(Deuxième portrait d’une série de cinq, consacrés à des footballeurs pas tout à fait comme les autres… Aujourd’hui, le docker sandiniste et activiste social hambourgeois Volker Ippig)
Si l’on stigmatise bien souvent, à tort, les 1980’s comme ayant marqué l’avènement des années-pognon, c’est en oubliant surtout que cette décennie fut probablement celle, aussi, de l’émergence des dernières utopies, et plus accessoirement du plus légendaire des footballeurs radicaux à avoir jamais été produits : le gardien du FC Sankt Pauli Volker Ippig.
Occasionnellement, Ippig interromprait sa carrière pour oeuvrer à du travail social ou pour rejoindre un camp militaire sandiniste au Nicaragua. Etroitement lié à la scène hambourgeoise du squat, il s’impliquerait conséquemment dans la défense des maisons occupées de la légendaire Hafenstraße. Toute sa carrière durant, enfin, il saluerait les supporters de Sankt Pauli avec un poing dressé. C’est à ce portrait que nous vous invitons aujourd’hui, tel qu’il fut originellement dressé en 2005 par le journaliste allemand Rainer Schäfer parmi les pages des « Morts-vivants du Millerntor : le suicide du FC Sankt Pauli et l’histoire de ses supporters bien vivants », elles mêmes reprises en 2011 par l’activiste anarcho-gauchiste Gabriel Kuhn dans son (pour le moins militant) « Soccer Vs the State – Tackling football and radical politics ».
« Cette distance a du bon. »
Ces derniers temps, on ne peut pas dire que Volker Ippig ait beaucoup parlé du FC Sankt Pauli. Il est même évident que la fin de cette relation longue et intense a laissé de profondes blessures, du genre qui réclament certain temps pour se refermer. Or faire semblant n’a jamais été le fort de Ippig. C’est qu’en définitive, dit-il : « les mécanismes qui ont fait tomber le club perdurent encore aujourd’hui, sur le plan sportif comme sur le plan personnel. »
Au total, Ippig aura été impliqué dans le « Projet Sankt Pauli » pendant près de quinze ans. Nonobstant l’une ou l’autre brèves interruptions, il fut le gardien de l’équipe première de 1981 à 1991, puis reprendrait encore du service en 1999 : d’abord comme entraîneur des gardiens pour les équipes de jeunes, ensuite au sein des réserves puis de l’équipe professionnelle. Ce-faisant, Ippig contribua au retour du Sankt Pauli dans l’élite allemande en 2001, sous la houlette du manager Dietmar Demuth. Licencié par Demuth, puis remis en selle par son successeur Franz Gerber, Ippig quitterait le club pour de bon en 2003, après que le club eut essuyé deux relégations consécutives et échoué en troisième division.
Rien ne permet pour autant d’affirmer qu’il n’y retournera jamais. Pendant une décennie et demie, Ippig et Sankt Pauli semblèrent à tel point avoir été faits l’un pour l’autre, qu’il était inconcevable de les imaginer épouser chacun une voie distincte. C’est bien simple : nul autre joueur n’aura contribué, comme Ippig le fit, à construire l’identité du FC Sankt Pauli. A la fin des années 1980, c’est en effet sur sa personnalité singulière que les supporters du club fondaient surtout leur rêve d’un football qui fût différent et de gauche. Gratifiant toujours son public d’un salut des travailleurs, dos roide et poing levé, c’est essentiellement Volker Ippig qui aura fait de ce club, aux yeux du moins de plupart des observateurs, un modèle susceptible de participer d’un avenir meilleur pour ce football plus que jamais tenu pour aliéné et arraché à ses racines.
Art de la fugue
Ippig était un non-conformiste qui n’épousait rien des clichés de l’athlète professionnel. Son énorme talent et son ambition entrèrent en collision avec ses désirs d’accomplissement personnel, qu’il entendait bien aboutir idéalement de la manière qui fût la plus correcte possible.
Il vivait dans la Hafenstraße, l’un des squats les plus légendaires d’Allemagne, et abandonnait çà et là les confins de son grand rectangle pour travailler dans un institut pour enfants handicapés ou pour servir au sein d’une brigade de travailleurs au Nicaragua. Ou ainsi qu’il l’affirme encore aujourd’hui : « Je ne regrette rien de ces décisions, juste préciser que je n’ai jamais rien eu de ce grand idéologue qu’on a voulu voir en moi. Je me suis toujours apparenté plutôt à un libre-penseur. »
Sur les hauteurs du Winkel, ainsi que l’on nomme le paysage mollement vallonné autour de Lensahn, dans le Schleswig-Holstein, vit un type très particulier d’individus qui, quand ils décident de faire quelque chose, s’y tiennent toujours résolument. Lensahn compte 6000 habitants. C’est la ville où Ippig a grandi, et où il est toujours revenu. Son refuge. Là où il trouve l’énergie et l’inspiration. Et c’est aussi là-bas que tout débuta : les premières parties de football sur un vieux terrain de gravier, avant le début de sa relation avec le FC Sankt Pauli, quand il fut invité à y jouer pour la première fois avec l’équipe des aspirants.
Dès 1983, et quoique titulaire sous la direction de Michael Lorkowski en Oberliga, Ippig effectuerait pourtant son premier pas de côté. « J’étais fatigué de ne rien faire d’autre que du football. » Un an durant, il travaillerait donc dans une école maternelle destinée aux enfants handicapés, à Oldenburg. Et en profiterait pour se construire un cottage dans la forêt de Lensahn, où il passerait de longs weekends studieux. « C’était un endroit très spirituel. Chaque nuit j’allumais un feu, la forme primitive de la télévision. » Ippig y lirait Carlos Castaneda, tandis qu’il s’efforçait de trouver ses propres mondes intérieurs. « Tout cela dessinait un ascétisme aux motifs étranges, et aux couleurs fauves. Quand tu lis Castaneda, tu deviens léger comme une plume. » C’est dans la foulée de cette expérience mystique qu’Ippig se rendrait au Nicaragua, avant de s’en retourner finalement au Millerntor, dans l’enceinte infâme du Sankt Pauli.
« Je n’ai jamais planifié quoi que ce soit. »
Quand Ippig fut contraint de mettre un terme à sa carrière professionnelle en 1992, après avoir disputé 65 rencontres de Bundesliga, il était dans une impasse. Son dos n’était pas seulement devenu incapable de le soutenir plus avant dans sa carrière : il était aussi accablé par le poids du mythe. Avait-il la moindre idée de ce que lui réserverait la suite, et des moyens par lesquels y parvenir? Ippig avait été l’épitome romantique d’un football qualifié d’alternatif, et cependant la réalité s’employait déjà à le rattraper, désormais qu’il n’était plus qu’un ancien footballeur de 29 ans, physiquement diminué et « dont plus personne n’avait besoin », et que parallèlement les utopies sociales semblaient avoir non moins « perdu leur raison d’être ».
Aussi Ippig quitterait-il Hambourg en 1993, s’en retournant dans son Lensahn natal tel un ermite amer, abondamment barbu et imperturbablement vêtu d’une veste en peau de daim, « perdant même çà et là le goût de toute connexion humaine », en un isolement résolu où tout visiteur se voyait opposer irrémédiablement la porte. « J’ai passé de la sorte beaucoup de temps à réfléchir aux maux qui accablent ce monde. Mais il n’y avait guère matière qu’à devenir fou. »
C’est alors que le penseur Ippig entreprit d’embrasser la vie, bien qu’il ne se muât jamais en un noctambule ni en un ambianceur de bars. Selon ses propres mots, il réalisa avoir « besoin de recevoir et de donner des énergies positives ; la vie étant maintenant, ici et partout ». Son intérêt pour les thérapies naturelles, toutefois, ne serait jamais consacré par un diplôme. « J’étais probablement trop paresseux pour passer les examens. »
Quitte de sa quête illusoire de sens, Ippig retrouva le chemin du Millerntor en 1999, où il clarifierait aussitôt ses rapports avec le football et avec le FC Sankt Pauli : « Tout ce que je suis, c’est au football que je le dois. Mon coeur bat à gauche. Je chéris les valeurs sociales et communautaires, autant dire : tout ce qui est constitutif du capital du FC Sankt Pauli. »
« Qu’allons-nous faire aujourd’hui? »
Sur les terrains secondaires où il s’était vu confier le coaching des gardiens, Ippig ne tarderait bien sûr à sortir des sentiers battus, usant aussitôt de méthodes bien peu conventionnelles pour mener les joueurs du Millerntor sur la route présumée du succès, comme quand il agrémenta ses entraînements de séances de poiriers et de roues, de sorte de briser la monotonie. Les gardiens accueillaient ses méthodes tout comme des bambins eussent fait des tours de passe-passe d’un magicien : dans un mélange de joie, de curiosité, et de scepticisme. « Rester malléable, réceptif » : voilà comment Ippig décrivait les buts poursuivis par ses curieux exercices, « rester souple de corps et d’esprit ». Mais si ceux qui assistèrent à ces sessions concédèrent certes y avoir parfois pris du plaisir, ce ne fut jamais qu’au souvenir des combats qu’Ippig imposait à ses gardiens avec des poupées gonflables trouvées dans des catalogues pornographiques. Et que dire dudit « rituel du petit sac en cuir », qui voyait l’apprenti-guérisseur Ippig convoquer en fin de séance les joueurs souffrant de blessures bénignes, de sorte de pouvoir les soigner publiquement avec les substances homéopathiques contenues dans sa sacoche en cuir.
Sans doute était-il couru d’avance que ses méthodes innovantes conduiraient Ippig à sa perte, au sein d’un club dont les structures s’apparentaient chaque jour un peu plus à celles d’une vieille assemblée ennuyeuse. Parmi d’autres, un conflit singulier surgirait quand Ippig apporta son soutien public à Carsten Wehlmann, l’un des gardiens du groupe professionnel, qui ambitionnait alors d’être transféré chez les grands rivaux du HSV. Accusé de haute trahison par l’aile dogmatique des supporters du FC Sankt Pauli, Ippig ne serait toutefois nullement impressionné : « La moindre vache change à l’envi de pâturage, mais un membre du Sankt Pauli ne devrait jamais être autorisé à jouer pour le HSV? Il fut un temps où, moi aussi, j’étais capable de ce genre d’entêtements. Mais il revient aux mythes d’exploser comme des bulles. » Et ce tout particulièrement, peut-être, quand ces mythes en question sont les vôtres?
Si Ippig fit l’expérience de changements personnels très significatifs, une chose au moins sera toujours restée intangible : le dévouement et la créativité démesurés qu’il aura constamment placés au coeur de la poursuite de ses projets – et, conséquemment peut-être, l’incompréhension dont il aura souvent été l’objet. Son entraîneur principal Didi Demuth, par exemple, n’entendit jamais rien aux méthodes holistiques d’entraînement prônées par Ippig, lequel tenait la susdite « flexibilité mentale » pour non moins importante que la force physique, la coordination et la technique. Au final, le psychorigide Demuth obtiendrait même la tête du par trop alternatif Ippig, lequel objecterait que Demuth était précisément l’un de ceux qui avaient perdu pied avec la réalité identitaire du FC Sankt Pauli, après le retour inattendu du club en Bundesliga en 2001. Et qu’il était précisément, aussi, l’un de ceux qui, à la lueur de leurs népotismes et étroitesses d’esprit, avaient fini par rendre absurde la notion de club « différent » mécaniquement accolée au FC Sankt Pauli.
Expérimentations
S’il y eut et reste un autre motif récurrent d’irritation pour Ippig, ç’aura par ailleurs été à chaque fois que le directoire du club s’essaya à mobiliser les mythes du passé pour occulter les dysfonctionnements du présent : « Jadis, le Millerntor fut un laboratoire à ciel ouvert pour le football allemand, et l’on peut parler de modèle du genre concernant la relation étroite qui avait alors cours entre les supporters, les joueurs et les dirigeants. Pour cette époque-là, l’on peut affirmer que la relation était réelle. Mais aujourd’hui elle est orchestrée. Seuls subsistent le mythe désormais, beaucoup de brouillard, et beaucoup de blabla. »
C’est donc loin, à l’en croire, le mouroir voire l’imposture identitaires du FC Sankt Pauli, que Volker Ippig poursuit désormais ses chemins d’expérimentations et de traverse, arpentant les routes de l’Allemagne à bord de son « Ecole Mobile des Gardiens », dont il propose les services de sorte de participer du développement du goalkeeping à l’allemande, depuis les équipes de jeunes jusqu’aux pros. Car ainsi qu’il l’affirme : « Le niveau des entraînements techniques dévolus aux gardiens reste faible, même en Bundesliga. »
En juillet 2004, enfin, Ippig entreprenait son cursus en vue de décrocher son diplôme d’entraîneur à l’Université allemande du sport de Cologne. Autant prévenir le monde du football : celui-ci ferait bien de se préparer à l’irruption d’un entraîneur qui ne se contentera pas de reproduire une pratique, sous prétexte que celle-ci a toujours fait autorité…
Post-scriptum : Quelques mois à peine après la publication de cet article, en 2005, Ippig décrochait avec mention son diplôme d’entraîneur. En 2008, il parvint à faire monter le club de ses débuts du TSV Lensahn en Verbandsliga (6ème division du football allemand). En cette occasion, il décrira le match décisif de la montée comme « le moment le plus heureux de son parcours footballistique ». Aujourd’hui encore, Ippig poursuit ses activités à bord et à la tête de son extraordinaire Ecole Mobile des Gardiens, fût-ce concomitamment des contrats d’entraîneur qu’il parvient parallèlement à décrocher çà et là, comme en 2007 par exemple, quand il fut engagé par le VFL Wolfsburg (champion d’Allemagne 2009). Depuis 2008, Ippig complète ses revenus en travaillant sur les docks d’Hambourg, où il est affecté à l’arrimage des containers. Au mois de mai 2010, il défendit le but du FC Sankt Pauli All-Stars, lors d’une rencontre de gala l’opposant au FC United de Manchester, à fins de célébration des 100 ans d’existence du FC Sankt Pauli. Désormais âgé de 60 ans, il vit toujours avec sa compagne et ses deux enfants à Lensahn.
Pour commencer la journée, la chanson de Carlos Mejia Godoy qui est un peu l’hymne des Sandinistes.
https://youtu.be/yp7-nWslZe0?si=Kn3yQ6Whc3AxzydC
Ippig a travaillé dans une école pour gamins handicapés? Une sorte d’IME, j’imagine… Je ne connais pas trop les modes de prise en charge en Allemagne. Juste pour voir les différences avec la France.
Je n’en sais pas plus : Ippig est quelqu’un qui se raconte peu, et j’ignore tout du système allemand (a fortiori ouest-allemand du tout début des 80’s) en la matière, désolé.
Je dis peut-être une bêtise mais le milieu squat était aussi très fort à Berlin au moment de la réunification.
Oui, bien sûr. Dans le fameux quartier du Kreuzberg, tout particulièrement. Mais à Schöneberg aussi.
Lequel quartier avait aussi en commun, avec la Hafenstrasse, d’être lui aussi un foyer insurrectionnel. De fameux brics à brac où se côtoyaient simples marginaux, utopistes de l’occupation de bâtiments à l’abandon, activistes +/- violents..
Le troisième épicentre de cette contre-culture fut sans doute Francfort. En 81, les squatters sont légalement (code civil) criminalisés à travers toute l’Allemagne. Mâtiné de bain insurrectionnel estampillé RAF, et à mesure que la médiasphère Axel Springer s’échine elle aussi à salir et à criminaliser les squatteurs, tous mis dans le même panier que la Bande à Baader, le mouvement se radicalise, il y eut des émeutes violentes dont Ippig fut assurément un témoin direct.
Schöneberg me semble avoir été le quartier originel de Einstürzende Neubauten. Un groupe qui, pour ses tout débuts, va bien avec le climat apocalyptique de l’époque, Cf. notamment l’idée de « stratégies contre l’architecture », critique sociale portée contre la super-structure, contre la violence et l’illusion (infra)structurelles.. C’est aussi un discours sur ces démons du passé que l’Allemagne post-war préféra pudiquement couler dans le béton de la reconstruction, d’où l’idée de déconstruire pour reconstruire sur des bases plus saines, moins vérolées.. La photo en port-folio m’y fit penser, tout cela fut et reste raccord avec le malaise existentiel de bonne part de la jeunesse ouest-allemande à l’époque, et d’évidence avec la quête permanente de sens qui anima Ippig, avec l’ennui et le malaise qu’il ressentait.
Quitte à évoquer les bruitistes post-punks de EN : c’est anecdotique mais leur pictogramme est visible à compter de 16:20, dans la vidéo que je proposais plus bas.
Les murs grouillent de références, un jeu de pistes, comme des hiéroglyphes.
Alexis Argüello, qui est un des plus grands boxeurs latinos et le plus grand sportif du Nicaragua, a une histoire trouble avec le mouvement. Il semble premièrement avoir été contre, après avoir vu ses biens réquisitionnés et un de ses frères assassinés par les Sandinistes, pour par la suite, se faire élire maire de Managua sous bannière sandiniste.
Arguello en action
https://youtu.be/QY8qSnMw5Qc?si=R0MpGWNXrR82gghY
Encore un joueur que je ne connaissais pas. On l’imagine évoluant au sein d’un univers un peu incertain, foutraque, disons à la Fassbinder, dans la RFA bien ordonnée du SPD et de Helmut Schmidt ! Merci pour le voyage, Alex.
Foutraque mais aussi, dans le cas Ippig : résolument expérimental et généreux. Tout de son parcours est questions, interrogations, pistes explorées..en vue qui sait d’un mieux. Et j’aime encore bien ce genre de types qui se refusent à se contenter de l’existant, s’autorisent à le remettre en question..et surtout à proposer d’autres choses!
Dans son acception, l’article ici traduit (!) le dit : son Sankt Pauli était et eût dû rester un laboratoire, un bouillonnement.
L’article n’est donc pas tout à fait de moi, d’ailleurs j’ai eu du mal à essayer d’arrondir ni trop ni trop peu les angles « stylistiques » du papier d’origine, c’était d’un roide et d’un sec, bbrrrrr..mais vu le regard désabusé (et d’autant intéressant) de l’icône ultime Ippig sur la question du FC Sankt Pauli, je préférais privilégier la traduction d’un article, d’un auteur..et de publications dont l’on ne pourra certainement pas dire qu’ils sont anti-gauchistes.
Ah oui, lesdites « Maisons de l’Amérique », Cf. commentaire attaché à la deuxième photo de cette Hafenstrasse où squattait Ippig……… ==> Revoir « Les trois jours du Condor », c’était ce genre de truc. Des couvertures du renseignement et du soft-power US.
Si vous avez 20 minutes devant vous, pas une de plus, voici un document à voir absolument pour s’immerger dans ces années Hafenstrasse (je traduis : la « rue du port »). La maîtrise de la langue de Goethe est accessoire, dispensable même : c’est en mode No Comment et se suffit à soi-même. Toute jeunesse postérieure à ces années 80-là est susceptible d’y découvrir un monde nouveau, émasculé depuis lors :
https://www.youtube.com/watch?v=VUkEwHqXltI
Foutraque, oui..mais utopiste aussi, tendu, les barricades n’étaient pas en papier.. ==> C’est de la guérilla urbaine (fût-ce à grands renforts de dérision et de moyens dérisoires : boules de neige, chambrages divers et variés, quelque Mère Michelle opposant son art lyrique du pavé à la maréchaussée, etc..), la dimension communarde est palpable, fût-elle soft. Et cependant, à considérer la disproportion des moyens déployés pour mâter cette subversion-ci, il y a vraiment matière à penser que, si soft fût-elle, elle était tout de même parvenue à mettre le doigt quelque part où ça fait mal, dans son activisme critique de l’ordre bourgeois et de certaine « saine hypocrisie ».
Sous nos latitudes et depuis des décennies, quel utopisme peut en dire autant désormais?
Et, en l’espèce : quel autre footballeur depuis Ippig?
Même si la société a évolué et n’a plus grand chose à voir avec ce qu’elle était dans les 80es, il reste quelques footballeurs militants. Je pense à Thomas Monconduit (je ne sais même plus s’il joue encore) qui avait soutenu Ruffin quand il jouait à Amiens. Il est issu d’une vieille famille communiste, je crois me souvenir que sa mère ou grand mère s’appelait Muguette, un prénom qui fleure le Front Populaire eh eh. Ça m’avait marqué parce qu’une cousine de mon père avait ce prénom que je n’avais jamais entendu ailleurs.
J’ai connu 2 Muguette! Ce nom m’a toujours fait sourire!
Muguette, c’est charmant comme tout, j’aime bien 🙂
Monconduit (esprits mal tournés s’abstenir) et Ruffin, oui.. Mais bon : un Ruffin est-il si radical? L’hyper-radicalité n’est pas forcément souhaitable, ou peut-être l’est-elle??, je n’en sais rien..mais lui, sans douter de sa sincérité, je le vois un peu beaucoup comme une soupape quand même.
Tu me fais penser que, par ses stratégies d’occupation/réappropriation de l’espace, ce pan « insurrectionnel » de la RFA de ces années-là pourrait à certains égards faire penser à des Gilets Jaunes..mais alors à des Gilets Jaunes qui eussent développé un univers parallèle total : vestimentaire, musical.. des façons d’être aussi.. ==> Reconnaissables entre mille.
Des codes contre-culturels se mirent en place à compter de fin 70’s, qui allaient plus loin que le seul ralliement symbolico-vestimentaire vu chez les gilets jaunes – lesquels n’en ont pas eu le temps peut-être (cette réaction qu’ils durent essuyer..).
Concernant cette contre-culture subversive ouest-allemande des 80’s, je n’oublie toutefois pas que la lame de fond était très variée en termes de profils et de personnalités : ce mouvement comptait de nombreux sympathisants voire soutiens parmi des gens tout ce qu’il y a de plus normal en apparence (les profils déglingos/marginaux sont ce que l’on retient car mis en avant par la presse-système, et parce que c’est parmi eux que se trouvaient généralement les cas les plus virulents…….mais il y avait aussi, par exemple, pas mal de retraités qui n’avaient plus rien à gagner ni à perdre au contact du modèle dominant, insensé, mortifère..et désormais toute latitude donc pour le rejeter).
Superbe découverte! J’ai beau connaître Sankt Pauli, je ne pensais pas qu’un tel joueur ait existé si tard.
Dans un autre club très marqué à gauche, Livourne, il y avait bien Cristiano Lucarelli. Un des derniers joueurs militants et totalement libre. Qui a certes pris quelques chèques mais qui s’en foutait bien de ce qu’on allait penser de lui.
J’écrirais sûrement un truc sur lui, un jour!
Dans le susmentionné « Soccer Vs the State – Tackling football and radical politics », où fut compilé cet article et dont un exemplaire traîne à côté de mon pied, le chapitre suivant celui consacré à Ippig l’est à..Lucarelli.. 😉
Cet ouvrage est la parfaite petite encyclopédie de l’activisme gauchiste en football, tout y passe : LGBT, racisme, autogestion (laquelle a davantage mes faveurs)……….. ==> Je l’ai quand même acheté à sa sortie!, je ne suis point si obtus même si, instrumentaliser un jeu, cas d’espèce, bbrrrrr…. ==> Son auteur-compilateur, ledit Gabriel Kuhn, est vraiment loin d’être ma came! Et c’est la dernière fois que je traduis plutôt que ne produis!, pour une fois je tenais à n’être qu’un relais mais le style/logos allemand, bbrrrr..!
Merci, bel article.
Au risque d’être désagréable, ça fait déjà belle lurette que St. Pauli est un club de clowns. Le pompon, ces supporters, qui pensent lutter contre le capitalisme avec Jack Daniel’s et Levi’s.
La poignée de fans, qui a contribué à construire l’image du club s’est barrée supporter Altona, dans les divisions inférieures.
Vous ne m’êtes en rien désagréable, gentleman. Tu prêches même un convaincu – bien que tu m’apprennes pour Altona.
Tiens : as-tu vu ma demande d’article, en arrière-boutique?
Nan, de quelle demande s’agissait-il ?
Je te relance en MP, Senor.
Bon ben j’y arrive pas, pas doué, lol.. Je sollicitais donc un article sur les Autriche-Hongrie de naguère, seul affrontement traditionnel d’Europe continentale qui le dispute historiquement à celui de mes basses terres.
Je vais le mettre sur ma liste de sujets alors. Enfin, il faudrait déjà que je traite ceux en retard. Ça prend des allures de pile façon Gaston Lagaffe.
Le quartier est en voie de « gentrification » avancée. Habiter Sankt Pauli devient très tendance : les ouvriers, dockers, employés de bureau et prostituées sont remplacés par des avocats, architectes et personnes bien « propres » et bien friquées.
Et le stade même abrite maintenant (après rénovation) une tribune VIP bien clinquante alors qu’elle n’était qu’un austère cabanon bordé de fûts à bière et ravitaillé en saucisses par un train électrique.
J’ai bien peur que la montée probable en 1. Bundesliga l’année prochaine accélère le processus et le besoin de flouz condamne définitivement les idéaux sociaux du club.
J’ai connu ça il y a gros 25 ans : la gentrification du quartier (un Christiana soft, très bohème), des architectes d’abord..mais souvenir surtout de ma voisine, employée sinophone à la Commission européenne : elle rachetait progressivement tout au petit vieux désintéressé qui avait possédé la moitié du quartier mais qui, pendant des décennies, avait permis à quiconque (surtout des étudiants fauchés, d’anciens tox, des alcoolos, des artistes et de vieux hippies, beaucoup d’étrangers primo-arrivants aussi, de marginaux, des homosexuels, des petites vieilles aux trois quarts folles, etc.. ==> C’était ce genre de faune) de s’y loger pour trois fois rien. Et c’était formidable, rétrospectivement rien à jeter de ces années.
Le quartier avait (et garde!) un potentiel immobilier extraordinaire, à 2 minutes à pied et en surplomb de Liège quoique entouré de nature, le bâti y date pour l’essentiel du 17ème siècle, endroit absolument charmant et dans son jus, bref cette voisine active à la Commission était persuadée d’avoir fait un investissement en or..sauf que!
De 1) L’ancien proprio bétonnait le moindre contrat de cession : interdiction formelle de chasser quiconque, non moins que d’augmenter (et même d’indexer!!!) les loyers dérisoires que, pour certains d’entre nous, il demandait depuis des décennies. Au tournant de l’an 2000, je crois que je payais 250EUR/mois pour un 80m2, avec vue imprenable sur la place principale de la ville…… ==> De quoi rendre fou le moindre agent immobilier! 🙂
De 2) Quasi-tous ces bâtiments, quoique pour d’aucuns insalubres, étaient inscrits au registre du patrimoine, protégés………….
Au final, c’est à peine si le quartier a changé. Pas bcp plus gentrifié qu’il y a un quart de siècle, certes manifestement moins rock’n roll mais ça va.. Et sa vie associative me semble toujours au top, malgré le décès du vieux proprio voire, surtout, des deux voisins qui fin-70’s début-80’s avaient été aux manettes de, allez, l’alter-communautarisation/redynamisation du quartier. L’un d’eux redoutait pourtant que ça ne parte en couilles mais, pas grave : « on recommencera ailleurs », disait-il. Ce que j’avais trouvé formidable, et qui suggérait qu’il n’en avait pas été à son coup d’essai.
Quant à l’employée de la Commission? Ben elle a fini par partir!
Bonne année PintedeTeuf!
Des bises à tous!