AC Siena : un stade sous terre pour un club qui s’enterre

Surfant sur les bons résultats, l’AC Siena a imaginé il y a plus de 10 ans un stade atypique au cœur de la Toscane. Un projet ambitieux qui n’a pas (encore ?) vu le jour.

Mai 2011. L’éprouvant championnat de Serie B prend fin et l’AC Siena peut célébrer. Les Bianconeri terminent deuxièmes et s’offrent ainsi un ticket direct pour la Serie A. Une excellente nouvelle pour le club, qui venait d’être relégué en deuxième division. Cette remontée immédiate leur permet de retrouver des ambitions élevées et valide indirectement le plan à long terme dévoilé par les dirigeants du club en mars : faire déménager l’AC Siena vers un nouveau stade.

Siena évolue depuis très longtemps dans le stade Artemio-Franchi, qui a une capacité d’un peu plus de 15 000 places. Mais cette enceinte (qui porte le même nom que celle de la Fiorentina, à quelque 70 kilomètres de là) est vieillissante. Pour accompagner le retour du club dans l’élite, il faut un projet qui impressionne, une idée pouvant attirer les amateurs de football venant de plus loin que la Toscane.

Cela tombe bien, car le nouveau stade de l’AC Siena ne doit pas être bâti dans la ville. La mode est déjà à la construction d’enceintes modernes à la périphérie des agglomérations, mais Sienne veut faire mieux et imagine son futur dans la commune d’Isola d’Arbia, à 10 kilomètres de là. Isola d’Arbia, c’est un village d’un millier d’habitants, où il n’y a presque rien d’autre que des exploitations agricoles.

Pourquoi s’installer en pleine campagne ? Pour mieux vendre la marque Toscane, évidemment. Sienne a besoin de trouver un moyen de se mettre en avant, alors qu’elle est systématiquement devancée par Florence lorsque la région est évoquée. Quoi de mieux qu’un stade au cœur de l’une des plus belles régions d’Italie pour faire parler de soi ?

Un stade intégré dans le paysage

Mais ce projet de stade n’est pas comme les autres. Anticipant peut-être la fronde d’opposants à un tel édifice, le cabinet Marazzi Architetti a une idée surprenante : construire un stade souterrain, de manière à impacter le moins possible le paysage campagnard de la région. Vantant le « contexte environnemental prestigieux », le cabinet explique avoir voulu « préserver l’intégrité environnementale de la zone » dans laquelle le stade sera construit.

Le descriptif du projet va plus loin : il « apparaît comme une sorte d’incident naturel causé par un phénomène hydrogéologique ou par un tremblement de terre. » Rien de plus, rien de moins. Les simulations des architectes prévoient un espace évasé, dont un côté sera ouvert au grand air de manière naturelle et doit permettre l’organisation de concerts ou d’autres événements, tout en proposant une vue sur Sienne en arrière-plan.

Seul le côté ouest doit être bâti, avec un toit au-dessus de la tribune, sorte d’immense terrasse qui surplombe en partie la cavité au fond de laquelle se trouve le terrain. L’ensemble donne au stade un air de « théâtre grec antique » selon ses concepteurs, qui indiquent qu’il doit avoir une capacité de 20 000 places. Cette jauge s’agrandit dans la configuration concert, pour atteindre 65 000 places.

La nouvelle enceinte est imaginée pour s’intégrer au maximum dans la région qu’elle occupera. Située en bordure des Crete senesi, une zone géographique de l’arrière-pays toscan aux paysages typiques, elle doit être bâtie avec un béton spécial, composé en partie de tuf, une roche poreuse présente en abondance dans la région. Le stade doit passer « d’un conteneur fermé et intermittent à un lieu ouvert où l’on vit ‘sept jour sur sept’ ».

Une bonne publicité pour le cabinet d’architectes

Le projet est ambitieux. Au-delà de ses aspects techniques, il démontre d’une volonté d’exploitation nouvelle d’une enceinte sportive. Et cette stratégie est récompensée à sa juste valeur, puisque le cabinet Marazzi Architetti remporte le MIPIM AR Future Projects Award en 2011. Cette récompense, attribuée à un projet dont les travaux n’ont pas encore débuté, est remise lors du Marché international des professionnels de l’immobilier (MIPIM), une foire internationale qui se déroule annuellement à Cannes et qui distingue les meilleurs projets architecturaux dans différentes catégories de projets.

Le succès est donc total pour le cabinet d’architectes, qui s’offre une belle publicité au passage. Mais, si les simulations en 3D et le descriptif de la nouvelle enceinte ont de quoi faire rêver les passionnés, aucune information ne filtre sur une éventuelle date de début des travaux. Quant à leur montant, il est estimé sur le site du cabinet d’architectes à 78,5 millions d’euros. Une somme conséquente pour l’AC Siena, déjà bien occupée à se maintenir en Serie A.

Si les Bianconeri y parviennent la première saison, ils descendent dès la fin de la saison 2011-2012, en étant de plus impliqués dans un scandale de matchs arrangés. La relégation devient descente aux enfers quand l’AC Siena se retrouve incapable de s’inscrire pour la Serie B 2014-2015, faute de moyens financiers suffisants. Le club fait faillite et repart en Serie D. Deux autres faillites, en 2020 et 2023, ont raison des ambitions de l’AC Siena, qui se voit refuser le droit de disputer la Serie C pour la saison 2023-2024. A sa place, le tout nouveau Sienna Football Club, créé à l’initiative du conseil municipal, représente la ville sur les terrains de football. Mais le projet de stade semble avoir été définitivement oublié.

19 réflexions sur « AC Siena : un stade sous terre pour un club qui s’enterre »

  1. Oh… Dommage que ça n’ait jamais été autre chose qu’un projet d’architecte
    Ca aurait été stylé en vrai, et surtout, ça aurait été une bonne impulsion vers une rénovation générale des stades en Italie, qui on doit le reconnaitre, sont dans l’ensemble franchement horribles avec le côté « full béton » + « tribunes à 10km du terain ».
    Le style d’animation italien est tellement beau en plus… Quel gâchis d’avoir des stades pareils !

    Franchement, à par le Juventus Stadium (qui est super, vraiment ! C’est du vécu), et à la rigueur San Siro, Marassi à Gênes, celui de Udine et de Cagliari, tous les stades Italiens sont des purges !

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    1. C’est subjectif évidemment mais je suis assez d’accord avec ton commentaire et les stades que tu cite…

      J’ajouterais néanmoins Bologne, qui a une enceinte mythique à l’histoire particulière (un article l’a d’ailleurs déjà survolé sur P2F (de Verano il me semble)) et se lance désormais dans un beau projet de stade, ou plutôt un projet de beau stade (sorte de peau neuve du Dall’Ara).

      J’imagine que tu exclu volontairement le San Paolo (désormais rebaptisé Diego Armando Maradona) de Naples et le San Nicola de Bari (béton et tribunes lointaines)? À moindre mesure mais dans le même style le Bentegodi de Verone, le Renzo Barbera de Palerme ou encore le Via del Mare de Lecce? C’est vrai qu’il y a peut-être une trop importante notion de « courant d’air » qui plane dans les trop grands espaces hélas souvent laissés vides de ces stades, c’est parfois froid alors que l’atmosphère sent très fort (surtout pour les deux dernières arènes citées ci-dessus) le souffre des volcans du Sud et que l’ambiance y est bouillonnante jusque dans les divisions inférieures, infernales ai-je envie d’insister, où ces clubs au destin « Orphéen » échouent malheureusement trop régulièrement…

      Puis-je te suggérer le San Filippo de Messine, une espèce de « Marassi sicilien » assez spécial… Aussi l’Arigis de Salerne et enfin le vieil Artemio Franchi de Florence en guise de réconciliation avec l’indémodable touche de vétusté des stades italiens.

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      1. Ah ah, je sens en toi, @calcio, un attachement à ces vieux stades italiens, construits pour certains à une période peu glorieuse de l’Italie, vétustes et inconfortables. Et je partage ce sentiment ! J’ai de l’attachement pour ces enceintes entourées de pistes d’athlé, non couvertes. J’espère que certains stades vont résister au temps et aux projets de modernisation, comme des vestiges du passé. Si c’est pour avoir des stades à l’architecture uniforme comme celle du Juventus stadium par exemple…

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    2. @Xixon sur le papier le stade est beau et intéressant.
      Mais si tu prends en compte l’immense parking situé au-dessus et le trafic nécessaire pour amener 20 000 spectateurs (ou même 10 000 si le club n’attire pas les foules), tu dénatures totalement la campagne toscane et je ne suis pas sûr que ce soit une si bonne idée.

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      1. Oui effectivement, vu comme ça t as raison…
        Pareil j trouvais le projet assez beau. Une bonne idée même de pas défigurer un paysage comme ça.

        Avec des routes et un parking c zst tout de suite moins joli.

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  2. Sienne est d’une beauté rare. Je conseille cette ville à tous. Et ils ont une tradition de construction originale.
    https://siena.guidatoscana.it/fr/storia-arte-cultura/piazza-del-campo.asp
    La Piazza del Campo, au centre de la ville, est en forme de coquillage, en forme de creux par rapport au reste du centre. C’est d’ailleurs là que se finit la fameuse course des Strade Bianche, l’informel sixième monument.

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  3. Au niveau sportif, Sienne a connu un rebond au foot dans les années 2000 avec l’époque Chiesa mais c’est surtout au basket qu’ils ont été ultra dominants. Sienne a été 8 fois champions d’Italie de 2004 à 2013, est allé 4 fois au Final Four sur la même période. Sauf qu’en 2014, c’est la banqueroute et on découvre des fraudes de l’odre de 90 millions. Somme énorme pour le basket européen. Après enquête, ses deux derniers titrés de champion d’Italie seront annulés.

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    1. Salut Gaston, Montepaschi soutenait justement l’equipe de basket pendant sa domination sur la pays. Montespaschi Siena était le nom de l’equipe. Très fréquent depuis des décennies que le sponsor principal des equipes basket pros intègrent la marque dans le nom de l’equipe. L’Olimpia Milano a du changer plus de 10 fois d’appellation. D’ailleurs, l’Olimpia est appelé Emporio Armani Milan de nos jours puisqu’Armani en est le propriétaire.

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      1. Le Benetton Trevise, c’est plutôt Kukoc. Rigaudeau jouait au Kinder Bologna!

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  4. Merci Modro.

    Comme le thème est foot et architecture, j’en profite. Il se trouve que les travaux d’aménagements du stade de l’Austria Lustenau (club partenaire de Clermont) sont prévus pour commencer en novembre. Une petite capacité certes, mais un projet intéressant, puisqu’il est l’œuvre de Bernardo Bader (associé au sud tyrolien Walter Angonese), un architecte bien connu du Vorarlberg (dont l’architecture est célèbre dans le monde entier comme toute personne de qualité le sait). Un projet où le bois aura la part belle.

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  5. Pour l’anecdote, Marassi, à sa rénovation pour le Mondiale, certaines places ne permettaient pas de voir le terrain, et San Siro avait été rebaptisé San Sabbia au même moment tellement son réaménagement avait pourri la pelouse (pas assez de lumière, pelouse se désagrégeant…)

    Pour ce projet, j’étais en train de rêvasser à l’arrivée du public par des tunnels de quelques kilomètres pour ne pas gâcher le paysage -mais les tunnels n’ont pas bonne presse en ce moment.

    Sinon, j’en appelle aux maîtres-ès calcio 🙂 , je crois que le Juventus Stadium est le seul en Italie qui soit la propriété du club et non de la commune (avec l’ancien Filadelfia du Torino, qui joue cependant au stade Olympique de Turin), ceci expliquant cela quant à leur agencement ?

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    1. Hummm, je pense que les rénovations récentes de quelques stades se sont accompagnées de changements de propriétaires : le Friuli d’Udine et le Gewiss de Bergame appartiennent aux clubs, sauf erreur.

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