Mitropacup 1930, le triomphe de Mister Rapid

Pfarrwiesen-Roar

« L’homme ne craint rien de plus que le contact avec l’inconnu. »

C’est ainsi que débute Masse et Pouvoir, le magnum opus d’Elias Canetti, prix Nobel de littérature en 1981. De l’aveu même de son auteur, cette œuvre touchant à l’anthropologie, la psychologie, l’ethnologie ou encore à la philosophie, n’aurait pas vu le jour si un étrange phénomène n’était pas venu régulièrement « maintenir en éveil l’intérêt pour [son] véritable projet. »

La première manifestation de ce phénomène eut lieu très exactement le 14 août 1927. « J’ai entendu soudain le cri de la foule. » Se souvenant de l’incendie du Palais de Justice, dont il a été témoin un mois plus tôt, Canetti pense au feu. « Mais il n’y avait pas de feu, la coupole dorée de l’église de Steinhof brillait au soleil. […] Cela devait venir du terrain de sport. » Installé dans une chambre de la Hagenberggasse à Hietzing, Canetti n’est qu’à un jet de pierre du Pfarrwiese. Le rugissement qui lui parvient est celui des 18 000 spectateurs venus assister au match de Mitropacup entre le Rapid et Hajduk Split. Pendant six années « pas un bruit ne lui échappe du Rapidplatz. » Il ne s’intéresse pas au football, ne cherche pas à connaître les équipes qui s’affrontent dans son voisinage, mais ces « cris de triomphe », « ce que j’ai compris plus tard comme une double masse », le fascinent.

En cette fin d’après-midi de ce dimanche 14 août, la masse rugit au moins à huit reprises. Alors que dans sa petite chambre d’étudiant en chimie, l’écrivain en herbe tend l’oreille, un homme élégamment vêtu et approchant la quarantaine, prête aussi attention aux cris de triomphe. Sous une fine moustache, la bouche charnue de Dionys Schönecker s’étire en un large sourire. Peut-être se remémore-t-il simplement le temps pas si lointain, où son club n’avait même pas de terrain pour y poser une vieille tribune en bois.

Le Pfarrwiese, avant 1920.

La naissance de Mister Rapid

Dionys Schönecker a à peine 22 ans lorsqu’il devient entraîneur du Rapid en 1910. Apprenti typographe, joueur modeste, le garçon n’a guère de références et le choix peut surprendre. La raison en est pourtant simple. Le Rapid est au bord du gouffre. Endetté, le club a vu partir la plupart de ses dirigeants et joueurs. Pour ne rien arranger, la ville a résilié le contrat de location du terrain situé dans le quarter de Rudolfsheim, afin d’y édifier un nouveau marché municipal. Un contrat, que de toute façon, le club n’a plus les moyens d’honorer.

Mais aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années, et le garçon a quelques qualités à faire valoir. Certains de ses contemporains de l’université de Vienne s’intéressent déjà à ce type particulier qu’on nomme entrepreneur. Schönecker en est un spécimen. Ambitieux, passionné, meneur d’hommes, il a le flair pour reconnaître et saisir les opportunités.

En 1910, la fédération envisage la création d’un championnat et Schönecker entend bien y participer. Si la plupart des joueurs expérimentés sont partis, il sait qu’il y a au club quelques jeunes joueurs prometteurs et ne va pas hésiter à bâtir une nouvelle équipe avec eux. Il a aussi son idée sur le jeu qu’elle doit pratiquer. Le Rapid est un club ouvrier et ses joueurs doivent en incarner les valeurs. Ce football danubien fait de passes courtes et rapides que l’on voit apparaître, Schönecker veut le pratiquer de façon éminemment collective. « Gemeinsam kämpfen und siegen. » Se battre et vaincre ensemble.

Si le Rapid a une équipe, il lui faut trouver un nouveau stade. Là encore, Schönecker fait montre de son ingéniosité. A l’ouest de la ville, il obtient de la paroisse de Hütteldorf la location d’un terrain pour un loyer modique et deux billets gratuits par match. Sur cet emplacement, appelé Pfarrwiese (pré de la paroisse), il fait installer la vieille tribune en bois du Rudolfsheimer Sportplatz. Le choix de ce terrain présente un autre avantage. A l’époque, Hütteldorf est un coin bucolique sur le chemin de la Wienerwald et l’on y trouve quelques villas de bourgeois. Le football est très populaire à Vienne et l’habile Schönecker entend bien les convaincre de devenir membres du Rapid.

Schönecker ne ménage pas ses efforts et son travail paie. A la surprise générale, le Rapid remporte la première édition du championnat d’Autriche au nez et à la barbe des favoris que sont les Wiener Sportclub, Wiener AC ou autres First Vienna. Huit des joueurs titulaires ont 22 ans ou moins. C’est le début d’une domination presque sans partage longue d’une dizaine d’années. De 1912 à 1923, le Rapid empoche huit titres de champion et deux coupes nationales. Et Dionys Schönecker a gagné un surnom : Mister Rapid.

Statue de Dionys Schönecker, « Mister Rapid » (musée du Rapid, à Vienne).

Le tournant professionnel

Au début des années 1920, le Rapid est donc le leader incontesté du football autrichien et l’équipe la plus populaire du pays. Son attaquant vedette, Josef Uridil est l’idole des foules. Lorsqu’il ne terrorise pas les défenseurs, le « Tank » fait de la publicité pour de la bière et du sucre, et s’essaie au cinéma. Toujours à la recherche de nouvelles rentrées financières, Schönecker poursuit le développement du club. Il confie à son frère Eduard, architecte, mais aussi ancien joueur international et sprinteur olympique, les travaux d’agrandissement du Pfarrwiese, dont la capacité est portée à plus de 20 000 places. Les tournées lucratives se multiplient et Schönecker lui-même cachetonne au FC Luzern.

L’évolution du Rapid ne plaît cependant pas à tout le monde. Si le club mène des actions de charité pour aider les chômeurs et cherche à se placer du côté des petites gens, certains lui reprochent de trop s’éloigner de ses racines ouvrières. En 1919, par exemple, contrairement aux autres clubs viennois populaires, le Rapid a refusé d’intégrer la « fédération des sportifs ouvriers et soldats » (Verband der Arbeiter-und Soldatensportler) socialiste. Le passage au professionnalisme ne va pas les faire changer d’avis.

En 1924, l’Autriche devient le premier championnat professionnel d’Europe continentale. C’est un tournant que Schönecker négocie mal et qui marque la fin de la domination du Rapid. En réalité, le déclin commence dès la saison 1923-1924 avec une quatrième place et un effectif qui compte une trentaine de joueurs utilisés. Schönecker se heurte aussi au mécontentement de certains cadres. Sa conception du football, dans laquelle les joueurs sont traités de façon identique, n’est plus adaptée à un sport désormais professionnel.

Conscient des difficultés, l’omnipotent Sektionsleiter Schönecker décide de prendre du recul et de laisser la fonction d’entraîneur à un autre. En 1925-1926, c’est l’Anglais Stanley Willmott qui occupe le poste et termine à une piteuse cinquième place. Le Rapid doit absolument réagir et Schönecker se tourne alors vers Edi Bauer, une gloire du club, qui vient tout juste de raccrocher les crampons. Sa meilleure décision depuis longtemps.

Le Pfarrwiese, après 1920, et sa tribune debout.

La conquête de la Mitropacup

Bauer est un pur Rapidler. Arrivé dans les équipes de jeunes en 1910, il a été de tous les succès du club. Joueur réputé pour sa technique et son élégance, international, deux fois meilleur buteur du championnat, il a formé avec Richard « Rigo » Kuthan et Josef Uridil le trident offensif le plus redoutable d’Autriche. Dépositaire du Rapid-Geist, conscient que le talent ne suffit pas, il accorde une grande importance à la persévérance et au travail.

C’est donc dans ce jeune entraîneur de 32 ans que Schönecker place sa confiance et ses espoirs. Dès sa première saison, Bauer parvient à tirer profit d’un effectif inégal, dans lequel, entre vieilles gloires sur le déclin et jeunes prometteurs, manquent quelques joueurs complémentaires de bon niveau. Le Rapid termine à la troisième place d’un championnat en pleine recomposition. Alors que le Wiener Amateur SV (devenu Austria en novembre 1926) et le Hakoah, qui ont remporté les trois précédentes éditions, finissent dans le ventre mou, on retrouve aux quatre premières places les trois clubs qui vont gagner le championnat jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. L’Admira, le Rapid et le First Vienna.

Dans cet effectif de la saison 1926-1927, figurent déjà sept joueurs amenés à jouer un rôle important au cours des quatre années suivantes : les défenseurs Leopold Cejka et Roman Schramseis ; le Mittellaüfer Josef Smistik, futur capitaine de la Wunderteam, et successeur au Rapid de la légende Josef Brandstetter ; le polyvalent Johann Luef ; l’ailier droit Willibald Kirbes ; l’attaquant Franz « Blitz » Weselik ; l’ailier gauche et buteur Ferdinand Wesely.

Au-delà d’un podium retrouvé en championnat, l’évènement le plus important lors de cette première saison est la victoire en coupe d’Autriche. Ce succès acquis face à l’Austria de Sindelar permet en effet aux hommes d’Edi Bauer et de Schönecker de se qualifier pour la Mitropacup, cette nouvelle compétition européenne, dont certains disent qu’elle aurait pour origine une idée lancée par Hans Fischer, le président du Rapid. Et cela tombe bien, car faire du Rapid la meilleure équipe d’Europe était la modeste ambition du jeune Dionys Schönecker.

En août 1927, le Rapid entame sa première campagne européenne face au Hajduk Split. Un premier tour relativement facile. Les Viennois s’imposent 8 à 1 sur la pelouse du Pfarrwiese et 1 à 0 en Croatie. En demi-finale, l’adversaire est d’un tout autre calibre. Le Rapid affronte le vice-champion de Tchécoslovaquie, le Slavia Prague. Après avoir arraché le nul à l’extérieur (2-2), les Rapidler l’emportent à Vienne (2-1) grâce à un but de Wesely dans les dernières minutes, malgré une piètre prestation. Un match joué au Hohe Warte, qui accueillera la plupart des rencontres de Mitropacup du Rapid à partir des demi-finales, et conçu par un certain Eduard Schönecker. En finale, c’est le Sparta Prague, champion de Tchécoslovaquie en titre, qui se dresse sur le chemin des Rapidler. Parmi les joueurs de l’équipe entraînée par l’écossais John Dick figure le Viennois Adolf Patek, passé par le Wiener Sportclub. A Prague, le Rapid encaisse un but dès la première minute et s’il semble faire illusion pendant une heure, il finit par être complètement dépassé par le tempo des joueurs locaux. Les joueurs de Schönecker et Bauer encaissent un sévère 6 à 2 et la victoire (2-1) au retour à Vienne ne constitue qu’une maigre consolation. A y regarder de plus près, les Viennois ne pouvaient guère espérer mieux, tant Bauer semble avoir tâtonné dans sa composition défensive tout au long de la compétition. Ce n’est que dans la seconde partie de saison que des Schramseis ou Cejka seront régulièrement alignés, Bauer leur préférant souvent le vieillissant Leopold Nitsch reconverti en défenseur et associé à des joueurs plus limités. En attaque, si la recrue Johann Horvath réalise une excellente saison, le jeune Hoffman, pourtant si prometteur, semble marquer le pas.

C’est grâce à sa seconde place en championnat et au doublé de l’Admira que le Rapid se qualifie pour la seconde édition de la Mitropacup en 1928. Trois joueurs, anciens internationaux, ont pris leur retraite : Leopold Nitsch, Johann Richter et Karl Wondrak. Dans les buts, Franz Griftner relègue sur le banc Walter Feiglstock. Au milieu, c’est Johann Frühwirth (frère d’Edi) qui est aligné le plus souvent aux côtés de Smistik et Madlmayer. Ils forment une ligne de moins de 22 ans de moyenne d’âge. Le premier adversaire du Rapid est le Hungaria MTK Budapest, vice-champion de Hongrie. La lutte est acharnée. Après un succès 6 à 4 à domicile et une défaite 3 à 1 l’extérieur, le Rapid arrache à Vienne une qualification méritée lors du match d’appui. Anton Witschel inscrit le but de la victoire sur coup franc dans la prolongation. En demi-finale, les Viennois affrontent les champions tchécoslovaques du Viktoria Zizkov. A l’aller, au stade de Letná de Prague, les affaires commencent plutôt bien pour le Rapid, qui mène par 3 buts à 1 à la 37e. Mais la blessure de Schramseis change la donne et les Tchécoslovaques renversent le score (3-4). Au retour, les Rapidler l’emportent 3 à 2. Wesely rate un pénalty et la décision doit se jouer à nouveau lors d’un match d’appui. Horvath, Schramseis et Weselik (3-1) permettent au Rapid d’accéder à sa deuxième finale. Face au Ferencvaros, triple champion de Hongrie, on peut penser que les Viennois ont l’avantage de l’expérience. Pourtant, ils sabotent à nouveau leurs chances de remporter la coupe en livrant une pitoyable prestation à Budapest. Le Rapid sombre avec un 7 à 1. Les Hongrois inscrivent trois buts en l’espace de six minutes en première mi-temps. Trois autres en neuf minutes en deuxième… Certes, Bauer a titularisé le troisième gardien, le jeune Franz Hribar, mais il n’est pas le seul responsable de cette déroute. C’est bien toute l’équipe qui passe au travers et face à un collectif hongrois d’une telle qualité (Takacs, Kohut..), porté par un public à l’attitude parfois limite, cela ne pardonne pas. La cause est entendue, même si les Rapidler remportent le match retour par 5 à 3. Si la déception est grande, elle n’empêche pas les joueurs du Rapid de réaliser une remarquable saison 1928-1929. A cette finale de Mitropacup s’ajoute celle de Coupe d’Autriche mais, plus important, le club renoue enfin avec la victoire en championnat. Dans ce bilan, quelques ombres apparaissent. L’incertitude plane sur le poste de gardien de but. En défense Cejka tarde encore à s’imposer. Il n’a pas disputé une seule rencontre de Mitropacup. Mais les principales inquiétudes concernent l’attaque. Kuthan a trente-huit ans et est en pré-retraite. Horvath a brillé en Mitropacup, mais beaucoup moins en championnat. Enfin, Hoffmann déçoit encore les attentes même s’il n’a que 21 ans. Heureusement, Schönecker est encore capable de dénicher la perle rare. L’espoir a pour nom Matthias Kaburek.

Fort de son titre en championnat, le Rapid débute en trombe sa troisième campagne européenne. Fin juin 1929, les Italiens du Genoa CFC sont battus 5 à 1 sur la pelouse du Pfarrwiese. Franz « Blitz » Weselik inscrit un triplé. Deux semaines plus tard, les Viennois assurent sans ciller leur qualification en obtenant un nul (0-0) à Gênes. En demi-finale, les Rapidler sont opposés aux Hongrois d’Ujpest. La confrontation promet d’être serrée. Ces deux équipes remporteront d’ailleurs leurs championnats respectifs à la fin de saison. Un évènement imprévu va cependant jouer un rôle important. Lors du match aller, l’arbitre italien Carraro se désiste avant le début de la rencontre. Il est remplacé par un arbitre hongrois. Si sur le terrain, Ujpest l’emporte 2 à 1, en coulisse les dirigeants des deux clubs protestent, n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur le choix de l’arbitre. Dans un premier temps, il est décidé que le score serait de 0 à 0. Quatre jours plus tard, le Rapid et Ujpest se retrouvent au Pfarrwiese. Les Rapidler s’imposent 3 à 2. A ce moment-là, les Viennois sont donc qualifiés pour la finale. Mais le 1er septembre, la protestation des Hongrois est acceptée. Les deux équipes étant à égalité sur les deux rencontres, un match d’appui doit être disputé. Mécontent de cette décision, les dirigeants du Rapid souhaitent se retirer de la compétition, mais ils finissent néanmoins par accepter de disputer ce troisième match après l’intervention de leur fédération. Mais ce premier jour de septembre, un autre coup du sort a frappé le club de Hütteldorf. Lors des quatre premières rencontres, Bauer et Schönecker ont aligné le même onze : Hribar dans les buts ; Schramseis et Cejka en défense ; Madlmayer, Smistik et Luef au milieu ; Kirbes, Weselik, Kaburek, Horvath et Wesely en attaque. Or, à l’occasion de la première journée de championnat, le jeune Kaburek se blesse face à l’Admira et ne peut tenir sa place contre Ujpest. Luef replacé au milieu, Hoffmann jugé décevant, le staff viennois décide de sortir Rigo Kuthan de sa retraite. Le 25 septembre, sur la pelouse neutre du stade de Letná de Prague, le Rapid s’incline 3 à 1 après prolongation, crucifié par un triplé d’Istvan Avar « Auer ». Si l’adversaire est de qualité, la défaite est amère. Pour son dernier match sous les couleurs du club, le légendaire Kuthan est apparu lent, dépassé. Pouvait-il en être seulement autrement ? Cette titularisation offerte par son beau-frère, Dionys Schönecker, et son ancien équipier, Edi Bauer, s’est révélée être un véritable cadeau empoisonné. Cette nouvelle déception en Mitropacup ne freine pas les Rapidler pour autant. En mai 1930, ils remportent donc à nouveau le championnat. Quelques changements notables sont à signaler. Un nouveau jeune gardien, Josef Bugala, est installé comme titulaire. Johann Horvath a quitté le club à la mi-saison. Et un certain Karl Rappan est arrivé en provenance de l’Austria.

Après trois échecs consécutifs, certains se demandent si le Rapid n’a pas laissé passer sa chance. Un secteur concentre en particulier les interrogations au début de cette quatrième édition de la Mitropacup. Celui du milieu de terrain. Si Luef est repositionné en attaque pour palier notamment le départ de Horvath, le jeune Johann Madlmayer, âgé de 23 ans, a quitté le club après cinq solides saisons. Leurs remplaçants aux côtés de Smistik sont Karl Rappan et le jeune Johann Vana, venu du Hertha. En attaque, les doutes subsistent aussi sur la profondeur du banc. C’est dire que le Rapid n’apparaît pas comme le plus grand favori de cette Mitropacup. Pourtant, il y a quelques éléments porteurs d’espoirs. D’abord, c’est la dernière saison au club du capitaine Ferdinand Wesely et il entend bien remporter le seul titre qui lui manque. Ensuite, il y a le Rapid-Geist. Enfin, c’est toute l’Autriche qui est derrière cette équipe, lassée de voir le titre lui passer sous le nez. En juillet 1930, les Rapidler se lancent dans la bataille. Ils retrouvent au premier tour les Italiens du Genoa pour un résultat identique. Un nul à Gênes (1-1), une victoire aisée au Pfarrwiese (6-1). En octobre, c’est le vice-champion de Hongrie, Ferencvaros, qui se dresse sur le chemin des hommes de Schönecker. Dans son antre, et sous les fenêtres de Canetti, le Rapid roule sur les Magyars (5-1) avec un triplé de Kaburek et un doublé de Wesely. Malgré une défaite (0-1) à l’Ülloi Ut, les Viennois se qualifient pour leur troisième finale. Début novembre, les Rapidler retrouvent une vieille connaissance, le Sparta Prague de John Dick et Adolf Patek, renforcé par le Belge Raymond Braine. Le match aller a lieu encore sur le terrain adverse. Mais cette fois-ci, ils sont bien présents au rendez-vous. Livrant une prestation maîtrisée, le Rapid s’impose au stade de Letná 2 à 0, grâce à des buts de Luef et Weselik, et prend une option sur la victoire finale. Ce n’est vraisemblablement qu’au match retour, joué au Hohe Warte, que les Viennois vont connaître leur seule véritable frayeur de la compétition. Dans des conditions météorologiques compliquées, les joueurs semblent plus fatigués et Bugala commet deux erreurs grossières. A la 86e, Kostalek inscrit son troisième but et permet aux Pragois de l’emporter (2-3), entretenant un suspense. Trop court cependant. Au coup de sifflet de Sophus Hansen, la foule, les joueurs et Dionys Schönecker peuvent enfin exulter. Il aura fallu 20 années à Mr Rapid pour réaliser son rêve.

La victoire en Mitropacup n’est pas la seule raison de se souvenir de cette saison 1930-1931. C’est aussi à cette époque que de jeunes joueurs talentueux, recrutés par Schönecker et Bauer, font leurs premières apparitions sous le maillot du Rapid. Leurs noms : Franz Binder, Hans Pesser, Stefan Skoumal, Franz Wagner et Rudolf Raftl. Ce sont eux qui à leur tour transmettront les valeurs du club aux Gernhardt, Happel, Körner et consorts. Gemeinsam kämpfen und siegen.

Guybrush Threepwood (Polster) pour Pinte 2 Foot.

20 réflexions sur « Mitropacup 1930, le triomphe de Mister Rapid »

  1. Quelques ajouts et précisions. Pêle-mêle.

    Parmi tous les joueurs passés par le Rapid à cette époque, il y en pas mal qui ont fait un détour par la France. Certains connus, d’autres beaucoup moins. Il y en a quelques-uns aussi qui sont décédés pendant la seconde guerre mondiale (souvent quelques mois à peine avant la fin du conflit).

    Rappan et Vana, titulaires en Mitropa en 1930, ont quitté le club à la fin de saison. Rappan est parti en Suisse pour y faire deux ou trois choses intéressantes. Vana a rejoint le DSV Saaz, club affilié à la fédé allemande, mais qui a évolué au moins une saison dans le championnat tchècoslovaque (il est aussi le Wana passé par Strasbourg).

    Edi Bauer est décédé lors d’une opétation en 48 alors qu’il était sélectionneur national. Sur son bureau, on a retrouvé une feuille de papier sur laquelle il a couché quelques réflexions que joueurs et formateurs pourraient encore méditer aujourd’hui. Il y parle de talent, mais surtout du travail et de la perséverance nécessaire pour accomplir une belle carrière.

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  2. Merci Guypol.Ne comprenant pas allemand, j’en ai plus appris sur le Rapid grâce à cet article que tout ce que j’ai pu lire auparavant.
    Petite anecdote à propos des modalités de qualification des clubs italiens en 1929 dont c’est la 1ère participation. Le championnat d’Italie (qui n’est pas encore la Serie A) n’est pas terminé au moment où débute la Mitropa. Bologne et le Torino sont en tête de leurs poules mais ne sont pas choisis pour représenter l’Italie, les « finales » pour le scudetto étant prioritaires. Un mini tournoi qualificatif, avec les équipes les mieux classées derrière Bologna et le Toro, est organisé pour désigner les deux représentants italiens : la Juventus élimine l’Ambrosiana (Inter) et le Genoa écarte le Milan FC (AC Milan) au tirage au sort après deux rencontres sans vainqueur. Les deux équipes italiennes sont éliminées au 1er tour de la Mitropa.

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    1. Merci à toi, en écrivant, je me suis justement demandé comment les clubs italiens étaient désignés. Quelque chose m’échappait.

      Oui, la Mitropa était aussi une opportunité de parler du Rapid, de ses débuts, de sa place dans le foot autrichien… Et de Schoenecker évidemment, parce qu’il est eclipsé par un Meisl alors que son œuvre est très importante.

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    2. Tiens, un autre ajout.

      Outre le fait d’avoir attiré l’attention de Schoenecker sur un certain Josef Bican, Roman Schramseis aussi eu un fils footeux. Roman Schramseis Jr. est passé modestement par Udinese notamment.

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    1. T’as vu un peu ça ?! c’est pas chez Bobbyschanno que tu vas trouver du Canetti.

      Oui, Josef Uridil était une star. On pouvait boire une bière Uridil et mettre du sucre Uridil dans son café. Il a eu droit à une chanson aussi, composée par Hermann Leopoldi. Il a tourné dans un film également. Bref, il était très populaire.

      Avec le Rapid, il a inscrit, je crois, 147 buts en 116 matchs. Il a aussi planté lors de son passage au Vienna. Et 8 buts en autant de sélections. Pourtant lors de son arrivée à Hütteldorf, certains, comme Kuthan, étaient sceptiques. Pour eux, le collectif était plus important que les individualités, et Uridil dénotait un peu. Mais Schoenecker a insisté et la suite lui a donné raison. D’ailleurs, c’est aussi la preuve que Schoenecker pouvait s’accommoder d’une star contrairement à ce qui lui a été reproché ensuite avec l’épisode Bican.

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      1. Il s’est passé quoi exactement avec Bican? Quelles sont les raisons de son départ du Rapid?

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      2. @Bobby

        Schönecker était typographe de formation. Il aurait mieux fait!

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      3. @Khia

        À ce qu’il semble, Bican avait quelques soucis niveau hygiène de vie et discipline. Et peut être aussi que le jeu pratiqué au Rapid lui convenait moins. Le Slavia a cherché à le débaucher et Bican voulait rejoindre Prague. Il a, je crois, refusé une belle proposition du Rapid, mais Schönecker a refusé de le laisser partir. Vraisemblablement, il a rompu son contrat et été suspendu. Par l’intermédiaire de son oncle, il a ensuite rebondi à l’Admira. Il y est resté deux ans, puis a enfin rejoint le Slavia. Je crois que son départ de l’Admira a aussi été houleux.

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  3. Les deux bâtiments en haut à gauche, sur la photo du Pfarrwiese en 1920 : ce sont des HLM?

    Je trouve ça moche! 🙂 , mais ça m’a toujours intrigué de quand dataient ces uppercuts (en général) dans nos villes, or les plus vieux de cet acabit que j’aie vus dataient de 1927, en Allemagne, bref : 1920 me paraît (je ne doute pas de ce que tu écris là) extrêmement avant-gardiste!

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    1. La légende indique « après 1920 ». Je ne sais pas quand a été prise la photo, mais à en juger par l’état du matos et les bâtiments derrières, elle doit être bien plus tardive. Mais comme le stade n’a guère bougé après 1920, ça ne change pas grand chose, huhu. Et pis, trouver des photos avec une définition acceptable, c’est coton.

      Sinon, il y a la maquette
      https://2.bp.blogspot.com/-ZhMM3BNWJuo/TuoIzQpEoXI/AAAAAAAACJs/DDMFrWPI_H0/s1600/DSC07488.jpg

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      1. Nan, si c’est bien un stade autrichien sur l’image, je penche plutôt pour celui de l’Admira Wacker. Le Bundesstadion Südstadt. Ça collerait, je pense, parce que le film date du début des 70’s et que le stade a été construit fin 60’s. Le design me semble bien être celui de Südstadt.

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    1. Très bonne question et je te remercie de l’avoir posée. Difficile de répondre. D’abord parce que le Rapid est un club où le collectif a toujours primé. Et aussi parce que c’est un club qui a davantage la culture de l’avant-centre buteur plutôt que celle du joueur créatif. Donc la réponse sera vraisemblablement un attaquant. Comme Krankl, Binder, Uridil…

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      1. Uridil, au niveau d’un Krankl ou Binder? Ah oui, mec tres important dans l’histoire du club alors.

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    2. Uridil a été la première grande star du foot autrichien. Un pur avant-centre puissant, qui terrorisait les défenseurs rugueux de l’époque. Il a rejoint le Rapid à l’automne 1914, à 19 ans, mais il a été mobilisé en janvier 1915 et a été blessé ensuite, il me semble. C’est à cause de cela qu’il n’a commencé à jouer qu’en mars 18. Et de là aussi que lui vient son surnom de « Tank ».

      Ses frères Karl et Franz ont aussi joué quelques matchs avec le Rapid. Les trois ont, je crois, même joué ensemble un match de coupe. Et le fils de Josef, Engelbert, a également été un Rapidler.

      J’en ai parlé, mais aux côtés de Uridil, il y avait Edi Bauer et Rigo Kuthan. Des joueurs plus techniques qui ont marqué l’histoire du club à cette période. Mais le Rapid a cette tradition de l’avant-centre puissant et buteur plutôt qu’animateur technique. C’est pour cela que je cite Binder, Krankl ou Uridil. On pourrait citer aussi Bican, mais il est resté moins longtemps.

      Les Josef Brandstetter ou Smistik ont aussi été des références en Autriche comme Mittelläufer.

      Le Rapid a aussi donné dans le joueur polyvalent. Outre Hanappi, je pense à Gernhardt, qui a du jouer à presque tous les postes de l’attaque et du milieu avec le Rapid et l’équipe nationale. Et avant lui, il y a eu Luef, qui a fait encore mieux, puisqu’il a aussi dépanné en défense et même comme gardien de but.

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