Ce jeudi 20 mars marque la poursuite des qualifications pour la Coupe du monde 2026 dans la zone Asie. A cette occasion, le Japon reçoit l’équipe de Corée du Nord au Stade National de Tôkyô (coup d’envoi à 11h20 heure française). L’occasion de revenir sur une rivalité du football asiatique assez méconnue, qui n’en reste pas moins féroce et plus équilibrée qu’on ne pourrait le croire.
Tant par son histoire en tant que pays que par sa nette domination du football continentale, l’équipe nationale du Japon ne manque pas de rivaux. On pense naturellement aux deux voisins Sud-Coréens ou à la Chine. On pourrait parler aussi de rivalité plus compétitive avec l’Australie, l’Arabie Saoudite, ou même l’Iran. Pourtant, s’il y a bien un pays dans le monde qui considère le Japon comme un ennemi (c’est réciproque d’ailleurs), c’est bien la Corée du Nord. Ce pays dirigé d’une main de fer depuis 1945 par la dynastie des Kim garde un souvenir douloureux de la période d’occupation nippone de la péninsule coréenne, et fait de la haine contre le Japon (au même titre que contre les Etats-Unis) un pilier de son identité nationale. Contrairement avec le voisin du sud, le gouvernement de Corée du Nord n’a jamais cherché à se rapproche du Japon, et vice-versa. Encore aujourd’hui, les deux pays n’entretiennent aucune relation diplomatique. Et les relations sont d’autant plus tendues entre les deux parties que depuis quelques années, Pyongyang s’adonne régulièrement à des entraînements au tir de missiles balistiques, envoyant des ogives en direction de l’est et déclenchant des alertes dans tout le nord de l’archipel.
Naturellement, les (rares) confrontations en football entre les deux sélections sont un petit évènement dans chacun des deux pays. De nombreux éléments viennent pimenter cette rivalité. Principalement liés à la question des Zainichi de la Chongryon (dont nous avions déjà parlé ici), ces Coréens restés au Japon après la guerre et qui ont fait allégeance au gouvernement de Pyongyang. C’est ainsi que, à la grande surprise des observateurs non-initiés à cet aspect de la rivalité, on peut retrouver des tribunes visiteurs pleines de supporters de la Corée du Nord (c’est pour ainsi dire la seule fois que la sélection nord-coréenne a l’occasion de jouer devant un parcage de supporters à l’extérieur). Tout comme on peut retrouver des joueurs nés au Japon, ayant fait carrière en J. League, mais avec le maillot de la Corée du Nord (Jong Tae-se, Ryang Yong-gi, …). C’est au travers de six matches (cinq traités dans ce premier article, puis un sixième dans le deuxième à suivre) que nous donnerons un aperçu de cette rivalité unique au monde. Peut-être même la plus grosse rivalité pour le Japon et la Corée du Nord, tant elle est teintée de symboles et de poids historique, aussi bien culturellement que footballistiquement.
21 Mars 1983 : Japon 1-0 Corée du Nord – Qualifications Coupe du monde 1986
Ce n’est pas la première fois que les Japonais et les Nord-Coréens se rencontrent. En fait, il s’agit du quatrième match entre les deux sélections. Une opposition qui jusque-là tourne largement en la faveur des protégés de Kim Il-sung. Nain footballistique à l’échelle continental, le Japon peine jusque là à faire le poids en termes de prestige face à des Chollimas encore auréolés de la gloire de leur épopée au Mondial 1966. Au beau milieu des années 80, les premières graines de la passion pour le sport roi commencent à peine à être plantées et l’équipe des Samurai Blue ne suscite que peu d’intérêt au Pays du Soleil levant. Pour preuve, pour cette rencontre disputée au stade olympique de de Tôkyô, on estime que seulement 5 000 sur les 25 000 spectateurs étaient des supporters japonais. Sur un terrain horrible, marqué par le mauvais temps, où le ballon ne cesse de patauger dans les flaques d’eau, les Nord-Coréens démontrent qu’ils sont au dessus physiquement et tactiquement de joueurs japonais encore au stade du football amateur d’entreprise. Ils se créent beaucoup d’occasions, mais le gardien japonais se met bien en évidence. Et c’est un Hiromi Hara bien chanceux, aidé par le terrain freinant le ballon, qui parvient à ouvrir le score pour les Nippons. La Corée du Nord aurait pu égaliser, mais un hors-jeu stupide l’en empêchera. Elle peut avoir des regrets tant elle semblait au dessus de son adversaire. Mais c’est bien le Japon qui l’emporte, pour la première fois dans cette rivalité. Il s’agit, on pourrait dire, de la première victoire marquante du football nippon depuis les années 60. Bien que n’étant pas la plus connue, cette victoire est l’une des premières étapes dans la montée fulgurante du Japon dans la hiérarchie du football asiatique.
30 Avril 1985 : Corée du Nord 0-0 Japon – Qualifications Coupe du monde 1986
Pour ce match retour de la première phase de qualification pour la Coupe du monde 1986, c’est la première fois que l’équipe japonaise se rend sur le territoire nord-coréen. En effet, si ce n’est pas la première fois que les deux sélections se rencontrent, à chaque que la RDP de Corée devrait recevoir, le match s’est toujours joué en terrain neutre. L’équipe et une poignée de journalistes découvrent donc ce pays ultra fermé dans lequel il règne une atmosphère relativement hostile. D’autant plus que l’affaire des enlèvements de citoyens japonais par la Corée du Nord commence à faire du bruit. Pas de retransmission possible à l’époque, les supporters japonais ne découvrent les rares images du match qu’au travers des actualités télévisées, et devront se fier aux commentaires du journaliste pour tirer une analyse de la rencontre. Devant les 60 000 personnes sobrement vêtues du stade Kim Il-sung, au sommet duquel trône le portrait du leader susnommé, les Japonais résistent à la pression en première mi-temps, mais vont subir pendant toute la seconde. Les vagues rouges s’enchaînent et ce n’est que le grand match dans les buts de Kiyotaka Matsui, ainsi que la grande maladresse des attaquants de la République Populaire, qui permettent au Japon de tenir un score nul et vierge qui sera fêté comme une victoire par tout le groupe nippon. Au-delà du contexte, c’est surtout le bilan comptable de ce match qui lui sera hautement bénéfique. Le Japon par ce résultat s’assure en effet la première place du groupe et peut poursuivre sa quête d’une première qualification pour une Coupe du monde. Une quête qui s’arrêtera au dernier tour de qualification à l’issu d’une confrontation aller-retour contre les Sud-Coréens cette fois. Mais cette double confrontation victorieuse face aux Chollimas consacre le début d’une évolution dans le football japonais.
1er novembre 1992 : Japon 1-1 Corée du Nord – Coupe d’Asie 1992
L’année 1992 est un tournant à plus d’un titre pour le football japonais, tout juste doté d’un championnat de football professionnel, la J. League, et qui accueille pour la première fois à Hiroshima la Coupe d’Asie de football. Avec en plus quelques ambitions grâce à un effectif talentueux composé entre autres de Kazuyoshi Miura, Ruy Ramos, Masami Ihara ou encore le sélectionneur actuel Hajime Moriyasu. Mis en difficulté par un premier match nul 0-0 contre les Emirats Arabes Unis, les locaux savent qu’une défaite contre la Corée du Nord signerait quasiment une élimination dès le premier tour. Encore en dessous de leurs rivaux quelques années plus tôt, les Samurai Blue affichent ici de nets progrès et dominent dans la plupart des compartiments du jeu. Mais la Corée du Nord ouvre le score à la surprise générale par Kim Kwang-min. Toute la seconde mi-temps va être un long siège du camp Chollima, mais la chance ne veut pas sourire aux Nippons, « King Kazu » envoyant même son pénalty sur le poteau. A 10 minutes de la fin, alors que le piège semblait se refermer, Masahi Nakayama tout juste entré en jeu reprend de la tête un corner et voit le ballon entrer de justesse dans le but après un cafouillage. Malgré les protestations des Nord-Coréens, le ralenti est clair : le ballon a entièrement franchi la ligne. Nakayama sauve donc le Japon d’une probable élimination et entre déjà dans l’histoire, lui qui sera en 1998 le premier Japonais à inscrire un but en phase finale de Coupe du monde. Un but d’autant plus crucial donc qu’il libérera les Japonais, qui enchaîneront avec trois victoires contre l’Iran, la Chine puis l’Arabie Saoudite pour s’adjuger la première de leurs quatre Coupes d’Asie.
2 Septembre 2011 : Japon 1-0 Corée du Nord – Qualifications Coupe du Monde 2014
Duel de mondialistes à Saitama, puisque cela fait un an que la Coupe du monde en Afrique du Sud s’est terminée, Mondial auquel Japonais et Nord-coréens ont tous deux participé. Pour ce premier match des éliminatoires, les deux font office de favoris dans ce groupe de qualification. Privée de Keisuke Honda, l’équipe menée par Alberto Zaccheroni peut tout de même se targuer d’aligner des joueurs en pleine explosion, comme Shinji Kagawa, Makoto Hasebe ou Yûto Nagatomo. Pourtant, cette rencontre s’avèrera tout sauf une partie de plaisir pour les Samurai Blue, et prend même des allures de match piège au fil des minutes. Compacts et bien organisés, les Coréens appliquent la recette qui leur avait permis de se qualifier en Coupe du monde pour la deuxième fois de leur histoire, où ils avaient longtemps résisté au Brésil (défaite 2-1) Gêné par les multiples averses qui tombent sur Saitama, le Japon peine à s’approcher du but gardé par Ri Myong-guk. Les choses changent après l’heure de jeu avec des Nippons qui prennent le dessus physiquement et arrivent enfin à se créer des occasions. Le Nippo-néerlandais Mike Havenaar touche la barre, puis Okazaki butte sur le gardien. A chaque fois, il ne manque pas grand-chose, mais le score reste vierge alors que les minutes s’égrainent. Malgré l’expulsion de Pak Kwang-ryong, la Corée du Nord défend héroïquement. Il reste cinq minutes d’arrêts de jeu à tenir. Konno touche lui aussi la barre. Puis Ri Myong-guk se détend superbement. La pression sur le but est énorme, et sur un ultime corner, Kiyotake parvient à déposer le ballon sur la tête de Maya Yoshida qui fait exploser le stade. Sur le banc, l’attaquant Jong Tae-se est dépité. La Corée du Nord est passé tout prêt de l’exploit, mais doit s’incliner pour cette fois malgré un match plein de courage. L’esprit est à la revanche quelques mois plus tard…
1er octobre 2023 : Japon 2-1 Corée du Nord – Jeux Asiatiques 2023
L’opposition la plus récente entre deux équipes masculines japonaises et nord-coréennes n’est pas entre équipes A, puis les Jeux Asiatiques mettent aux prises, comme aux Jeux Olympiques, des sélections de moins de 23 ans. Peu connus en Europe, les Jeux Asiatiques ont tout de même un certain prestige et peuvent avoir une influence déterminante dans une carrière professionnelle (ce n’est pas le Sud-coréen Son Heug-min qui dira le contraire). En cette année 2023, c’est en Chine, à Hangzhou plus précisément, que se déroule la 19e édition des Jeux Asiatiques. Favori naturel pour le tournoi de football masculin, le Japon se hisse sans trop de problème jusqu’en quart de finale et retrouve donc la Corée du Nord. Un adversaire coriace mais qui va faire entrer cette rencontre dans la postérité pour sa propension à confondre générosité et détermination avec agressivité et violence. Pendant toute la rencontre en effet, les Nord-coréens vont multiplier les fautes toutes plus dangereuses les unes que les autres. Jusqu’à tomber dans l’absurde avec Kim Yu-song qui va sans raison apparente s’en prendre à un porteur d’eau japonais. De toute évidence, pour la Corée du Nord, l’objectif de la rencontre n’était pas tant de gagner que de faire physiquement mal aux Nippons. Et c’est dommage… Car quand ils sont décidés à jouer au football, les Nord-Coréens ont prouvé durant cette partie qu’ils pouvaient faire jeu égal avec les Samurai Blue. La superbe égalisation de Kim Kuk-bon, d’une superbe frappe enveloppée aux 20 mètres, en est la preuve. Mais comme il finit toujours par y avoir une justice dans le football, le Japon se procure un pénalty en fin de rencontre par Yûta Matsumura, qui se charge lui-même de la sentence. Les protestations du gardien coréen n’y changeront rien, le pénalty est incontestable. Et l’attitude déplorable des joueurs nord-coréens au coup de sifflet final, se ruant sur l’arbitre pour lui hurler dessus, renforce cette idée que c’est une bonne chose que le Japon s’impose sur cette rencontre. Il ira en finale du tournoi mais s’inclinera contre la Corée du Sud.
Et non !
Les Kim !
Sont pas des kamaraaades ! 👏
Je proteste devant cet article diffamatoire et propagandiste à la gloire des impérialistes qui ne veulent que du mal à la glorieuse République Populaire Démocratique de Corée ! 🇰🇵🇰🇵
…
Plus sérieusement, super article Xixon, le match qui sera abordé dans la seconde partie me hype !!!
Sympa l’article, cher Xixon !
Comme tu dis c’est bien dommage cette propension a l’agressivité car il y a souvent eu de bons joueurs dans cette équipe. C’était une grosse nation foot dans les années 80.
Mais avec un régime pareil, tu n’iras jamais très loin. Vraiment vraiment triste. Comme celui qui jouait à Al-Duhail et qui a été obligé de rentrer en Corée après les sanctions de l’ONU…
Merci Xixon! J’aime bien la carrière de Rui Ramos. Et il a une sacré dégaine. Il est toujours actif dans le foot japonais?
*sacrée…
En te lisant sur les Jeux Asiatiques, je me dis qu’il y matière à faire un truc sur le foot et les Jeux Méditerranéens. L’edition 75 avec la victoire de l’Algérie face à la France. Celle de la Yougoslavie en 79…
Perso, me souviens uniquement de l’édition 93 dans le Languedoc. Zidane y participait mais c’était la Turquie de Sukur qui avait gagné.
« Géant économique mais nain diplomatique », disait les chinois à propos du Japon.
Seul pays d’Asie à ne pas avoir été formellement colonisé (avec le Siam/Thaïlande), leur modernisation à marche forcée les a mené à convoité les richesses de ses voisins. Le régime impérial disait de la Corée que c’était un pays arriéré, peuplé d’individus oisifs.
Quand à la Corée, il est probable que la réunification ne voit jamais le jour, à moins que la dynastie Kim ne s’effondre.