie bilatérale. Pour justifier son acte radical et définitif, Violette Morris ne donne pas d’explication psychologique, mais celle avancée par Gury est possible. Violette Morris avance en fait une raison purement pratique : sa volumineuse poitrine la gêne lorsqu’elle conduit des voitures de course. Car Violette Morris pratique aussi la course automobile : nous y reviendrons.

Que sa décision ait été effectivement motivée par le désespoir et la meurtrissure qu’elle ressent après la décision de la FFSF ou par des raisons pratiques, toujours est-il qu’elle choque. La mastectomie, par choix personnel et non pour des raisons médicales, est un acte extrêmement rare mais pas unique : la journaliste et écrivain Maryse Choisy ne s’en cache pas. Henriette Sauret, dans La voix des femmes du 14 mars 1930 (le procès est en cours) résume le scandale provoqué par le choix de Violette Morris : « Mme Morris a tué une femme. Elle. Elle a tué la femme en elle et elle s’est faite homme…, du moins autant que possible. Elle n’a pas seulement adopté le genre de vie, les manières, les habits masculins. Elle a tenté de modeler son anatomie sur celle des hommes. […] Elle n’a plus maintenant ces deux globes blancs et élastiques que la nature nous donna pour nous permettre de nourrir et bercer nos petits enfants et d’offrir un tiède oreiller aux douces caresses de l’amour et aux tendres joies maternelles. C’est faire preuve d’un certain courage. Mon Dieu, il faut, on le sait, une bonne dose de courage aussi pour se suicider. »

Violette Morris décide donc de faire appel de la décision de la FFSF devant le tribunal civil de la Seine. Le procès débute le 26 février 1930 et se termine le 26 mars. Verdict : « le tribunal déboute Mme Violette Morris et la condamne aux dépens. » La FFSF est donc satisfaite. Dans L’Auto du 25 avril 1930, la doctoresse Legrand explique que « les excès engendrent la championnite, une maladie grave du point de vue physique par le surentraînement qu’elle impose, grave du point de vue moral, car elle fait envisager le sport non pas comme un moyen de perfectionnement physique, d’équilibre moral et intellectuel, mais comme une fin en soi. » Dès le 2 mars 1930, dans L’Ami du peuple (article intitulé « Les droits et les devoirs d’une fédération »), la secrétaire générale de la FFSF Andrée Joly argumentait – sous le pseudonyme d’Annie Jorsène – que la fédération féminine s’était « donné pour tâche d’amener au sport la grande masse de la jeunesse féminine pour la rendre plus saine physiquement et moralement, et mieux équilibrée aussi. Elle ne pourra s’attirer la confiance des familles qu’en sévissant parfois, quand il le faut, et en ne permettant jamais que les manifestations qu’elle organise servent de prétexte à des exhibitions d’un goût discutable – et discuté. »

La championne, de son côté, est aigrie et le fait savoir. Elle exprime son ressentiment dans de nombreuses interviews, mais la plus saisissante n’est pas publiée. Elle a été déterrée par Raymond Ruffin dans les années 1980. Elle est due à un certain Georges Sicard. Violette Morris s’y livre sans fard, avec son franc parler habituel : « On me retire ma licence, soit. A trente-sept ans, sur la brèche depuis quinze ans, je n’ai plus rien à prouver. J’ai fait en matière sportive tout ce que j’avais envie de faire. J’ai accumulé les titres et les médailles. J’ai été recordwoman de France et du monde. J’ai brillé dans vingt disciplines […]. J’aurais pu finir en beauté aux Jeux olympiques de 1928, j’en avais fait mon objectif. J’aurais tout sacrifié pour m’y préparer en suivant un entraînement d’enfer. Je suis sûre que j’aurais décroché au moins deux médailles d’or, poids et disque. Mais deux ou trois putains de la Fédération m’en ont empêchée. Des bonnes femmes pas foutues de chausser des crampons ou des pointes, même pas capables d’aligner vingt brasses de suite ou de tenir un guidon […]. Le sport, c’est ma raison de vivre. Tu as vu au procès tous ces champions qui étaient là, ceux-là me connaissent, m’estiment. Ils savent bien que « la Morris », c’est une teigne, une grande gueule, un caractère de chien, mais ils savent aussi qu’elle se défonce pour faire mieux, toujours mieux, parce que c’est une mordue, une battante. C’est ça le sport, aller jusqu’au bout de soi-même. Et on vient dire, la bouche en cul de poule : mais elle s’habille en homme, mais elle boxe un connard d’officiel qui arbitre à tort et à travers, mais elle se balade à poil dans les vestiaires, comme si ce n’était pas un endroit justement réservé à ça, mais elle « dévergonde » nos filles ! Tout ça parce qu’un jour j’ai roulé un patin à une môme qui me collait au train ! Elle se disait amoureuse de moi, ça arrive, figure-toi, ces choses-là. Mais je n’ai jamais débauché personne de force. Mais qu’est-ce qu’elles peuvent y comprendre toutes ces mijaurées qui s’envoient hypocritement en l’air dès que leur bonhomme a le dos tourné ? Est-ce que j’ai demandé à la salope de Simone L., l’une des déléguées fédérales, si elle trouvait cela convenable lorsque je l’ai surprise en train de baiser comme une bête avec un entraîneur de club dans les douches de Pershing ? Et est-ce que j’ai ameuté les populations lorsque j’ai trouvé la respectable Mme de Baillemont le cul à l’air, troussée jusqu’au nombril, occupée à faire une faveur à un joueur de football dans un bureau de Colombes ? […] Mais qu’est-ce que c’est que ce pays de merde où les bons à rien, les hypocrites et les pétasses font la loi ? »

Le miroir des sports, 30 novembre 1926.

« Ce qu’un homme fait, Violette peut le faire »

« Taille, 1 m. 66 ; poids : 74 kilos ; tour de cou, 0 m. 40 ; tour d’épaules, 1 m. 20 ; biceps, 0 m. 29 (au repos), 0 m. 335 (en tension) ; poignet, 0 m. 16 ; mollet, 0 m. 40 ; capacité respiratoire, 4 litres. »

Le miroir des sports, 3 juin 1925.

Rembobinons.

Violette Morris est née à Paris le 18 avril 1893 dans une famille bourgeoise de tradition militaire. Son grand-père paternel, Louis Morris, fut général de cavalerie et participa aux guerres d’Algérie, de Crimée et d’Italie dans les années 1840-1850. Le miroir des sports du 3 juin 1925 nous apprend qu’elle fut « élevée à la campagne, puis en Belgique, « en raison de sa débilité physique ». » En 1907, les Morris s’installent en effet en Belgique où la famille maternelle de Violette habite le château de Jodoigne. Comme sa mère avant elle, elle intègre le couvent de l’Assomption de Huy. Sous le commandement de sœurs britanniques, les pensionnaires pratiquent le sport avec assiduité et bénéficient d’équipements de qualité. Violette excelle déjà.

En 1911, Violette Morris retourne à Paris. Elle s’adonne à la boxe, à la natation, au cyclisme. Dans tous ces sports, elle se mesure régulièrement à des hommes. « Elle courut, avant guerre, le 80 mètres en 11 secondes », nous apprend encore Le miroir des sports. « Pendant la guerre, le casque, puis le képi sur la tête, en culottes et en molletières, elle fut estafette motocycliste de la Croix-Rouge, à Paris, puis dans la zone du front. Elle lâcha bientôt la moto pour piloter une auto. Elle fut affectée, à Amiens, au service d’ambulance d’une armée. Puis elle redevint motocycliste et porta des ordres, tous les jours, sur les points principaux d’un circuit qui passait par Noyon, Compiègne, Ham, Soissons, Meaux, Villers-Cotterets. Puis elle partit pour Verdun, d’où elle fut évacuée pour bronchite et pleurésie. »

De retour du front, elle adhère au Fémina Sport, le club d’athlétisme alors présidé par Alice Milliat. Multi-championne de France des lancers du poids, du disque et du javelot tout au long de la première moitié des années 1920, Violette Morris fut aussi détentrice du record du monde féminin du lancer du disque. Mais, surtout, elle participe au premier Meeting international d’éducation physique féminine et de sports féminins organisé du 24 au 31 mars 1921 à Monte Carlo. 300 participantes venues d’Angleterre, de Suisse, d’Italie, de Belgique, de Norvège et de France s’y affrontent. Violette Morris emporte les compétitions de lancer du poids et du javelot. Présidées par Marcel Delarbre, vice-président de la Fédération française d’athlétisme, ces Olympiades féminines seraient, selon Florence Carpentier, « une tentative de la fédération masculine pour prendre en main l’athlétisme féminin ». Absente à Monte Carlo, Alice Milliat crée alors la Fédération sportive féminine internationale (FSFI) et, puisque les femmes ne peuvent pas participer aux Jeux olympiques, la FSFI décide d’organiser, à partir de 1922, des Jeux mondiaux féminins tous les quatre ans. Le 20 août, au stade Pershing, Violette Morris s’aligne dans la compétition de lancer du poids. Elle termine deuxième.

Violette Morris pratique encore le water-polo, le cyclisme sur route ou le cyclisme sur piste derrière motocyclette, mais elle se distingue particulièrement au football. Convoquée plusieurs fois en équipe de France, sa saison la plus aboutie est celle de 1924-1925. Pour en prendre la mesure, lisons Le miroir des sports : « Violette Morris, qui s’entraîne régulièrement en semaine au stade Bergeyre en compagnie de joueurs connus, comme Mistral et Cottenet, préfère le football à tout autre sport. La plus grande joie de sa vie est d’avoir gagné, cette année, le Championnat de Paris, la Coupe la Française et le Championnat de France. L’Olympique, où Violette Morris joue indifféremment demi-centre, avant-centre, voire arrière, droit ou gauche, n’a pas perdu une partie cette saison. Il n’a fait que trois matchs nuls, avec Nova Femina, la Clodo et En Avant. Et, pourtant, l’équipe a joué tous les dimanches du mois d’octobre au 10 mai. La finale du Championnat de France, qui ne donna pas de résultat, le 10 mai, au stade Jean Bouin, devait se rejouer le 24 mai, à Saint-Maur. Mais Nova Femina, l’adversaire de l’Olympique, ayant été suspendue pour trois mois par la Fédération féminine, l’Olympique enleva la victoire sans coup férir. »

Mais c’est surtout en course automobile que Violette Morris réalise les performances les plus remarquables. C’est là où elle rivalise le plus aisément avec les hommes. C’est pour la conduite automobile qu’elle fera le sacrifice de ses seins. Les 27 et 28 mai 1922, en forêt de Saint-Germain, elle termine quatrième du Bol d’Or motocycliste. Puis, elle enlève la première place, dans la catégorie des cyclecars de 750 cm3, de l’épreuve Paris-les Pyrénées-Paris, organisée du 11 au 18 juin. En 1923, elle gagne Paris-Nice et termine à nouveau quatrième du Bol d’Or. En septembre, elle remporte à nouveau Paris-les Pyrénées-Paris. En 1925, elle se classe deuxième de Paris-Nice, dans la catégorie des motos de 1 100 cm3. En mai 1926, dans une voiture Benjamin de 1 100 cm3, elle termine troisième du Bol d’Or en parcourant 1 413, 492 kilomètres en 24 heures. Le miroir des sports du 26 mai 1926 salue « une conductrice habile et résistante » qui « a acquis beaucoup de sang-froid, un coup d’œil précis et la maîtrise de soi. » Le journaliste ajoute même qu’elle « se comporta, en technique, beaucoup mieux que certains concurrents également bien servis par le sort. » La consécration vient en 1927 puisque Violette Morris, toujours dans une voiture Benjamin de 1 100 cm3, remporte Paris-Nice et le Bol d’Or.

Le beau portrait que Le miroir des sports fait d’elle le 3 juin 1925 se conclut ainsi : « Telle est la carrière sportive, extrêmement chargée et d’une extraordinaire diversité, de Violette Morris. Nous n’avons tenu compte, dans cet article, que des épreuves mécaniques, des jeux athlétiques auxquels Violette Morris a pris part en compétition officielle. Cette femme, d’une puissance et d’une résistance physique incomparables, d’une énergie que rien n’abat, qu’on voit toujours la cigarette aux lèvres et qui ne se trouve bien qu’en vêtements masculins, qui est professionnelle en sports mécaniques, en cyclisme derrière moto même, et qui reste amateur dans les autres jeux athlétiques, cette femme ne songe pas à terminer de sitôt sa carrière. Audacieuse, infatigable, d’une absolue confiance en elle-même, d’une indifférence totale à ce que peuvent penser d’elle hommes et femmes, elle mène sa vie comme elle l’entend, tout entière dévouée au sport. »

Après 1930, la documentation concernant Violette Morris devient lacunaire, peu claire, souvent équivoque. Une chose est sûre : elle abandonne le sport. On la retrouve gérant un magasin d’accessoires automobiles dans le quartier des Ternes. Mais le magasin ferme en 1932. On sait qu’à partir de 1933 elle habite une péniche sur la Seine. On sait qu’elle y tue un homme en 1937. La légitime défense lui est reconnue. On sait qu’elle fréquente les milieux artistiques, vit avec Yvonne de Bray, se fait photographier par François Kollar, héberge pour un temps Jean Cocteau, conduit le dramaturge dans la Somme auprès de son amant Jean Marais où celui-ci stationne pendant la « drôle de guerre ». On sait que pendant l’Occupation elle collabore avec les Allemands. Mais jusqu’à quel point ? La question a été relancée par Marie-Josèphe Bonnet en 2011. Enfin, on sait qu’elle est exécutée sur une route de Normandie, en compagnie de cinq membres de la famille Bailleul, par les hommes du maquis Surcouf le 26 avril 1944.

Le miroir des sports, 26 mai 1926.

Littérature

– Christine Bard, Une histoire politique du pantalon, Seuil, Paris, 2010 ;
– Marie-Josèphe Bonnet, Violette Morris, histoire d’une scandaleuse, Perrin, Paris, 2011 ;
– Florence Carpentier, « Alice Milliat et le premier « sport féminin » dans l’entre-deux-guerres », 20 & 21, revue d’histoire, 142, 2019, pages 93-107 ;
– Florys Castan-Vicente, Anaïs Bohuon et Lucie Pallesi, « « Ni de seins, ni de règlement », l’athlète Violette Morris ou le procès de l’identité sexuée de l’entre-deux-guerres », 20 & 21, revue d’histoire, 152, 2021, pages 87-105 ;
– Christian Gury, L’honneur ratatiné d’une athlète lesbienne en 1930, Kimé, Paris, 1999 ;
– Christian Gury, La péniche sanglante (Violette Morris, Cocteau, Modiano), Non-lieu, Paris, 2011 ;
– Raymond Ruffin, Violette Morris, la hyène de la Gestap, Le Cherche Midi, Paris, 2004.

11

65 réflexions sur « Violette Morris, « la plus intrépide et la plus éclectique des sportives de notre pays » »

  1. (Un papillon de nuit voletait d’un lustre à l’autre et pour qu’il évitât de se brûler les ailes j’éteignais la lumière. Personne n’aurait jamais une aussi délicate attention à mon égard. Il fallait me débrouiller tout seul.)

    0
    0
  2. Il est intéressant, ce procès par lequel tu abordes le cas Morris.

    Et en filigrane, l’on y retrouve d’un peu les mobiles d’un autre débat très vif à l’époque : le sport doit-il être amateur ou professionnel?

    Ce « débilité physique » est d’une violence, pas seulement lexicale d’ailleurs (rappeler que l’eugénisme n’était alors en rien tabou).. Je ne compte pas rentrer trop loin dans des extrapolations psychologiques de comptoir, mais enfin : comment cette femme pût-elle développer et rendre autre chose que du conflit, du « frontal » (..voire, in fine, que du rejet et de la trahison? – auquel cas : que trahissait-elle à ses yeux?), au contact d’un bain sociétal et moral aussi impitoyable avec ses freaks qu’il n’était hypocrite?

    0
    0
    1. Depuis les années 2000 et la montée nouvelle des féminismes, le cas de VM est essentiellement appréhendé de ce point de vue : victime de l’antiféminisme, de la guerre faite au sport féminin dans les années 20 et 30 (alors qu’il était en train de prospérer).

      De manière plus générale, l’entre-deux-guerres fut en Europe une période de reprise en main par les hommes. La guerre avait permis aux femmes d’assumer un certain nombre de tâches, de connaître quelque émancipation. Le retour de manivelle fut violent.

      VM est donc devenu un symbole de cela. Ce retournement historiographique est intéressant : jusqu’à il y a une vingtaine d’années, on ne retenait d’elle que « la discobole aux seins coupés » et « la hyène de la Gestap » qui fascina tant Modiano. En somme, une salope bizarre, un monstre (dans toutes les acceptions du terme). Aujourd’hui, si on n’oublie pas qu’elle fut une collabo et que (probablement) elle participa à torturer des résistants, on l’aborde surtout du point de vue des marginalitées confrontés à la norme sociale. C’est un retournement stimulant car le deuxième point de vue est beaucoup plus intéressant, et tragiquement nuancé, que le premier.

      1
      0
      1. Je trouve aussi ce crible plus intéressant.. sans pour autant qu’il ait particulièrement (voire du tout) mes faveurs hein – je n’ai que de l’aversion pour les communautarismes (ici féministe 3.0 ou sais-je), quels qu’ils soient..et ne leur fais guère confiance que pour maltraiter l’Histoire chacun dans leur sens, attirer à eux des idiots utiles.. Je préfère zapper cela.

        Tout bonnement j’aurais aimé savoir ce qu’il y eut avant la bête de foire (puis la collabo), dont manifestement elle finit par jouer outrancièrement, sans complexe aucun et à quoi elle paraît désormais assez vulgairement devoir se résumer. Connaître le point définitif de bascule dans sa vie, à compter duquel elle se noya pour de bon dans cette espèce de niche, dans cette fonction d’hérésie ambulante. Mieux apprécier l’enchaînement ou l’amoncellement qui la conduisit à ce non-retour.

        Ca m’intrigue d’autant qu’elle bénéficia plutôt voire franchement du soutien de l’opinion publique lors de ce procès, dit-on, pas sûr qu’elle fût condamnée à l’opprobre ou à cette radicalité.

        0
        0
      2. Ah ! oui, il n’est pas question d’adhérer ou non au questionnement, simplement de reconnaître qu’il est stimulant. D’ailleurs, comme je l’écris plus bas, Bonnet a le tort de tomber dans le plaidoyer.

        Sur le fameux virage qui amena VM à la radicalité et la conduisit à la collaboration, c’est l’enjeu du bouquin de Ruffin. Mais il n’y a rien pour comprendre ça : VM n’a pas laissé d’écrits où elle expliquerait les choses, ses amis et connaissances non plus. On en est donc réduit à des hypothèses psychologiques qui révèlent beaucoup plus de la personnalité de l’auteur (de l’hypothèse) que de la personnalité de VM. Ruffin donne ainsi dans la misogynie, l’antiféminisme, voire une certaine homophobie. Bonnet se complaît dans le féminisme, la valorisation des marginaux et la dénonciation de la domination masculine. Bref, tout cela n’apporte rien.

        Mais, si ni VM ni ses amis ne laissèrent rien pour comprendre le virage, c’est peut-être qu’il n’y avait rien à comprendre. Peut-être qu’il n’y eut pas de virage. Peut-être tout simplement était-ce sa personnalité. Et il n’y a, dès lors, rien à expliquer.

        En l’état, il n’y a rien à dire et rien à comprendre. Malheureusement (ou heureusement ?). Mais une nouvelle documentation peut tout remettre en question. C’est ça qui est super !

        0
        0
  3. Muchas gracias Bobby. Le meilleur texte de ce site pour la 5ème fois (au moins) 😉
    Tu cites Andrée Joly, est-ce bien la patineuse championne olympique avec Pierre Brunet ?
    La Clodo ? Je suppose qu’il s’agit du nom d’un club de Saint-Cloud ?
    Enfin, je me dis que ce prénom, Violette, est maudit : Morris, Nozière et une dernière que j’ai connue à mes débuts professionnels, d’une bêtise infinie et dont la vie privée ne fut qu’une succession de drames.

    0
    0
    1. Oui, c’est sans doute le texte dont je suis le plus fier. Ecrit il y a environ 10 ans et que j’augmente depuis, d’une petite chose ou d’une autre, piochée ici ou là.
      Andrée Joly, oui, championne olympique en 28 et 32. J’ai pioché cette info dans l’article de 2021 cité en « littérature ». Jusqu’à là, je pensais qu’Annie Jorsène était une véritable personne. Il semblerait que ce soit un pseudonyme.
      Pour le solde des questions, je reviens tantôt.

      1
      0
  4. A propos de deux bouquins que je cite en « littérature » et d’un roman dont le personnage principal est VM :

    1) Raymond Ruffin, Violette Morris : la hyène de la Gestap, 2004 :  »Mon avenir, il sera ce que j’en ferai moi, et moi seule, je n’ai besoin de personne. »

    Ce récit fortement romancé s’attache à expliquer comment Violette Morris est passée d’engagée volontaire dans la Grande Guerre à collabo pendant la Deuxième Guerre mondiale. Raymond Ruffin sonde alors la psychologie de la  »discobole aux seins coupés » et délivre les étapes de  »cette incroyable dérive intellectuelle » : le manque d’amour parental, l’amertume vis-à-vis de l’arrière dans l’après-guerre, la crise économique et politique des années 1930.

    Si les hypothèses de l’auteur sont séduisantes, si le récit est assez nuancé et pas seulement à charge, l’ensemble souffre du fait que Ruffin s’embarrasse bien peu d’un apparat critique. Quelques sources sont parfois citées, mais ce sont alors souvent des témoignages recueillis 50 ans après les événements. En revanche, on apprécie, pages 116 à 121, la publication de l’interview inédite accordée à Georges Sicard après le procès de 1930.

    Mais, au-delà de sa problématique, ce qui semble réellement intéresser Ruffin, c’est le côté excentrique, scandaleux, racoleur de VM. Dans la première moitié du livre, l’écrivain semble en effet très intrigué par son homosexualité. Alors, à grand renfort de psychologie de comptoir, il se sent l’obligation d’en trouver l’origine dans quelque traumatisme juvénile. Emblématique de ce besoin d’expliquer l’homosexualité par quelque névrose est le portrait psychologique de VM pages 76 et 77, où Ruffin flirte clairement avec le jugement moral. De plus, il manque rarement une occasion de nous offrir de longues dissertations (garnies de détails érotiques) sur les  »sentiments » de Violette ou bien de souligner la beauté, la sensualité, la féminité des autres femmes opposées à la laideur, la rudesse, la masculinité de VM. Il va même jusqu’à se demander ce que hommes et femmes ont pu trouver attirant chez elle, tant il la décrit comme une affreuse laideronne, une  »espèce de gorgone », une  »femme de poids, sans jeu de mots, au port typiquement masculin de surcroît ». Apparemment, pour Ruffin le seul attrait d’une femme est son physique. Bref, tout cela est assez pénible !

    Dans la deuxième moitié du livre, VM est largement éludée au profit de considérations générales et particulières – d’historiettes aussi – sur l’Occupation, la collaboration, la Résistance, la pègre parisienne. Elle n’apparaît pratiquement que pour dénoncer ou torturer des résistants. Tout cela est intéressant, mais on sent bien que la personnalité et les actes de VM ne sont presque plus documentés et que Ruffin se contente de meubler. Je confesse avoir alors lu en diagonale !

    2) Marie-Josèphe Bonnet, Violette Morris : histoire d’une scandaleuse, 2011 : « Un antimodèle d’une antiféminité qui ne risque pas de susciter des avocats. »

    Nettement plus documentée et stimulante que celle écrite par Raymond Ruffin, cette biographie s’attache à déconstruire la « légende noire » bâtie autour de Violette Morris – au risque de verser dans le plaidoyer. Marie-Josèphe Bonnet s’efforce ainsi de démontrer que VM fut un bouc émissaire commode, une victime de la domination masculine dont la « culpabilité symbolique » fonde tous les « fantasmes misogynes » de ses détracteurs : « Une femme qui s’habille en homme publiquement, s’est fait couper les seins en 1929 et ne cache pas sa préférence érotique pour les femmes, n’est-elle pas « prédestinée » à un sombre destin ? »

    Les deux tiers du livre sont donc consacrés à l’Occupation là où, précisément, la documentation est la plus fragmentaire et la plus difficilement interprétable. Mais l’enquête, minutieuse et parfois confuse, est toujours intéressante.

    Néanmoins, comme chez Ruffin, de très nombreuses interrogations restent sans réponse documentée. Et, comme Ruffin, l’historienne recourt alors à de multiples hypothèses psychologiques plus ou moins convaincantes. Par exemple, page 46 : « Je suis égale aux hommes, proclame son costume masculin, et j’irai même jusqu’à me faire enlever la poitrine qui m’encombre puisque la maternité est l’apothéose de la féminité. Ce jusqu’au-boutisme, qui l’amènera jusque sur le terrain de la collaboration avec l’Allemagne, est la caractéristique dominante de sa personnalité. » Ou encore, page 304 : « Elle a traversé des frontières de genre, activant chez les « normaux » une pulsion de mort qui se pense comme légitime. » Et plus loin, page 307 : « La peur ancestrale de la femme qui porte la culotte a certainement autant nourri la haine contre elle que son adhésion aux vainqueurs, après la « déculottée » reçue par l’armée française, réputée la plus forte du monde. »

    Dernière remarque, pleine d’intérêt et qui mériterait d’être développée : « Si la démocratie ne tient pas ses promesses sur le respect de l’altérité, elle jette dans les bras des groupements fascistes ceux qui ne sont pas dans la norme majoritaire. »

    3) Francine Prose, Deux amantes au Caméléon, 2014 : « L’histoire change, en fonction de qui la raconte. »

    Après un historien amateur spécialiste de la Résistance en Normandie (Raymond Ruffin), après un avocat qui a consacré de nombreux essais à des homosexuel(le)s célèbres (Christian Gury), après une historienne féministe (Marie-Josèphe Bonnet), voilà qu’une romancière new-yorkaise s’essaie à sonder la psyché de Violette Morris. Une tentative une fois de plus vaine – et Francine Prose en semble consciente –, mais qui a le mérite d’accoucher d’un texte foisonnant, étonnant, assez agréable à lire.

    Dans ce roman à plusieurs voix, parfois beau et puissant, c’est surtout la finesse des portraits psychologiques qui intéresse. L’auteure rend ainsi ses personnages attachants, en particulier la « biographe » de Lou Villars/Violette Morris. Plus son travail avance, plus elle est perturbée, possédée par son sujet. Jusqu’à l’empathie, jusqu’à la sympathie… En fait, le croisement de points de vue différents rend toute certitude impossible, toute compréhension difficile, tout jugement relatif. Et puis, l’histoire n’est-elle pas à sans cesse réécrire ? ne peut-elle pas recommencer ? Après tout, « le public pense que la meurtrière est morte et qu’il n’y a plus de danger. » Peut-être se trompe-t-il ?

    1
    0
    1. « Si la démocratie ne tient pas ses promesses sur le respect de l’altérité, elle jette dans les bras des groupements fascistes ceux qui ne sont pas dans la norme majoritaire. » Elle aurait pu ajouter que dans un temps 2, quand les fascistes/extrémistes s’emparent du pouvoir, les brimades subies sous la démocratie se transforment en persécution. Non ?

      PS : Ray Ruffin lit P2F et prépare son droit de réponse.

      0
      0
      1. Il est mort.
        Elle aurait pu ajouter beaucoup de choses, mais je trouve le point de vue non dénué d’intérêt.

        0
        0
      2. T’aimes pas notre époque ?
        Ce qu’elle veut dire, c’est que ne pas prendre en compte les marginaux c’est les pousser vers des solutions extrémistes. Snober les prolos, c’est les envoyer dans les bras du RN.

        0
        0
      3. « « Si la démocratie ne tient pas ses promesses sur le respect de l’altérité, elle jette dans les bras des groupements fascistes ceux qui ne sont pas dans la norme majoritaire. » Elle aurait pu ajouter que dans un temps 2, quand les fascistes/extrémistes s’emparent du pouvoir, les brimades subies sous la démocratie se transforment en persécution. Non ? »

        C’est ce qui m’avait le plus marqué à première publication de ce millésime-Bobbyschano : cette idée qu’elle aura embrassé, par dépit peut-être? (pure supputation), une cause qui l’aurait non plus malmenée..mais plus probablement et tout bonnement, in fine, annihilée.. Qu’un psychanalyste se pose sur son cas, et lui y verra sans doute une forme d’acte manqué.. A boire et à manger pour tous, cette femme fut véritablement « un cas ».

        0
        0
      4. Oui, mais le postulat psychologique est que, de toute façon, elle est morte en 1930. Au moment où elle perd le procès.

        De plus, il ne faut pas perdre de vue que, en 1940, l’issue de la Collaboration n’est pas acquise. C’est même plutôt « tendance » à ce moment-là.

        VM s’y est complu, jusqu’à quel point ? A partir de quand ? Comment ? En quoi son attitude a-t-elle évolué ? Il y a tout un cheminement intellectuel et psychologique qui est impossible à reconstituer. A moins de recourir à l’imagination, qui est aussi l’arme de l’historien (à condition qu’elle soit contrôlée). Mais elle est, peut-être surtout, celle du romancier. Et là, il faut lire Modiano. Mais sans doute aussi voir « Lacombe Lucien ».

        1
        0
      5. Je ne suis vraiment pas un wikipédiste, pas du tout mon truc..mais j’y ai donc tout lu la concernant, espérant y retrouver cette source, bref..

        Bref il y est dit que, dès que tomba le verdict : elle entreprit de se..féminiser!, comme si elle tentait de se racheter une conduite, de faire bonne figure, se pliait au jugement.. Tes lectures le confirment?

        0
        0
  5. Meme époque il me semble, femme indépendante, lesbienne, qui excelle (pour le moins) dans son domaine et grande gueule.

    Bon il doit y en avoir énormément d autres, mais j aime beaucoup bessie smith alors j ai pensé a elle.

    0
    0
  6. Un sacré personnage qui pourrait faire une très bonne illustration de la déviance en sociologie. Dommage que sa période collabo ne soit pas plus documentée. En sociologie il y a la notion de « carrière de déviant » qui explique que plus tu es « marqué » comme déviant par la société (du moins les « entrepreneurs de moral » pour citer H.Becker qui utilise cette notion) plus tu intériorises ta déviance et tu as tendance à adopter une vie de déviance globale. VM répond parfaitement au schéma, si elle avait grandi aujourd’hui elle aurait été une athlète reconnue et respectée, surement caractérielle mais sans plus.

    1
    0
    1. Je ne goûte guère ce pour quoi trop souvent l’on mobilise la sociologie ;), bref je salue d’autant plus cet apport!..car c’est conceptualisé, donc?? (entre les lignes, tu auras compris que ce concept fait volontiers sens à mes oreilles)

      « (…) plus tu es « marqué » comme déviant par la société (…) »………. ==> C’est ici, peut-être, qu’il faut alors s’entendre sur ce qu’on entend par « société »!

      Je laisse à Bobby de me corriger si besoin mais, je l’indiquais plus haut, lointain souvenir : l’opinion publique était plutôt voire franchement VM-friendly dans ce procès qui lui coûta sa carrière sportive………. Bref, « société »?? Mais voilà possiblement ce pourquoi, à dessein, tu/H. Becker précisais « entrepreneurs de morale ».

      Elle a bon dos, « la société »! Une hydre à laquelle l’on fait porter bien des chapeaux, les turpitudes et saloperies de la classe dirigeante.. Rétroactivement, et c’est sociétalement d’une désastreuse actualité : l’on s’emploie à faire accroire que le petit peuple est/était singulièrement raciste, miso, homophobe, qu’il tira profit de la colonisation, que sais-je encore.. or c’est le plus souvent faux! Quant à supposer que la fin poursuivie est précisément de le faire accroire, brouiller/noyer les responsabilités……….. Je m’égare! (mais au moins comprendras-tu ma défiance habituelle à l’endroit de la sociologie)

       » si elle avait grandi aujourd’hui elle aurait été une athlète reconnue et respectée, surement caractérielle mais sans plus. »? Je ne serais pas aussi catégorique ; une lesbienne assumée voire vindicative, qui aujourd’hui ruerait dans des brancards politiquement-incorrect (ce que n’est plus du tout l’orientation jadis de VM..mais que sont désormais tant de sujets tabouisés, criminalisés aux forceps), finirait probablement non moins ostracisée.

      0
      0
      1. Difficile de savoir ce qu’en pensait « l’opinion publique » (assez insaisissable, elle aussi). Mais le procès de 1930 intrigua, intéressa, oui. Peut-être plus souvent de manière ironique. Mais, quelle que soit l’opinion du public, c’est un fait que VM perdit ce procès. S’il y eut un virage, un moment où elle bascula, c’est clairement là. Dans son conflit avec la fédé féminine (pas très féministe), elle était finalement désavouée. Cet échec lui fit mal. Elle le dit assez clairement dans l’interview accordée à Sicard.

        0
        0
      2. Oui le terme « société » était histoire de raccourcir mon propos mais les sociologues comme Becker parlent d’entrepreneur de moral, pour parler de ceux qui décident de « ce qui est bien ou non ». Des sociologues qui ont grandi dans les USA d’après guerre ne peuvent que bien connaitre. D’ailleurs ils montrent très bien que ces entrepreneurs peuvent un jour dire la drogue c’est mal, un autre c’est bien. Ces idées rejoignent beaucoup de choses que tu dis par ailleurs lorsque l’on discute. Comment le poids de ceux qui ont le pouvoir de juger ou de raconter l’histoire peut avoir un impact sur la vision que l’on a des uns et des autres. On le voit bien dans cette époque de lynchage médiatique…

        Une lesbienne assumée voire vindicative qui rue dans les brancards, c’est un peu Rapinoe non? Je la connais mal mais Sindelar pourrait confirmer (ou infirmer) et même si elle est ahi par une partie des USA l’autre l’adore, elle est même égérie de pub. Après je te rejoins sur le fait qu’aujourd’hui vaut mieux ne pas trop ruer dans les brancards mais la performance sportive reste un bon moyen de se faire entendre!

        0
        0
      3. Rapinoe, elle fait de la politique, non ? Elle fait de la publicité pour les Démocrates ?
        Je vois mal une Violette Morris s’acoquiner avec les radicaux…

        0
        0
      4. Oh ! punaise, la gardienne brésilienne… Où va-t-elle ? Cueillir des mûres ?

        0
        0
      5. Ne me demande pas de sources, c’est au-dessus de mes forces mémorielles! Mais qu’elle bénéficiât d’une opinion majoritairement favorable semble attesté : un spécialiste (peut-être l’un de ceux que tu cites?) l’affirma du moins sur les ondes belges il y a un an ou deux.

        Et en espérant en retrouver trace, je vois que la page wiki de Violette Morris appuierait cette idée en sa note 8 – source (France Culture) hélas apparemment inconsultable désormais.. Note que la source première est peut-être la même, aucune idée : je ne connais pas le contenu ni les intervenants de cette émission lui-consacrée sur France Culture.

        « Couvent de l’Assomption » ne laisse décidément de me troubler, je vois qu’elle existe mais je n’ai jamais entendu cette formulation en Belgique – tu dois te rappeler que c’est mon fief maternel, la maison de mes grands-parents se trouvait à 800 mètres en aval, le long de la même rivière, je connais le coin comme ma poche.

        Endroit séculairement élitiste, voué depuis des siècles à l’éducation des élites……….et cependant siège il y a quelques années d’une pathétique émission de téléréalité, o tempora.. Une bédé fut consacrée à la vie de VM, graphiquement l’on dirait du Tardi..et l’endroit était remarquablement rendu, très réaliste.

        1
        0
      6. BD scénarisée par Marie-Jo Bonnet. Ou, à tout le moins, inspirée par Bonnet.

        0
        0
      7. Rapinoe? Une liberals jusqu’au bout des ongles……. Les tagadatsouintsouins qu’elle produit, c’est soit pour de vulgaires histoires de fric, soit à fins de lobbying communautariste, soit pour auto-congratuler (le courant politique qui défend) ses intérêts.. Complètement dans l’air du temps, en somme.

        Dans une société traditionnaliste, « fermée » diraient d’aucuns : là oui, elle serait subversive………mais dans l’Occident des années 2000??? En me focalisant sur l’Europe par exemple, elle coche toutes les cases de l’idéologie revendiquée et promue par l’UE, c’est une figure au fond des plus mainstream.

        0
        0
      1. Sur ces thèmes, les auteurs très faciles d’accès sont Howard Becker sur les Jazzmen aux US dans les années 60 et le cannabis (Outsiders) , Goffman et les stigmates (Stigmate). C’est de la sociologie de l’interaction, pas toujours celle la plus plébiscitée par les universitaires mais perso je trouve que c’est vraiment très intéressant et instructif. Et ça colle parfaitement à la vie de Violette Morris.
        Une autre vision de la déviance est celle de Durkheim (Début du 20ème en France, c’est pour toi! Bon c’est un peu chiant à lire), avec son anomie (trop de déviance est le résultat d’une société qui n’intègre plus correctement les individus)

        0
        0
      2. Les radicaux ce sont les démocrates? VM a bien fini par suivre des vrais « radicaux » non?
        J’essaye juste de transposer à notre époque, Violette Morris ne pourrait pas exister aujourd’hui, elle aurait une « fanbase » incroyable et des « haters » virulents mais elle serait une star des réseaux! (J’utilise volontairement ces mots horribles).

        0
        0
      3. Ah ok, j’avais compris dans l’autre sens. Morris n’irait pas comme Rapinoe s’acoquiner avec des radicaux (comme les démocrates), d’où mon étonnement.

        0
        0
  7. [quote]je vois que la page wiki de Violette Morris appuierait cette idée en sa note 8 – source (France Culture) hélas apparemment inconsultable désormais.. [/quote]

    (Le lien de la note n’a pas été actualisé, mais l’on peut toujours consulter le document sonore ici : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/le-cas-violette-morris-2631126
    Il y en un autre sur Inter, « le destin d’une sportive hors norme » : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/autant-en-emporte-l-histoire/violette-morris-le-destin-tragique-d-une-sportive-hors-norme-3769750

    Puis si on fait une recherche sur le site, il y a quatre autres petites vignettes de quelques minutes.)

    0
    0
  8. [quote]Votre commentaire est en attente de modération. Ceci est un aperçu, votre commentaire sera visible après sa validation.[/quote]

    Je vois, la censure règne, la Pravda érigée en modèle éditorial…
    Ça ne m’étonne même pas, les cerveaux à l’oeuvre en coulisses ont cette tournure d’esprit qui fait des experts et autres érudits des ennemis de la liberté!
    Bourgeois, philistins !

    1
    0
    1. Pour ta gouverne, lorsque tu postes plus d’un lien dans un message, celui-ci est mis en attente et doit être validé par un des modérateurs du site (moi, par exemple). Ce n’est pas de la censure, c’est pour éviter le spam, les bots, et tutti frutti.
      Donc, la prochaine fois, un lien par message. Si tu veux poster plusieurs liens, fais plusieurs messages.

      0
      0
      1. Mais ouiiiii, bien sûr !
        Messieurs les censeurs, bons…
        Bonjour.

        0
        0
  9. [quote] Dans les années 30, le centre-gauche ce sont les radicaux.[/quote]

    C’est court, surtout quand on est culturé…

    Radicaux, parce qu’à l’origine radicalement républicains. À gauche, par opposition aux conservateurs et sous l’influence de personnalité comme Léon Bourgeois au tournant du siècle…

    Ensuite, ça devient effectivement un parti croupion.

    0
    0
      1. Hum, c’est fixer un peu arbitrairement le sens dans l’histoire des radicaux, dans la troisième République et plus tard par rapport à la « gauche »…

        (« Pour ta gouverne » : euh l’aut’ hé !)

        0
        0
      2. Ils s’appellent eux-mêmes radicaux et leur parti le parti radical car ils veulent appliquer radicalement le Programme de Belleville. Je ne préjuge pas là de l’évolution ultérieure du parti, de ses hommes et de leurs idées. Quant à ranger les radicaux au centre-gauche dans les années 30, c’est la position qu’ils occupent à l’Assemblée et au sein du Front populaire.

        0
        0
      1. Mouvement dextrogyre (on parle aussi de mouvement sinistrogyre pour le sinistrisme) : https://www.editionsddb.fr/product/102116/la-guerre-a-droite-aura-bien-lieu/

        A ce sujet, une citation lucide de Koestler (La lie de la terre) : « Un des défauts de la gauche française est qu’elle représente dans la vie de ses membres une sorte de péché de jeunesse, comme de faire des dettes ou d’avoir des maîtresses. La carrière typique du politicien français, de Clemenceau à Laval, se lit comme les mots sur une page, de gauche à droite ; mais quelqu’un a-t-il jamais entendu parler du cas inverse ? » Je réponds à la question : Oui, mais les cas sont rares. Je pense à Victor Hugo, Daniel Cordier et, plus malicieusement, à François Mitterrand.

        1
        0
  10. Dans la rubrique littérature, on peut rajouter la BD Spirou, « le groom vert de gris », qui se déroule en 1943, et dans lequel Violette Morris joue un grand rôle. Une BD pleine de clins d’œil (on y voit notamment les caricatures des acteurs de la Traversée de Paris).
    Un Spirou pour adultes.

    0
    0
  11. Merci pour l’article, j’en avais entendu parler et lu la page wikipedia naguère, je ne sais plus pourquoi, mais l’article va bien sûr au-delà.
    La mammectomie aurait pu bien sûr plus choquer à l’époque ; plus récemment celle de Simona Halep avait déclenché ne petite cyber-tempête de fans plus ou moins libidineux hurlant au massacre.

    La comparaison s’arrête là, en raison des époques différentes et surtout du parcours collaborationniste ultérieur de la discobole.

    0
    0
    1. L’ablation volontaire, par choix, sans raison médicale, d’un ou des seins est extrêmement rare. J’en avais trouvé une liste pour l’époque, peut-être chez Christine Bard : deux ou trois cas documentés, tout au plus.

      0
      0
      1. Sinon, remember : les Scoptes.

        Et souvenirs d’unif : Bettelheim consacra un ouvrage aux mutilations physiques, « les blessures symboliques »?? Un titre du style..

        Mais ces cas relevaient, autant que je me rappelle, de considérations liées à l’ordre social, aspirations mystiques aussi.. Morris, ben??

        (je viens de découvrir vos derniers échanges sur cet article)

        0
        0

Laisser un commentaire