Vélodrome de Buffalo : gloire et déboires d’un vélodrome parisien

Le 21 octobre 1906, le supplément du dimanche du Petit journal rapporte le fait divers suivant : « Le vélodrome Buffalo a été, ces jours derniers, le théâtre d’un accident imprévu et terrible. Un match de motocyclettes devait être disputé entre les coureurs Pernette et Armand Contant. Leurs engins étaient munis de moteurs de douze chevaux environ, pouvant atteindre la vitesse de 100 kilomètres à l’heure. La piste du vélodrome Buffalo mesure 300 mètres de tour et présente la forme d’une ellipse. La piste est clôturée par des barrières de bois plein, qui, dans les deux virages, relevés à 70%, semblent la continuer. Le public est accoudé aux barrières ; il est presque en contact immédiat avec les coureurs. Les spectateurs ont l’habitude, pour mieux voir, de se pencher vers la piste ; leur corps émerge alors d’un bon tiers, la tête inclinée en avant. La réunion tirait à sa fin, lorsque les deux coureurs Pernette et Contant se mirent en ligne. Les concurrents commençaient leur second tour. Le chronométreur venait de constater que les premiers 300 mètres avaient été couverts en 12 secondes 2/5, ce qui donne une vitesse moyenne de 87 kilomètres à l’heure, lorsque tout à coup, dans un virage, sa courroie ayant sauté et bloqué sa roue arrière, on vit Pernette s’effondrer sur la piste. Contant suivait à dix mètres. Arrivé presque sur Pernette, qui dégringolait la pente, Contant, pour l’éviter, dut faire un brusque crocher, et il fut projeté vers la balustrade, sur laquelle il roula – fait extraordinaire – pendant plus de vingt mètres. Une clameur épouvantable partit alors de toutes les poitrines. Avec son marchepied, la motocyclette de Contant atteignit en pleine figure une douzaine de spectateurs qui, penchés sur la barrière, suivaient la chute de Pernette. La catastrophe accomplie, machine et conducteur retombaient sur la piste et dégringolaient sur le gazon. Contant fut relevé sans grand mal, ainsi que Pernette. Mais, hélas ! il n’en était pas de même en haut du virage. Les malheureux spectateurs qu’avait atteints la moto de Contant restaient étendus sur place, tandis que la foule se précipitait vers eux et parvenait à grand’peine jusqu’aux blessés. On apporta des civières et les corps des pauvres victimes y furent étendus. Cet étrange et douloureux accident avait fait deux morts et dix blessés. »

Souvenir de William Cody

« Le vélodrome Buffalo est situé rue Parmentier, à Neuilly-sur-Seine, entre les portes Maillot et de Villiers, tout près du quartier général de l’automobile et du cycle, l’avenue de la Grande-Armée. Il tire son nom de ce fait qu’il est construit sur l’emplacement où se trouvait, pendant l’Exposition Universelle de 1889, l’exhibition indo-américaine du colonel Cody, dit Buffalo Bill », nous apprend, en 1903, W. Drancourt dans La nature, revue de vulgarisation technique et scientifique.

En effet, le Wild West Show, qui avait eu les honneurs du président de la République Sadi Carnot, avait tant impressionné les Parisiens que le vélodrome inauguré quatre ans plus tard prend naturellement le nom du célèbre chasseur de bisons et entrepreneur de spectacles. C’est dans le vélodrome de Buffalo que naît l’exercice de l’heure pendant lequel Henri Desgrange parcourt plus de 35 kilomètres.

Reconstruction

Cependant, en ce début de XXe siècle, le vélodrome Buffalo vivote dans l’ombre du Parc des Princes. C’est pour concurrencer cette arène qu’il est reconstruit au cours de l’année 1902. Désormais « construit à l’américaine, c’est-à-dire que sa piste est formée de lattes de bois, disposées dans le sens de la longueur pour rendre la surface plus unie et par conséquent plus vite », il « peut contenir environ 8000 spectateurs ». Le vélodrome Buffalo reste donc de dimensions plus modestes que son principal concurrent : l’anneau de Buffalo fait 300 mètres de long et six mètres de large quand celui du Parc des Princes fait 666,66 mètres de long. De plus, le Parc des Princes peut accueillir jusqu’à 20 000 spectateurs.

Grâce à l’éclairage électrique, « très brillant » précise W. Drancourt, le vélodrome Buffalo est aussi le théâtre de courses d’endurance : 24 heures, huit jours, etc. Les spectateurs et spectatrices y assistent aussi bien à des compétitions féminines qu’au départ du Tour de France 1906 ou aux exploits de Major Taylor, Victor Dupré, Lucien Petit-Breton.

Conflits d’usage

Mais le vélodrome Buffalo se trouve dans une zone non aedificandi, au plein cœur de la ligne de forts qui entoure la capitale, et le Gouverneur militaire de Paris ordonne sa destruction en août 1914. A partir du deuxième semestre 1917, la société Bellanger Frères édifie sur le site délaissé une usine d’aviation pour les besoins de l’armée. Après-guerre, dans une banlieue parisienne qui s’industrialise rapidement, le vélodrome Buffalo n’est pas ressuscité. L’usine d’aviation est alors logiquement reconvertie dans la production d’automobiles.

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17 réflexions sur « Vélodrome de Buffalo : gloire et déboires d’un vélodrome parisien »

  1. Le site a vite été reconstruit (à ce prix-là au mètre carré…) mais les footballeurs ont retrouvé un terrain à proximité à la fin des années 1970 quand le stade Paul-Faber a été construit sur le toit d’une section nouvellement couverte du périphérique, entre la porte des Ternes et la porte de Villiers. Mon collège en a profité pour les cours d’EPS dès son inauguration, ça devait être en 1979.

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    1. Oui, à ne surtout pas confondre avec le vélodrome Buffalo de Neuilly.
      Au Buffalo de Montrouge, pendant l’entre-deux-guerres, on pouvait voir du vélo, de la boxe ou du football. Et du bon ! L’équipe de France y joua même quelques matchs.

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  2. Est-on bien sûr que cet article n’a, en réalité, pas été écrit par chatgpt?

    Suis allé au Dusika quelques fois et j’en garde un bon souvenir. Détruit l’an dernier. Un nouveau complexe polyvalent doit être édifié à la place, mais sans vélodrome. La fédé cycliste n’a pas eu son mot à dire. À ma connaissance, il ne reste en Autriche qu’un seul vélodrome, celui de Linz. Tout neuf et pas couvert.

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      1. Oui, j’y ai assisté à la Tournée une fois. Probablement l’un des tremplins les plus impressionnants pour les sauteurs à cause de la vue sur la ville. Merveilleux sport.

        Le plus beau saut de l’histoire est l’œuvre d’un gars de chez moi, Toni Innauer. En 76. L’époque où Baldur Preiml a révolutionné la discipline. Innauer et Pezzey se sont croisés et ont sympathisé. Chose amusante, le meilleur pote de Innauer était un autre très bon sauteur du Vorarlberg, Alois Lipburger. Comme Pezzey, Lipburger avait de belles boucles et était un bon footeux. Un énorme jeu de tête, une belle patate du droit et un pied gauche précis, selon Innauer. Le Wacker Innsbruck lui avait fait une proposition.

        Dans le registre foot/saut à ski, il y a aussi Manfred Steiner, ancienne gloire du Sturm Graz (et homonyme d’un sauteur). Steiner était un défenseur (2 sél.) central d’1m68, surnommé Eisenfuss (donné, semble t-il, par un journaliste allemand lors d’un match contre l’Eintracht, qui sans rien connaître à Steiner a rapporté que le garçon s’échauffait en mettant des coups de pied aux poteaux). Dans sa jeunesse, Mandi Steiner avait été champion scolaire de saut à ski. Doté d’une grosse détente verticale, il a affirmé n’avoir probablement jamais perdu un duel aérien de toute sa carrière.

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      2. B’hofen est dans le land de Salzburg. Au sud de S. Le club local a passé une saison en 1ère division au début des 70’s.

        Me souviens encore du 5×20 de Wolfgang Loitzl en 2009 à Bischofshofen.

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      3. Raccord avec le foot : le stade de Cortina d’Ampezzo.

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        Vos échanges me rappellent Adam Malysz, qui devenait soudain l’une des légendes vivantes de ce sport quand j’enseignais en Pologne – qu’est-ce qu’on en bouffait, alors, du Malysz..

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  3. Elle est fantastique l’illustration du Petit Journal. Je pense forcément à celle-ci. Celle représentant l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo.
    https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3b/L%27assassinat_de_l%27Archiduc_h%C3%A9ritier_d%27Autriche_et_de_la_Duchesse_sa_femme_%C3%A0_Sarajevo_suppl%C3%A9ment_illustr%C3%A9_du_Petit_Journal_du_12_juillet_1914.jpg

    Ils étaient geniaux pour retranscrire l’intensité du scène.

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  4. Intrigué par la photo (absente de ta première publication, il me semble?) de ce coureur noir, je découvre donc l’histoire édifiante de ce « Major Taylor », merci.

    Entre les portes Maillot et de Villiers, c’était encore « la zone », à l’époque?

    La « destinée manifeste », bbrrrr.. Je déteste tous ces trucs de « peuples élus », au secours.. Tant qu’à évoquer Cody, une archive le mettant en scène : https://www.youtube.com/watch?v=TEFjjswEyBs

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