Tanabata – La promesse (1/6)

Dans cette nouvelle série, P2F vous propose de partir à la découverte des divers éléments constituants la culture footballistique au sein de la ville japonaise de Sendai, la plus grande agglomération du nord-est du pays. Dans ce premier épisode, nous aborderons un événement aussi traumatisant pour cette région que fondateur pour son club local : le Grand tremblement de terre du 11 mars 2011.

Sendai : une métropole de plus de 2 millions d’habitants, capitale de la préfecture de Miyagi et plus grande ville de la région du Tôhoku (littéralement, le « nord-est » de Honshu, la principale île de l’archipel nippon). Grand pôle universitaire, Sendai est réputée pour sa verdure inhabituellement abondante pour une grande agglomération japonaise, jusqu’à être surnommée « la Cité des Arbres ». Mais également par la diversité de son activité économique, qui contraste avec celle de sa région, qui est elle essentiellement basée sur l’agriculture et la pêche. Mentionnons également que Sendai est particulièrement connue au Japon pour les festivités de Tanabata, « La fête des étoiles », l’un des principaux festivals de l’été au Pays du Soleil levant.

Lors des célébrations du festival de Tanabata, toute la ville de Sendai se pare de ces ornements appelés Fukinagashi

Un peu plus près des étoiles

Le football à Sendai, comme partout au Japon, prend sa source dans le monde de l’entreprise. Le cas échéant, à la fin des années 80. Le mastodonte Sony et l’entreprise Tôhoku Electric fondent chacun de leur côté leur équipe de football. Chez les électriciens, elle finit par prendre le nom de Brammel Sendai en 1994, avec pour objectif à terme d’intégrer la toute nouvelle ligue professionnelle, chose que Sony se refusera à faire. Après quelques saisons à attendre dans l’antichambre, la fédération japonaise de football décide de créer en 1999 une deuxième division professionnelle. Le Brammel Sendai fait partie des 10 équipes fondatrices, intégrant de fait le nouvel échelon de la pyramide du football nippon. Pour l’occasion, le club adopte une nouvelle identité. Aux couleurs jaunes et bleues s’ajoutent un changement de nom : afin de rendre hommage aux fêtes de Tanabata chères à la ville, ce sont les noms des deux principales étoiles célébrées à cette occasion qui serviront de fondation à ce nouveau club, et qui apparaitront sur le nouveau logo. Ainsi, de la fusion de Véga et d’Altaïr naquit Vegalta, la nouvelle étoile du football à Sendai.

Le logo du Vegalta. On retrouve les deux étoiles Vega et Altaïr sur les côtés, ainsi qu’un aigle, mascotte du club, symbole de victoire dans la mythologie grecque et référence à la constellation de l’Aigle au sein de laquelle on trouve Altaïr.

Après trois saisons passées au sein de la J.2 League, le Vegalta connait sa première promotion dans l’élite. Il y restera deux ans avant de replonger à l’étage inférieur. Au cours des années 2000, les matches au Yurtec Stadium, situé dans le quartier d’Izumi au nord de la ville, se suivent mais ne se ressemblent pas. Le Vegalta est sur courant alternatif et ne parvient pas à se stabiliser dans le haut du tableau, et donc parmi les prétendants à la montée. Et ce, malgré des classements somme toute assez respectables. C’est en 2008 qu’arrive la première pierre du renouveau : un régional de l’étape, Makoto Teguramori, est nommé entraineur de l’équipe première. Originaire de la région du Tôhoku (il a grandi dans le nord, dans la préfecture d’Aomori) et très attaché à ses racines, Teguramori comprend parfaitement la mentalité locale, et donc des supporters du Vegalta Sendai. Par sa personnalité, il parvient à créer un lien extrêmement fort entre le club et ses supporters, lesquels sont bien plus nombreux qu’auparavant à venir encourager le Vegalta, aussi bien à domicile qu’à l’extérieur. Au point de devenir un élément central de l’identité du club.

Par ailleurs, les compétences de Teguramori ne sont pas seulement sur le plan humain, mais elles le sont également sur le plan tactique. Sous sa houlette, l’équipe gagne en confiance et en force, au point de terminer à la troisième place au terme de la saison 2008, échouant toutefois dans l’objectif de montée après une défaite en barrages contre le Jubilo Iwata. Mais ce n’est que partie remise. Car le Vegalta termine la saison 2009 à la première place du classement, glanant son premier titre, et lui offrant un accès direct à l’élite du football japonais. Naturellement, pour la saison 2010, personne se s’attend à ce que le petit nouveau n’écrase tout sur son passage. Qu’importe. L’année est difficile, mais le Vegalta termine avec un bilan honorable de 10 victoires et neuf matches nuls en 34 rencontres, lui permettant de s’établir à la quatorzième place sur 18 en championnat, assurant donc aisément son maintien. La saison 2011 s’annonce à priori du même acabit : bien moins armé financièrement et qualitativement que la plupart des autres équipes, le Vegalta semble condamné à lutter pour son maintien. Le club de Sendai en a conscience, et se prépare alors à défendre vaillamment ses couleurs et sa région alors que le championnat est sur le point de reprendre en cette fin d’hiver.

Les joueurs du Vegalta Sendai célébrant leur titre de champion de 2ème division

La colère du ciel

Nous somme le vendredi 11 mars 2011. Le soleil se lève sur le pays pour se qui s’annonce comme une nouvelle journée des plus banales. Les enfants se rendent à l’école pour les derniers jours de classe de l’année (au Japon, l’année scolaire commence en avril et se termine en mars), les salariés rejoignent leur lieu de travail. La saison professionnelle de baseball commence en ce jour, et celle de football s’apprête à en faire de même pour le week-end à venir.

14h46, la télévision nationale NHK est en pleine retransmission des débats au sein du Parlement, lorsque brusquement, une alerte visuelle et sonore apparait à l’écran : un séisme de grande importance a été détecté au large de la côté nord-est et est sur le point de frapper les cinq préfectures composant la région du Tôhoku. Quelques secondes plus tard, la retransmission au Parlement s’interrompt. Un présentateur apparaît alors, et explique que le studio dans lequel il se trouve à Shibuya commence lui aussi à être touché par des secousses importantes. L’onde sismique a désormais atteint la capitale japonaise. On bascule alors sur le centre-ville de Sendai, d’où l’épicentre présumé ne semble pas être très loin. Les images sont diffusées par une caméra ballotée violemment dans tous les sens, ce qui permet de se rendre compte de la puissance de ce tremblement de terre.

Quelques instant après le séisme, un puissant tsunami s’abat sur les côtes japonaises, ravageant des villes entières, comme ici à Natori, Miyagi.

Un séisme enregistré à 9.1 sur l’échelle de Richter. Situé à l’intersection de trois plaques tectoniques majeures, l’archipel japonais est de tous temps habitué à subir des tremblements de terre plus ou moins violents. Au point que cela fait en réalité partie du quotidien des locaux. Mais celui-ci dépasse l’entendement. De mémoire d’habitant, aucun ne se souvient avoir connu pareilles secousses. Et pour cause : il s’agit tout simplement du séisme le plus puissant jamais enregistré dans l’histoire du Japon. A Sendai, grande ville la plus proche de l’épicentre, la terre a tremblé pendant près de six minutes ! Et s’il est vrai que le Japon est réputé dans le monde entier pour la qualité de ses infrastructures parasismiques, la plupart des bâtiments ayant très bien résistés, les dégâts dans la ville restent considérables.

Mais le pire est à venir. Alors que l’onde sismique continue de faire trembler certains territoires plus au sud, c’est une alerte nationale au tsunami qui est déclenchée. Les habitants vivants sur les côtes du Tôhoku n’ont que quelques minutes pour évacuer. Car à peine un peu plus d’un quart d’heure après le début des secousses, la première vague du tsunami provoqué par le séisme est déjà là. Ce sont des vagues allant parfois jusqu’à 15 mètres de hauteur qui s’abattent sur la région, comme à Minamisariku, Natori ou Ishinomali, entièrement dévastées. De nombreuses bourgades subissent un sort similaire dans les préfecture de Miyagi, d’Iwate et de Fukushima. C’est d’ailleurs cette dernière qui va principalement attirer les regards de la planète entière pendant les semaines qui suivront, puisque les dégâts engendrés par le tsunami à la centrale nucléaire s’y trouvant provoqueront le plus grave accident nucléaire depuis celui de Tchernobyl en 1986.

Le 14 mars 2011, le réacteur numéro 3 explose. Un premier avait déjà explosé deux jours plus tôt. Les alentours de la centrale seront hautement irradiés.

L’étoile de l’espoir

Alors que le monde focalise son attention sur la centrale nucléaire de Fukushima dai-ichi, et que le Japon doit vite établir des plans d’actions pour se remettre de cette triple catastrophe, le Tôhoku commence à penser ses plaies… et compter ses morts. Pas moins de 16 000 personnes ont perdu la vie, auxquels on doit ajouter quelques 3 000 disparus, essentiellement dus au tsunami. Et bien sûr, des dizaines de milliers de réfugiés qui du jour au lendemain ont tout perdu et se retrouvent sans toit. Personne n’est épargné. Le milieu de terrain du Vegalta Kunimitsu Sekiguchi est par exemple lui aussi contraint de vivre quelques temps dans un centre d’accueil. La ville de Sendai fut cela dit, il est vrai, moins impactée par le tsunami que les zones côtières. Néanmoins, dans de nombreux quartiers, l’électricité, l’eau courante et le gaz peinent à revenir. Instinctivement, des supporters du Vegalta pensent à utiliser le Yurtec Stadium comme dépôt centralisateur pour les provisions d’urgence destinées aux sinistrés.

Cette initiative est à l’image de l’élan de solidarité dont va faire preuve une bonne partie du football japonais. Les supporters du Vegalta, accompagnés par d’autres supporters venus de tout le pays, vont très vite se distinguer en se portant volontaires pour déblayer les premiers dégâts et faire des dons aux personnes dans le besoin. Devant l’ampleur de la catastrophe, la fédération japonaise de football annonce dès le 12 mars le report du début du championnat. Pour cause, son centre d’entraînement ayant été endommagé, le Vegalta se retrouve dans l’incapacité de s’entrainer. Aussi les joueurs ont été prié par le club de regagner leur domicile d’origine… avant d’être rappelés deux semaines plus tard par le coach Makoto Teguramori en personne. Et ce pour une mission simple : aider les supporters et le reste des habitants à nettoyer les premiers dégâts, puis partir à la rencontre des sinistrés pour leur donner un peu d’espoir

Les joueurs du Vegalta Sendai, ici l’ancien international japonais Atsushi Yanagisawa, se rendent à Ishinomaki à la rencontre des sinistrés de la région.

Menées par leur entraîneur, originaire du Tôhoku, les actions humanitaires des joueurs de Vegalta vont durablement marquer la région et tisser un lien unique avec les habitant de la préfecture de Miyagi. C’est à ce moment là que le Vegalta Sendai devient l’emblème de toute une ville et de toute une région. Plus que tout autre. Car il y a une différence fondamentale avec l’autre grosse équipe de la ville, celle de baseball, sport qui reste le plus populaire sur l’archipel : l’équipe professionnelle locale s’appelle les Tohoku Rakuten Golden Eagles. Rakuten, l’équivalent japonais d’Amazon, en est le propriétaire et le principal sponsor. L’équipe porte les couleurs de Rakuten, pour le logo de Rakuten en guise de blason, … Dans l’imaginaire collectif, cette équipe, bien que basée à Sendai, c’est l’équipe de Rakuten. Il n’y a pas ou très peu d’attache locale à cette franchise du championnat de baseball. Tout l’inverse du Vegalta Sendai, club de football qui malgré ses succès modestes, porte en étendard jusque dans son nom le symbole et l’identité de la ville de Sendai. Ce club devient alors, en ce terrible mois de mars 2011, une source d’espoir pour toute une région. L’espoir d’apporter un peu de lumière dans ces sombres moments.

C’est au 23 avril 2011, avec plus d’un mois de retard qu’est planifié le début de la saison de J. League. Le Vegalta doit se déplacer sur le terrain du Kawasaki Frontale. Naturellement, les joueurs ne sont pas des plus confiants en raison de la quasi absence de préparation. Bien que les lignes de communications soient pour la plupart rétablies, le voyage vers la banlieue de Tokyo n’a rien de simple pour les supporters, qui sont tout de même deux bons milliers à faire le déplacement. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils se revoient depuis les tragiques événements du 11 mars, et c’est cruellement l’occasion aussi de voir qui a survécu… Des supporters du Vegalta ont perdu la vie lors de ces évènements. Pour ne rien arranger, la rencontre au stade Todoroki se disputera sous une pluie battante et ininterrompue. Les supporters visiteurs n’en tiennent toutefois que peu rigueur, et c’est sous des acclamations soutenues et émus qu’ils accueillent l’entrée des deux équipes sur le terrain.

Minute de silence solennelle avant le match contre Kawasaki.

Toutefois, ce n’est qu’après le serrage de main protocolaire avec leurs adversaires que les joueurs du Vegalta, ainsi que leur coach, remarquent la présence de deux banderoles du côté de leurs supporters. Deux banderoles qui n’étaient pas là lors de l’échauffement. La première dit : « Soyons l’étoile de l’espoir de Miyagi. Marchons ensemble, et allons de l’avant. » Quant à la deuxième, elle est plus explicite encore. S’adressant dans un premier temps à tous ceux qui ont apporté leur aide de près ou de loin à la population du Tôhoku, elle adresse ensuite un message, ressemblant moins à un vœux qu’une promesse fait à tout le monde du football : « Merci à tous nos amis ! Jusqu’à la reconstruction de notre ville, nous ne perdrons plus un match ! »

La banderole de la « Promesse »

Du cauchemar au rêve

Cependant, la promesse de ne pas connaître la défaite connait déjà un début de contrariété lorsque Yusuke Tanaka ouvre le score pour les locaux. Un petit peu à la surprise générale. Non pas que le Vegalta soit particulièrement le favori de cette rencontre, mais il règne en tribune de presse et dans les gradins un léger sentiment de gêne… Comme si le Kawasaki Frontale ne respectait pas son rôle, ne respectait pas le script du film. Car la vérité, c’est que tout le monde souhaite que Vegalta remporte cette rencontre. Pour l’espoir, pour le symbole, le pays entier est derrière Sendai lors de ce match. Y compris certains supporters de Kawasaki, parmi lesquels certains commencent à reprendre des chants « Let’s go Sendai ! » venant de la tribune adverse, dans un moment aussi unique que surréaliste.

Heureusement pourrait-on dire, le film commence à prendre une meilleure tournure en seconde mi-temps. Sendai joue mieux et arrache l’égalisation à l’entrée du dernier quart d’heure par Yoshiaki Ôta, lequel a somme toute reçu un coup de pouce du destin avec son tir dévié. Revigorés, les joueurs du Vegalta poussent pour arracher la victoire. On joue alors la dernière minute de jeu et le capitaine Ryang Yong-gi frappe un coup-franc au niveau du poteau de corner. Le ballon arrive sur la tête de Jirô Kamata et termine sa course au fond des filets. Le scénario est magnifique et aboutit sur une victoire sur le fil 2 à 1 du Vegalta Sendai. Au coup de sifflet final, l’émotion est bien sûr des plus palpables. L’entraineur Makoto Teguramori, lors de l’interview d’après match, peine à contenir ses larmes : « C’était la meilleure façon de gagner. Les joueurs se sont battus toute la rencontre pour la région du Tôhoku. »

La semaine suivante, c’est l’heure du premier match à la maison contre les Urawa Reds, alors que de nombreux habitants sont encore privés d’eau et de gaz dans certains quartiers. Les banderole de la « promesse » sont encore là. Et Sendai s’impose un à zéro sur un nouveau but de Yoshiaki Ôta. De fait, cette victoire arraché à Kawasaki a eu un effet déclic, qui va décupler la confiance au sein de l’équipe. Et les bons résultats vont s’enchaîner : pas moins de 11 matches consécutif sans défaite. Le club va même atteindre la première place le temps d’une journée et l’on se met à rêver d’une saison en tout point historique. La « promesse » prend toutefois fin lors d’un déplacement sur le terrain du Shimizu S-Pulse et une défaite 1-0 au terme d’une prestation très terne. Ce fut comme si l’équipe semblait s’écrouler sous la pression de toute une région, voire de tout un pays, qui attend de la voir apporter de la joie à tout un peuple. Car si la victoire a Kawasaki a été un déclencheur positif, la défaite à Shimizu amorcera un été cauchemardesque, avec une série de neuf matches sans victoires, laissant croire que les joueurs de Teguramori étaient en surrégime et ont retrouvé leur vrai niveau.

Mais le coach est un homme avec de la ressource, compétent tactiquement et humainement. Son discours tout en positivité va finir par permettre à ses joueurs de remonter la pente. Sur les 15 derniers matches de championnat, Vegalta ne connaît plus la défaite. Certes, il y a pas mal de matches nuls, mais aucune défaite en 15 rencontres est une performance qui reste remarquable pour une équipe à qui on promettait d’être à la lutte pour le maintien. Finalement, c’est à la quatrième place que le Vegalta finit la saison. Loin du titre, en dehors des places qualificatives pour la Ligue des Champions asiatique, mais à ce moment là la meilleure performance dans l’histoire du club. La mission qu’avait donné Teguramori est plus que remplie : à travers ses résultats, l’équipe a réussi a donné un peu de baume au cœur à une région qui en avait besoin, qui s’est sentie représentée par ces joueurs dont la résilience fut le principal atout.

La promesse n’aura pas tenu toute la saison. Mais peu importe, dans les cœurs et dans les résultats, la saison 2011 du Vegalta Sendai est une immense réussite.

Jusqu’à la reconstruction

Une année est passée depuis les événements du 11 mars 2011. Et alors que près de 500 000 habitants du Tôhoku sont encore sans toit, une nouvelle saison de football est sur le point de commencer. Mais le Vegalta n’a pas renoncé à son rôle et continue d’entreprendre des actions humanitaires durant l’intersaison afin de soulager le quotidien difficile des sinistrés : dons de matériel pour des clubs locaux, sessions d’entraînement pour les enfants avec les joueurs pros… Dans la ville, dans la préfecture de Miyagi, et dans l’ensemble de la région du Tôhoku, la popularité de l’équipe est à son plus haut.

Avec un effectif qui a relativement peu changé par rapport à la saison passé, le Vegalta Sendai repart pour une nouvelle saison 2012
Debouts : Toshihiro Matsushita ; Takuto Hayashi ; Shingo Akamine ; Taikai Uemoto ; Makoto Kakuda
Accroupis : Naoya Tamura ; Wilson ; Kunimitsu Sekiguchi ; Yoshiaki Ôta ; Shingo Tomita ; Jiro Kamata

Mais une question demeure : lors de la saison 2011, le Vegalta était il en surrégime ? A-t-il fini quatrième grâce à la catastrophe, porté par cet élan d’enthousiasme et de solidarité qu’il a reçu ? Le premier match de la saison contre les Kashima Antlers, un poids lourd du championnat, va en tout cas indiquer le contraire : victoire 1-0. Puis nouvelle victoire au deuxième match, 2-0 sur le terrain des Yokohama F. Marinos. Puis victoire 4-1 contre Ômiya. Les bons résultats s’enchaînent. Et la folle série de match sans défaite entamée la saison passé se poursuit, encore et encore. Jusqu’à être poussée à 24 matches consécutifs sans la moindre défaite en championnat ! Mais comme l’an dernier, c’est contre le Shimizu S-Pulse, prenant semble-t-il un malin plaisir à jouer le rôle du méchant de l’histoire, que la première défaite intervient. A domicile cette fois… Mais cette année, le Vegalta ne va pas s’écrouler, et va continuer d’aligner les bons résultats. En fait, le football nippon se rend compte alors que Teguramori et ses joueurs n’étaient pas en surrégime. Ils sont véritablement talentueux. Et sont prêts à se lancer dans une lutte pour le titre, une lutte effrénée avec le Sanfrecce Hiroshima et les Urawa Reds.

La cadence est rude, mais Sendai s’accroche, arrachant des victoires ou des points précieux dans la course à la première place : un 1-1 sur le terrain du Gamba Ôsaka, un succès 4-0 sur Nagoya, 2-2 contre Yokohama dans les dernières minutes, une victoire au forceps 3-1 sur le terrain d’Ômiya ou 2-1 face à Kawasaki, où même 2-1 encore à l’ultime seconde contre le Vissel Kôbe. Le 20 octobre, alors qu’il reste six matches à jouer, le Vegalta reçoit les Urawa Reds, et s’impose 3-2 au terme à nouveau d’une partie très disputée. Urawa est quasiment écarté pour de bon de la course au titre, tandis que le duel entre Sendai et Hiroshima, qui sont à égalité de points à cinq matches de la fin, s’annonce plus serré que jamais !

Mais dans le sprint final, le Vegalta ne sera cette fois pas à la hauteur des attentes et concède trois matches nuls consécutifs. Si Hiroshima n’a pas non plus réussi à en profiter, Sendai n’a plus son destin entre ses mains à l’aube de l’avant dernière journée : un point d’écart sépare les deux équipes. Si le Vegalta, qui reçoit l’Albirex Niigata, perd et que Hiroshima s’impose contre le Cerezo Ôsaka, la bataille pour le titre sera définitivement perdue. Il n’y a pas le droit à l’erreur, d’autant que Niigata, englué dans le bas de tableau, doit également s’imposer pour espérer arracher son maintien en première division. Le Yurtec Stadium est plein à craquer pour ce dernier match de la saison à domicile, peut-être le plus important de l’histoire du club. Dès le début de match, le Vegalta cherche à mettre la pression sur le but adverse. La frappe du gauche de Shingo Tomita heurte de plein fouet le poteau. Niigata subit une tornade d’occasions durant tout le premier quart d’heure, mais ouvre le score contre le court du jeu par Kim Jin-su. Le siège du camp de l’Albirex durera toute la rencontre, mais ni les tentatives de Wilson, de Akamine, ni celles du capitaine Ryang Yong-gi ne trouveront la faille. Les six minutes de temps additionnel ne changeront rien. Dans le même temps, Hiroshima s’est largement imposé… C’est terminé. Le Vegalta Sendai a perdu le match, et son rêve de premier titre de champion du Japon.

Défaits sur leur pelouse par Niigata, les joueurs de Vegalta rentrent au vestiaire abattus. Ils ont perdu le match décisif dans la course au titre.

Même si le public reste longtemps dans le stade à applaudir ses favoris afin de les remercier pour tous ces moments mémorables vécus à leurs côtés depuis deux ans, la déception se ressent dans les yeux de tous les joueurs du Vegalta. Démobilisés, ils s’inclineront lourdement sur le score de 6 à 2 sur le terrain du FC Tôkyô. Cette défaite face à Niigata annonce la fin du conte de fée, le retour à la réalité. Car lors de la saison 2013, jamais le Vegalta n’arrivera à recréer une dynamique similaire à celles des deux années précédentes, terminant à une décevante treizième place. De plus, la première campagne continentale de l’histoire du club se soldera par un triste échec et une élimination dès la phase de groupe avec seulement une petite victoire en six matches. Après avoir tant fait pour Sendai, Makoto Teguramori s’est cette fois montré incapable de remobiliser son groupe quittera le club à la fin de la saison. La plupart des joueurs l’imiteront au fil des années et s’en iront, les uns après les autres. Le Vegalta Sendai est rentré dans le rang et l’équipe accumulera les saisons dans le ventre mou de la J. League, avec pour seule éclaircie une finale de Coupe de l’Empereur perdue en 2018. Jusqu’à une relégation définitive en 2021.

Aujourd’hui, le Tôhoku a cicatrisé une bonne partie de ses plaies, et dans la ville de Sendai, les traces du Grand tremblement de terre ne sont plus vraiment visibles. Aujourd’hui, le Vegalta est en deuxième division. Malgré ses ambitions, il n’a pas su construire un effectif suffisamment qualitatif pour jouer la montée, et l’instabilité des résultats font encore planner le spectre d’une relégation en troisième division, ce qui serait une première. Mais si le Vegalta a de peu manqué le train qui aurait pu lui permettre de se muer en un des clubs phares des années 2010, il a toujours conservé le fidèle soutien des habitants de sa ville et de sa région. Mais même 12 ans après les tragiques événements de 2011, l’amour de cette ville pour son équipe de football se fait encore nettement ressentir. Et si Vega et Altaïr sont les étoiles officiellement célébrés lors de Tanabata, celle qui brille vraiment dans le ciel de Sendai et le cœur de ses habitants, c’est celle du Vegalta.

Une heure après le coup de sifflet final, l’ensemble de l’équipe vient saluer le public resté encore en grand nombre dans le stade. L’entraîneur Makoto Teguramori remercie les supporters pour leur fidélité et leur soutien qui a les grandement aidé depuis deux ans.

Xixon

Même un Bordelais peut préférer la bière. Puxa Xixón, puxa Asturies, puta Oviedo ! 俺は日本サッカーサポーター ! (Rien à voir avec le judo) 

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5 réflexions sur « Tanabata – La promesse (1/6) »

  1. Effectivement très bon, bravo. Et sans jamais tomber dans le pathos.

    Peut-être (j’en sais rien) regrettes-tu de ne pas être japonais?? Nous ça fait notre bonheur, un Français complètement nippophile.. Tant mieux!

    « Ainsi, de la fusion de Véga et d’Altaïr naquit Vegalta ».. ==> J’ai les images de Goldorak en tête, là. De surcroît avec un infirmier d’origine japonaise dans les parages, lol : ça le fait complètement, merci.

    Le duel à distance Hiroshima-Sendai, hasard facétieux. Malgré les moult horreurs produites sur le sol européen, je ne vois pas d’équivalent proche (Europe de l’Ouest)………. A la rigueur s’imaginer un Dresde-Magdebourg (ville annihilée lors de la..Guerre de Trente Ans, ça date, lol) décisif pour le titre en 47, avec les ruines encore fumantes de Dresde en toile de fond??

    Je cherche cette impossible (et vaine) correspondance car, au fond, je me demande si les Japonais cultivèrent quelque dimension/passerelle symbolique dans cet affrontement à distance entre villes-martyrs du passé proche et de l’immédiat.

    Bref : ça n’apporte rien :), mais tout de même curieux de savoir si les Japonais triturent leur passé comme ça, genre « le duel de la résilience », me faire idée de leur psyché..voire de plus officiels biais narratifs chez eux?

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    1. L’ampleur de ces deux désastres amène à la comparaison en effet, mais dans les faits, il n’y a pas eu tant de lien fait entre Hiroshima et le Tôhoku.

      En vrai, au Japon, c’est plutôt avec Kôbe que le parallèle à été fait. Car Kôbe a elle aussi subi un séisme ravageur en 1995.
      D’ailleurs, dans l’esprit des Japonais, cette année 1995 est charnière dans l’histoire post-guerre du pays. La bulle spéculative a déjà éclaté et l’empereur Hirohito est décédé depuis plusieurs années, mais en 95, on a coup sur coup le séisme de Kôbe et les attentats au gaz sarin dans le métro de Tokyo par la secte Aum. Après le mythe de la prospérité, c’est le mythe de la sécurité qui s’effondre.
      95, c’est le symbole de la « décennie perdue ».

      2011, c’est le symbole d’un avenir assez sombre pour le Japon : un pays qui perd sa population à vitesse grand V, peu de perspectives économiques (même si tout n’est pas à jeter), …
      Les JO de 2020 auraient au moins du symboliquement permettre au pays de tourner la page. Mais le covid a tout gâché

      Anecdote, lorsque le Vegalta s’est déplacé sur le terrain du Vissel Kôbe, dans le stade à été diffusé un long clip faisant le parallèle entre 95 et 2011 et donnant « de la force  » au Tôhoku.
      Je ne l’ai pas mentionné dans l’article car aurait fait des redites ^^

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