Strasbourg, saison 1983-1984 : des derbies à la pelle

Un derby dans une saison, c’est toujours un plaisir pour les supporters. Deux, c’est plutôt inespéré, alors que dire de trois derbies ? C’est ce qu’on vécu les habitants de Strasbourg lors de la saison 1983-1984 de troisième division.

Avant que Platini et les Bleus ne remportent l’Euro 84, la saison 1983-1984 a été particulièrement intéressante en France : la troisième division a vu quatre équipes de la même ville s’affronter dans le groupe Est. Un quart des 16 équipes venaient en effet de Strasbourg.

Il y a tout d’abord la réserve du RC Strasbourg. Dans une Division 3 taillée en 1971 pour que les réserves des clubs professionnels affrontent les clubs amateurs, l’équipe B du Racing y est comme un poisson dans l’eau. Présente en troisième division à partir de 1974, la réserve remporte le groupe Est en 1980 et s’offre un joli frisson en atteignant la finale du championnat (perdue 0-2 puis 0-1 contre la réserve de l’ASSE). Si les saisons suivantes sont moins glorieuses, la réserve du RC Strasbourg est toujours classée dans la première moitié du tableau.

À ses côtés se trouve l’ASP Vauban Strasbourg. Ce club atypique, vainqueur de Division 3 en 1981 et 1982 et qui a refusé à chaque fois la montée en D2 et le statut professionnel qui va avec, a une histoire particulière avec le RC Strasbourg. L’ASP Vauban a fusionné avec le Racing en 1970, dans la foulée de sa victoire dans le Championnat de France Amateurs. Mais des anciens du club rejettent cette fusion et décident de repartir au dernier échelon en 1971. S’ensuivent six saisons de folie : six montées consécutives, assortie d’une période d’invincibilité de 113 matches. À l’aube de la saison 1983-1984, c’est un concurrent sérieux à la victoire dans le groupe Est.

Il faut aussi compter avec le FC Strasbourg Koenigshoffen, ancêtre du club récemment éliminé par Angers en seizième de finale de Coupe de France. Un club presque sans histoires, qui vient d’être promu en troisième division. Et puis il y a aussi l’AS Strasbourg. C’est le club doyen de la ville et il a remporté la quatrième division en 1982.

Quatre clubs dans une même ville, une situation unique en France

L’omniprésence des Strasbourgeois dans ce groupe Est de la Division 3 étonne et les médias de l’époque s’intriguent de voir une telle quantité de derbies, même dans un championnat régional. Il est probable que cette situation ait été unique dans l’histoire du championnat de France. L’événement ne se répète pas la saison suivante, car l’AS Strasbourg est reléguée après avoir terminé la saison à la quatorzième place. 23 petits points ne suffisent pas à la maintenir, tandis que Koenigshoffen se sauve avec 26 points, finissant douzième. Il faut regarder en haut du classement pour retrouver les deux autres concurrents. La réserve de Strasbourg réalise une saison honnête et finit quatrième avec 35 points, mais l’ASP Vauban fait mieux en prenant la troisième place (36 points). Mieux, les Pierrots se voient proposer l’accession en D2 car ils ont fini derrière les réserves de Metz et de Mulhouse. Mais ils refusent de nouveau de monter au niveau professionnel.

Lors de la saison 1984-1985, Koenigshoffen et la réserve du RC Strasbourg sont à leur tour relégués en quatrième division. L’ASP Vauban reste seul sur le trône du football amateur strasbourgeois, confirmant sa suprématie en remportant toutes les coupes d’Alsace entre 1984 et 1987.

Un championnat dans le championnat

Mais qui donc a remporté le titre honorifique de champion de Strasbourg cette saison-là ? Un rapide tour sur les résultats permet d’établir un classement. Et avec 13 points pris contre ses voisins, c’est la réserve du Racing Club de Strasbourg qui l’emporte, devant l’ASP Vauban (11 points). Koenigshoffen est troisième (six points) et l’AS Strasbourg dernière (deux points). Si l’AS Strasbourg a subi le plus gros revers (une défaite 3-0 sur le terrain de l’ASP Vauban lors de la 26e journée), c’est Koenigshoffen qui termine avec la pire attaque (seulement deux buts marqués).

De ces quatre équipes, seule l’ASP Vauban reste en vue dans le football de la région. Les Pierrots remportent trois fois de suite la Coupe d’Alsace entre 1984 et 1986 et voient passer quelques joueurs de renom sous leurs couleurs, parmi lesquels Didier Six ou Arsène Wenger. Koenigshoffen a retrouvé les projecteurs grâce à son beau parcours en Coupe de France cette saison et notamment l’élimination du Clermont Foot en 32e de finale. L’AS Strasbourg est de son côté descendue au niveau district. Le doyen du football strasbourgeois n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été. Et sa descente aux enfers a peut-être commencé lors d’une saison à trois derbies.

11 réflexions sur « Strasbourg, saison 1983-1984 : des derbies à la pelle »

  1. C’est aussi cette saison-là que l’actuelle Meinau à été inaugurée après reconstruction totale des tribunes en vue de l’Euro 84. Elle offrait alors 40000 places dans une enceinte très moderne pour l’époque qui a aussi accueilli la finale de C2 1987-88, remportée par le FC Malines (1-0) face à l’Ajax.

    Si je me souviens bien, le Racing avait monté un projet « retour au sommet » cette saison-là en faisant venir Jürgen Sundermann sur le banc (l’homme qui avait fait du VfB Stuttgart un prétendant au titre) et un recrutement assez ambitieux dont j’ai oublié les détails. L’opération n’avait qu’à moitié réussi, Sundermann était finalement parti en 1985 et le Racing était descendu la saison suivante.

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    1. D’après mon souvenir, Sundermann avait fait de Strasbourg une machine à défendre, spécialiste du contre et du 0-0. Ils avaient fini quelque chose comme huitième là où tout le monde attendait mieux. Avec le recul du temps, peut-être s’était-il aperçu que son effectif était trop limité dans le jeu pour faire autrement. En tout cas, sa réputation d’entraîneur à succès en avait pris un coup. Celle-ci devait sans doute plus à l’excellente cuvée des juniors de Stuttgart dans les années 70 qu’à autre chose, j’y reviendrai peut-être dans un article dont j’ai eu l’idée en repensant à Didier Six dans les commentaires sur « l’amour du maillot ».

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  2. Intéressante anecdote, merci Modro.
    Concernant le Racing des années 90, il me semble, enfant… qu’une rumeur courrait au sujet d’une potentielle venue de Roberto Baggio en Alsace… Un connaisseur peut-il faire la lumière sur cette légende urbaine svp ?
    PS: ça ferait un beau sujet d’article ça (« les cigognes n’apportent pas Roberto Baggio »)!

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  3. Jolie découverte, cet article. L’AS Pierrots Vauban, voilà un nom sympa. Pourquoi Pierrots, cela fait référence à quoi ?

    PS : c’était encore la victoire à 2 points et tu as dû compter avec la victoire à 3 points, non ?

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    1. Entre les vraies péripéties d’un club qui a voulu faire trop vite dans les années 80, appuyé par la presse qui n’avait pas évacué sa Guilloulâtrie, et celles, fictives, du téléfilm « 3 morts à zéro » avec Guy Marchand, Jean Carmet, et Thierry Roland lui-même, il y a effectivement de quoi faire un bel article !

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