La Superligue européenne, menace régulièrement brandie par les clubs européens les plus riches et les plus puissants, existe en réalité déjà : c’est la Ligue des Champions de l’UEFA.
De plus en plus, en effet, celle-ci se réduit à un affrontement entre les mêmes clubs basés dans les métropoles les plus influentes du continent. Ainsi, le football européen – et singulièrement la plus prestigieuse de ses compétitions – illustre à merveille le phénomène de métropolisation à l’œuvre depuis une quarantaine d’années sur le continent.
La Coupe des clubs champions européens, une compétition diverse

Compétition ouverte et équitable en son principe, la Coupe des clubs champions européens voit la domination de quelques grandes métropoles comme Madrid, Milan ou Munich. Des métropoles de moindre importance, comme Amsterdam, Lisbonne ou Manchester, réussissent aussi à tirer leur épingle du jeu.
Mais, ce qui marque surtout, c’est le fait que tout le football européen est représenté : nordique (Göteborg ou Trondheim), est-européen (Kiev ou Moscou), danubien (Belgrade ou Vienne), méditerranéen (Athènes ou Barcelone), centre-européen (clubs polonais , tchécoslovaques ou allemands), britannique (Glasgow ou Liverpool).
Au contraire, les deux principales métropoles du continent, les deux villes-monde (Londres et Paris) ne voient leurs clubs atteindre les quarts de finale de la compétition qu’à trois reprises ! C’est bien plutôt, alors, le football des villes industrielles moyennes de la Ruhr ou des Midlands qui domine.
La Ligue des champions, une compétition uniforme

Plus qu’en 1992 – au moment de la création de la Ligue des Champions – ou 1995 – avec l’arrêt Bosman –, c’est à partir de 1999 que la bascule s’effectue.
Le principe des têtes de série et des tours préliminaires est alors bien affirmé, les deuxièmes, troisièmes – voire quatrièmes – des championnats les plus riches sont qualifiés pour la compétition, enfin deux phases de poules permettent de multiplier le nombre des matchs et d’éviter toute mauvaise surprise aux clubs les plus puissants : la Ligue des Champions devient une compétition de plus en plus fermée et profondément injuste en son principe.
Elle est, de fait, réservée à une élite de clubs qui trustent les premières places de leurs championnats respectifs et se qualifient année après année pour la compétition. Dès lors, couplée à la désindustrialisation massive du continent et à la brutale transition économique à l’Est, l’accélération du processus de mondialisation renforce le poids – démographique, économique et culturel – des plus grandes villes d’Europe occidentale : les métropoles les plus dynamiques, abritant les clubs les plus puissants, concentrent de plus en plus les richesses et les talents. A côté, c’est le désert – ou presque.
Au sommet de la hiérarchie, trônent donc des métropoles comme Madrid, Londres, Barcelone, Munich ou Manchester. Les footballs centre-européen et britannique, autrefois si variés, sont désormais réduits à peau de chagrin. Une moitié du continent disparaît dans les limbes : les footballs nordique, danubien ou est-européen sont arasés.
Mais, surtout, on remarque l’émergence des deux villes-monde (Londres et Paris) : en 23 éditions, leurs clubs respectifs disputent 26 quarts de finale de la Ligue des champions. Quel changement avec la période précédente ! Bref, l’Europe se métropolise, son football aussi.
Analyse poussée et intéressante. Voilà aussi des faits qui vont dans ton sens. Depuis 1999, il y a seulement eu un seul nouveau vainqueur de la LdC : le club londonien de Chelsea en 2012. Au contraire, entre 1982 et 1993, ce sont 9 clubs qui ont gagné la LdC pour la première fois : Aston Villa, Hambourg, Juventus, Steaua Bucarest, Porto, PSV, Étoile Rouge de Belgrade, Barcelone et Marseille. Au fait combien de clubs français ont joué des quarts de finale pendant les deux périodes que tu mentionnes ?
Merci Bobby! Toujours étonnant de ne pas voir la ville de Berlin représentée dans ces analyses. Ça doit être la seul grosse ville européenne sans épopée en c1. Minimum une demi-finale.
Paris aussi 🙂
La seule…
J’ai mis un thumb, mais uniquement pour la ref à Miami Vice.
Le sujet est intéressant et il fait souvent apparaître toutes les contradictions des amateurs de foot. La LdC pourrait être abordée sous l’angle de ce qu’en économie, on appelle la théorie de la capture règlementaire. Ou comment une institution censée oeuvrer en faveur de la collectivité sert en réalité les intérêts de quelques uns. La règlementation mettant des barrières à la concurrence et facilitant la recherche de rentes.
Ce qui est amusant, c’est que les supporters de certains clubs connus se plaignent de cette situation, alors que leur équipe en a largement profité. C’est particulièrement le cas en France avec des clubs comme l’OM, le PSG ou l’OL.
Intéressant ce concept de la théorie de la capture règlementaire. Des livres à recommander pour en savoir plus ? Qui a inventé ce concept ?
Pareil, c est intéressant comme concept.
Allez guybrush lache nous une ref!
Si Polster nous donne une bonne réf., je promets de raconter des anecdotes sur London School of Economics et la rivalité Cambridge-Oxford.
A l’origine du concept, il y a George Stigler, prix Nobel (ou plutôt prix de la Banque de Suède) en 82. Il l’a exposé dans un article célèbre (pas très très long et qu’on peut trouver facilement en ligne, je pense) de 1971, intitulé « The Theory of Economic Regulation » et développé dans un livre en 1975, « The Citizen and the State: Essays on Regulation ». Je crois qu’il avait déjà abordé le thème dans un article co-signé au début des 60’s. Je pense que, vu ton cadre de travail, tu de ne devrais pas avoir trop de difficulté pour mettre la main sur le bouquin!
Alors, faut poser un peu le cadre: c’est l’école de Chicago (période 60-70’s), avec tout ce que ça implique , mais ça reste un point de vue intéressant.
Le fils de Stigler, Stephen, est aussi connu, notamment pour la Stigler’s law of eponymy.
Merci bien. Je vais maintenant aller emmerder la bibliothèque de mon université…
Bons, les anecdotes promises. Elles sont toutes reliées à mon fils ainé (ma femme et moi avons beaucoup de chance d’avoir deux enfants qui ont toujours voulu apprendre. Ils doivent tenir de leur mère). Comme beaucoup de jeunes, il ne savait pas vraiment que faire après son Bachelor of Science. Il avait en fait le choix entre trois possibilités:
1) Un master à London School of economics. Il a donc visité cette institution et on a lui a demandé comment s’était. Il a dit que c’était un peu bizarre car quand il est rentré dans le couloir, le premier bureau à droite était celui d’un prix Nobel d’économie. Celui à gauche était aussi celui d’un prix Nobel d’économie. Et ainsi de suite. Il nous a dit qu’il n’avait jamais vu une telle concentration de Prix Nobel dans un même couloir.
2) Des programmes MD-PhD (tu as un diplôme de docteur de médecine et une thèse a la fin et tout est payé) à Denver et Albert Einstein à New York qui se trouve dans le Bronx je crois. Quand il a visité Albert Einstein, il a demandé à un prof si l’endroit était « safe ». Le prof lui a répondu qu’il n’y avait aucun problème car cet endroit est controlé par la mafia Italienne…
3) Une thèse en chimie et biologie avec un programme spécial payé par NIH (mais qui ne peut pas donner de thèse). Les étudiants de ce programme ont seulement deux choix pour cette thèse: passer deux ans à Cambridge ou Oxford, en plus de deux ans au NIH. Il y a donc eu des professeurs de Cambridge et Oxford qui sont venus aux US pour attirer ces étudiants. Celui d’Oxford a dit: je ne veux pas froisser mon collègue de Cambridge mais la meilleure université pour la médecine en Angleterre, c’est Oxford. Le prof de Cambridge a alors dit : mon collègue d’Oxford a raison mais laissez moi vous montrer une donnée interessante. Il a alors montré le nombre de prix Nobel accordés à Cambridge. C’était déjà plus de 80 ! Mon fils ainé a choisi Cambridge mais ne savait pas s’il allait faire de l’experience ou des calculs numériques. Son directeur de thèse lui a dit de commencer par l’experience. Le premier jour, mon fils ainé (qui est assez maladroit) est arrivé avec un bocal de produits chimiques dans la salle du labo et l’a fait tomber. Cambridge a du fermer le labo pendant plus d’une semaine ! Mais son directeur de thèse lui a dit: il faut voir les choses positivement. On sait maintenant ce que tu vas faire entre l’experience et les calculs…
Ahaha, j’espère que le fiston ne se lancera pas dans des expérimentations nucléaires!
En effet, la LSE a eu un paquet de Nobel d’économie. Rien que sur les 20 dernières années, doit y en avoir une demi-douzaine.
@guybrush
Ecoute je viens de lire trois pages de l article, que j ai trouvé en anglais. (Et moi qui me croyais pas mauvais…)
La première puis j ai sauté à la fin en espérant une conclusion un peu recap comme dans les articles scientifiques.
Pour un américain en 1975 ça paraît assez osé non? A moins que je ne comprenne mal…
Il parle quand meme de redistribution, de taxer plus équitablement (riches/pauvres) et que la conséquence de cela est l incapacite des bas revenus à exercer/jouir des atouts des démocraties (services publics sécurité/éducation etc…) Tandis que les classes sup profitent d être peu taxées pour s offrir ces services ailleurs et que les classes moyennes maintiennent le système à bout de bras.
C est un mauvais résumé peut-être… mon anglais n’est pas si bon que ça et j ai que trop peu l habitude de lire des trucs d eco.
@goozi
Tu es sûr que c’est dans l’article « The Theory of Economic Regulation », qu’il évoque cela? La dernière fois que je l’ai lu remonte à loin, mais ce dont tu me parles me fait plutôt penser à un papier qu’il a écrit, à peu près à la même époque, sur ce qu’on appelle la loi de Director (Aaron Director)
https://en.wikipedia.org/wiki/Director%27s_law#:~:text=Director's%20law%20states%20that%20the,proposed%20by%20economist%20Aaron%20Director.
Son article de 71 a eu une très grande influence. Tellement en fait, que la plupart des étudiants, qui le découvrent, trouvent cela presque évident. Pourtant il a ses défauts, limites, généralisations abusives…, et l’idée n’est même pas vraiment nouvelle, mais il est arrivé au bon moment. Dans les 50-60’s, on avait une conception idéalisée des régulateurs. On pensait qu’ils intervenaient pour palier aux « défaillances » du marché dans le but de défendre l’intérêt général. Ce qu’explique Stigler, c’est qu’il s’agit d’une une vision très naïve et que souvent le régulateur agit pour le compte de lobbies.
Quel con, j ai lu un article qui s appelle, « the state and the citizen » d un new yorkais de 1995. Celui de stigler c est « the citizen and the state ».
J me suis fait avoir. J ai cherché trop vite… Bon le gars fait le con aussi d appeler ça pareil!
Bon j y retourne du coup… désolé.
Tu me rassures en fait, je pensais que ma mémoire me jouait des tours. De mémoire, l’article de 71 doit être relativement accessible aux personnes qui n’ont pas de formation dans le domaine. Après, en faisant quelques recherches sur Stigler et la capture règlementaire, on doit trouver facilement des infos. En France, Jean Tirole est assez connu pour ses travaux sur la régulation.
Je lis je lis.
Ce que j en comprends, c est que la capture réglementaire, c est l accaparement légal par des firmes privées d’un objet qui, s ils n avaient influencé/manipulé l organisme régulateur du marché/champ, serait public.
Grosso modo?
En quoi ça diffère du lobbying? En est-ce finalement?
Apres le truc c est que je tombe sur des sites un peu random. J ai toujours peur des infos que je lis comme ça…
Bon t as ptete autre chose à faire hein eheh
J ai lu ton papier sur la loi de director.
Intéressant.
C etait pas tout à fait les conclusions de l’article du gars que j avais lu (si je ne m abuse) mais ça y ressemble ouais!
Apres ça dépend sûrement de l époque. Le mode d imposition a du changé j imagine entre 75 et 95. Il faut du coup tout réinventer pour 2023.
C est mouvant comme champ d’étude…
Si Polster est occupé, berti.fox peut peut-être aider car il a un DEA en économie. Mais cela fait un peu de temps qu’il n’a pas commenté sur P2F, car très occupé.
J laisse mes lignes d hameçons tendues… on verra si une bonne âme se prend au piège de mes questions (dont je doute de la pertinence).
Et en plus ça doit être chiant d expliquer des trucs à quelqu’un de A à Z, j pars de trop loin.
Ce n’est pas que les firmes s’accaparent une chose publique. C’est plutôt qu’elles cherchent à influencer (par le lobbying notamment) le régulateur pour obtenir un avantage. N’importe quelle activité peut être concernée. Je crois que dans son article Stigler prenait l’exemple de l’industrie des transports routiers.
Ma mentalité de gaucho me fait manquer de retenue. Effectivement elles obtiennent un avantage et ne s accaparent pas. Bon.
L article que j’ai lu prenait exemple de ce qui est arrivé pendant le covid avec le remdesivir, pour lequel Gilead a voulu un passe droit (exclusivité), accordé, par le régulateur américain.
Mais je ne sais pas ce que vaut cette étude.
Merci pour la découverte guy!
Ce qu’explique Stigler, c’est que derrière le régulateur, il y a l’Etat, qui possède le pouvoir de coercition. Il peut taxer, interdire telle activité, telle marchandise… Ce pouvoir peut être perçue comme une menace par les firmes, mais si elles parviennent à influencer le régulateur, il peut constituer un redoutable moyen pour protéger leurs intérêts. Les avantages qu’elles peuvent en tirer sont divers. Ça peut être une subvention, par exemple, mais ce peut être surtout une règle, dont l’effet est de nuire à la concurrence.
Capice, guybrush!
T as une patience dis donc.
Merci.
Cet état, pouvoir fort qui contrôle les régulateurs vs firmes, est il toujours autant d actualité crois tu? Il me semble que l etat a de plus en plus de mal à être coercitif non (notamment vis à vis des grandes multinationales).
J’utilise les mots État et régulateur, mais par simplification, on peut dire l’Etat tout court.
Je n’ai cette impression qu’il a de plus en plus de mal à être coercitif. Il n’y a jamais eu autant de normes qu’aujourd’hui. Mais elles n’ont probablement jamais été aussi mal élaborées, contrôlées et évaluées.
Il manque un rond sur ton deuxième graphique !
C’est vraiment du travail bâclé.
Qu’est-ce qu’ils en pensent du futur format de la L .D.C. ?
Censé ramener plus d’équité…
J ai pas suivi perso. C est quoi le nouveau format?
« La Ligue des champions débutera à partir de 2024-2025 par un mini-championnat de huit journées avec 36 équipes, contre 32 clubs disputant aujourd’hui la phase de groupes sur six journées »
Ça vaut ce que ça vaut
Mais pour l’avoir expérimenté sur football manager
Ça casse un peu l’esprit du truc du machin…
D’ailleurs j’ai pas vraiment compris le principe
Et je crois que j’ai pas envie de comprendre
citation de Jean-Pierre Coffe bien connu
Voir carrément un GIF
Ouais je vois plus de matchs quoi.
Sinon la forme change pas trop du coup.
Ca va etre long les poules… deja qu j avais du mal à regarder.
Bah si justement la forme change pas mal
Y’a plus de poule
J’ai toujours pas compris comment ils choisissent les six opposition d’une équipe…
Ça sent les boules chauffées tout ça
Ah oui mini championnat.
4 chapeaux de 9 équipes.
Ouais les tirages vont être capitaux c est clair… j me demande sur quels stratagème ils planchent.
J avais pas compris patatas!
J comprends rien aujourdhui…
voilà on y est! donc ça confirme qu’a part les matchs des verts (mais est ce encore du foot?^^) j’ai abandonné le foot depuis 5 ans maintenant la ldc je la regarde plus du tout, un peu la c3 de temps en temps, je regarde quand je peux la libertadores ou certains matchs argentins mais le foot ne m’intéresse plus guère!
l’arrêt Bosman a fait que tout est interchangeable (coach jeu joueurs) qu’il n’y a pas plus de jeu spécifique comme à l’époque où il y avait un style Russe du nord ou d’Europe centrale tout est uniformisé, même les euros ou la coupe du monde ne me passionnent plus guère!
en fait cette uniformisation c’est la trajectoire de la société en général!
on va me traiter de vieux con reac mais franchement le foot c’était mieux avant^^ le basket le hand le volley et allez le rugby, mais c’est un peu différents, pour ne parler que des sports co (même au niveau européens) ne sont pas encore sous le diktat du tout argent et ne sont pas totalement concentrés dans un conglomérat de grandes agglo
le basket est en avance sur le sujet puisqu’il y a eu schisme entre la FIBA et l’euroleague où c’est une ligue fermée à l’americaine et se sont pour la plupart des clubs de grande villes ou des clubs de pays historiques du basket avec un mécène derrière mais au moins nous avons un Serbe un Israélien un Lituanien (encore heureux)des Espagnols (bcp) historiques des Grecques et des Turcs et Berlin est enfin représenté quelque part
dans les autres compétitions européennes gérées par la FIBA on reste tout de même dans l’entre soi et dans les pays européens où le basket est fort,et étrangement c’est un sport où les anglais n’ont jamais percé
J’ai le même problème que toi. Je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse s’intéresser à la ligue des champions. Par exemple, si quelqu’un dit Bayern-Real, je ne sais pas quelle année dire car il y en a tellement eu. Par contre, si quelqu’un dit Nottingham-Malmö, direct je pense 1979 et crie Trevor, Trevor. Je n’ai même pas vu les Bayern-PSG en LdC cette année (alors que je sus supporteur du PSG depuis les années 70) mais n’ai rien raté des matchs de l’équipe des US féminines lors de la Shebelieves cup. Je les ai même vu encore ce week-end contre l’Irlande alors que c’était un simple match amical, mais au moins on peut découvrir des nouveaux talents.