Le Giro arrive à Salerno, là où évolue le défenseur argentin Federico Fazio. L’occasion d’évoquer un homonyme, un cycliste ayant connu la gloire en 1949.
En juillet 2019, alors qu’il est encore un joueur de la Roma, Federico Fazio consacre ses vacances à la visite de la Sicile, l’île de ses aïeux avant qu’ils ne fuient la misère des lieux pour grossir les rangs des Tanos[1] de l’autre côté de l’Atlantique. Sans originalité, Fazio sacrifie à la mode de l’époque en se mettant en scène sur son compte Instagram. On le voit ainsi poser devant les temples d’Agrigente ou les lacs émeraude de Cavagrande del Cassibile. Ses followers vivent son périple par procuration et les plus audacieux lui adressent des messages. Parmi ceux-ci, celui d’un tifoso de Catania Calcio le suppliant de signer avec les Rossazzurri. Fazio à Catania, cela n’a rien d’incongru et pour comprendre pourquoi, il faut remonter le temps.
En 1949, Dino Buzzati a déjà connu le succès avec le Désert des Tartares mais n’a pas renoncé au journalisme. Il accepte d’être le correspondant du Corriere della Sera sur le Giro d’Italia alors qu’il ne connaît presque rien du cyclisme. Ce Giro 1949 est une édition légendaire, une épopée à travers l’Italie renaissante. À cette occasion, Buzzati compare Fausto Coppi à Achille tuant Hector sur les pentes de l’Izoard, Hector prenant les traits du vieux Gino Bartali.
Chaque nuit, après de longues étapes souvent poussiéreuses, parfois ennuyeuses, Buzzati rédige son témoignage pour le Corriere, mêlant onirisme et poésie sur les routes de l’Italie d’alors, celle de Rossellini ou de Sica, du Sud au Nord, dans le sillage de la course cycliste, attentif à ses personnages pittoresques et ses rites obscurs. En passant par Monte Cassino, Trieste et les campagnes les plus déshéritées, c’est de l’histoire et d’une sociologie de l’Italie dont il témoigne avec son regard humaniste. Les images sont rares à cette époque, le lyrisme et le talent du journaliste sont les yeux du lecteur et chacun peut inscrire dans son imaginaire sa propre mythologie.
Bien plus tard, dans les années 1980, les 25 articles de Buzzati sont publiés dans un recueil sobrement intitulé Al giro d’Italia (« Sur le Giro 1949 » en VF) et beaucoup découvrent ou redécouvrent ces chroniques oubliées. Peut-être parce que c’est la première d’un long voyage, ma préférence va à celle qui relate la première étape à travers la Sicile, Palermo – Catania, intitulée Fazio è stato fedele all’appuntamento con la mamma, Fazio est fidèle au rendez-vous avec la mamma.
Mario Fazio, « visage sicilien classique, teint foncé, maigre, lèvres retroussées » court avec son jeune frère Alfio au sein de la modeste équipe Bottecchia, un fabricant de cycles créé par l’ancien vainqueur du Tour de France[2]. Sur la piste en terre du stadio di Cibali de Catane, sa ville natale, Mario Fazio, coureur de second plan libéré de ses tâches habituelles de gregario, connaît la gloire en s’imposant sous les yeux de la mamma qui rit et qui pleure en même temps sur la ligne d’arrivée, submergée d’émotion à la vue de son fils devançant le peloton et ses fuoriclasse. Leader du classement général, Mario Fazio endosse la maglia rosa et va cheminer avec jusqu’à Messina et son port ouvert sur le continent[3].
Je ne sais pas s’il existe un lointain lien de parenté entre Federico Fazio, le footballeur de la Salernitana d’origine sicilienne, et Mario le cycliste de Catane et peu m’importe. Mais ce nom, Fazio, me renvoie immanquablement au récit de Dino Buzzati et aux émotions procurées par ce qui est une merveille de la littérature sportive.
[1] Surnom des Italiens en Argentine, contraction de Napoletanos.
[2] Ottavio Bottecchia est le premier italien vainqueur du Tour en 1924. Il meurt en 1927 dans des circonstances demeurées mystérieuses.
[3] Fazio reprend le maillot rose à l’issue de la septième étape et l’abandonne définitivement au soir de la neuvième à Udine. Au classement général final, il prend la onzième place. Il gagne une seconde étape du Giro lors de l’édition de 1950.
Excellent, Verano, comme d’habitude ! Je ne savais pas que Buzzati avait suivi un Giro : le parcours d’Antoine Blondin à l’envers, en quelque sorte… Bien joué, tu vas me forcer à écumer Internet pour trouver le livre. Je n’ai rien lu de lui depuis 25 ans mais tu m’en as redonné l’envie. Un seul petit bémol tout de même : pourquoi garder les noms italiens des villes quand il en existe des versions françaises ?
Coquetterie peut-être ?
La Sicile en juillet… Le mec a dû déguster !
Merci pour cette histoire, j’aime beaucoup ce genre de clins d’oeil que la vie propose parfois..et qu’il nous revient alors de saisir ou pas.
Eh, tu devrais l’envoyer à Federico! Au-delà de l’exhibition primaire, ce footballeur semble animé de curiosité, du goût des racines.. Il est fort probable qu’il y trouve intérêt, voire..
Peut être tombera t’il un jour sur cet article au hasard d’une recherche sur Google ?
Et il reverra la photo où, écrasée de soleil, Agrigente affichait alors des températures flirtant certainement avec les 45 degrés…
dans la plupart des récits et bouquins sur le tour on ne parle que de Gino le pieux, on efface un peu trop vite son intronisation chez les justes parmi les justes… le mec se tapait 450km par semaine pour transporter des faux papiers dans le cadre de son vélo.
je connais plus exactement le nombre mais il a permis l’évasion de plusieurs centaines de juifs(vers l’argentine) doivent pas être très nombreux les sportifs de haut niveau qui ont été élevés a Yad Vashem
Désolé pour les italophiles et/ou italophones du site mais Buzzati me file de l’urticaire j’ai été traumatisé par le désert des tartares et depuis je peux plus le voir… mauvais prof, mauvais moment, mauvaise méthode de découverte probablement et depuis je fais un blocage
L’intronisation de Bartali comme Juste est assez récente.
Certains bouquins n’en parlent pas parce qu’il ne l’était pas encore.
Et parce que beaucoup ne le savaient pas. Gino n en a jamais parlé pour en tirer qqchose à lui, tout à son honneur.
D ailleurs j avais ecoute un podcast sur Bartali & Coppi.. C etait super chouette, c etait sur France Culture il y a bien quelques années. Ca va etait evoque et pas mal d autres histoires sur eux.
2013, apparemment.
J’aime bien le sketch de Coppi et Bartali à la télé en 59. Ils jouent et chantent comme des cochons mais c’est émouvant quand on sait que Coppi disparaîtra l’année suivante.
https://youtu.be/oEPEsOVgNGM
Bartali ne figure même pas parmi « Les 100 champions pour un siècle de sport » de l’Equipe publié en 2000.
Pour rappel, dans ces 100, il y avait 5 cyclistes:
Mercks 9ème
Coppi 14ème
Anquetil 37ème
Binda 58ème
Hinault 76ème
De mémoire, les classements sérieux positionnent ces 5 là aux 5 premières places mais pas toujours dans cet ordre. Merckx, numéro 1 incontestable (en attendant Evenepoel ?), seule la Gazzetta avait osé prétendre le contraire en classant Coppi devant lui. Une blague ! Après, ça se discute.
Pour ma part, je positionne Coppi en 2 en tenant compte de la concurrence qui est la sienne, bien plus dense que celle des règnes d’Anquetil ou Hinault. Pour ma part, je place Hinault au dessus d’Anquetil. Sans doute le grand Jacques était il plus talentueux mais son palmarès manque de diversité. La fascination qu’il exerçait sur les grands journalistes de son époque joue sur l’appréciation du personnage, j’en suis persuadé.
Binda, c’est une autre époque, mais il est le fuoriclasse de l’entre deux guerres.
Quant à Bartali, il serait probablement dans le top 5 si la guerre n’avait pas perturbé sa carrière.
Oui Bernard devant Jacques.
Apres les classements, L’Equipe a part le Tour, ils ont jamais rien compris au velo. Devant Anquetil, Bartali .. j y mets a l’aise Le Gitan et l’Empereur d’Herentals ! (Merckx, Coppi et Hinault me paraissent intouchables pour le podium)
L’Equipe et ASO, l’organisateur du Tour font partie du groupe Amaury, comment veux tu que les journalistes de L’Equipe soient objectifs (ça vaut pour le Giro et la Gazzetta dello Sport qui ont le même actionnaire) ? Et puisqu’ils surpondèrent nécessairement le Tour, les monstres chasseurs de classiques comme Van Looy, Van Steenbergen, Kelly (qui a aussi une Vuelta au palmarès) ou De Vlaeminck passent au second rang. D’ailleurs, quel aurait été le palmarès du Gitan s’il avait couru à une autre époque que Merckx ?
Leur classement des footeux:
Pelé 1er
Puskas 17ème
Di Stéfano 19ème
Beckenbauer 24ème
Garrincha 29ème
Platini 33ème
Cruyff 41ème
Maradona 43ème
Charlton 75ème
Yachine 81ème
Zidane 80ème
Matthews 95ème
Non ? Disons qu’ils doivent avoir des critères bien à eux…
Et qu’ils étaient plus potes avec Zidane et Platini qu’avec Kopa qui à son époque avait plus sympathisé avec Jacques Thébaud qu’avec les journalistes de l’Equipe.
Il a été fait en quelle année, ce classement ?
C’est un gros bouquin paru en 2000.
Parce que, ce qui me surprend le plus de la part de L’Equipe, ce sont les places particulièrement flatteuses de Puskas et Garrincha. Je voyais L’Equipe les mettre beaucoup plus bas.
C’est leur classement du jour si je puis dire, car dans leurs articles transparaît plutôt Cruyff à la 2ème place, au détriment de Maradona. Voilà qui devrait réjouir Alex !
Ben là, Maradona, il est carrément rejeté dans les limbes.
Oui, Cruyff est bas aussi (pour L’Equipe, s’entend).
Mais la pire escroquerie, c’est quand même de retrouver Stanley Matthews.
C’est vraiment pour mettre un Anglais et saluer leur premier Ballon d’or.
Quelque chose comme ça !