Rétrospective 2023 : notre moment de football de l’année

Notre site, fondé en septembre 2022, voit s’achever la première année pleine de son existence. Comme nombre de ses homologues, la rédaction cède à la tradition du retour sur les douze mois écoulés pour nommer le fait de football qui l’a le plus marquée en 2023. Loin de nous limiter au terrain, nous avons considéré tout ce qui avait un rapport direct avec notre sport favori. Un débat soutenu mais courtois, agrémenté des boissons qui conviennent à une équipe qui sait joindre l’utile à l’agréable, a fait le reste pour désigner « le » fait marquant.

Dans notre petit monde, la moindre des choses n’a pas été d’avoir su tenir la cadence d’une publication (presque) quotidienne. Pas de fusillade circulaire ici, plutôt des félicitations réciproques pour avoir réussi à faire vivre l’esprit Pinte 2 foot. Entre un reportage déjà légendaire sur la guerre des nouilles en J-League, le recueil (en tchèque, s’il vous plaît) des confidences de l’immortel Antonín Panenka, ou encore une feuille pleine d’érudition et de nostalgie sur l’histoire du football dans l’Empire ottoman, sans compter tant d’autres papiers dignes d’éloges, les rédacteurs et la communauté de nos contributeurs occasionnels ont placé la barre à une belle hauteur. À l’échelle du cosmos, des broutilles ; pour nous, de petites mais réelles fiertés.

En l’absence de grands tournois chez les hommes et de grands moments à la Coupe du monde féminine, 2023 n’a pas été un grand cru. Tout n’était cependant pas à jeter ; par exemple, notre expert attitré ès Balkans a fondu pour la performance du TSC Bačka Topola en Superliga serbe. Voir ce poids moyen de la Voïvodine terminer deuxième, devant l’historique Vojvodina Novi Sad et surtout le Partizan, n’est pas commun. Qu’importe un financement par l’État hongrois dans le but pour Viktor Orbán d’acheter les faveurs de sa diaspora : le slivovitz a coulé plus encore que de coutume du côté du FK TSC Stadium.

Un peu plus près, nous avons pris note du parcours du Luxembourg en qualifications de l’Euro 2024. Bien qu’ayant encaissé 15 buts en deux matchs face au Portugal, cet éternel faire-valoir est allé battre deux fois la Bosnie et grappiller les points qu’il fallait ailleurs pour finir troisième de son groupe. L’aventure n’est pas finie avec un barrage à venir qui pourrait propulser les Lions Rouges vers un sympathique destin à l’islandaise, clapping en moins. Le FC Séville, vainqueur de sa septième Ligue Europa malgré une saison ratée en Liga, mérite aussi mention.

Dans l’Hexagone, la descente aux enfers de l’Olympique Lyonnais a marqué nos esprits, et ce quelle que soit l’issue encore incertaine de l’annus horribilis des Gones. Nous n’avons pas non plus été insensibles à la victoire du Toulouse FC en Coupe de France qui a mis fin à 66 ans de disette pour les Violets de la Ville Rose, sortis le temps d’un tour d’honneur de l’ombre gigantesque des rugbymen du Stade. Mais s’il fallait retenir une performance de club, ce serait pour nous celle du Napoli de Spalletti, vainqueur de son premier Scudetto depuis l’ère Maradona après une fantastique saison (90 points !) et fort honorable quart-de-finaliste de la Ligue des champions.

Ce sont parfois les départs qui marquent les esprits. Pelé, disparu le 29 décembre 2022, a « manqué » la fenêtre de cet article pour trois jours. Sir Bobby Charlton, décédé en octobre dernier, a recueilli notre respect unanime pour son courage après la catastrophe de Munich et la classe absolue qu’il incarnait sur le terrain comme au-delà. Nous avons aussi retenu Just Fontaine, parti en février, qui n’est toutefois dans les souvenirs de visu que d’un seul d’entre nous. Le lecteur, qui sait que le cœur de la rédaction bat en majorité pour les Latins, ne sera cependant pas surpris de nous voir mettre en avant la mort de Carlo Mazzone en août. Cet immense coach plus qu’authentique, recordman de présence sur un banc de Serie A, père spirituel et tactique des plus grands fantasisti italiens des trente dernières années (Totti, Pirlo, et bien sûr Roberto Baggio), personnage aussi entier qu’attachant, honoré à son décès par Pep Guardiola lui-même, maître, mentor, et véritable « pape du peuple » à la fois, est entré par la grande porte au paradis des footballeurs.

Au-delà des choses du terrain, notre sport préféré reflète toujours un peu de la société qui l’entoure. À ce titre, la rédaction a été unanime à saluer le changement d’attitude quant au sexisme dans le football. Entre le sondage-choc de Sky Sports qui révèle qu’une spectatrice sur cinq a été victime de comportements inappropriés au stade, la parole libérée sur les agressions sexuelles (mains baladeuses, séquestration glauque dans des toilettes, palpations « de sécurité » au-delà de la limite…) dans trop de stades en France, ou l’affaire Rubiales qui a vu la foudre s’abattre sur un chefaillon qui se croyait intouchable, 2023 a été l’année où les tolérances douteuses d’autrefois ont cessé de « passer crème », et c’est tant mieux. Il reste cependant beaucoup à faire, à commencer par le terrain où le coup de pression de Nemanja Matić (1,94 m) sur l’arbitre Stéphanie Frappart (1,63 m) pendant Rennes-Lyon a prouvé que le message n’est pas arrivé partout.

L’entrée en force de l’Arabie saoudite dans le cercle d’influence du football mondial, avec les milliards dépensés pour attirer de grands joueurs vers la Saudi Pro League et l’organisation de la Coupe du monde 2034 décrochée sans combattre, nous a également marqués par ses allures de changement d’ère. L’Amérique du Sud ayant cessé depuis longtemps de faire contrepoids à une Europe des clubs devenue toute-puissante, voilà qu’un ambitieux sûr de sa force nouvelle vient relever le gant. Toute ressemblance avec l’URSS, les États-Unis, et la Chine est évidemment fortuite, mais c’est bien cette année que le XXIème siècle multipolaire du ballon rond a commencé. À terme, les investissements colossaux des Saoudiens finiront par payer, et la Coupe du monde des clubs qui débute en 2025 pourrait venir égaler, voire supplanter, la Ligue des champions en tant qu’épreuve-reine du football de club. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne de mettre fin au monopole de la FIFA et de l’UEFA sur l’organisation des compétitions a elle aussi les apparences d’un joli tremblement de terre, mais il est encore trop tôt pour juger de ses effets.

Hélas, hélas, c’est au terrain et à la rue qu’il faut revenir pour désigner l’événement le plus marquant de 2023 pour la rédaction, et pas en bien. La montée de la violence dans les stades est un triste chapitre de cette année placée sous le signe du malheur où qu’on regarde. À force, on s’était habitué au bruit de fond du hooliganisme en Europe de l’Est ou des « exploits » à répétition des barras bravas argentines. Mais ces douze derniers mois, la vague a frappé la France de plein fouet : agression d’un joueur par un spectateur pendant Bordeaux-Rodez, jet de pétard sur le gardien clermontois à Montpellier, caillassage impuni et parfois excusé du bus de l’OL à Marseille avec blessure de Fabio Grosso à la clé, mort d’un supporter poignardé à Nantes… L’intérêt du public ne peut qu’en pâtir : quand notre rédacteur-supporter des Girondins évoque « une cassure dans la passion que j’ai pour le club que je supporte depuis toujours », il est sans doute loin d’être le seul. Ailleurs en Europe aussi, la situation semble aller de mal en pis, avec les débordements récurrents des ultras du Hansa Rostock, le huis clos général décrété en Grèce après une enième bataille de rue à Athènes, ou encore l’agression récente d’un arbitre par un dirigeant en Süper Lig turque… Comment s’étonner que le football ne soit pas épargné par la crispation générale qui gagne le continent, comment ne pas le déplorer… et comment faire, à notre modeste niveau, pour aider à trouver une solution ?

Une année s’achève, une autre commence. Faisons de 2024 l’objet de nos espérances pour que la fête revienne sur les terrains et autour. Un Girona, un Luxembourg, ou un Greifswald ira écrire une belle histoire. On saura trouver l’équilibre entre la passion du public et la répression nécessaire des fauteurs de trouble. On continuera à faire reculer les attitudes inadmissibles envers les femmes dans le football. On relatera avec révérence les faits d’anthologie de géants du terrain ou du banc au moment de leur retraite. On savourera la haute qualité du jeu en Ligue des champions, quand bien même le dernier carré de celle-ci serait trop habituel pour vraiment donner le frisson. On vibrera devant les écrans d’un Euro qui s’annonce palpitant et pourrait bien réserver un nouveau triomphe à nos Bleus. Et dans la rédaction de P2F, on portera haut l’esprit qui est le nôtre et que nous vous souhaitons, cher lecteur, de venir et revenir partager !

Cassez la baraque sur le terrain, pas autour !
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46 réflexions sur « Rétrospective 2023 : notre moment de football de l’année »

  1. Magnifique.
    Simple, souple… fluide, plaisant bien sûr et surtout agréable… Tout y est sauf le facile surplus, la main lourde de la surenchère ou encore l’habituelle tendance à l’excès, cette dernière pourtant d’ordinaire si propice aux tables de fin d’année.
    Félicitations à l’auteur pour ce fin et délicieux résumé formidablement bien écrit.
    Merci à P2F et à tous ses contributeurs pour l’espace d’expression et d’évasion sans cesse fidèlement proposée.
    Excellentes fêtes de fin d’année à tous et meilleurs vœux pour le nouvel an à venir.

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      1. 2023 mon partage de « Nicola, Davide contre Goliath »,? J’aurais dis plus vieux…
        g-g-g t’es vraiment le meilleur ! Merci encore

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  2. Un bel événement de 2023 hélas omis ici: la fin de carrière du joli gitan « Joaquin Phoenix » Joaquín, dans son beau Estadio Benito Villamarin et bien sûr sous les couleurs toujours vives de son Betis de Séville bien aimé…

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    1. Joaquin, c’est ma jeunesse. Nous avons quasiment le même âge. Je me souviens d’amis beticos qui me parlait d’un talent particulier dans la catégorie juvenil, c’était lui. Joaquin est incontestablement le plus grand joueur du Betis de ce millénaire. Mais sur l’ensemble, il doit céder la place à Gordillo. Me suis maté récemment des matchs de la Roja des années 80. Ou du Betis à la même époque. Gordillo était à un niveau supplémentaire. Gordillo a joué 10 ans avec la Roja, de 78 à 88. Et les 7 premières sont en tant que betico. L’euro 80, le Mondial 82, l’Euro 84, sont en tant que betico. Pendant quelques saisons, Gordillo était un des meilleurs joueurs du continent. Ça n’a jamais été le cas pour Joaquin.
      Gordillo avait une activité dingue, aussi doué en défense qu’au milieu. Après le Buitre, je vois pas de joueur espagnol plus important que lui sur la décennie 80. Camacho peut-être. Mais aussi consistant et fiable?

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      1. On va bientôt parler dans ces colonnes de José Antonio Reyes dont khia nous a confirmé qu’il était en quelque sorte le double de Joaquín « en face », au FC Séville, avant son départ pour Arsenal. Là aussi, il y a un bel article genre « destins parallèles » à faire !

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      2. Le problème de Reyes, c’est qu’il a perdu très rapidement sa percution. Et est devenu un joueur random plus. Joaquin n’a jamais été le plus rapide mais a toujours essayé d’être créatif. Il n’a jamais eu peur de tenter, même à la quarantaine. C’est ce qui fait son originalité.

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      3. Joaquin, j’adore……………………… Je me fous comme de l’an 40 de sa longévité, ça ne rentre pas une seconde dans mon acception du joueur : je l’adore tel qu’il est, tout simplement.

        Pas pour te donner raison mais, a contrario : Reyes m’a toujours laissé froid.

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      4. Joaquin est typiquement le mec qui a suivi son destin. Quand il commençait à flamber et que Chelsea, qui commençait à être une armada, le désirait, il a choisi Valence. Pour la dernière belle génération de Valence à mon goût mais ça voulait tout dire. Par la suite, tu aurais pu te dire qu’il avait eu le nez fin en rejoignant le nouveau riche de Malaga. Ca a tenu deux saisons. Idem avec la Fiorentina qui est le club romantique-maudit italien par excellence.
        Sans compter que Joaquin aurait du faire partie de la grande génération de la Roja. Mais non, il a chosi d’être une idole des périphéries. Joaquin aurait joué de la même façon dans les années 60…

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      5. Rogelio à gauche, Joaquín à droite, Cardeñosa, Del Sol et Gordillo au milieu, on n’est pas loin d’avoir les 5 plus grands beticos de l’histoire.

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    1. Juste en profiter pour me permettre un « bémol » (façon de parler!), à titre perso : ne pas hésiter à nous rentrer dans le lard!!!, réagir….. ==> Je crois que personne ici n’a prétention à avoir la science infuse (même si, sur pas mal de sujets, je crois qu’on pourrait remonter les bretelles à plus d’un journalistes encartés..)

      Que du bon a tutti.

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      1. Et pour compléter Alex… Chacun à son expertise ou culture foot mais on est tous légitime à donne une sensation. C’est ce que nous a donné envie de faire ce site. Permettre la création qu’elle soit…

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  3. Bravo, et énorme travail des principaux contributeurs, que l’on ne citera pas, par pudeur
    Il y a des sites où les gens passent leurs vies à troller (y compris moi), et il y a P2F

    PS : Vous avez oublié Alfonso, parmi les joueurs iconiques du Bétis, non ?

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  4. Bravo pour ce bel hommage qui souligne votre passion, votre assiduité, et la qualité de vos articles sans faille.
    P2F est une bible, une mine d’or, dont je suis à chaque fois très fier d’en vanter les pépites à tout amateur de football que je croise.
    Longue vie à P2F et hourra aux prochaines aventures qui nous accompagnent au quotidien!
    Merci à tous!
    Vous assurez de ouf les amis.

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  5. Merci à vous et bonne année !

    Je viens ici avant tout pour m’évader (tant géographiquement que footballistiquement).

    J’espère que d’autres contributeurs viendront enrichir le site dans le futur.

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    1. Merci Ed.

      On a résisté à toutes les tentatives de déstabilisation et de corruption.
      Selon notre impresario 411VM, Betclic voulait absolument nous offrir une fortune pour faire sa pub, idem pour des sites de rencontres (les rédacteurs célibataires étaient très tentés jusqu’à l’administration d’une double dose de bromure). Le fric, pas pour nous, on vit de foot, d’eau fraîche et d’un peu d’alcool.
      Alphabet a failli relancer à lui seul Footballski mais a eu des scrupules à nous abandonner.
      Fred a été contacté par El Pais et Marca pour succéder à Alfredo Relaño, 72 ans, afin de donner un coup de jeune à leurs chroniques sur le foot d’autrefois.
      Pierre Arrighi a pu s’ouvrir les portes des Cuadernos de Fútbol à la suite d’une itw réalisée ici même par Bobby (véridique !). Ce même Bobby qui a failli ressusciter le Miroir mais a considéré que ce serait régresser après P2F.
      Triple G pourrait publier des billets au vitriol sur Kicker mais selon lui, les relecteurs allemands sont trop laxistes.
      Rui est le correspondant foot du Monde Diplo mais ça lui prend pas trop de temps, il est le seul à cumuler deux emplois.
      Xixon a refusé un poste d’ambassadeur au Japon malgré son amitié avec Manu Macron.
      Modrobily aurait pu être le biographe de Smicer mais non, il a renoncé à une fortune de droits d’auteur.
      Ajde a été plagié par un fanzine du RC Lens (a priori véridique) et grand seigneur n’a pas déposé plainte.
      Le grand inquisiteur de Sofoot ayant banni Alex s’est confondu en excuses et lui a proposé d’être promu Arbitre. Il n’a eu en retour que son dédain formulé à l’imparfait du subjonctif.
      Shakhtar nous a même proposé une merveille, à nous plutôt qu’à Lucarne Opposée (véridique).
      Calcio a décliné une parution de ses textes dans la collection de la Pléiade.
      Khia a eu des propositions pour devenir le community manager du TFC alors que Goozy était le probable successeur de Michel Cymes à la télé. Vous savez quoi ? Ils ont perçu une avance sur salaire qu’ils ont bu et ne se sont pas rendus aux rendez-vous d’embauche. Les mauvaises langues disent qu’ils ne se souvenaient plus du RDV…
      Sebek pourrait être un des mecs derrière les GAFA mais il s’en branle, gérer un site comme P2F, c’est l’avenir !
      Sans parler de Pig, Dip, Cebo, Robert le Bruce (un acteur porno célèbre en pleine reconversion) etc… qui nous font l’honneur de publier ici. Ed, n’hésite pas à proposer tes idées de texte !

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  6. Bonne fin d’année à tous! Je finis la mienne avec une grippe depuis 4 jours!!
    En tout cas encore une belle année sur ce site et une prouesse en laquelle je n’aurais pas cru en Août 2022, écrire un texte (de qualité) par jour. Bravo aux hyperactifs, aux plus occasionnels. aux anciens, aux nouveaux et à tous ceux qui rejoignent le site.
    Merci à ceux qui ont eu le courage de lancer le projet car aujourd’hui P2F est vraiment une superbe aventure!
    Vivement les prochains articles!!!

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  7. Merci pour cette belle année 2023, l’élite ! En espérant que 2024 soit du même acabit ; toujours un plaisir de lire des articles aussi divers qu’inédits, avec des envolées lyriques propres à chacun.

    J’ai pu retrouver des sujets footballistiques intéressants auxquels réagir après mon exclusion par le Guépéou sofootien ; d’autant plus lorsqu’on ne regarde plus de foot depuis des années (hormis quelques exceptions).

    Soyez sages ! 😎

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