Lectures 2 Foot (épisode 15 – Spécial Knysna)

Ce quinzième épisode de notre série Lectures 2 Foot est consacré à un triste anniversaire : les 15 ans de la Coupe du Monde 2010. Une édition du mondial synonyme de véritable traumatisme pour le football français et son équipe nationale qui a sombré dans le ridicule. Les cicatrices des événements de juin 2010 se sont depuis refermées, mais elles sont toujours là. Et si toute la lumière n’a pas encore été faite sur ce qui s’est vraiment passé, certains ouvrages y ont tout de même été spécifiquement consacré. Preuve du poids massif que représente encore aujourd’hui dans la tête des supporters tricolores le nom de Knysna.

Pierre Ménes, Carton rouge pour les bleus, éditions du Rocher, 2010, 10,99€

Le premier ouvrage de cette présentation est un peu particulier, puisqu’il s’agit en fait d’un recueil de différents articles signés par l’ancien chroniqueur phare du Canal Football Club. Des articles tirés d’un blog, nommé Pierrot le Foot, qu’il tenait sur le site Yahoo Sports (avouez-le ! Vous aussi, vous aviez oublié ce que c’était !). Les chapitres, ou plutôt les articles, se divisent en deux parties : une notation sur dix et des commentaires sur la performances des joueurs de l’Equipe de France sur le match qu’ils viennent de disputer (les articles étaient postés sur le blog quelques heures après la rencontre), un exercice auquel Pierre Ménès, longtemps journaliste au sein de L’Equipe, est bien sûr habitué. Et enfin, un article posté le lendemain (ou quelques heures plus tard), posant une analyse à froid, que cela soit sur le match… ou sur les événements de cette Coupe du Monde en Afrique du Sud.

Ce recueil de chronique prend pour point de départ le 15 novembre 2009 à 00h31. Soit quelques heures après la fin du match aller de barrages contre l’Irlande. Un prestation de haut niveau des Bleus qui a logiquement suscité les félicitations du journaliste. Avant la déchéance… Chaque actualité autour de l’Equipe de France est sujette à une note de blog, où petit à petit, Ménès exprime son désarroi et son pessimisme, avant le désastre et la honte. Dans un style brut et direct (logique pour un journaliste sportif), Ménès exprime dans son blog avec beaucoup de sincérité la vision d’un homme devenu simple supporter. Car s’il a longtemps été très proche de l’Equipe de France (étant même ami avec certains joueurs), Ménès n’est depuis son départ de L’Equipe qu’un simple observateur extérieur, comme il en existe des milliers d’autres. Mais sa notoriété donne tout de même une résonnance particulière à ses propos.

Souvent critiqué pour sa verve, on doit admettre que dans ses notes de blog, il fait preuve d’une certaine honnêteté et lucidité dans ses analyses. Longtemps tête de turc de l’auteur, Florent Malouda est au fil des articles régulièrement loué et souligné, à juste titre, comme le seul joueur au niveau lors de cette période. Ainsi, si ce recueil ne nous apprendra évidemment rien sur les événements, il peut-être un objet relativement intéressant à lire pour tous ceux qui n’ont pas connu directement les événements de Knysna (les plus jeunes ou bien les lecteurs étrangers). Car les écrits de Ménès sont pour le coup très fidèles à ce que pensait la grande majorité des supporters français à ce moment là. Allant du pessimisme fataliste au dégout le plus total. En somme, l’ouvrage constitue un bon témoignage de cette époque.

Note : 3,75/5

Raymond Domenech, Tout seul – Souvenirs, Flammarion, 2012, 21€

Il aura seulement fallu un peu moins de deux ans et demi pour que l’un des principaux protagonistes du désastre nous livre sa version des faits. Tout seul sort en novembre 2012, alors que les nouveaux déboires des Bleus à l’Euro 2012 ont encore plus ravivé les cicatrices déjà très fraiche du mondial sud-africain. Autant dire que ce qu’avait à dire Domenech était très attendu. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on reste sur notre faim…

Homme de théâtre, Raymond est sans nul doute un honnête homme de lettre. Les 350 pages du bouquin se lisent assez facilement. Pas grand-chose à dire sur la forme. Sur le fond en revanche… Domenech, en écrivant son texte, inspiré directement de son journal de bord qu’il tenait durant ses années comme sélectionneur, dit vouloir comprendre et exposer ce qu’il s’est passé : comment a-t-il pu perdre à ce point le contrôle de son groupe ? A cette question, nous n’aurons pas la réponse. Nous suivons au long du récit le point de vue d’un homme, ce qu’il dit du moins être sa vision des événements. On peut être tenté de le croire sincère quand il dit qu’il aimait cette équipe, et qu’il voulait qu’elle réussisse. On pourrait aussi reconnaitre que l’homme a probablement souffert de son image « d’ennemi public numéro un », tant il faisait l’objet d’un rejet unanime par les médias et le public. On peut comprendre que cela ne soit pas facile à vivre, notamment dans la sphère privée. Comment expliquer tout cela à ses enfants ?

Seulement voilà, l’auteur se garde bien de dire qu’il a tout fait pour se donner une image détestable. Il se garde bien de donner des détails sur certains éléments qui pourraient accabler sa responsabilité dans ce qui s’est passé à Knysna. Car dans son livre, Domenech cherche bien à se donner le bon rôle : celui de l’homme intègre qui a fait de son mieux mais qui a été dépassé par les événements et l’évolution d’un football qu’il ne maitrise plus. Or, alors que l’ancien sélectionneur reste évasif sur la plupart des anecdotes qu’il raconte, le temps a fait son œuvre, et d’autres versions corroborent des détails qui le desservent et qu’il a sans nul doute soigneusement évité d’évoquer. Par ailleurs, son attitude générale au sein du football français depuis 2010, en tant que président de l’UNECATEF, consultant télé ou entraineur du FC Nantes, amène à avoir une lecture plus suspicieuse qu’on ne l’aurait eu en 2012. Est-ce que tout ce qui est écrit est vrai ?

Plus que d’incompétence, dans l’affaire de Knysna, Raymond Domenech a surtout été coupable d’une incapacité totale à se remettre en question. C’est du moins ce qui ressort lorsqu’on clôt le bouquin. Un objet naturellement utile à avoir dans sa bibliothèque lorsqu’on s’intéresse au sujet. Mais qui n’avait pas marqué les esprits à l’époque, et dont on aurait bien sûr aimé qu’il n’existât jamais.

Note : 2,5/5

François Manardo, Knysna, éditions Les Arènes, 2014, 18,50€

Plus que le témoignage d’un simple homme de l’intérieur, ce livre est surtout celui de l’homme qui fut en première ligne durant toute cette période. Car avant d’être un intervenant régulier de L’After foot de RMC entre 2015 et 2018, François Manardo était le chargé de presse de l’Equipe de France entre 2010 et 2012. Sincère et dévoué à sa mission, il se retrouve malgré lui pris entre plusieurs feux d’une presse hostile, de joueurs qui éprouvent une méfiance viscérale pour quiconque est lié aux médias, et d’un sélectionneur haï de tous, son supérieur direct, qui fait tout son possible pour envenimer la situation. Ainsi durant environ 180 pages très agréables à lire, Manardo nous plonge au cœur d’un métier peu connu mais au combien crucial : celui du responsable des relations avec la presse.

Ce rôle essentiel dans une période tumultueuse (c’est d’ailleurs lui qui possède, encore aujourd’hui, le papier original du fameux communiqué de la grève du bus) l’amènera à la croisée des discussions de chaque partie. Son intégrité lui aura permis de gagner la confiance de la plupart des acteurs de l’Equipe de France, lesquels n’auront pas de difficulté à se confier à lui. Manardo n’hésite pas raconter certaines confidences, et n’étant pas spécialement exposé, on peut supposer qu’il n’a pas de raison de chercher à cacher des éléments ou de se donner un bon rôle. Manardo ne balance pas tout. Mais il raconte ce qu’il a vu, entendu, perçu, ressenti. De l’avant Coupe du Monde, jusqu’à la grève, et ses conséquences sur la vie d’un groupe qui a totalement volé en éclats. L’auteur ne montre personne du doigt en particulier. Il n’épargne pas son ex-employeur la FFF, le sélectionneur Domenech, mais aussi les joueurs, dont il raconte pour certains tout le mépris qu’ils ressentent vis-à-vis des journalistes et des supporters. On comprend alors que même si certains ont cherché à se dédouaner, tout le monde fut responsable de ce fiasco. En somme, le témoignage de François Manardo, sans être le plus complet sur l’affaire, est sans nul doute l’un des plus précieux des plus justes.

Note : 4,5/5

Xixon

Même un Bordelais peut préférer la bière. Puxa Xixón, puxa Asturies, puta Oviedo ! 俺は日本サッカーサポーター ! (Rien à voir avec le judo) 

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10 réflexions sur « Lectures 2 Foot (épisode 15 – Spécial Knysna) »

  1. Rien suivi de cette Coupe du monde, alors difficile de dire quelque chose au sujet de cette histoire qui a tant choqué les suiveurs du football français. Qu’est-ce que je pouvais bien branler à cette époque-là ? Mystère…

    Je me souviens en revanche assez bien de toute la clique à Sarkozy, de Bachelot à Yade, se précipiter là-dessus comme des vautours. Faut dire que s’associer à « une telle honte nationale », ça ne la faisait pas en terme de popularité dans l’opinion publique. Bref, les vrais sacs à merde, fils de pute et enculés, ils étaient là, et ni dans le bus ni sur les pelouses…

    Un autre point de vue sur le sujet : https://www.editionsladecouverte.fr/traitres_a_la_nation_-9782707167408

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    1. C’est la droite qui est alors au pouvoir et qui a besoin de se désolidariser des joueurs. Au moment de la grève, Bachelot est dans l’hôtel des joueurs, Yade était aussi dans le secteur (je crois qu’elle les avait accompagnés lors de la visite d’un township, genre Soweto) : comme ses prédécesseurs et successeurs, au moins depuis 1998, Sarkozy essaie de récupérer la notoriété de l’équipe de France de football et ses victoires…

      Quand il y a des défaites, c’est moins glorieux. Dès lors qu’il y a des mecs en short, la France est une République bananière. A d’autres moments aussi, c’est vrai…

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    2. Pas souvenir de réactions de la gauche, même si probablement qu’un homme politique ou deux a du en parler à l’époque, mais c’est largement tombé dans l’oubli.

      Mon seul souvenir d’un homme de gauche évoquant une affaire de l’EDF, c’est Mélenchon sur l’affaire des quotas en 2011.

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  2. alors ça date mais j’ai pas souvenir que la gauche ait tant réagis à ce genre de chasse à l’homme…qu’est ce qu’on était bien avant 98 les politiques se fichaient du sport ha ha

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  3. Les qualifications ayant perdu de leur dramaturgie, je pense que le France-Irlande 2009 est le dernier match des Bleus qui m’ait marqué. J’ai raté celui face à l’Ukraine, deux ans plus tard.

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