Gambardella – Les 30 glorieuses – Partie 4

La Coupe Gambardella souffle ses 70 bougies cette année. Ce trophée prestigieux, ainsi nommé en l’honneur de l’ancien président de la Fédération, Emmanuel Gambardella, mort en 1953, est un patchwork d’épopées et de naufrages sans cesse renouvelés qui mériterait assurément l’intégralité d’un ouvrage ! A défaut de ce travail titanesque, nous vous proposons humblement quelques courtes vignettes, quelques bouts de chemins et d’espoirs qui font le sel de cette compétition. Ce sont les 30 glorieuses. 30 comme le nombre de clubs différents à l’avoir remportée. Bonne lecture !

Croix de Lorraine

Si Nancy fait partie de ces rares terres historiques sans Gambardella, ce n’est pas le cas de Metz. En 1962, malgré l’ouverture du score de Quirin, Metz n’avait pu contenir l’AS Monaco en seconde période et s’était contenté d’une place de dauphin. Mésaventure identique 18 ans plus tard, face à l’INF Vichy d’Olmeta. Nullement abattu, le fidèle président Carlo Molinari réaffirme sa confiance au staff technique, persuadé que son club est sur la bonne voie… Bien vu Carlo ! 12 mois plus tard, Metz retrouve le chemin de la finale face à Nice, à Salon-de-Provence. Les Aiglons comptent sur leur joyau dont tout le monde parle, Daniel Bravo, pour s’imposer mais le Petit Prince n’est que l’ombre de lui-même face au pressing de Jean-Philippe Rohr. Luc Sonor harangue et dirige sa défense avec autorité lorsque survient le but libérateur du capitaine Marco Morgante. Molinari est radieux et dire qu’il manquait Carmelo Micciche au tableau…

En 2001, aucun favori ne se détache entre Caen et Metz. Dans les premières minutes, Benoît Murgia, le gardien caennais, est sauvé miraculeusement par sa barre transversale mais le stoppeur Franck Béria surgit et ouvre le score. Vexé, Caen se rue dès lors sur la cage de Ludovic Butelle et se fait inévitablement surprendre en contre sur une frappe de Séga-Doudou N’Diaye. La fin de match est houleuse. Si Ludovic Obraniak lève les bras au ciel, Ronald Zubar finit quant à lui la rencontre aux vestiaires, après son expulsion. La Lorraine est en fête, à l’exception d’un homme qui ne digèrera jamais son absence lors du titre, Emmanuel Adebayor : « Je préfère ne plus en parler, encore maintenant ça me fait mal. J’essaye d’oublier mais je n’y arrive pas. » En 2010, l’Afrique est à nouveau à l’affiche lorsque le Sochaux de Cédric Bakambu se présente face au FC Metz de Bouna Saar et Kalidou Koulibaly. A l’issue de la séance de tirs au buts, ce sont les Sénégalais qui triomphent, permettant à Metz, avec cette troisième Gambardella, de s’imposer comme une valeur sûre de la compétition…

La chanson de Rolland

L’AJ Auxerre n’est que le 20ème club à gagner la Gambardella. Ça ne l’empêche pas d’avoir le plus beau palmarès, avec sept titres en neuf finales… En 1982, Auxerre fait une entrée fracassante, en écrasant 6 à 3 les pauvres nancéiens. La démonstration de la bande de Jean-Marc Ferreri est totale, leurs successeurs connaissent désormais le chemin à suivre… Quatre ans plus tard, Auxerre réalise l’exploit de conserver son titre, une première dans l’histoire de la compétition. Surgissent alors les souvenirs du triplé annoncé par Cantona en 1985 face à Montpellier, alors que Guy Roux voulait lui interdire de jouer, ou d’un Lionel Charbonnier infranchissable face à Nantes l’année suivante. Les frères Boli, Vahirua, Prunier, Dutuel ou Marzolini, des patronymes fameux pour des générations mythiques…

Une fois passée la déception de la finale perdue face au PSG en 1991, l’AJA reprend sa marche en avant en 1993. 4ème trophée pour le formateur d’élite Daniel Rolland et premières lignes dans les journaux pour le gaucher Bernard Diomède. Mais c’est en fin de siècle qu’Auxerre se déleste définitivement de la concurrence. 1999 et 2000 voient la domination sans partage des Djibril Cissé, Lionel Mathis et Philippe Mexès. Le Nîmes Olympique est définitivement dans le rétroviseur, Alain Fiard a brillamment pris la relève de Rolland… Suivant la courbe descendante de l’équipe A, notre siècle est moins fourni mais loin d’être anonyme. Aux larmes des Ndinga et Alain Traoré en 2007 répondent les sourires de Samed Kiliç et de Loïc Goujon sept ans plus tard. Un groupe sans réelle vedette en devenir certes mais qui épousa totalement la mythologie icaunaise dans l’épreuve. Tout simplement les plus forts…

Le gang de Paille

Les années 1980 n’ont pas été avares d’équipes ayant marqué l’histoire de la compétition. L’équipe 1983 de Sochaux en fait clairement partie… En finale, l’enfant terrible Stéphane Paille assomme les Lensois mais c’est un groupe complet qui triomphe. Les Gilles Rousset, Jean-Chistophe Thomas, Franck Sylvestre, Eric Lada, Franck Sauzée ou Laurent Croci. Des gamins sans complexe qui conduiront bientôt leur club formateur en finale de la Coupe 1988 et sur les routes européennes. Une forme de consolation pour les glorieux anciens, Bernard Genghini et Joël Bats, qui avaient échoué sur la dernière marche en 1975, face à Nantes, un an après la création du centre de formation.

Tandis que les Pedretti, Meriem, Frau ou Mathieu confirment les attentes depuis quelques saisons dans l’élite, la cuvée sochalienne 2007 se fraie un chemin jusqu’à la finale. Elle n’a pas les mêmes atouts que ses devancières mais ne compte pas se rater puisque le club vise un rarissime doublé Coupe-Gambardella. Auteur d’une belle prestation face à Auxerre, l’éphémère numéro 10 des Bleus, Marvin Martin, soulève le trophée junior, quelques heures avant que Teddy Richert ne douche les espoirs de l’OM. Ce 17 mai 2007 sera Doubs ou ne sera pas… N’ayant pu obtenir de troisième sacre en 2010 avec Cédric Bakambu, les anciens poulains de Peugeot l’obtiendront en 2015 face aux Lyonnais, grâce au culot de Thomas Robinet et Marcus Thuram. Une consécration méritée de plus pour l’un des berceaux les plus fertiles de la formation à la française.

George Orwell like this !

Même l’imaginaire fécond du vénérable auteur anglais n’aurait pu prédire un tel scénario. 1984 est la saison du Stade Lavallois… En septembre 1983, les Tango de Michel Le Milinaire reçoivent l’ogre soviétique du Dynamo Kiev dans un Francis-Le Basser plein comme un œuf. L’aller ayant accouché d’un miraculeux nul en Ukraine, personne ne mise néanmoins un kopeck sur les Mayennais. La suite, c’est Jean-Michel Godard, leur gardien, qui la décrit le mieux : « Ils nous ont pris pour des Schtroumpfs, on les a bien schtroumpfés ! » Cette qualification, une des plus inattendues de l’histoire du foot français, Laval la doit autant à la sagacité de son coach tutélaire qu’à son système de formation, comme l’expliquera Loïc Pérard, celui qui musela Blokhine un soir d’automne : « Tous les joueurs avec qui j’ai joué ce match là ont eu une belle carrière ensuite, tous vous diront 40 ans après que c’est le plus beau moment de leur carrière. On a connu des victoires importantes, mais ce match là, on était beaucoup de joueurs issus du centre de formation. C’était l’image du club et de la réussite du centre de formation avec Bernard Maligorne. On était nombreux dans le onze de départ, donc tout cela fait que cela restera un moment unique.« 

16 mai 1984, Tours. A la suite d’un quart de finale brillant face aux Girondins et d’une demi-finale plus serrée face à Rennes, les Tango de Bernard Maligorne, Bernard Reuzeau et Jean-Philippe Dogon ne sont pas donnés favoris face à Montpellier. Il faut dire que l’effectif héraultais regorge de futurs professionnels de qualité, les Huc, Franck Passi, Pascal Baills, Kader Ferhaoui auxquels s’ajoute le talent d’un certain Laurent Blanc. La finale est crispée, sans but, quand s’avance le futur libéro des Bleus pour tirer son pénalty. Le gardien lavallois l’arrête, cette fois-ci, la lumière ne sera pas venue de Blanc… Alors qu’il cherche à s’isoler aux vestiaires, Maligorne est intercepté par ses joueurs. C’était sa dernière rencontre pour le Stade Lavallois, la plus belle évidemment, pour un éducateur rétif à la marchandisation et la compétitivité poussée à l’extrême de son sport : « J’avoue prendre plus de plaisir en regardant un match de jeunes. Un match chez les 13 ans, c’est d’une richesse incroyable. On voit des déplacements, des initiatives naturelles. La question, c’est pourquoi ça disparaît après ?  » Oui, pourquoi…

La culture de la betterave !

On le dira jamais assez, le football des 30 dernières années, français en particulier, doit énormément à la qualité de la formation havraise. Le doyen nous a ainsi offert les Mandanda, Edouard, Benjamin et Ferland Mendy, Mahrez, Hoarau, Dhorasoo, Boumsong, Souleymane Diawara, Ibrahim Ba ou Payet. Sans oublier les Lassana Diarra et Pogba, subtilisés en cours de route par la Perfide Albion… Une évidente capacité à repérer les talents, malheureusement récompensée par une unique Gambardella, avec dans les cages, un des héros populaires du HAC et du Téfécé, le regretté Christophe Revault…

Le chaudron de Saint-Etienne accueille la finale 1989. Et on peut considérer que les Havrais ont été plutôt chanceux lors des tours précédents. Ou plus précis, c’est selon… Passé trois fois par la case des séances de tirs au but, le HAC affronte un PSG mort de faim, mené par les tempéraments de feu de Francis Llacer et Pascal Nouma. Dès l’entame de la rencontre pourtant, ce sont les joueurs de Djaadaoui qui posent le pied sur la gonfle, mettant au supplice le pauvre Llacer. Hélas, Benoit Chagnaud, la touche technique havraise du milieu, n’a pas sa clairvoyance habituelle et les deux portiers, Revault et Kokkinis, monopolisent les clameurs d’une foule parsemée. Le 0-0 est inévitable et c’est à nouveau des onze mètres que Christophe va faire la différence. Un de ses rares trophées professionnels dont il conservera un souvenir ému : « A la fin du match, Monsieur Hureau vient dans le vestiaire. Il ne pouvait pas nous donner une prime, car nous étions jeunes. Mais il nous annonce qu’il nous paie huit jours de vacances aux Baléares. J’appelle mes parents d’une cabine téléphonique et je dis à ma mère qu’on s’en va aux Bahamas. Je me suis trompé, tellement l’émotion était forte. Je me souviens qu’il fallait rentrer dans la nuit, car le lendemain certains passaient le BEP. Je peux te dire qu’il n’y a pas eu un résultat très positif aux examens, parce qu’on a fait une nuit blanche. »

Dans cet autre Finistère…

Les années Yvinec à Brest, ce ne sont pas uniquement des cache-cache géants improvisés avec des narcos colombiens ou des transferts somptueux aux origines louches. C’est également un excellent travail de fond qui permit l’éclosion des Paul Le Guen, Corentin Martins ou Claude Makélélé. 17 ans après la surprenante finale de l’AS Brestoise face à Rennes, c’est au tour du Brest Armorique de représenter son département en finale de la Gambardella 1990. Un groupe de copains solidaires, friands de biniou et de chouchen, mené par un champion du Monde, Stéphane Guivarc’h.

Brest a réalisé un parcours solide, grâce à une défense de fer dirigée par son gardien Frédéric Gueguen et son central Erwan Manac’h. L’OL sorti en demi-finale, son adversaire final est Grenoble qui accède à la dernière marche pour la deuxième fois en l’espace de trois ans. Le Stade de l’Ill de Mulhouse n’a pas le temps de s’assoupir que Bertrand Cujard a déjà signé un doublé précoce ! Obligé de revoir ses plans, Grenoble tente son va-tout mais se fait à nouveau cueillir par le futur double pichichi, Guivarc’h. La victoire brestoise en Gambardella ne souffre d’aucune contestation, sa jeunesse est prometteuse mais le ciel s’assombrit rapidement au-dessus du crâne d’Yvinec. Si Brest échappe de peu à la guillotine de la DNCG cette saison-là, ce ne sera pas le cas l’année suivante. Le club, rétrogradé en D2, dépose le bilan… Un coup d’arrêt brutal pour l’avant-centre de France 1998 qui puisera dans ces mésaventures l’abnégation et le goût du travail le conduisant à un graal auquel personne ne le prédestinait. До скорой встречи…

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