Top 10 – Hajduk Split (deuxième partie)

Numéro 5 : Vladimir Beara

La légende de Beara commence quelques mois après ses 22 ans, le 22 novembre 1950, quand, pour sa troisième cape avec la sélection nationale, il doit protéger ses cages des offensives anglaises à Londres. En face, il n’y a certes ni Tom Finney ni Stanley Matthews, mais les Three Lions ont toujours gagné face à des équipes continentales à la maison. 90 minutes plus tard, cette dernière statistique n’est plus, les Plavi ayant tenu 2-2 à Highbury. Et pour toute la presse, aussi bien britannique que yougoslave, cette performance est dûe à Vladimir Beara, qui réussit plusieurs arrêts décisifs et gagne un surnom : il est devenu La Ballerine aux poings d’acier.

Treize ans après, alors qu’il est au crépuscule de sa carrière, il recevra un ultime hommage de la part de Lev Yashin, tout juste élu Ballon d’Or, qui dira : « pour moi, le meilleur gardien est Vladimir Beara. » Si cette référence ne vous suffit pas, Ricardo Zamora l’affirma également : « il n’y a pas meilleur gardien que le Yougoslave Beara en Europe. »

Après ces citations, que dire sur Vladimir Beara ?

Il débute en 1947 sous les couleurs du plus grand club du coin, le Hajduk Split. Le club vit alors son premier âge d’or, possédant le meilleur effectif du pays. Au milieu de joueurs tels que Frane Matošić, Ljubo Kokeza ou Bernard Vukas, Vladimir Beara est un membre indispensable de l’effectif du club croate. Avec le Hajduk, il remporte le championnat à trois reprises mais échoue à gagner la Coupe du Maréchal Tito, perdant contre le Vojvodina de Vujadin Boškov, le BSK Belgrade du gardien Petar Radenković et à deux reprises face au rouleau compresseur du Partizan.

En sélection, Beara équivaut à 59 sélections, un record pour un gardien yougoslave. Présent lors de trois Coupe du monde consécutives, il fut titulaire indiscutable durant toute la décennie 1950, ne laissant la place à Milutin Šoškić qu’à partir de 1959. Malgré tout cela, la Yougoslavie ne gagna rien, ne dépassant pas les quarts de finale en 1954 et 1958. Aux JO, les Yougoslaves vont jusqu’en finale à Helsinki 1952, éliminant l’URSS dans une rencontre hautement politique, mais face à une Aranycsapat au sommet de son art, les coéquipiers de Rajko Mitić ne peuvent faire mieux qu’une défaite 2-0, malgré un pénalty de Puskás arrêté par Beara.

Néanmoins, Beara trahira le cœur des fans de la Torcida en quittant Split pour Belgrade en 1955. Et alors que le Hajduk souffre sans son portier, terminant douzième et premier non-relégable en 1956, l’Étoile rouge remporte le titre ! Ce sont trois autres championnats qui suivront, en plus de deux coupes. Ses neuf titres remportés en Yougoslavie en font, avec Dragan Džajić, le joueur le plus titré de l’histoire yougoslave. Après son départ du pays en 1960, il part pour l’Allemagne de l’Ouest où il jouera quelques années à Aix-la-Chapelle puis Cologne avant de prendre sa retraite en 1964, à 36 ans.

Numéro 4 : Jurica Jerković

Il sera difficile, du côté de Split, de trouver porteur du numéro 10 plus iconique et romantique que Jerković. Intellectuel du jeu, technique et élégant, Jure était un des favoris de la Torcida. Peut-être même le chouchou… Natif de la ville, il rejoint les juniors du Hajduk dès 1963 et devient un régulier de l’équipe première en 1969. Formé par Ivić, Jerković est le pourvoyeur attitré du buteur Petar Nadoveza lors du sacre de 1971. Une joie renouvelée en 1974 sur un but à la dernière minute de Jure face à l’OFK Belgrade… Nommé capitaine au départ d’Holcer en 1975, Jerković est le cœur d’une attaque fantasque, celui qui libère la créativité de Šurjak sur son aile ou devine les intentions prédatrices du buteur Zungul.

Membre des Plavi pendant 12 ans, de 1970 à 1982, Jerković illumine le pot de départ de Pelé au Maracanã en 1971 d’une frappe fantastique de 30 mètres. Si il eût un temps maille à partir avec le sélectionneur Vujadin Boškov, il est de l’aventure du Mondial 1974 et de la déception de l’Euro 1976 à domicile, avant de faire un retour inespéré dans le groupe pour le Mondial 1982, à 32 ans, alors qu’il évolue en Suisse. Chiffrant plus de 500 matchs avec le Hadjuk et 219 buts, Jerkovic laissera le souvenir d’un joueur imprévisible. L’auteur d’un péno à deux face au gardien Pantelić, en affaires avec Šurjak, bien avant le duo Cruyff-Olsen, et aura l’immense privilège de poser la première pierre au nouveau stade Poljud.

Porté hors du stade, sur les épaules des fans lors de son match d’adieu face à Aston Villa en 1978, Jerković rejoint les rangs du FC Zurich dont il portera les couleurs pendant sept saisons. Avec classe, comme toujours, puisqu’il est élu deux fois meilleur étranger de la Ligue et succès puisqu’il gagne le titre en 1981. Finissant sa carrière en 1986 à Lugano, Jerković aura la chance de jouer un match de charité un an plus tard, aux côtés des Boniek, Branco, Dirceu et d’un certain Maradona. Ce qui fait dire à la presse croate qu’il est le seul à avoir évolué sur une pelouse en même temps que Pelé et Diego… Ayant survécu par miracle à un accident d’avion, alors qu’il revenait du Kosovo avec le nouveau joueur du Hajduk, Ardian Kozniku, son ancien numéro 10 est toujours signe de privilège. Et le poids est immense pour ses héritiers…

Numéro 3 : Ivica Šurjak

S’il ne devait y avoir qu’un seul ailier gauche dans l’histoire yougoslave, ce serait Dragan Džajić. Et pourtant, Ivan Šurjak n’est probablement pas si loin de la légende de l’Étoile rouge.

Pur produit de la formation splitoise, ville où il est né, Ivica, comme on le surnomme, débute à 18 ans dans un match de championnat opposant le Hajduk au Partizan. Et comment mieux débuter une carrière qu’en marquant le but de la victoire dans une décisive victoire 2-1 ! Suivront 21 autres matchs pour le jeune ailier chez le champion en titre qui, s’il rate sa saison en championnat, remporte néanmoins la Coupe du Maréchal Tito avec un nouveau but décisif en finale de sa pépite contre le Dinamo Zagreb.

Homme de coupe, il en remporte cinq avec le Hajduk et marque en finale durant deux d’entre elles. Il était avant tout un joueur polyvalent, ne restant que rarement sur son aile gauche. Parfois buteur mais souvent passeur, il est le leader technique du Hajduk pendant une décennie, pouvant se placer dans les meilleures positions grâce à son équilibre et sa vitesse avant d’offrir des caviars par ses passes et ses centres à ses coéquipiers Slaviša Žungul ou Jurica Jerković. A l’origine latéral gauche, il est tout aussi capable de revenir à son poste de formation que de jouer milieu de terrain en plus de son habituel poste d’ailier.

Malgré les succès qu’il remporte avec la génération dorée du Hajduk, les finales européennes ne se montreront jamais à cette grande équipe, toujours impressionnante mais toujours vaincue par un concurrent, que ce soit l’ASSE en 1975, Hambourg en 1980 ou Leeds en 1973, ce dernier échec étant le plus proche que le Hajduk ne soit passer de vivre une finale continentale…

Avec 54 capes sous le maillot des Plavi, dont 22 avec le brassard, il est des aventures de 1974, 1976 et 1982, le match face au Honduras à Saragosse étant l’ultime match de Šurjak avec la sélection. Malgré des résultats parfois décevants, les Plavi sont toujours proches des sommets, mais comme avec le Hajduk, la finale n’arrive jamais.

Saragosse, ultime ville de sa carrière, où il terminera alors tout juste âgé de 32 ans. Avant ça, il y eut le départ du cocon splitois en 1981 vers Paris. Il n’y reste qu’une saison mais participe à l’histoire du club en étant décisif dans la conquête du premier titre du club francilien, la Coupe de France 1982. Dans une légendaire finale face à l’AS Saint-Etienne de Michel Platini, Ivica brille avec deux passes décisives pour Toko et Rocheteau avant de marquer son tir au but. Comme l’année precedente, il est sur les tablettes de grands clubs. Notamment Anderlecht entraîné alors par Tomislav Ivić, son ancien coach à Split. Šurjak surprend en choisissant les ambitieux frioulans de l’Udinese. Une première saison réussie, son club terminant sixième, avant une seconde vierge de tout match, l’arrivée de Zico et le quota d’étrangers le privant de la moindre chance de jouer.

Malgré des propositions de la part du Real Madrid et du New York Cosmos, la carrière d’Ivica Šurjak s’arrête à Saragosse, comme sa carrière internationale. Il rentrera dans l’organigramme du Hajduk au début du nouveau millénaire, comme directeur sportif puis directeur général.

Numéro 2 : Frane Matošić

Il y a d’abord les chiffres. Matošić a joué 739 matchs pour le Hajduk et a marqué 729 buts. Des records qui resteront très certainement inégalés. Ensuite, il y a cette passerelle, que symbolise Frane, entre deux mondes que tout opposera dans la poudrière des Balkans. Né, comme beaucoup dans ce top, à Split le 25 novembre 1918, Matošić a toujours donné l’impression de planer au-dessus de la mêlée, imposant à 16 ans à peine sa personnalité et son jeu. Quand il débarque en équipe première en 1934, le coach Kaliterna hésite alors entre les gloires consacrées Leo Lemešić et Vlade Kragić pour le poste d’avant-centre. Il redoute de froisser l’égo de ses stars mais quelques séances d’entraînement finissent d’enterrer les doutes. C’est Frane que le Hajduk suivra aveuglément pendant 21 ans…

Auteur d’un triplé lors de son premier match face au Slavia Sarajevo, Matošić connaît sa première sélection en 1938 face à la Roumanie et joue pendant son service miliaire chez l’ancêtre de l’OFK Belgrade. Dans le chaos du début du conflit mondial, il est la figure de proue du titre de champion de Croatie 1941, avant que le Hajduk ne soit dissout, ce qui incite notre buteur à rejoindre le prestigieux Bologne en 1943 où il fera l’étalage de son immense talent. La capitulation de l’Italie étant proche, Frane rejoint clandestinement Split en 1944 désormais aux mains des Alliés.

Matošić gagnera deux pichichis de la Ligue et trois championnats yougoslaves avec le Hajduk, guidant, en frère aîné, les jeunes Barea et Vukas vers les sommets. Sa carrière internationale, perturbée par le conflit, se finira en beauté, sur un match qualificatif pour le Mondial 1954 face à la Grèce où il inscrit le but décisif. Médaillé d’argent aux JO 1948, Frane restera dans les mémoires pour ses frappes lointaines qu’il exécutait par pure improvisation, pour l’autorité qu’il dégageait auprès des joueurs et des arbitres et par son refus têtu de rejoindre le Partizan Belgrade. Ce qui lui valut certaines inimitiés au sein du PC local et une longue suspension après des heurts face à l’Etoile rouge. Suspension levée par Tito selon certains… Le souvenir le plus fort de Matošić demeure une brillante victoire 6 à 0 face au rival du Dinamo Zagreb. Une évidence. Son dévouement, son cœur et ses sacrifices n’avaient qu’un seul objectif. Offrir à la Dalmatie, sa Dalmatie, la plus belle des chorégraphies…

Numéro 1 : Bernard Vukas

Elu meilleur athlète croate du XXe siècle par le Večernji list et meilleur joueur croate de l’histoire par la HNS, pouvait-il y’avoir un autre numéro 1 que Bernard Vukas ? Probablement pas.

Auteur de 300 buts en 615 matchs avec l’Hajduk, il fut l’un des joueurs ayant réussi à remporter le titre en étant invaincu en 1950. Un exploit resté unique dans l’histoire du football yougoslave. Son but amenant l’égalisation face à l’Etoile rouge en fin de saison devenant l’un des catalyseurs de la victoire finale de l’Hajduk.

Né le 1er mai 1927 à Zagreb, il débute dans la capitale croate dès ses 11 ans. Malgré cela, ça ne sera pas avec le Dinamo que sa légende se fera. Alors qu’il joue dans un club amateur de Zagreb, son équipe est opposée au Hajduk Split. Les Zagrébois s’imposent 2-1, Vukas marquant un but. Un Splitois en particulier s’intéresse au jeune homme. Pour Frane Matošić, il n’y a pas de doute à avoir, ce gamin est particulier et il dit à Šime Poduje, alors secrétaire du club : « je veux cet ailier gauche. »

Le transfert se fait en 1947 et l’histoire commence alors. Vukas remporte le titre à trois reprises, 1950, 1952 et 1955. Durant cette dernière année, il est nommé meilleur joueur de Yougoslavie et termine meilleur buteur du championnat en inscrivant 20 buts en 26 rencontres.

Néanmoins, ses accomplissements ne s’arrêtent pas aux frontières yougoslaves. Il brille particulièrement à l’international, faisant parler de lui en 1953 lors d’un match à Wembley entre les Three Lions et une équipe européenne. Impliqué sur deux des quatre buts de son équipe, ses dribbles et sa qualité technique faisant de gros dégâts à la défense anglaise. Mais c’est deux ans plus tard, lors d’une rencontre à Belfast entre une équipe britannique et une équipe d’Europe continentale, que Bernard Vukas marque les esprits, auteur d’un triplé en l’espace de 11 minutes. Le onze britannique est humilié 4 buts à 1. Malheureusement, la sélection yougoslave ne réussit pas à atteindre les mêmes sommets, échouant deux fois en finale des JO, d’abord face à la Suède du trio Gre-No-Li à Londres puis face à la Hongrie de Puskas, Czibor ou Hidegkuti.

Bien qu’il ne soit pas un enfant de Split, il n’aura jamais semblé être chez lui ailleurs qu’en Dalmatie. Un monument lui rendant hommage se trouve à Split, juste en face du Poljud, et dessus, on peut lire les mots qu’il prononça bien des années après sa retraite : « J’ai joué 14 saisons pleines avec le Hajduk, et si je devais renaître, je jouerais à nouveau pour le Hajduk ! » 

En collaboration avec l’ami Khiadiatoulin !

19 réflexions sur « Top 10 – Hajduk Split (deuxième partie) »

  1. Bravo les gars !
    À propos de Frane Matošić, il arrive à Bologne, en pleine guerre, en raison de l’annexion de la Dalmatie par l’Italie. Il joue à un poste d’Inter, le numéro neuf, étant monopolisé par Testina d’oro Puricelli. Et malgré cela, il marque beaucoup.

    0
    0
  2. Superbe top les gars!
    J suis allé voir pas mal de vidéo de la Torcida du coup, (aussi Quelques-unes des joueurs cités quand même eheh) ça a l air d être une sacrée ambiance….

    0
    0
    1. Ouais la Torcida, c’est du sérieux.

      L’excellente chaine L’Arena avait dédié un épisode à eux il y’a quelques mois.

      Je la conseille grandement (aussi bien la vidéo que toute la chaine qui est une vraie pépite !)

      0
      0
    2. J’étais passé devant les locaux de la Torcida lors de mon passage à Split. C’était à la fois envoûtant et effrayant.
      J’aurais aimé voir un match local mais des Croates me l’ont vivement déconseillé, dommage…

      0
      0
      1. Le frère de ma compagne est allé voir l’Hajduk. Et effectivement, c’était tendu dans les tribunes…
        Pour avoir croisé 3000 fans du Dinamo entrant dans le Sanchez Pizjuan qui sentaient pas le rapprochement des peuples, je peux facilement imaginer l’ambiance du grand derby croate…

        0
        0
  3. Un truc intéressant avec la grande performance du combiné européen en 55, et de Vukacs en particulier, c’est la mainmise britannique sur l’ historiographie de ce sport. Comme il avait fait avec la Hongrie à Wembley, leurs deroutes deviennent des moments historiques. Évidemment que ce sont de belles performances mais les Anglais sont franchement moyens dans cette décennie. Ça perd face aux USA en 50, quart en 54, avant d’être à nouveau éliminés au premier tour en 58. Et pourtant les défaites sur leur sol sont toujours magnifiées. Ils n’avaient pas encore intégré, ou voulu
    intégrer que leurs avantages dans ce sport faisaient partis du passé…

    0
    0
  4. Beaucoup de périodes Yougoslaves sont intéressantes mais ma préférée est celle de 48 à 54. Bobek, Vukas, Mitic, Beara, Zabec, les frères Čajkovski, les débuts de Milos Milutinovic… Une période où la France perdait tout le temps contre eux. Éliminés des qualifs 50 par la Yougoslavie et défaites aux Mondiaux 54 et 58.

    0
    0
  5. Jolie photo de Beara en action. Elle traduit bien l’époque où l’on mettait souvent les poings du fait de l’absence de gants et des ballons que l’humidité et la boue absorbées par le cuir transformaient facilement en savonnettes. Aujourd’hui, dans les conditions de la photo, on capte à deux mains pépouze.

    0
    0
  6. Et sinon pour les mentions, on a Jarrni et Asanovic. Le polyvalent Vulic qui fit le bonheur de Mallorca et de Nantes. Katalanic, le gardien de la grande époque des années 70. Son coéquipier, le buteur Zungul qui après avoir fui aux USA, deviendra peut-être la plus grande légende du foot indoor là-bas. Le défenseur Musemic. Petar Nadoveza que l’on surnommait le Pele de Split…

    0
    0

Laisser un commentaire